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Démoniana ou Nouveau choix d’anecdotes/Le Souterrain de Tarascon

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LE SOUTERRAIN DE TARASCON,

OU
LES TERREURS PANIQUES.

Un propriétaire de Tarascon, en Provence, ayant fait creuser dans sa cave, qui était près du Rhône, trouva, à quelques pieds, un mur solide avec une porte de fer qu’il fit ouvrir. C’était l’entrée d’un caveau très-profond, dans lequel il entendit un bruit si effroyable, qu’il n’osa porter sa curiosité plus loin. Quelques amis qu’il mena sur les lieux, lui dirent que sûrement il y avait, dans cette caverne, une bande de lutins enchaînés, ou une légion de diables qui faisait le sabbat, ou bien que ce souterrain conduisait directement en enfer…

Cependant, les magistrats de la ville ayant eu connaissance de cette découverte, promirent la liberté à un homme condamné aux galères, s’il voulait se résoudre à parcourir ce souterrain jusqu’au bout.

Cet homme y entra, muni d’une lanterne, et de tout ce qui pouvait le rassurer. Mais à peine eut-il traversé la moitié du souterrain, qu’il revint pâle et tremblant, criant qu’il aimait mieux qu’on le pendît, que de mourir d’une mort inconnue. Il raconta, en même temps, qu’il avait entendu des coups redoublés, des cris horribles, accompagnés de bruits de chaînes et de roulis si effroyables, qu’il s’imaginait, à chaque instant, que tout tombait en dissolution autour de lui, ou que tous les diables de l’enfer se déchaînaient pour l’étrangler…

On lui laissa reprendre ses esprits jusqu’au lendemain ; et on lui offrit de nouveau son pardon, sa liberté, et même une forte somme d’argent, pour l’engager à tenter encore l’aventure.

Il descendit donc, et eut le courage de pousser jusqu’au fond, où se rencontra une seconde porte de fer, à laquelle il heurta, sans que personne lui répondit. Il revint alors aussi effrayé que la première fois, et raconta ce qu’il avait découvert ; mais il déclara qu’il n’osait avancer plus loin.

Enfin, les magistrats offrirent une somme si considérable, à quiconque irait ouvrir cette porte, que six ouvriers de bonne volonté se présentèrent pour accompagner le galérien. Ils pénétrèrent dans cette espèce d’abîme, traversèrent heureusement le souterrain, enfoncèrent la seconde porte de fer, et trouvèrent qu’elle conduisait dans la ville de Beaucaire, et que ce caveau n’était autre chose qu’une communication d’une ville à l’autre, ignorée depuis long-temps…

À l’égard du bruit qui avait tant effrayé d’abord, il était causé par les eaux du Rhône, qui, dans son extrême rapidité, roulait, en passant sur cette voûte, des cailloux et des pierres. — Si l’on en croit quelques historiens, c’est par cette route, creusée dans le roc sous le Rhône, que Charles-Martel fit passer son armée pour vaincre les Sarrasins.