De Paris à Bucharest/Chapitre 30

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XXX

DE VIENNE À PRESBOURG.

Un village de moulins. — La Lobau. — Les Français et les Turcs à Vienne ; une grande ingratitude. — L’ancien Carnuntum ; pourquoi Vienne a pris son rôle ? — Hainbourg et la porte de Hongrie. — La March. — Theben. — Presbourg.

Il y a deux moyens de faire ce voyage, par le chemin de fer et par le bateau à vapeur. Les deux routes sont à peu près d’égale longueur, environ trois cents kilomètres, et prennent le même temps, onze à douze heures, parce que les deux voies ferrées allant à Komorn et à Pesth, obligées, à cause des marécages qui bordent le fleuve, de s’écarter de ses rives, passent l’une au nord, l’autre au sud des deux îles appelées la grande et la petite Schütt. C’est par le bateau que nous allons partir, car les bords mêmes du fleuve sont plus peuplés de villes et de souvenirs que ces terres basses, à demi noyées, d’une extrême fécondité, mais où je ne crois pas que l’homme pousse aussi bien que l’herbe et le bétail. Bœufs et chevaux s’inquiètent peu de la fièvre paludéenne, et l’herbe moins encore.

Bac sur le Danube.

Comme pour le Dampschiff de Lintz, il faut aller à une grande lieue de Vienne, chercher le bateau de Pesth, au milieu d’un paysage bas, sans caractère et sans vue. Les hautes maisons du faubourg Landstrasse cachent la ville ; sans la flèche de Saint-Étienne qui pointe hardiment dans le ciel, on ne se croirait pas auprès d’une des grandes capitales de l’Europe. On entre dans le bras principal du fleuve aux Kaisermuhlen « les moulins impériaux. » Ce sont une quarantaine de bateaux rangés sur deux lignes et dont le courant fait mouvoir les roues.

Village de moulins, sur le Danube.

À gauche s’étend l’île de Lobau, la place d’armes de Napoléon en 1809, d’où il s’élança pour livrer les batailles d’Essling et de Wagram. Cinquante ans plus tard, presque jour pour jour[1], un autre Napoléon infligeait à l’Autriche un désastre plus grand et, espérons-le, une paix plus féconde et plus durable. Mais nulle armée n’a été aussi souvent battue que l’armée autrichienne, et nul empire ne s’est mieux relevé de ses défaites que celui des Habsbourg ; il plie et ne rompt pas ; tant ce grand corps a en soi de vitalité et tant il y a pour lui de raisons d’être, dans la répartition générale des territoires européens.

La Lobau est presque ronde, d’un diamètre de plus d’une lieue[2] et inhabitée. Ses rives sont boisées pour défendre les terres contre le fleuve ; en arrière s’étendent de belles prairies, sillonnées par des fossés qui sont des bras desséchés du Danube et où parfois il rentre au moment des crues. Les énormes travaux exécutés dans l’île par cent cinquante mille Français sont cachés sous l’herbe, comme dans la plaine d’Aspern, la sépulture des cinquante mille braves qui, des deux côtés, périrent dans ces journées terribles ; sans un guide on n’en trouverait pas la trace, tandis que les légers sillons creusés par le fleuve restent visibles. Dès que l’homme retire la main de ses œuvres, la nature y met la sienne et les efface.

Les rives restent basses jusqu’au-dessous de Fischament, sur la rive droite. Quelques ondulations venues du Wienerwald commencent à s’y montrer. Elles s’accusent davantage à mesure qu’on approche de Regelsbrunn et déjà l’on peut voir dans l’éloignement et le bleu du ciel se dresser au-dessus du fleuve la montagne de Hainbourg. Ces collines rejettent à l’est la Leytha qui, en suivant sa direction première, serait tombée dans le Danube à Hainbourg, et l’obligent à courir parallèlement au fleuve, à peu de distance de sa rive, et à ne confondre ses eaux avec les siennes que beaucoup plus bas, à Ungarisch-Altenbourg qu’elle entoure et défend.

