Cours d’agriculture (Rozier)/ALVÉOLE

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Hôtel Serpente (Tome premierp. 425-438).
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ALVÉOLE. Ce mot, pris botaniquement, désigne une petite cellule membraneuse & à quatre côtés, que l’on rencontre dans le réceptacle des fleurs de certaines plantes, comme dans l’onopordon. On donne encore quelquefois ce nom aux petites cellules qui renferment les semences dans le péricarpe. (Voyez Péricarpe & Réceptacle.)

Lorsqu’on parle des petites cellules des abeilles, on les nomme alvéoles. M. M.


ALVÉOLE.

PLAN du travail sur les Alvéoles.
PAR M. D. L. L. D. L. D. M.
Sect. I. Combien de sortes d’Alvéoles ou Cellules.
Sect. II. Description des Alvéoles ou Cellules royales.
Sect. III. Description des Cellules des Faux-Bourdons, des Abeilles ouvrières, & de leur figure géométrique.
Sect. IV. Motifs de la figure exagone que suivent les Abeilles ouvrières dans la construction des Alvéoles.
Sect. V. Talens des Abeilles dans la construction de leurs édifices. Quelle matière emploient-elles ? & quels sont les instrumens dont elles se servent ?
Sect. VI. Position des Alvéoles & des Gâteaux dans une Ruche.
Sect. VII. Usage & destination des Alvéoles.
Sect. VIII. Du nombre d’Alvéoles que peut contenir une Ruche.


Section première.

Combien de sortes d’Alvéoles ou Cellules.


Les gâteaux ou rayons que les abeilles construisent dans leurs ruches, sont un assemblage de trois sortes différentes d’alvéoles ou cellules. (Voyez Fig. 6, Pl. 1, pag. 15.) Les premières, qui sont en très-petit nombre, sont celles où la mère abeille dépose les œufs, d’où doivent naître les femelles ou les reines. Les secondes, d’une capacité inférieure aux premières, & d’une figure absolument différente, sont destinées à élever les faux-bourdons, ou les mâles de l’espèce. Les troisièmes, plus petites, & de la même figure que les secondes, sont les berceaux où naissent les abeilles ouvrières, & où elles sont élevées.


Section II.

Description des Alvéoles ou Cellules royales.


Les cellules royales n’ont aucune ressemblance pour la figure, ni pour la grandeur, avec celles des ouvrières & des faux-bourdons : les abeilles, qui dans la construction de celles-ci, montrent tant d’intelligence dans la figure géométrique qu’elles leur donnent, qui ménagent avec une si grande économie la cire & le terrain, abandonnent leur plan géométrique, leur économie, la beauté & l’élégance de leur architecture, lorsqu’il s’agit d’élever le palais dans lequel une reine doit naître & être soignée. L’intention des abeilles est, sans doute, de loger leur reine d’une manière distinguée ; la cellule qu’elle lui dessinent, qui paroît une masse informe & sans goût, est probablement pour elles un palais magnifique, & d’une élégance bien supérieure aux cellules ordinaires. (Fig. 6. Pl. 1. a, a, a, pag. 15.)

Les abeilles placent quelquefois ces cellules royales sur le milieu d’un gâteau, sans craindre de leur sacrifier un nombre assez considérable de cellules communes pour leur servir de base ou de support : d’autres sont attachées le long des côtés d’un gâteau qui ne touche point les parois de la ruche : assez communément elles choisissent les bords inférieurs d’un gâteau, où elles les attachent en forme de gland. Leur position n’est point la même que celle des cellules ordinaires. M. de Réaumur a observé qu’il est assez constant que leur axe soit dans un plan vertical ; ensorte que leur longueur se trouve être presque perpendiculaire à celles des cellules des ouvrières & des faux-bourdons. Swammerdam, qui a si bien décrit leur forme intérieure & extérieure, leur emplacement sur les gâteaux, ne dit rien de leur position relativement à celle des autres ; il se contente de la déterminer par les dessins qu’il en a donnés : ils peuvent induire en erreur, parce qu’on y voit que l’axe de la cellule royale a un plan vertical comme les autres ; tandis que M. de Réaumur a observé qu’il étoit presque perpendiculaire à celui des cellules communes.

Une cellule royale ressemble, quand elle n’est que commencée, au calice d’un gland de chêne, dont le pédicule disparoît à mesure que les abeilles finissent de la construire : sa surface intérieure est très-unie ; l’extérieure est raboteuse & inégale lorsqu’elle est terminée ; elle est alors d’une figure oblongue, qui ressemble assez bien à une poire peu grosse dans son milieu, dont l’intérieur seroit creusé. Les abeilles n’épargnent rien de ce qui peut contribuer à rendre ces cellules des édifices très-solides : la cire qu’elles emploient avec une si grande économie, quand elles bâtissent leurs propres cellules, est prodiguée pour celles-ci. M. de Réaumur, étonné de leur grandeur prodigieuse, voulut s’assurer quel étoit le poids de ces cellules royales relativement aux communes. Pour cet effet, il en pesa une qui n’avoit point encore toute sa longueur, & qui n’étoit pas des plus grandes ; il trouva qu’il falloit environ cent cellules communes pour égaler le poids d’une cellule royale ; il en conclut qu’il pourroit s’en trouver de telles qui en pèseroient cent cinquante. Leur longueur intérieure, ou leur axe, est de quinze à seize lignes ; leur capacité intérieure est, par conséquent, beaucoup plus grande que celle des cellules ordinaires ; leur plus grand diamètre est en même proportion.


