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Démoniana ou Nouveau choix d’anecdotes/La Ressemblance

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LA RESSEMBLANCE,

OU
LE MORT VIVANT.
ANECDOTE.

Un homme des environs de Paris, entendant la messe dans l’église de Saint-Eustache, y fut frappé d’une mort subite. Les personnes qui l’entouraient, trompées par une grande ressemblance, le prirent pour un particulier du voisinage, dont il avait absolument tous les traits et à peu près le costume.

On le porta donc dans la maison de l’homme à qui il ressemblait si fort. Cet homme était alors absent de chez lui. La maîtresse de la maison, toute la famille fut trompée comme les voisins ; la dame crut trouver son mari mort et se mit à pleurer ; les enfans et les domestiques en firent autant ; on fit bientôt ensevelir le mort ; on commanda tous les apprêts funéraires ; on fit inviter tous les parens et tous les amis, au convoi qui devait se faire le lendemain.

Cependant, vers dix heures du soir, le maître de la maison revint. La servante, qui alla lui ouvrir, s’enfuit épouvantée, en s’écriant : Ah ! monsieur, ne nous tourmentez pas, vous aurez demain des prières… Le patron stupéfait, entra néanmoins dans la salle, où sa famille était rassemblée, et où la servante venait de porter ses frayeurs. À l’aspect du maître de la maison debout, la femme et les enfans se mirent à genoux, et lui dirent comme avait fait la servante : Âme bienheureuse, ne nous tourmentez pas, vous aurez demain des prières…

Cet homme fut au comble de l’étonnement ; mais, ce n’était pas tout… Il entra dans sa chambre, où il se vit mort dans son lit, tandis qu’il se trouvait bien portant… Il doutait s’il était éveillé, quand la chose s’éclaircit enfin ; les parens du mort vinrent, le soir même, réclamer le corps ; on le leur remit sans regret ; on embrassa bien tendrement le père de famille, qu’on avait sincèrement pleuré ; et, le lendemain matin, les parens et les amis vinrent à un déjeuné, quand ils s’étaient vêtus de noir et mis en marche pour un enterrement.