Cours d’agriculture (Rozier)/PINSONNÉE

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PINSONNÉE, (Chasse aux oiseaux.) Les oiseleurs appellent pinsonnées quelques méthodes plus ou moins variées de découvrir et tuer, à l’aide de la lumière, les oiseaux endormis dans les haies, bois et buissons, pendant les froides et obscures nuits d’hiver.

La plus simple de ces méthodes, mais qui suppose beaucoup d’adresse, est de s’armer d’une espèce de battoir, dont le manche est longue trois ou quatre pieds, et dont le gros bout est en forme de palette large de quatre doigts environ. Avec cet outil sous le bras, du feu et des chandelles, on se rend au bois, et, tenant la chandelle allumée entre les deux doigts du milieu de sa main gauche, recouvrant la lumière de la paume de sa main droite, on forme une sorte de réverbère dont on dirige la lumière en haut sous les branches d’arbres. Lorsqu’on y apperçoit à sa portée un oiseau endormi, on saisit prestement sa batte ou battoir, et on l’assomme d’un coup vivement lancé. Outre que cette méthode demande de l’adresse, elle a l’inconvénient de meurtrir singulièrement les oiseaux. L’auteur des Ruses innocentes conseille de substituer à cette assommante palette, un bâton percé à son bout d’un trou d’un pouce environ de profondeur : on enfonce dans ce trou un brin de gluau dont, dans ce cas, on a pris avec soi une certaine quantité. Lorsqu’à l’aide de sa lumière on découvre un oiseau endormi, on lui approche doucement le gluau sous le ventre, et l’oiseau se sentant toucher, se réveille, étend les ailes pour partir, et ne manque guères, dit l’auteur cité, de s’engluer.

On se sert, avec plus de succès encore, de l’arbret portatif dont j’ai déjà parlé à l’article Arbret : c’est une branche, ordinairement d’ormeau, dont les petits bouts effeuillés et conservés de manière à bien former au bout de la branche une sorte d’éventail, sont enduits d’une quantité suffisante de glu au moment de la chasse. Avec cet arbret, quelques personnes se rendent, la nuit, autour des haies et bouquets de bois. L’un des chasseurs est armé d’une torche de paille, ou mieux de filasse poissée : on allume cette torche sur les lieux ; un homme bat les buissons et broussailles ; les oiseaux, par un premier mouvement, fuient vers la lumière près de laquelle se tient l’oiseleur qui, d’un tour de main, en enveloppe plusieurs dans la partie rameuse et engluée de son arbret.

Ces chasses deviennent bien plus destructives si l’on y porte les filets contre-mailles, que j’ai décrits sous le nom d’araignée et rafle, à l’article Grive. Ces filets, gouvernés avec les précautions que j’ai indiquées en cet endroit, ramassent d’un seul coup plusieurs douzaines d’oisillons de toutes sortes ; et il n’est pas nécessaire de s’arrêter pour les premiers qui s’y prennent ; ils sont tellement embarrassés dans la toile, qu’on a le temps de battre plusieurs buissons avant qu’aucun des captifs puissent venir à bout de se dégager. Les nuits calmes, sombres et froides sont les meilleures pour ces chasses. S’il souffle un peu de vent, ce n’est pas une raison pour abandonner la partie, il suffit seulement de se diriger, en se souvenant que les oiseaux dorment, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, la tête dans le vent. (S.)