Section III.

Description des Cellules des Faux-Bourdons, des Abeilles ouvrières, & de leur figure géométrique.


Les alvéoles ou cellules des faux-bourdons & des abeilles ouvrières, ne diffèrent que par la grandeur ; leur figure, leur forme intérieure & extérieure sont absolument les mêmes : dans leurs constructions, les ouvrières observent les mêmes règles & les mêmes proportions. Ces cellules sont un tuyau exagone, dont un bout est ouvert, & l’autre fermé par un fond pyramidal. (Voy. Fig. 10, Pl. 1, page 15.) Ce fond pyramidal est composé de trois lames ou pièces quadrilatères, fig. 7. Chaque quadrilatère a ses deux angles opposés égaux ; deux sont obtus & deux aigus. M. Maraldi, qui a parfaitement saisi la figure des alvéoles, & la manière dont toutes les pièces sont unies ensemble, prétend que chacune de ces lames quadrilatères, dont le fond pyramidal est composé, est un rhombe dont les deux grands angles ont chacun 110 degrés environ : les deux petits, par conséquent, 70 chacun. Swammerdam & M. de Réaumur, ont observé bien des variétés dans les figures de ces lames, qui composent la base pyramidale des alvéoles. Il y en a qui leur ont paru s’approcher du quarré parfait ; d’autres s’en éloigner infiniment. Ces sortes d’imperfections que commettent les abeilles dans leurs ouvrages, sont rares, à la vérité : quand il leur arrive de faire des fautes, elles les réparent, ou y remédient de façon qu’elles sont très-peu sensibles, qu’elles ne nuisent point à la solidité, ni à l’élégance, ni à la régularité de leurs ouvrages. Ces défauts dans l’architecture des édifices des abeilles étant fort rares, on peut donc assurer que la forme constante de ces lames quadrilatères qui servent de fond aux alvéoles, est un rhombe tel que celui dont M. Maraldi a déterminé les angles.

Ces trois rhombes joints ensemble, de façon qu’un de leurs plus grands angles se trouve au sommet de la base pyramidale, forment, par leur réunion, la base sur laquelle repose le tuyau exagone de l’alvéole. Le fond d’un alvéole est donc une cavité pyramidale formée par trois rhombes égaux, dont chacun a fourni un de ses angles obtus, & les deux côtés qui se forment. Il ne faut pas se représenter la circonférence de cette base pyramidale, telle que celle d’une vraie pyramide qui n’a que trois aires, & dont la base, par conséquent, n’a que trois côtés, parce qu’alors la base de cette pyramide n’est composée que de trois triangles. Le fond pyramidal d’un alvéole est composé, au contraire, de trois rhombes ; il doit donc avoir six côtés, dont chaque rhombe en fournit deux ; & six angles, dont trois saillans & trois rentrans. Chaque rhombe qui fournit seul un angle saillant, fournit aussi un des côtés qui forment les angles rentrans de la base pyramidale. Les angles saillans de la base de ce fond pyramidal, sont donc ceux qui sont opposés aux angles du sommet de la pyramide, & les angles rentrans ceux qui sont formés par les six côtés des rhombes qui ne se touchent pas, tandis que les six autres qui se touchent & sont unis ensemble, forment l’angle solide de la cavité pyramidale. Ces six côtés, qui forment par leur jonction les trois angles rentrans, sont la base sur laquelle reposent les six lames de cire, qui, par leur réunion, forment le tuyau exagone ou le corps de la cellule.

Les six lames dont le tuyau exagone est composé, sont six trapèzes. (Fig. 8, Pl. 1, page 15.) Swammerdam assure qu’ils sont constamment égaux. M. de Réaumur, au contraire, a observé qu’il y en a toujours deux plus petits que les autres. Chaque trapèze a deux grands côtés parallèles (a, a, a, a,) qui sont inégaux, & deux petits qui ne sont ni égaux ni parallèles, (b, b.) Le plus petit de ces côtés joint les deux grands en tombant sur eux perpendiculairement ; il forme par conséquent avec eux deux angles droits : l’autre petit côté qui lui est opposé, qui doit reposer sur le fond pyramidal, s’unit aux deux grands en prenant une direction oblique, & fait avec eux deux angles inégaux.

