Curiosités françaises/1re éd., 1640/Tome 1

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CURIOSITEZ

FRANÇOISES

POUR SUPPLÉMENT AUX

DICTIONNAIRES

ov

Recueil de plusieurs belles proprietez, auec une

infinité de Prouerbes & Quolibets, pour

l’explication de toutes sortes

de Livres.

Par ANTOINE OUDIN, Secrétaire

Interprette de Sa Majesté


A PARIS,

Chez ANTOINE DE SOMMAVILLE,

Au Palais, dans la Gallerie des Merciers,

à l’Escu de France.

M. DC. XL.


A TRES-ILLUSTRE
SEIGNEVR,
MONSEIGNEUR

GEORGE FRIDERIC,

CONTE DE VVALDECK,

PYRMONT ET CULEMBOURG,

Baron de Tonna, Pallants, VVittem,

VVorth & VVildembourg, Seigneur

de Leede, Linden, Kinsvveiller,Engels-

dorff, &c.


ONSEIGNEUR,


C'est veritablement faire tort à la grandeur de vostre esprit, qui ne se plaist qu’aux choses les plus releuées, que de luy en opposer de vulgaires & de si peu de valeur:toutefois, puisque son estendüe vous porte iusques aux moindres curiositez, i’espere que vous ne vous en offenserez pas, si ie vous offre celle-cy, pour vous servir au moins de divertissement, lors que vous viendrez à quitter par relasche le solide & le serieux. Elles ont bien quelque apparence e bassesse qui pourroit choquer la vertu ;mais la vostre, MONSEIGNEUR, qui ne sçauroit estre esbranlée en aucune sorte, en fera mieux esclatter son lustre par un effet de leur contrarieté. Il y a beaucoup moins de mauvais que de necessaire, & vostre bon jugement choisira sans difficulté ce qui luy est plus sortable, &laisser le reste à ceux qui sont au dessous de luy. Quoi que ce soit, ie renge le tout sous vostre protection, & si ie comets une faute, c’est l’obligation qui m’y force, l’employ dont vous m’honorez exige de moy ce devoir, & me commande d’une puissance absolüe de vous rendre tesmoignage de la passion que i’ay de m’en acquitter dignement : i’attends de vous en contr’eschange une grace, qui sera l’une des plus advantageuses que ie puisse iamais souhaitter, que vous me permettrez la continuation de mes services, & de me qualifier tousiours,




MONSEIGNEUR,




Vostre tres humble ser-
uiteur, A. Ovdin.
AUX ESTRANGERS

Je declare icy par une protestation tres expresse, que mon dessein n’est pas de desterrer les morts ny d’offenser les vivants ; et que me sousmettant à la censure de tous, je conjure les plus severes, de ne point croire que ce soit par suffisance que j’attaque les gens de ma profession. Le seul but où je vise, et que j’estime assez raisonnable, est de purger les erreurs qui se sont glissées dans la pluspart des pieces que l’on a mises en lumiere pour l’instruction des Estrangers : parmy lesquels ayant receu des bienfaits qui ne se peuvent exprimer, je pense estre extremement obligé de leur satisfaire par quelque sorte de reconnoissance, et de leur faire cognoistre l’affection qui me reste de leur rendre, selon mon pouvoir, ce que je tiens encore de leurs courtoisies. Je ne touche point aux escrits des Anciens dont la profondité surpasse tout à fait la foiblesse de mon entendement, mais sans sortir de mes bornes je me contente de dire, que depuis peu nostre langue est tellement embellie, que leur vieille façon d’escrire à peine est reconnoissable aupres de celle du temps. C’est à quelques Modernes que je m’attache, et principallement à ceux qui n’ont pas sceu discerner la politesse du langage de ce siecle, et bien loin d’imiter nos derniers Autheurs, ont rempli leurs ouvrages d’un grand nombre d’antiquailles qui sont capables de donner de la repugnance, et de faire perdre le credit au sujet qu’ils ont traitté, sans considerer que l’ornement est mesmes necessaire aux plus belles choses. Y a-t-il rien de plus desgoustant, qu’vne mulcte pecuniaire ; vn faire porter l’endosse ; vn garousser ; vn larder les passages ; vn boucler le traitte ; auoir serment à quelqu’un ; se sermenter ; sermentation ; estre enlevain des anciennes jalousies, ou du traittement ; à grand randon ; & vne infinité de semblables ordures, et iusques à des fautes de Grammaire qu’il seroit trop long de rapporter en ce lieu. Ie laisse encore les Historiens à part, et veux parler des Grammairiens qui se sont meslez de toutes sortes de proses. Quel jugement peut-on faire d’un cartel de deffy qui commence, vous aviez chaussé vos lunettes de travers, etc. D’vne lettre serieuse qui contient ces mots, vous vous en torchez les souliers. D’vn compliment d’une Demoiselle à un honneste homme, Monsieur vous vous equivoquez prenant Paris pour Corbeil, ou pannier pour corbeille. D’vn Ange de Greue pour Sergent ou geollier à Strasbourg, c’est proprement un crocheteur à Paris. Et ailleurs, les oreilles m’ont bien corné depuis n’a gueres, c’est que vous approchiez desia, je vous sentois de loin, et ce mot de corner, ne s’entend pas de la sorte, mais pour dire seulement que l’on parle d’vne personne en son absence. Peut-on voir vne plus grande improprieté qu’une lavandiere pour une blanchisseuse, on sçait bien que les lavandieres ne blanchissent pas d’ordinaire les rabats, et points couppez : et cette-cy est accompagnée de plusieurs autres que je laisse, pour ne pas importuner le Lecteur. Touchant les Dictionnaires, ils sont si mal ordonnez que l’on n’a pas seulement eu le soin de marquer le bon d’avec le mauvais. Tesmoin ce Gentil homme qui mit dans un poulet à vne Maistresse, fille de haut parage, qu’il avoit tiré de l’Alleman et François, imprimé à Geneve, où n’en desplaise à Messieurs, l’on permet d’imprimer avec trop de facilité, et de fort mauvaises marchandises. Mais pour eviter ces inconvenients, qui sont capables de servir de risée à tout le monde, je vous conseille, Messieurs, au moins si je suis capable de vous conseiller, de vous servir doresnavant de bons livres. Il y a tant d’Histoires en bonnes langues. Vous avez les oeuvres de MONSIEUR DE MALHERBE ; de MONSIEUR SILHON ; celles de MONSIEUR DE BALSAC, le recueil de MONSIEUR FARET : Et pour les Romans, L’ASTRÉE SA CONCLUSION : POLEXANDRE : ARIANE : POLIXENE : SA VRAYE SUITTE, et plusieurs autres belles choses des mesmes Autheurs, où l’on ne rencontrera jamais de pareilles absurditez. Servez vous donc de cet advis, et prenez en gré ce que je vous donne. Adieu.

