Critique du jugement (trad. Barni)/Tome I/P1/S1/L1/VI

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SECOND MOMENT DU JUGEMENT DE GOÛT, OU DU JUGEMENT DE GOÛT CONSIDÉRÉ AU POINT DE VUE DE LA QUANTITÉ.[modifier]

§. VI.


Le beau est ce qui est représenté, sans concept, comme l’objet d’une satisfaction universelle.


Cette définition du beau peut être tirée de la précédente, qui en fait l’objet d’une satisfaction, dégagée de tout intérêt. En effet celui qui a conscience de trouver en quelque chose une satisfaction désintéressée ne peut s’empêcher de juger que la même chose doit être pour chacun la source d’une semblable satisfaction. Car, comme cette satisfaction n’est point fondée sur quelque inclination du sujet (ni sur quelque intérêt réfléchi), mais que celui qui juge se sent entièrement libre relativement à la satisfaction qu’il attache à l’objet, il ne pourra trouver dans des conditions particulières la véritable raison qui la détermine en lui, et il la regardera comme fondée sur quelque chose qu’il peut aussi supposer en tout autre ; il croira donc avoir raison d’exiger de chacun une semblable satisfaction. Aussi parlera-t-il du beau comme si c’était une qualité de l’objet même, et que son jugement fût logique (c’est-à-dire constituât par des concepts une connaissance de l’objet), bien que ce jugement soit purement esthétique et qu’il n’implique qu’un rapport de la représentation de l’objet au sujet : c’est qu’en effet il ressemble à un jugement logique en ce qu’on peut lui supposer une valeur universelle. Mais cette universalité n’a pas sa source dans des concepts. Car il n’y a point de passage des concepts au sentiment du plaisir ou de la peine (excepté dans les lois pures pratiques, mais ces lois contiennent un intérêt, et il n’y a rien de semblable dans le pur jugement de goût). Le jugement de goût, dans lequel nous avons conscience d’être tout à fait désintéressés, peut donc réclamer à juste titre une valeur universelle, quoique cette universalité n’ait pas son fondement dans les objets mêmes ; en d’autres termes, il a droit à une universalité subjective.


Notes de Kant[modifier]


Notes du traducteur[modifier]