Nous sommes là sur la frontière de l’archiduché allemand et du royaume magyare, que marquent, à droite, la Leytha, à gauche, la March, le grand fleuve morave, et nous pouvons dire que nous sortons de l’Europe pour entrer en Orient ou du moins dans un monde nouveau. Ces traces de la France que nous avons suivies depuis le Rhin jusqu’à Schœnbrunn et à Wagram s’arrêtent ici, mais celles des Turcs commencent. Aux portes de Vienne les deux traces se confondent[3]. Soliman le Magnifique en 1529, et Napoléon en 1809, prirent leur quartier général au même lieu, à Ebersdorf. Tout près de là, à deux pas du nouvel arsenal, on voit du fleuve la colline où le padischah campait ; l’empereur Rodolphe II bâtit à la même place un château qui, dans sa construction, rappelait la tente du sultan et que les Turcs, au second siége de Vienne, celui de 1683, respectèrent à cause de ce souvenir. Un peu plus loin, c’est une colline, haute de quarante pieds, qui ressemble fort à un tumulus, mais dont on a en vain exploré l’intérieur : la tradition locale veut que les Turcs l’aient élevé en apportant toute cette terre dans leurs turbans. À Hainbourg, à la porte des Pêcheurs, on montre le point jusqu’où le sang monta, quand les Turcs entassèrent en cet étroit espace huit mille quatre cent vingt-trois personnes qu’ils égorgèrent.

Hainbourg.

Les Français et les Turcs pour qui Vienne fut pendant trois siècles le commun objectif de guerre, se rencontrèrent cependant sur ces mêmes bords du Danube pour s’y combattre. C’était au temps où Louis XIV, voulant éblouir l’Europe par toutes les gloires, se donna celle d’envoyer à l’Autriche un secours fastueux au risque de perdre l’utile alliance que François Ier avait nouée avec les Osmanlis.

En 1664, le grand vizir marchait sur Vienne avec cent mille combattants ; le comte de Coligny fut chargé de conduire à Montecuculli, le général de l’empereur, un corps d’élite de quatre mille fantassins et de deux mille cavaliers. Un autre Français, le comte de Souches, commandait déjà l’armée chargée de couvrir la Moravie. Les contingents des Cercles étaient venus rejoindre aussi l’armée autrichienne, mais c’étaient de mauvaises troupes qui, le jour de la bataille, faillirent tout compromettre.

On alla au-devant des Turcs jusqu’à Raab, et on les rencontra près de la petite ville de Saint-Gothard. « L’armée de l’empire, dit Coligny, était dans le plus grand désordre, la plupart des soldats cherchant à fuir plutôt qu’à combattre ; et cependant point d’espérance de retraite devant une armée où il y avait plus de cinquante mille chevaux. Il fallut, ajoute-t-il avec une certaine complaisance, que les Français se sacrifiassent pour le salut de tous ; aussi bien ne pouvaient-ils éviter de se trouver enveloppés dans la perte commune. » Ils occupaient l’aile gauche, les Autrichiens la droite. Le centre, composé de l’armée des Cercles, fut enfoncé par les Ottomans, et ceux-ci croyaient déjà la victoire gagnée lorsque Coligny et Montecuculli firent un commun effort. Les Turcs plient et s’arrêtent. Leurs masses profondes sont entamées, taillées en pièces, jetées dans le Raab, où les cadavres d’hommes et de chevaux amoncelés forment des barrages par-dessus lesquels vainqueurs et vaincus gagnent l’autre rive. Un mot de Coligny peint l’horreur de cette scène : « C’était un cimetière flottant. » Les jours suivants, les Français ne s’occupèrent qu’à retirer du Raab les cadavres pour les dépouiller. « Toute notre armée, mandait Coligny à le Tellier, est devenue pêcheuse, et l’on ne saurait dire les richesses qu’on a trouvées à la dépouille des noyés. » Cinquante étendards, douze pièces de canon, une multitude d’armes précieuses et bizarres, furent le trophée de cette victoire. « Sans nous, ajoute encore Coligny, qui n’avait pas hérité de la modestie du grand chef de guerre dont il portait le nom, il n’y aurait pas un Allemand qui eût sa tête sur les épaules présentement. »