Ces six trapèzes réunis, de manière que tous les plus petits côtés qui se joignent aux grands par une direction perpendiculaire, se trouvent ensemble à l’entrée de l’alvéole, forment le tuyau exagone ou le corps de la cellule ; étant unis par leurs plus grands côtés, ils doivent former un tuyau dont un des bouts aura trois angles saillans, trois rentrans, & par conséquent six côtés. Les angles saillans seront formés par la réunion des deux plus grands côtés de deux trapèzes, & les rentrans par les deux autres côtés qui leur sont parallèles. Le tuyau exagone aura donc autant d’angles & de côtés, de même valeur, à un de ses bouts, que la base pyramidale. C’est par cette extrémité, qui a trois angles rentrans & trois saillans, que le tuyau exagone est joint à sa base, qui a le même nombre d’angles, de même nature & de même valeur. Pour que le tuyau s’unisse à sa base, afin de former avec elle l’alvéole, il est nécessaire que les angles saillans du tuyau s’engrènent dans les angles rentrans de la base, dont les angles saillans doivent aussi être reçus dans les angles rentrans du tuyau : c’est ce qui a lieu ; autrement ces deux corps ne pourroient point se réunir pour former l’alvéole. Voici de quelle manière on peut concevoir cet assemblage.

Deux trapèzes joints ensemble par leurs plus grands côtés, forment une arête qui est terminée par un angle saillant, formé par les deux petits côtés des deux trapèzes, dont la direction est oblique. Chacun de ces deux trapèzes va se reposer par son petit côté oblique, sur un des côtés vides d’un des rhombes qui fait partie de la base pyramidale ; de sorte que l’angle saillant que forment ces deux trapèzes réunis par leurs plus grands côtés, se trouve reçu dans l’angle rentrant qui est formé par deux rhombes de la base, dont chacun fournit un côté. Chaque angle rentrant de la base reçoit donc l’angle saillant que forment deux trapèzes lorsqu’ils sont unis par leurs plus grands côtés.

Quoiqu’on se soit servi des termes de rhombes, de trapèzes, de lames, &c. pour expliquer de quelle manière les alvéoles sont construits, ce n’est pas à dire qu’ils soient composés de pièces rapportées comme le seroit une boîte en bois de même figure ; ils sont construits avec une matière continue, telle que de la pâte ou de la colle : cela est si vrai, qu’il est impossible de désassembler toutes les pièces dont un alvéole paroît construit sans les briser ou les couper.

Les alvéoles des faux-bourdons ne diffèrent de ceux des abeilles ouvrières que par leur grandeur : étant plus gros que les ouvrières, il leur falloit par conséquent des cellules d’une plus grande capacité. M. de Réaumur, qui a toujours mis toute la précision & toute l’exactitude qu’on peut desirer, dans ses expériences & ses observations, a trouvé que le diamètre d’une cellule d’ouvrière étoit constamment de deux lignes & deux cinquièmes ; leur longueur, quoique moins constante que le diamètre, de cinq lignes & demie. Le diamètre des cellules des faux-bourdons, à peu près de trois lignes un tiers ; leur longueur de huit lignes, & quelquefois plus : on en trouve de moins profondes, ce qui est assez rare. Swammerdam avoit donné les mêmes mesures.


Section IV.

Motif de la Figure exagone que suivent les Abeilles dans la construction des Alvéoles.


Quand on considère dans ces gâteaux construits par les abeilles, la symétrie, la régularité qui règnent dans l’arrangement des cellules dont ils sont composés, la délicatesse, la solidité qui résultent de la forme exagone qu’elles leur donnent, on seroit tenté de croire que c’est l’ouvrage d’un artiste intelligent & adroit, plutôt que celui d’une mouche ; que la géométrie la plus sublime, après en avoir donné le plan, a présidé à l’exécution. Les abeilles seules sont cependant tout à la fois les géomètres, les architectes qui dessinent & bâtissent ces édifices admirables, sans d’autre secours que leur industrie naturelle, avec la seule cire qu’elles ramassent dans le calice des fleurs, qu’elles préparent elles-mêmes, & qu’elles emploient avec la plus grande économie dans un espace très-limité, où il faut bâtir vingt-cinq ou trente mille cellules, quelquefois plus, & n’y employer que très-peu de matière, parce qu’elle donne beaucoup de peine à recueillir, à préparer, & que souvent elle peut être très-rare : dans de pareilles circonstances il faut bien user d’une grande économie, sans cependant qu’elle porte préjudice à la beauté & à la solidité des édifices.

Pour ménager le terrain qui est si borné, la matière, dont la récolte & la préparation sont si pénibles, les abeilles ne pouvoient pas imaginer un plan d’édifice plus convenable à leur économie, que les gâteaux composés de deux rangs d’alvéoles d’une figure exagone, adossés les uns aux autres par leur base. Un gâteau avec un seul rang de cellules, auroit exigé un fond comme celui qui en a deux : voilà donc une profusion de matière qui est épargnée dans celui qui a deux rangs, parce que le même fond sert aux cellules qui sont adossées par leurs bases. Deux gâteaux à un seul rang de cellules, tels que ceux que construisent les guêpes, occuperoient un plus grand espace de terrain qu’un seul gâteau à deux rangs. Dans la construction de leurs habitations, les abeilles ont donc bien ménagé le terrain & la matière.

