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Métaphysique des mœurs (trad. Barni)/Tome I/PERAD/De l'illégitimité

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DE L’ILLÉGITIMITÉ


DE


LA CONTREFAÇON DES LIVRES


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1785


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Ceux qui croient que la faculté d’éditer un livre découle de la propriété d’un exemplaire de ce livre (que cet exemplaire soit un manuscrit de l’auteur ou une copie imprimée par un précédent éditeur), et qui pensent en même temps que cette faculté peut être limitée par la réserve de certains droits, soit de l’auteur, soit de l’éditeur institué par lui, en ce sens que la contrefaçon en peut être interdite, — ceux-là n’arriveront jamais ainsi au but. Car la propriété qu’un auteur a de ses pensées (si l’on accorde qu’il y a une propriété de ce genre fondée sur des droits extérieurs) lui reste toujours acquise, indépendamment de l’impression ; et, si les acquéreurs d’un livre ne peuvent donner un consentement exprès à une semblable restriction de leur propriété[1], à combien plus forte raison un consentement qui n’est que présumé est-il insuffisant à les lier !

Je crois être fondé à considérer une édition non comme le trafic que l’on ferait d’une marchandise en son propre nom, mais comme une affaire gérée au nom d’un autre, c’est-à-dire de l’auteur, et je pense pouvoir prouver aisément et clairement de cette manière l’illégitimité de la contrefaçon. Mon argument est contenu dans un raisonnement qui prouve le droit de l’éditeur, et que suit un second raisonnement destiné à réfuter la prétention du contrefacteur.


I.
Déduction du droit de l’éditeur envers le contrefacteur.

Celui qui conduit l’affaire d’un autre en son propre nom et contre la volonté de cet autre, est tenu d’abandonner à celui-ci ou à son mandataire tout le profit qu’il en peut retirer, et de dédommager l’un ou l’autre de tout le tort qu’il leur fait.

Or le contrefacteur est un homme qui conduit l’affaire d’un autre (de l’auteur), etc. Donc il est tenu d’abandonner à celui-ci ou à son mandataire (l’éditeur), etc.


PREUVE DE LA MAJEURE.

Comme celui qui se mêle d’une affaire dont on ne l’a pas chargé n’agit pas légitimement au nom d’un autre, il n’a aucun droit aux avantages qui résultent de cette affaire, mais celui au nom duquel il conduit l’affaire, ou un autre mandataire auquel celui-ci l’a confiée, possède le droit de revendiquer ces avantages comme le fruit de sa propriété ; comme en outre cet homme porte atteinte au droit du propriétaire en se mêlant sans autorisation d’une affaire étrangère, il doit nécessairement réparation de tout dommage. Cela découle évidemment des idées élémentaires du droit naturel.


PREUVE DE LA MINEURE.

Le premier point de la mineure, c’est que l’éditeur, par l’édition qu’il publie, conduit l’affaire d’un autre. — Tout dépend ici de l’idée qu’il faut se faire d’un livre ou d’un écrit en général, considéré comme un travail de l’auteur, et de l’idée de l’éditeur en général (qu’il soit ou non le mandataire d’un auteur). Un livre est-il une marchandise que l’auteur puisse négocier avec le public, soit immédiatement, soit par l’intermédiaire d’un autre, et que par conséquent il puisse aliéner, avec ou sans la réserve de certains droits ; ou bien n’est-il pas plutôt simplement un usage de ses facultés (opera) qu’il peut concéder[2] (concedere) à d’autres, mais jamais aliéner (alienare) ? En outre, l’éditeur conduit-il son affaire en son nom, ou une affaire étrangère au nom d’un autre ?

