Critique de la raison pure (trad. Barni)/Tome II/Méthodologie transcendentale

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Traduction par Jules Barni.
Édition Germer-Baillière (2p. 281-282).




II


MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


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En considérant l’ensemble de toutes les connaissances de la raison pure et spéculative comme un édifice dont nous avons au moins en nous l’idée, je puis dire que, dans la théorie élémentaire transcendentale, nous en avons évalué et déterminé les matériaux, quel que soit d’ailleurs cet édifice et quelles qu’en puissent être la hauteur et la solidité. Il est vrai que, bien que nous songeassions à une tour qui devait s’élever jusqu’au ciel, nous n’avons trouvé que tout juste les matériaux suffisants pour une habitation assez spacieuse et assez haute pour convenir à nos travaux sur la plaine de l’expérience, et que cette entreprise hardie a dû échouer pour cette raison, sans parler de la confusion des langues qui devait nécessairement diviser les travailleurs sur le plan à suivre et les amener à se disperser par tout le monde pour y bâtir chacun à sa guise. A présent il s’agit moins des matériaux que du plan ; et comme, si nous sommes avertis de ne pas risquer un projet arbitraire et aveugle qui pourrait bien dépasser nos ressources, nous ne pouvons pas non plus nous dispenser de construire une habitation solide, nous avons à faire le devis d’un bâtiment en rapport avec les matériaux dont nous disposons et qui sont aussi appropriés à nos besoins.

J’entends donc par méthodologie transcendentale la détermination des conditions formelles d’un système complet de la raison pure. Nous aurons d’après cela à nous occuper d’une discipline, d’un canon, d’une architectonique, et enfin d’une histoire de la raison pure, et nous ferons à un point de vue transcendental ce que l’on tente dans les écoles sous le nom de logique pratique par rapport à l’usage de l’entendement en général, mais ce que l’on exécute fort mal, parce que la logique générale, n’étant restreinte à aucune espèce particulière de connaissances intellectuelles (par exemple aux connaissances pures), ni à aucun objet déterminé, ne peut que proposer des titres pour des méthodes possibles, et des expressions techniques qui se rapportent au côté systématique des diverses sciences, mais qui apprennent par avance à l’élève des noms dont il ne connaîtra que plus tard la signification et l’usage.


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Notes de Kant[modifier]


Notes du traducteur[modifier]