La forme exagone que les abeilles donnent à leurs cellules, répond parfaitement à leurs vues d’économie, & leur est en même tems la plus avantageuse. Il semble d’abord que la figure sphérique auroit été plus commode, parce que c’est celle qui approche le plus de la figure de leur corps ; mais à quelle dépense de cire ne les eût-elle pas obligées ? On conçoit que des tuyaux ronds arrangés les uns sur les autres, laissent des vides très-grands qu’elles auroient été obligées de remplir. Les côtés d’une cellule n’auroient donc point servi à former ceux d’une autre. Cette forme de construction ne convenoit par conséquent en aucune manière aux édifices des abeilles, parce que leur économie ne s’en seroit point accommodée. La figure triangulaire ou quarrée, quoique moins dispendieuse, ne répondoit point encore à l’intention qu’elles avoient d’économiser le plus qu’il leur étoit possible. Dans des cellules triangulaires ou quarrées, le corps de l’abeille n’en auroit pas pu remplir toute la capacité : une partie du terrain auroit donc été perdue, puisque dans un espace donné, elles n’auroient pas pu en bâtir autant que de celles dont la figure est exagone. Le plan que suivent les abeilles dans la construction de leurs édifices, est par conséquent celui qui réunit le plus d’avantages, & qui remplit mieux leur objet d’économie. En effet, le contour d’un alvéole est une cloison commune qui sert à ceux qui lui sont adhérens & qui n’en ont pas d’autre. Les cellules construites sur ce plan se touchent exactement de tous côtés ; le terrain est par conséquent bien ménagé, puisqu’il ne reste aucun vide.

Il est démontré que, de toutes les figures qui peuvent se toucher par tous leurs côtés, l’exagone est celle qui, dans une capacité donnée, fournit la plus grande aire : elle donne par conséquent aux cellules des abeilles la plus grande capacité qu’elles puissent avoir dans un espace donné.

On pourroit croire qu’un fond plat qui serviroit de base au tuyau exagone, dépenseroit moins de cire qu’un fond pyramidal composé de trois rhombes. Mais outre qu’un fond plat ne conviendroit point aux abeilles, parce qu’il est nécessaire que l’œuf que la reine y place puisse rester fixé à l’angle du fond de la cellule, il est très-certain que cette cavité pyramidale qui en fait la base dépense moins de cire qu’un fond plat. M. Kœnig a démontré dans un de ses savans mémoires qu’il lut à l’académie des sciences en 1739, que les abeilles, en préférant les fonds pyramidaux aux fonds plats, économisoient tellement la cire, que de deux cellules qui auroient le même axe, dont une auroit un fond pyramidal, & l’autre un fond plat, celle qui seroit à fond pyramidal auroit la quantité de cire qui est employée à faire un fond plat de moins.

Les abeilles seroient de mauvaises économes, si les ouvrages qu’elles font avec si peu de dépenses n’avoient pas une solidité convenable : elles s’exposeroient à les recommencer ou à les réparer souvent, & perdroient beaucoup de tems à ces sortes de réparations, dans une saison où il est précieux pour leurs récoltes. Quoique les murs de leurs édifices soient d’une délicatesse extrême, d’une finesse qu’on peut à peine comparer au papier le plus mince, ils sont malgré cela très-solides. Cette qualité qui est essentielle, résulte du plan qu’elles ont adopté dans la construction de leurs édifices. Tous les alvéoles dont un gâteau est composé, étant adossés les uns aux autres, ne font qu’un corps : le tuyau, par conséquent, de chaque alvéole, est appuyé par ses six côtés contre six autres alvéoles, à chacun desquels il sert de cloison pour un sixième. La base est appuyée de même contre trois autres, & elle contribue d’un tiers au fond pyramidal de trois alvéoles : il est aisé de s’en convaincre en perçant avec trois épingles les trois rhombes d’une alvéole : qu’on retourne ensuite le gâteau, on verra la pointe des épingles dans trois cellules. (Voyez Fig. 9, Planche 1, page 15.) Elles se soutiennent donc mutuellement par leurs côtés & par leurs angles : celui du fond de la pyramide d’une cellule, repose sur celui que forment les deux trapèzes réunis d’une cellule de l’autre côté du gâteau. De même les angles que forment les six trapèzes réunis d’un tuyau exagone, qui sont concaves en dedans, & convexes en dehors, soutiennent, par leur convexité, les trapèzes qui sont employés à former d’autres cellules en dessus, en dessous, & latéralement : ces trapèzes, appuyés sur les angles qui leur servent d’arc-boutant, tiennent par conséquent contre la force qui tendroit à les séparer. Tous ces angles sont donc fortifiés & soutenus les uns par les autres.