Dans un livre considéré comme un écrit, l’auteur parle à son lecteur, et celui qui a imprimé cet écrit parle, dans l’exemplaire qu’il en donne, non pour lui-même, mais uniquement au nom de l’auteur. Il produit l’auteur devant le public et n’est que l’intermédiaire qui transmet son discours. Quiconque possède un exemplaire de ce discours, soit manuscrit, soit imprimé, peut s’en servir pour lui-même ou en faire commerce ; c’est une affaire que tout propriétaire d’un exemplaire peut faire en son propre nom et à son gré. Mais faire parler quelqu’un publiquement, produire son discours, comme tel, en public, c’est-à-dire parler en son nom et en quelque sorte dire au public : « Un écrivain vous communique littéralement ceci ou cela par mon intermédiaire, etc. Je ne suis responsable de rien, pas même de la liberté qu’il prend de s’adresser au public par mon intermédiaire ; je ne suis que l’organe dont il se sert pour arriver jusqu’à vous ; » c’est là sans aucun doute une affaire dont on ne peut se charger (comme éditeur) qu’au nom d’un autre, jamais en son propre nom. L’éditeur procure bien en son nom l’instrument muet qui sert à transmettre au public le discours d’un auteur[3] ; mais produire en public ce discours par le moyen de l’impression, et par conséquent se donner pour celui par lequel l’auteur parle au public, c’est ce qu’on ne peut faire qu’au nom d’autrui.

Le second point de la mineure, c’est que non-seulement le contrefacteur se charge de l’affaire sans une permission du propriétaire (de l’auteur), mais même contre sa volonté. En effet, comme ce qui constitue la contrefaçon, c’est que l’on s’immisce dans une affaire dont un autre a reçu la procuration de l’auteur même, en obtenant l’autorisation d’éditer son ouvrage, la question est de savoir si l’auteur peut accorder encore à un autre la même autorisation. Or il est clair que, comme alors chacun des deux, le premier éditeur et celui qui entreprendrait ensuite une autre édition (le contrefacteur), traiterait l’affaire de l’auteur avec un seul et même public, le travail de l’un rendrait inutile celui de l’autre, et qu’ils se porteraient réciproquement préjudice ; que par conséquent un traité de l’auteur avec un éditeur renfermant cette restriction, que l’auteur pourra encore accorder à tel ou tel la faculté d’éditer son ouvrage est impossible ; qu’ainsi l’auteur n’a pas le droit d’accorder cette autorisation à un autre (comme contrefacteur), et qu’elle n’a même jamais pu être présumée ; d’où il suit que la contrefaçon est une chose tout à fait contraire à la volonté légitime du propriétaire, encore qu’elle soit entreprise en son nom.

* * *

Il suit de là aussi que ce n’est pas l’auteur, mais l’éditeur chargé de ses pouvoirs, qui est lésé ; car, comme le premier a entièrement abandonné au second son droit sur la gestion de son affaire et ne s’est point réservé d’en disposer encore de son côté, celui-ci est seul propriétaire de cette gestion d’affaire, et c’est à son droit que le contrefacteur porte atteinte, non à celui de l’auteur.

* * *

Mais, comme ce droit de la gestion d’une affaire, qui peut être tout aussi bien conduite par un autre avec une exactitude ponctuelle, — quand rien de particulier n’a été convenu à cet égard, ne saurait être considéré en soi comme inaliénable[4] (jus personalissimum), l’éditeur a le droit de concéder son droit d’éditeur à un autre, car il est propriétaire de la procuration de l’auteur ; et, puisque celui-ci y doit nécessairement consentir, celui qui reçoit l’affaire de seconde main n’est pas un contrefacteur, mais un éditeur régulièrement investi de son mandat, car il l’a reçu de celui auquel l’auteur l’avait octroyé.


II.
Réfutation un prétendu droit de contrefacteur envers l’éditeur.

Reste encore une question à résoudre : puisque l’éditeur vend[5] au public l’ouvrage de son auteur, et qu’en cédant la propriété d’un exemplaire il consent naturellement (et ce consentement représente aussi celui de l’auteur qui lui a remis ses pleins pouvoirs) à ce qu’on en fasse l’usage qu’on voudra, ne consent-il pas aussi par là même à ce que l’on réimprime, et cette réimpression peut-elle être considérée comme une atteinte portée à ses droits ? Peut-être en effet a-t-il été séduit par l’avantage qu’il pouvait trouver à faire à ce risque l’office d’éditeur, sans écarter les acheteurs par une clause expresse, capable de faire échouer son entreprise. — Mais la propriété d’un exemplaire ne donne pas ce droit ; c’est ce que je prouve par le raisonnement suivant :

Un droit personnel positif[6] sur autrui ne peut jamais dériver de la seule propriété d’une chose.