Les Autrichiens furent reconnaissants, au moins pendant quelques jours, de ce service. « Un homme qui vient de Vienne aujourd’hui m’a dit que dans la cour du palais de l’empire, il y avait quantité de pièces de vin d’où l’on tirait de toutes les sortes pour les Français qui y veulent aller boire, et que ce régal n’est que pour ceux de notre nation. C’est la piscine probatique de notre valeur, et une marque de l’estime que l’on en fait à Vienne, et rien n’est plus vrai que les marchands et les cabaretiers, qui les rançonnaient à leur arrivée, les font boire présentement pour rien le plus souvent, et les marchands leur donnent leurs marchandises à grand prix, leur disant : « Braves Français, il ne faut pas prendre garde à peu de chose avec vous. » La médaille eut son revers. Quelque temps après, Coligny écrivait : « Je ne doute pas qu’on ne veuille ici que le dernier de nos hommes crève le dernier jour de la campagne. Depuis que nous avons joint l’armée, nous ne savons plus ce que c’est que du pain, et toute l’industrie humaine ne peut trouver de remède à cela ; car nous sommes dans un pays désert, éloigné des villes, et dans la Hongrie, où les Allemands et leurs adhérents sont en abomination. »

On voit que ces sentiments-là ne datent pas d’hier, d’où je conclus qu’ils ne s’effaceront pas demain.

L’armée française fut cependant renvoyée avec beaucoup d’honneur. Dix-neuf années plus tard, l’Autriche fut exposée à un péril plus grand. Deux cent mille musulmans vinrent mettre le siége devant Vienne. Louis XIV eût encore voulu humilier l’empereur en le sauvant. Quatre camps furent échelonnés le long du Rhin, prêts à lancer quatre armées au premier signe de Léopold. Il se garda bien de se jeter aux pieds d’un allié si puissant : il aima mieux se servir de la vaillante épée d’un héros polonais, le roi Jean Sobieski, plus facile à tromper et envers lequel la reconnaissance serait plus légère, l’ingratitude moins dangereuse. Quelques volontaires français accoururent cependant offrir leur courage à l’armée impériale.

C’était le 14 juillet que le grand vizir Kara-Mustapha avait paru devant Vienne ; deux mois après il y était encore. Sûr de sa proie, il la ménageait pour n’en point altérer la valeur et ne rien perdre des richesses qu’il convoitait. On annonce l’approche d’une armée polonaise et de Sobieski ; Mustapha en rit. Le 12 septembre la bataille s’engage ; à cinq heures de l’après-midi, rien n’était décidé. Le vizir s’en inquiète peu. « Assis près de son cheval caparaçonné d’or, il aspirait tranquillement le frais du soir, et abrité par une tente cramoisie contre les feux du soleil couchant, il prenait paisiblement le café avec ses deux fils. » Un coup de canon, parti grâce aux gants et à la perruque d’un officier français qui suppléa par là aux bourres épuisées, trouble cette sérénité : il vient de la hauteur qui domine la tente vizirale. Presque aussitôt des Français commandés par le comte de Maligny apparaissent dans la redoute qui défendait les quartiers musulmans et l’emportent. Sobieski, remarquable à son aigrette blanche, à son arc, à son carquois d’or, à sa lance royale et à son bouclier homérique, force de son côté les lignes dans le même temps que ses hussards descendent et remontent au galop un ravin où l’infanterie aurait hésité, et coupent en deux le corps de bataille de Mustapha. Celui-ci demande conseil à son interprète, qui répond : « Le ciel se couvre, voyez si Dieu n’est pas contre nous. » Mustapha n’en veut pas entendre davantage et s’enfuit plus effrayé que ses soldats, qui en se répétant le nom de Sobieski s’écrient : « Par Allah, il est avec eux ! » L’étendard du Prophète oublié par le vizir fut envoyé au pape. Le roi de Pologne, maître du camp et des richesses de Mustapha, défendit le pillage, maintint la discipline dans ses troupes de peur d’une surprise, et au lieu de s’étendre sur les tapis somptueux du vizir, alla s’endormir au pied d’un arbre.

L’empereur, délivré sans avoir même paru sur le champ de bataille, rassembla son conseil pour décider avec quel cérémonial il recevrait Sobieski, simple roi et roi électif. « À bras ouverts, il a sauvé l’empire ! » s’écria le duc de Lorraine. Le brave duc oubliait l’étiquette ; les ministres s’en souvinrent, et pour éviter toute effusion dangereuse, décidèrent que l’entrevue aurait lieu à cheval. Elle se passa en rase campagne, près du village de Schwechat, le premier que nous rencontrons sur le bord du Danube, au sortir de Vienne. Léopold, avec un ton froid et hautain, répéta ou plutôt articula à peine quelques paroles de gratitude soufflées par le duc de Lorraine : « Mon frère, répondit Sobieski, je suis bien aise de vous avoir rendu ce petit service ; » puis, présentant le prince royal Jacques, il ajouta : « Voilà mon fils, je l’élève pour le service de la Chrétienté. » Léopold demeura immobile et muet. Moins d’un siècle après, en 1773, un de ses héritiers, Joseph II, répondait pour lui : il signifiait au successeur de Sobieski que l’Autriche allait prendre sa part des dépouilles sanglantes de la Pologne. C’était déjà le système de reconnaissance du prince de Schwartzenberg. Mais je ne regrette pas que mon pays ne puisse se vanter « d’avoir étonné le monde par la grandeur de son ingratitude. » Malheur aux princes qui ne croient pas faites pour eux les simples vertus des particuliers.