Dans la construction de leurs édifices, il semble que les abeilles aient eu ce problème à résoudre, « de bâtir le plus solidement qu’il soit possible, dans le moindre espace possible, & avec la plus grande économie possible. » Quelques auteurs un peu trop prévenus contre les talens géométriques des abeilles, ont prétendu rendre raison de leur travail, en le comparant à ce qui arrive lorsqu’on place des boules de cire sur une table qui a des rebords : étant pressées, elles cherchent à occuper le plus d’espace possible dans un endroit limité ; elles prennent par conséquent une figure exagone : les cellules des abeilles étant de même contiguës dans un endroit limité, elles doivent aussi prendre cette figure. L’éloquent & savant auteur de L’Histoire Naturelle, dans son discours sur la nature des animaux, trop prévenu contre l’esprit géométrique qu’ont accordé aux abeilles les philosophes qui les ont observées dans la construction de leurs ouvrages, a voulu rendre raison de la figure exagone qu’elles donnent à leurs cellules, par une comparaison qui ne répond point à toutes les conditions du problême. Voici comment il s’explique. « Qu’on remplisse un vaisseau de pois, ou plutôt de quelqu’autre graine cylindrique, & qu’on le ferme exactement après y avoir versé autant d’eau que les intervalles qui restent entre ces graines en peuvent contenir ; qu’on fasse bouillir cette eau, tous ces cylindres deviendront des colonnes à six pans : on en voit clairement la raison, qui est purement mécanique. Chaque graine, dont la figure est cylindrique, tend par son renflement, à occuper le plus d’espace possible dans un espace donné ; elles deviennent donc toutes nécessairement exagones par la compression réciproque. Chaque abeille cherche à occuper de même le plus d’espace possible dans un espace donné ; il est donc nécessaire aussi, puisque le corps de l’abeille est cylindrique, que leurs cellules soient exagones, par la même raison des obstacles réciproques. »

Qu’il me soit permis de répondre à l’éloquent auteur de l’Histoire Naturelle, que cette comparaison du mécanisme des abeilles dans la construction des alvéoles, de même que cette autre qu’il apporte des dix mille automates qui seroient renfermés dans un même endroit, &c. n’offrent point la solution du problême, ni la raison de la figure exagone que les abeilles donnent à leurs édifices. Que deviennent ces comparaisons, lorsqu’on reconnoît que les six pans de cellules ne sont pas égaux ; qu’il y en a deux qui sont constamment plus petits que les autres, ainsi que l’a démontré M. de Réaumur dans son huitième Mémoire sur les abeilles, pag. 398. Les mêmes ouvrières construisent les cellules des faux-bourdons, qui sont plus grandes que les leurs, & qu’on trouve placées indifféremment sur les gâteaux. Leurs dimensions varient dans un rapport déterminé, à la taille des vers qui doivent y croître : c’est encore ce que M. de Réaumur a prouvé en déterminant, d’après les mesures qu’il a prises, le diamètre & l’axe de ces différentes cellules, qui varient selon la taille du ver qui l’occupe. Swammerdam avoit aussi observé cette variété dans le diamètre & l’axe des cellules des faux-bourdons & des ouvrières ; il en avoit donné les mêmes mesures que M. de Réaumur a trouvées ensuite. Après cela, comment est-il possible de dire avec M. de Buffon, « que chaque abeille cherchant, comme les pois, à occuper le plus d’espace possible, dans un espace donné, il est nécessaire aussi, puisque le corps de l’abeille est cylindrique, que leurs cellules soient exagones, par la même raison des obstacles réciproques ? »

Le fond de chaque cellule est une cavité pyramidale composée de trois rhombes assez constamment égaux & semblables, comme l’a observé Swammerdam, & M. Maraldi, qui a donné la mesure de leurs angles. M. de Réaumur a remarqué que les abeilles oublioient quelquefois leurs proportions ; qu’il y avoit de ces rhombes qui approchoient beaucoup du quarré parfait, tandis que d’autres s’en éloignoient infiniment ; ce qui ne devroit jamais arriver, si la comparaison que veut établir M. de Buffon étoit exactement vraie. Les abeilles, comme l’ont observé ces savans naturalistes, commencent toujours par établir la base pyramidale qui sont les trois rhombes réunis ; elles élèvent ensuite peu à peu les trapèzes du tuyau exagone : souvent l’ouvrage est interrompu & repris : une seule abeille ne bâtit pas une cellule, plusieurs y travaillent. Elle est ébauchée par les unes, dégrossie par d’autres, qui laissent le soin à de plus habiles, peut-être, de la finir, & de lui donner le degré de poli qu’elle doit avoir. Un alvéole est donc l’ouvrage de plusieurs abeilles qui se succèdent, se remplacent dans la construction de cet édifice.