Or le droit d’éditer est un droit personnel positif.

Donc il ne peut jamais dériver de la seule propriété d’une chose (de l’exemplaire).


PREUVE DE LA MAJEURE.

La propriété d’une chose implique à la vérité un droit négatif, celui de résister à quiconque voudrait m’empêcher d’en faire l’usage qui me convient ; mais un droit positif sur une personne, au nom duquel je puisse exiger d’elle qu’elle me fournisse quelque chose ou se mette à ma disposition, ne peut jamais dériver de la simple propriété d’une chose. Je puis sans doute, par une convention particulière, ajouter ce dernier droit au contrat par lequel j’acquiers de quelqu’un une propriété ; par exemple je puis, en achetant une marchandise, stipuler que le marchand l’enverra franche de port dans un certain endroit. Mais alors le droit que j’ai d’exiger de la personne qu’elle fasse quelque chose pour moi ne dérive pas de la simple propriété de la chose que j’ai achetée ; il découle d’un contrat particulier.


PREUVE DE LA MINEURE.

Quand on peut disposer à son gré en son propre nom d’une certaine chose, on a un droit sur cette chose ; mais, quand on agit seulement au nom d’un autre, l’affaire que l’on dirige engage la responsabilité de cet autre, comme s’il la conduisait lui-même. (Quod quis facit per alium, ipse fecisse putandus est.) Mon droit de gérer une affaire au nom d’un autre est donc un droit personnel positif, à savoir le droit de contraindre l’auteur de l’affaire à faire certaines choses, c’est-à-dire à se porter garant de tout ce qu’il fait faire par moi, ou de tout ce à quoi il s’oblige par mon intermédiaire. Or une édition est un discours adressé au public (par le moyen de l’impression) au nom de l’auteur, par conséquent une affaire qui a lieu au nom d’un autre. Le droit de l’éditeur est donc un droit sur une personne : ce n’est pas seulement pour lui le droit de défendre contre elle l’usage qu’il lui plaît de faire de sa propriété, mais celui de la contraindre à reconnaître comme sienne et à prendre sous sa responsabilité une certaine affaire que l’éditeur conduit en son nom ; — par conséquent c’est un droit personnel positif.

* * *

L’exemplaire que l’éditeur livre à l’impression est l’œuvre[7] (opus) de l’auteur ; et, lorsqu’il l’a acheté ou manuscrit ou imprimé, il est tout à fait le maître d’en faire tout ce qu’il veut et tout ce qui peut être fait en son propre nom. Car c’est un avantage qui découle nécessairement du droit absolu sur une chose, c’est-à-dire de la propriété. Mais l’usage qu’il n’en peut faire qu’au nom d’un autre (c’est-à-dire au nom de l’auteur) est une affaire[8] (opera) que fait cet autre par l’intermédiaire du propriétaire de l’exemplaire, ce qui, outre la propriété, exige encore un contrat particulier.

Or l’édition d’un livre est une affaire qui ne peut être faite qu’au nom d’un autre (c’est-à-dire de l’auteur, que l’éditeur représente s’adressant au public par son intermédiaire) ; donc le droit d’éditer ne peut faire partie des droits attachés à la propriété d’un exemplaire, et ne peut être légitime qu’en vertu d’un contrat particulier conclu avec l’auteur. Celui qui édite sans avoir conclu un contrat de ce genre avec l’auteur (ou, quand l’auteur a déjà concédé ce droit à un autre, comme à son véritable éditeur, sans avoir fait de contrat avec ce dernier) est un contrefacteur ; il porte donc atteinte aux droits du véritable éditeur et doit le dédommager de tout le tort qu’il lui fait.


REMARQUE GÉNÉRALE.