Après Hainbourg.

Petronell (mille habitants), Deutsch-Altenbourg (huit cents) et Hainbourg (quatre mille) s’étendent sur l’espace que couvrait à lui tout seul l’ancien Carnuntum, la grande forteresse romaine sur le Danube, la station de ses flottes pour la garde du fleuve, le point d’où les légions surveillaient les Quades de la Moravie et les Jazyges de la Theiss, comme de Lauriacum[4] elles contenaient les Marcomans de la Bohême, et où vinrent séjourner dix empereurs. C’est à Carnuntum que Marc-Aurèle écrivit ses Pensées, le plus beau livre après l’Évangile, celui qui faisait dire au cardinal Barberino, neveu du pape Urbain VIII : « Mon âme devient plus rouge que ma pourpre au spectacle des vertus de ce gentil. » En 375, les Quades firent de Carnuntum un monceau de ruines ; il ne s’est pas relevé et Vienne hérita de sa fortune. Ce changement était inévitable : tant que le péril venait du Nord, Carnuntum, en face de l’embouchure de March, par où descendaient les barques barbares, et que pouvaient remonter les galères romaines, était parfaitement placé pour interdire le passage du fleuve et servir de base à des opérations offensives ; quand les menaces vinrent de l’Est, Vienne, adossée au Wienerwald, couvrit mieux les pays qui s’étendaient derrière elle. Cette substitution d’une ville à une autre est un exemple frappant des modifications que l’histoire impose à la géographie.

Je note en passant que la March est, depuis les sources du Danube, le premier affluent sur sa rive gauche qui soit navigable[5], tandis qu’il a reçu depuis longtemps à droite l’Inn, l’Ens et la Traun, qui portent bateau. Il n’en pouvait être autrement : les montagnes de la rive gauche n’ayant cessé, depuis la Souabe jusqu’à la Moravie, d’être parallèles au fleuve et d’en serrer de près les rives, tandis que les chaînes de l’autre bord lui étaient perpendiculaires.

Les traces de l’occupation romaine sont si visibles, et les inscriptions, médailles, objets d’art, fragments de toutes sortes, marbres de Styrie, d’Italie, même d’Afrique si nombreux, qu’on peut reconstruire dans sa pensée la vieille ville. À Petronell était la cité proprement dite ; à Deutsch-Altenbourg le camp dont on suit facilement l’enceinte ; enfin, à Hainbourg, la forteresse qui couvrait de ses ouvrages toute la montagne. Des aqueducs romains distribuent encore aux habitants d’aujourd’hui l’eau des sources, et la seule portion d’édifice antique restée debout dans l’archiduché se trouve à Petronell, la Porte des Païens. Quant au Hainbourg d’aujourd’hui, il serait sans importance s’il n’avait une immense fabrique de tabac qui étale sa lourde architecture le long du fleuve et occupe un millier d’ouvriers. Mais les yeux laissent l’usine pour courir au Schlossberg et aux ruines qui le décorent.

Au delà de Hainbourg, le bateau arrive à un défilé que l’on nomme la Porte de Hongrie. Les Petites-Carpathes, qui séparent le bassin de la March de celui du Waag, et la Moravie de la Hongrie, viennent serrer le fleuve que, sur l’autre rive, le Leithagebirge refoule au Nord. Sur la rive gauche, jusque-là basse et nue, les Carpathes forment, au bord du fleuve, une série de promontoires qui portent une tour dont j’ignore le nom ; Theben, avec ses ruines pittoresques et la grande ville de Presbourg.

Theben (Deven).