Que deviennent enfin toutes les comparaisons mécaniques qu’on se plaît à établir pour rendre raison des ouvrages des abeilles, quand on considère les cellules qui servent de berceau aux reines ! Ces sortes de cellules n’ont aucun rapport aux autres pour la grandeur, puisque leur axe, leur grand diamètre sont au moins le double de ceux des cellules des faux-bourdons, qui sont encore plus grandes que celles des ouvrières. La figure des cellules des faux-bourdons & des ouvrières est exagone, leur base est pyramidale : celles des reines sont oblongues, plus grosses dans le milieu qu’aux extrémités ; leur diamètre n’est point par conséquent uniforme ; elles sont isolés ; il est assez rare d’en voir deux à côté l’une de l’autre : leur extérieur est raboteux & grossier ; cependant les mêmes ouvrières construisent les unes & les autres. Tout cela ne démontre-t-il pas, ainsi que l’observe judicieusement M. Bonnet dans ses Considérations sur les Corps organisés, tom. III, pag. 294, que la construction des cellules des abeilles n’est point le simple résultat d’une mécanique aussi grossière que l’a pensé M. de Buffon ?


Section V.

Talens des Abeilles dans la construction de leurs édifices. Quelle matière emploient-elles, & quels sont les instrumens dont elles se servent ?


C’est toujours au sommet intérieur de la ruche que les abeilles jettent les fondemens de ces édifices admirables par leur régularité, leur figure, leur extrême délicatesse, & leur solidité. Une forte attache appliquée en forme de main au haut de la ruche, règne le long des deux côtés du gâteau, afin que son poids, quand il sera prolongé, ne l’entraîne point sur le support de la ruche. Leur ardeur pour le travail seroit peu satisfaite d’un premier édifice ; peu d’entr’elles seroient occupées, tandis que le plus grand nombre demeureroit dans l’inaction : c’est pour seconder cette ardeur, qu’on les voit bientôt jeter les fondemens d’un second & d’un troisième gâteau, lorsque le premier est à peine ébauché ; ayant plusieurs ouvrages à conduire en même tems, un plus grand nombre peut y travailler : c’est alors qu’on juge de leur activité, par l’ardeur avec laquelle toutes se portent à l’ouvrage. Quand elles sont fortement occupées, que la reine presse les travaux, à cause de la ponte qu’elle doit faire incessamment, on croiroit que tout est dans le trouble & la confusion parmi les ouvrières. Les unes prolongent les pans d’un alvéole, ou commencent à les attacher à leur base ; d’autres viennent profiter d’un moment où l’ouvrage encore tout frais est susceptible de recevoir le premier poli, tandis que d’autres sur le côté opposé du même gâteau, profitent des bases déjà construites pour y appuyer le corps d’une autre cellule.

Qu’on ne se flatte pas de pouvoir considérer les abeilles à son aise, dans ces instants où elles sont fort occupées ! Ce n’est que quand l’ouvrage est bien avancé qu’on peut, avec de la patience, observer dans des ruches vitrées comment elles conduisent leurs travaux : le plus grand nombre se trouve alors à la provision ; il n’en reste que très-peu pour donner la dernière main à l’ouvrage, & ce peu permet d’observer avec quel art ces insectes bâtissent leurs cellules. Swammerdam, après tant de découvertes sur l’histoire naturelle des abeilles, avoue ingénument qu’il ignore comment elles parviennent à élever leurs édifices ; il dit seulement qu’il est persuadé que leurs dents sont le principal instrument dont elles se servent.

La cire que les abeilles font sortir de leur second estomac, est la matière qu’elles emploient dans la construction de leurs édifices ; leur langue & leurs dents, sont les instrumens qui mettent en usage cette matière, que l’estomac, après l’avoir préparée, renvoie à la bouche : toute autre cire, même celle de leurs gâteaux, ne pourroit point servir : qu’on leur en donne de la vieille, elles n’y toucheront pas : si on leur offre des rayons d’une autre ruche, elles les briseront avec les dents pour sucer le miel qui s’y trouve, & laisseront les fragmens sans les employer.

Pour concevoir la manière dont les abeilles bâtissent leurs cellules, il faut se rappeler ce qui a été dit de leur figure exagone ; que la base d’une cellule étoit composée de trois rhombes réunis qui formoient une base pyramidale à six côtés. C’est par un des rhombes que les abeilles commencent l’édifice ; lorsqu’il est placé, elles attachent sur deux de ses côtés qui forment un angle saillant de la cavité pyramidale, deux pans ou trapèzes du tuyau exagone qu’elles ne prolongent que très-peu, afin qu’il soit plus en état de les porter quand elles travaillent, sans le briser ; ce qui arriveroit s’il étoit plus long. Elles placent ensuite le second rhombe, en lui donnant, sur le premier, l’inclinaison qu’il doit avoir pour que la base pyramidale puisse être fermée par le troisième, en lui donnant les mêmes proportions qu’aux deux autres : elles attachent encore sur les deux côtés de ce rhombe qui forment l’angle saillant de la base pyramidale, deux autres pans du tuyau exagone ; enfin, elles ajoutent le troisième rhombe pour fermer la cavité pyramidale, & sur ses deux côtés elles attachent les deux derniers pans du tuyau exagone ; par ce moyen la cellule est fermée.