Que l’éditeur ne remplisse pas seulement son office d’éditeur en son propre nom, mais au nom d’un autre[9] (c’est-à-dire de l’auteur), et qu’il ne puisse le remplir sans le consentement de celui-ci, c’est ce qu’attestent encore certaines obligations, qui, de l’aveu de tout le monde, lui sont imposées. Si l’auteur vient à mourir, après avoir livré son manuscrit à l’éditeur qui s’est engagé à le faire imprimer, celui-ci n’est pas libre de le supprimer comme sa propriété ; mais, à défaut des héritiers, le public a le droit de le contraindre à l’éditer ou à céder le manuscrit à un autre qui s’offre comme éditeur ; car c’était une affaire que l’auteur voulait traiter avec le public par le moyen de son éditeur, et dont celui-ci avait consenti à se charger. Le public n’avait pas même besoin de connaître et d’accepter cette promesse de l’auteur ; il revendique, au seul nom de la loi, ce droit sur l’éditeur (le droit de le contraindre à faire une certaine chose). En effet, celui-ci ne possède le manuscrit qu’à la condition de s’en servir pour traiter l’affaire de l’auteur avec le public ; or cette obligation envers le public subsiste, encore que celle qui l’engageait vis-à-vis de l’auteur soit détruite par la mort de celui-ci. On ne part point ici d’un droit du public sur le manuscrit, mais sur une affaire avec l’auteur. Si l’éditeur, après la mort de l’auteur, publiait son œuvre tronquée ou altérée, ou s’il n’en faisait pas tirer un nombre d’exemplaires suffisant pour satisfaire aux demandes, le public aurait le droit de le contraindre à rendre son édition plus exacte ou à multiplier le nombre de ses exemplaires, et, dans le cas contraire, de la faire faire ailleurs. Tout cela serait impossible, si le droit de l’éditeur ne dérivait pas d’une affaire entre l’auteur et le public, conduite par l’éditeur au nom de l’auteur.

À cette obligation de l’éditeur, que l’on accordera sans doute, il faut encore ajouter un droit qui s’y fonde, c’est-à-dire le droit à tout ce sans quoi cette obligation ne pourrait être remplie. C’est-à-dire qu’il doit exercer exclusivement le droit d’éditeur, parce que la concurrence des autres lui rendrait pratiquement impossible la conduite de son affaire.

Les œuvres d’art[10], comme choses, peuvent être au contraire, sur les exemplaires qu’on en a légitimement acquis, copiées ou moulées, et ces copies publiquement vendues, sans que l’on ait besoin pour cela du consentement de l’auteur de l’original ou de ceux dont il s’est servi pour exécuter ses idées. Un dessin que quelqu’un a esquissé ou qu’il a fait graver par un autre, ou encore qu’il a fait exécuter en pierre, en métal ou en plâtre, peut être reproduit ou moulé par celui qui a acheté cette production, et vendu publiquement sous cette forme, comme tout ce que l’on peut faire en son propre nom d’une chose qui vous appartient, sans avoir besoin du consentement d’un autre. La dactyliothèque de Lippert peut être copiée et mise en vente par quiconque en est possesseur et s’y entend, sans que l’inventeur puisse se plaindre d’une atteinte portée à ses affaires. Car c’est une œuvre (opus, non opera alterius) que tous ceux qui en sont possesseurs peuvent, sans même indiquer le nom de l’auteur, vendre, par conséquent aussi copier et mettre dans le commerce en leur propre nom, comme une chose qui leur appartient. Mais l’écrit d’un autre est un discours d’une personne (opera), et celui qui l’édite ne peut parler au public qu’au nom de cet autre, et il ne peut dire de lui-même autre chose sinon que l’auteur tient au public le discours suivant par son intermédiaire (impensis bibliopolæ). Il est en effet contradictoire de tenir en son nom un discours qui, d’après son propre avertissement et conformément aux informations du public, doit être le discours d’un autre. La raison pour laquelle les œuvres d’art peuvent être reproduites et livrées au public par d’autres que leurs auteurs, tandis que les livres, qui ont déjà leurs éditeurs, ne peuvent être contrefaits, c’est que les premières sont des œuvres[11] (opera), tandis que les seconds sont des actes[12] (operæ), et que celles-là sont des choses qui existent par elles-mêmes, tandis que ceux-ci n’ont d’existence que dans une personne. C’est pourquoi les derniers appartiennent exclusivement à la personne de l’auteur[13], et il a un droit inaliénable (jus personalissimum) de parler toujours lui-même par l’intermédiaire de tout autre, c’est-à-dire que personne ne peut tenir le même discours au public autrement qu’en son nom (au nom de l’auteur). Si cependant on modifie le livre d’un autre (si on le raccourcit ou l’augmente, ou si on le refond) de telle sorte qu’il ne serait plus juste de le publier sous le nom de l’auteur de l’original, cette refonte faite par l’éditeur en son propre nom ne constitue pas une contrefaçon, et par conséquent elle n’est pas défendue. Ici, en effet, un autre auteur entreprend par son éditeur une autre affaire que le premier, et par conséquent il ne porte pas atteinte aux droits de celui-ci dans ses affaires avec le public ; il ne représente pas cet auteur, mais un autre, comme parlant par son intermédiaire. De même la traduction d’un ouvrage dans une langue étrangère ne peut passer pour une contrefaçon ; car elle n’est pas le langage même de l’auteur, quoique les pensées puissent être exactement les mêmes.