Ne cherchez pas à Theben, en hongrois Deven, une origine classique. D’après la tradition, elle doit son nom à la fille d’un roi slave (Dewina, en slawe, signifie jeune fille) qui l’aurait bâtie. Comme une des tours porte aussi le nom de Tour de la Nonne, une autre légende est racontée. Le seigneur du Burg aurait enlevé une noble jeune fille qu’il aimait et que sa famille destinait au cloître. Assiégé par les parents, il fut forcé dans sa forteresse ; plutôt que de se rendre, les deux amants se précipitèrent dans le fleuve du haut de la Tour de la Nonne.

Cette île escarpée qui semble vouloir barrer le fleuve, cette tour dont le pied baigne dans l’eau, ces murailles crénelées qui rampent sur le roc et s’élèvent jusqu’au burg placé au sommet, tout cela devait faire autrefois une forteresse formidable, et fait aujourd’hui une ruine magnifique.

Dès qu’on a franchi la Porte-Hongroise, on aperçoit l’énorme et disgracieuse carcasse du château de Presbourg (en hongrois, Posony), et le pont de bateaux dont une travée s’ouvre pour nous laisser passer. Mais le navire ne s’arrête qu’une demi-heure, comme à Passau ; ce n’est pas assez pour descendre et visiter la ville, qui, d’ailleurs, ne renferme rien de curieux quand la Diète hongroise n’y siége pas. Elle a pourtant quarante-quatre mille cinq cents habitants et c’est, assure-t-on un des points de l’empire ou l’on vit au meilleur compte. Aussi les petits rentiers et les fonctionnaires retraités y accourent. La Hongrie est, par ses blés, son bétail, son vin, le grenier d’abondance de Vienne et de l’archiduché. Une partie de ces produits, pour entrer en Autriche passe à Presbourg, qui en garde le plus qu’il peut, et je vois les collines qui l’entourent couvertes au loin de magnifiques vignobles, dont un, celui de Saint-George, est renommé. On vante la vue magnifique dont on jouit du haut du Schlossberg, et qui s’étend à l’ouest jusqu’au Kahlenberg, par-dessus Vienne, à l’est, sur l’immense plaine où le Danube circule paresseusement entre des îles basses et boisées. Du bateau même on voit la seule curiosité de Presbourg, la Montagne-Royale. Que ce mot ne vous fasse pas rêver d’Alpes ou de Pyrénées, la Montagne-Royale est une simple colline, moins encore, une terrasse entourée d’une balustrade en pierre où, le jour de son couronnement, le roi, à cheval, s’élance au galop ; il y brandit l’épée de Saint-Étienne vers les quatre points de l’horizon : cela veut dire qu’il défendra la Hongrie et le peuple contre quelque ennemi qui se présente.

Presbourg.

Presbourg est la capitale officielle du royaume magyare. Les empereurs ont profité de l’occupation de Bude par les Turcs, de 1530 à 1686, pour transférer la Diète dans une ville qui, se trouvant à l’extrême frontière du royaume et à deux pas de Vienne, semblait plus facile à contenir. Mais, en dépit de ces précautions, c’est à Bude ou pour mieux dire à Pesth que bat le cœur de la Hongrie.

V. Duruy.

(La suite à une autre livraison.)



  1. Essling, 11 et 12 mai ; Wagram, 6 juillet ; Solferino, 24 juin.
  2. La Lobau a deux mille quatre cents toises de l’est à l’ouest deux mille du sud-ouest au nord-est et huit mille de tour. Général Pelet, Campagne de 1809.
  3. Elles se confondent même plus loin, car les Français prirent Presbourg en 1809 et y signèrent la paix qui rendit Venise à l’Italie ; ils avaient poussé jusqu’à Komorn où ils ne purent entrer, et à Raab où le prince Eugène gagna une victoire sur l’archiduc Jean. De leur côté les Turcs pénétrèrent aussi bien au delà de Vienne. En 1529, les coureurs de Soliman arrivèrent jusqu’aux environs de Lintz.
  4. Au delà des Alpes, Rome avait fondé pour garder les approches des montagnes et de l’Italie du côté du Noricum (Autriche), Salzbourg ; du côté de la Pannonie (Hongrie), Klagenfurth, et en avant de ces deux forteresses, pour garder la ligne du Danube, Lauriacum (Lorch), au nord de Steer, et Carnuntum. On a prétendu reconnaître sur la colonne Trajane la montagne de Hainbourg.
  5. Il l’est ; mais la concurrence du chemin de fer de Vienne à Cracovie, que côtoie le fleuve, empêche la batellerie de s’y développer. Il faudrait d’ailleurs y faire beaucoup de travaux.