Lorsque l’abeille veut bâtir une pièce de la base ou du corps de la cellule, il sort de sa bouche une liqueur mousseuse, ou une espèce de gelée assez compacte qui est poussée par la langue hors de la bouche. Pour faciliter la sortie de cette liqueur, la langue qui est obligée de prendre diverses formes, est dardée en avant & retirée dedans la bouche avec une vîtesse extrême ; tant qu’elle pousse la liqueur en dehors, sa figure ne cesse de varier ; elle paroît d’abord pointue comme la langue d’un serpent ; on la voit ensuite large & aplatie ; & dans de certaines circonstances, un peu concave. Lorsque la liqueur mousseuse, qui prend tout de suite une consistance un peu solide, a été appliquée par la langue, les dents alors agissent pour la comprimer, en la battant entr’elles avec une précipitation étonnante. Après qu’une abeille a employé la matière qu’elle avoit préparée, elle se retire pour céder sa place à une autre qui arrive avec des matériaux tout prêts.

Les abeilles ne s’occupent pas d’abord à polir leurs ouvrages, ni à leur donner cette délicatesse qu’ils auront par la suite : avec toute leur adresse, elles n’y réussiroient pas ; leur propre poids renverseroit un ouvrage frais qui seroit trop mince pour les soutenir. Ce n’est qu’avec beaucoup de peine, de tems & de travail, qu’elles les perfectionnent : après avoir été ébauchés solidement, elles les reprennent pour les polir peu à peu ; on en voit alors entrer la tête la première dans les cellules ébauchées, pour gratter, ratisser les parois & le fond avec leurs dents ; elles sortent ensuite avec une petite boule de cire de la grosseur d’une tête d’épingle, qu’elles portent ailleurs. À peine en est-il sorti une, qu’une autre la remplace pour polir, ratisser à son tour, & emporter au bout de la pince que forment les dents réunies, une petite boule de cire. Dans ce travail, leurs dents continuellement en action, imitent assez bien le jeu d’une pince en ratissoire dont le mouvement seroit extrêmement précipité ; elles agissent donc l’une contre l’autre, en ratissant avec vîtesse les murs des édifices qu’elles veulent polir ; par ce jeu précipité, elles détachent de petits fragmens de cire dont elles forment la boule qu’elles emportent ; si c’est une pièce brute qu’elles entreprennent de dégrossir, la boule de cire est bientôt faite ; mais quand elles donnent le dernier poli, elles sont plus long-tems à la faire. M. de Réaumur, qui n’a pu observer quelle étoit la destination de ces boules de cire, pense qu’elles sont employées à ébaucher d’autres cellules ; cette opinion est d’autant plus vraisemblable, que cette cire, encore toute molle & pétrie avec leurs dents, a assez de ductilité pour être employée ; peut-être aussi qu’étant mêlée avec celle qui sort de leur bouche, elle a toutes les qualités convenables pour être mise en usage. Quoi qu’il en soit, il est très-certain qu’on ne trouve aucun de ces fragmens dans la ruche, & que les abeilles fort occupées ne sortent point pour les emporter.

On peut s’assurer de l’ordre & de la disposition du travail des abeilles, sans prendre la peine de les observer. Qu’on détache un gâteau qu’aura fait un essaim placé depuis peu dans une ruche, on remarquera un nombre considérable de cellules ébauchées, dont les unes n’auront encore que la base, d’autres un pan ou deux du tuyau exagone un peu prolongés ; d’autres enfin, dont tous les pans seront attachés à leur base, & n’auront qu’une ligne & demie ou deux de longueur. Le gâteau qui paroîtra un ouvrage raboteux & imparfait, ne peut être mieux comparé qu’à un édifice auquel on a laissé des pierres d’attente, pour le continuer quand on voudra.


Section VI.

Position des Alvéoles & des Gâteaux dans une Ruche.


Les alvéoles que construisent les abeilles sont des cellules contiguës qui forment, par leur assemblage, ces édifices connus sous le nom de gâteaux ou rayons (fig. 6, pl. 1, p. 15) attachés au sommet intérieur de la ruche, par le moyen de la cire que les abeilles appliquent & étendent ; ils descendent assez perpendiculairement sur la table de la ruche : quelquefois il arrive que leur direction s’étant, au commencement, un peu écartée de la perpendiculaire, elle devient oblique. Ils sont toujours parallèles entr’eux, quelquefois avec le grand côté de la ruche, s’ils sont inégaux ; le plus souvent, avec le côté du devant, lors même qu’il est un des plus petits. Entre les superficies des deux gâteaux parallèles, les abeilles ont soin de laisser un intervalle assez considérable pour qu’elles puissent marcher librement sur chaque surface sans se toucher ; elles ménagent aussi plusieurs ouvertures sur le grand côté de tous les gâteaux, afin d’avoir moins de chemin à faire, lorsqu’il est nécessaire d’aller de l’un à l’autre. L’ouverture des cellules est toujours placée sur la grande superficie de chaque côté du gâteau, de manière que les axes des deux cellules adossées par leur base, le traversent entiérement. Le gâteau est par conséquent perpendiculaire à l’axe des cellules, qui est lui-même horizontal.