ADVERTISSEMENT

Je remets au iugement du Lecteur de corriger les fautes d’impression, comme celle de, il n’y a que faire pour frire 461. & si cherchant un quolibet ou prouerbe on ne le treuve en un lieu, il la faudra chercher autre part ; par exemple, il semble à mon ventre que le Diable ait emporté mes dents, celuy-cy se peut mettre à dents, Diable & ventre : observez la mesme chose pour tous les autres, & principalement où il y a un substantif & un verbe. Pour ce qui est des estoiles & du mot vulg. il faut entendre que ce ne sont pas des phrases dont on se doive servir qu’en raillant.

CURIOSITEZ

FRANÇOISES

A

L est marqué à l’A, i. Il est bon. Et quelquefois par ironie, pour dire, il est meschant. vulgaire.

AA


IL a l’Aage des poulains, Mardy unze ans : le vulgaire respond ainsi à qui s’enquiert mal à propos de l’aage d’une personne.

Il ne vivra jamais Aage d’homme, i. il vivra fort peu.

AB


C'Est un grand Abbateur de bois ou de quilles : cela se dit d’un qui se vante beaucoup et ne fait gueres d’execution. vulg. 2 AB

Il en abbat beaucoup ; idem.

* L'Abbaye de monte à regret, i. l'eschelle qui sert à ceux que l'on pend. vulgaire.

* Il est de l'Abbaye de Lonchamp, il tient des Dames, cela se dit à Paris d'un homme qui aime les femmes. vulg.

Abbayer apres quelque chose, i. desirer, esperer, attendre.

Abbayer apres quelqu'un, i. crier.

Abbayer contre la Lune, i. travailler en vain.

Chien qui abbaye ne mort pas, i. qui crie ou menace beaucoup ne fait pas grand mal.

* Vulgairement nous disons, c'est ce que nos chiens ont tant abbayé cette nuit, pour nous mocquer de ce que l'on nous vient proposer ou persuader.

Abbé, nous appellons ainsi celuy qui traitte les autres au cabaret, etc.

Ioüer à l’Abbé, c'est une sorte de jeu où il faut imiter celuy qui passe devant les autres en tout ce qu'il fait.

L’Abbé mange le Convent, i. le Chef ruine les autres.

Abbreuuer d'vn affaire, i. informer, instruire.

Tout le monde en est Abbreué, i. le sçait.

* Vous estes trop chaud pour Abbrever. i. vous estes trop prompt, trop desireux, trop hasté, trop coleric. vulg.

* Abbreuuoir à mousches, i. une grande playe sur la teste où les mousches peuvent boire. vulg.

* Ab hoc et ab hac, i. sans aucune suitte ou raison. vulg.

* Ablatiuo tout en un tas, i. " confusément. " vulg.

* Les tenans et Abboutissans, i. Metaph. tout ce qui depend d'un affaire.

* Mettre à l’Abry, Metaph. cacher, mettre à part.

AC


ACcolade
de lapereaux, i. deux lapereaux ensemble pour les faire rostir.

On l'a Accourcy d'un pied, i. on luy a trenché la teste.

I'ay Accoustumé cette maison là, il faut dire plus proprement, je suis accoustumé, etc. d'autant que le verbe accoustumer est actif.

* Qui bon l’Achepte bon le boit, vulgaire, c'est pour dire qu'il est mieux d'achepter une bonne marchandise cherement, qu'une mauvaise