Section VII.

Usage & destination des Alvéoles.


Quand on observe à la hâte ce qui se passe dans une ruche, en voyant entrer les abeilles la tête la première dans les alvéoles, on pourroit croire qu’ils sont autant de cellules qu’elles ont bâties pour leur servir de retraite. Ces cellules ne sont point un lieu de repos où elles se délassent pendant la nuit des travaux pénibles de la journée ; c’est contre les parois intérieures de la ruche, quelquefois en dehors, quand la chaleur est excessive, qu’elles se reposent pour prendre de nouvelles forces ; c’est là qu’attachées les unes aux autres en forme de grappe de raisin, elles attendent que le soleil paroisse pour reprendre leurs occupations. Ces cellules sont des édifices publics où les abeilles prennent naissance, où elles sont soignées & élevées pendant leur enfance ; passé cet âge, la propriété particulière cesse & devient commune à tout l’état : elles sont alors destinées à servir de magasins où l’on met en réserve, pour les tems de disette, la provision de miel & de cire brute qu’on ramasse pendant la belle saison.

Si on observe avec attention la superficie d’un gâteau, on y remarquera des cellules ouvertes, dans lesquelles on appercevra des œufs collés au fond, dans l’angle de la base pyramidale que forment les trois rhombes réunis ; dans d’autres, on verra des vers nager, pour ainsi dire, dans une espèce de bouillie ou de gelée qui leur sert de nourriture, & que les abeilles remplacent à mesure que les vers la consomment pour leur accroissement ; d’autres seront fermées par un couvercle, ou une lame de cire très-mince. Si on enlève avec adresse ce couvercle, en se servant d’une lame de couteau, on y observera une nymphe qui est sur le point de passer de cet état à celui d’abeille. D’autres enfin, fermées par une espèce de cataracte, offriront le miel & la cire brute qu’elles contiennent, qui sont les provisions auxquelles les abeilles ont recours lorsque le tems ne leur permet pas de sortir, ou que la campagne est dépourvue de cette sorte de nourriture, qu’elles y trouvent en abondance dans la saison des fleurs.

Les cellules qui ont servi pour l’éducation des abeilles, dès qu’elles en sont sorties, changent pour l’ordinaire de destination, en devenant des magasins où ces pourvoyeuses infatigables déposent le miel & la cire brute qu’elles amassent pendant la saison propre à cette récolte. Si la campagne leur offre une grande abondance, elles leur donnent plus d’étendue & de capacité, en prolongeant le tuyau, ce qui est cause que la surface d’un gâteau n’est point égale : dans des endroits, elle paroît concave ; dans d’autres, convexe, à cause de l’inégalité de la profondeur des cellules.


Section VIII.

Du nombre d’Alvéoles que peut contenir une Ruche.


Le nombre des alvéoles ou cellules d’une ruche, est proportionné à sa population ; si elle contient beaucoup d’abeilles, c’est une preuve qu’il y a eu beaucoup de jeunesse à élever, qu’il a fallu par conséquent une quantité considérable de cellules pour loger ces insectes pendant le tems de leur éducation, & bien de magasins pour serrer les provisions nécessaires à tant d’individus. Swammerdam ouvrit une ruche le 10 du mois de Mars, où l’on avoit mis, au mois de Juin de l’année précédente, un essaim dont les abeilles moururent toutes dans le mois de Février suivant ; les alvéoles que cet essaim avoit construits, formoient neuf gâteaux qui contenoient en tout vingt-deux mille cinq cents soixante-quatorze cellules, soit à élever les abeilles, soit à serrer la cire brute. Il y en avoit sept mille huit cents quatorze qui avoient servi de logement à des vers d’abeilles, ce qu’il reconnut aux fils de soie dont les vers tapissent leurs cellules avant de se transformer en nymphes ; les autres étoient disposées de façon à servir de magasins pour y déposer le miel & la cire brute.

On peut conjecturer, par le nombre de ces cellules que les abeilles avoient bâties depuis le mois de Juin jusqu’à la fin de Septembre, combien elles en auroient encore construites depuis le mois de Mars jusqu’au mois de Juillet, & même d’Août, dans les endroits principalement où elles trouvent, pendant toute la belle saison, de la cire brute à recueillir ; ce nombre auroit pu aller jusqu’à plus de cinquante mille. M. de Réaumur, dans un gâteau de quinze pouces de long sur dix de large, assure qu’on doit y trouver environ neuf mille alvéoles sur les deux surfaces : leur diamètre étant connu & déterminé, il est fort aisé de s’assurer par soi-même de la vérité d’un fait qui paroît surprenant, quand on n’a pas observé les abeilles.