Si l’idée, prise ici pour fondement, d’une édition d’un livre en général était bien comprise et traitée (comme je me flatte qu’il est possible de le faire) avec toute l’élégance qu’exige la science du droit romain, les plaintes élevées contre les contrefacteurs pourraient être portées devant les tribunaux, sans qu’il fût nécessaire de solliciter d’abord une nouvelle loi à ce sujet.




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Notes[modifier]

  1. Si un éditeur essayait de soumettre quiconque voudrait acheter son édition à la condition de se voir poursuivi pour soustraction d’un bien étranger à lui confié, dans le cas où, soit par son propre fait, soit par l’effet de sa négligence, l’exemplaire qu’il aurait acheté aurait été livré à l’impression, on n’y consentirait pas volontiers, car on ne voudrait pas s’exposer à toutes les importunités des perquisitions et des justifications. L’édition resterait donc sur les bras de l’éditeur.
  2. Verwilligen.
  3. Un livre est un instrument qui sert à transmettre au public un discours, et non pas simplement des pensées, comme par exemple un tableau, qui est la représentation symbolique de quelque idée ou de quelque événement. Le point le plus essentiel ici consiste en ce que ce n’est pas une chose qui est transmise par ce moyen, mais une œuvre, opera, c’est-à-dire un discours, et cela littéralement. Par cela même que c’est un instrument muet, je le distingue de ce qui transmet le discours au moyen du son, comme par exemple un porte-voix, ou même la bouche d’un autre.
  4. Unveraeusserlich.
  5. Veraeussert.
  6. Bejahendes.
  7. Werk.
  8. Geschaeft.
  9. Lorsque l’éditeur est en même temps auteur, les deux affaires n’en sont pas moins distinctes ; il édite en qualité de commerçant ce qu’il a écrit en qualité de savant. Mais nous pouvons mettre ce cas de côté et borner notre explication à celui où l’éditeur n’est pas en même temps auteur ; il sera facile ensuite d’en étendre aussi les conséquences au premier cas.
  10. Kunstwerke
  11. Werke.
  12. Handlungen.
  13. L’auteur d’un livre et le propriétaire d’un exemplaire de ce livre peuvent en dire tous deux avec un égal droit : c’est mon livre, mais en l’entendant dans des sens différents. Le premier considère le livre comme un écrit ou un discours ; le second comme un instrument muet qui sert à lui transmettre ce discours, ou à le transmettre au public, c’est-à-dire comme un exemplaire. Ce droit de l’auteur n’est donc pas un droit sur une chose, c’est-à-dire sur l’exemplaire (le propriétaire peut donc le brûler devant les yeux de l’auteur), mais un droit inhérent à sa propre personne, c’est-à-dire le droit d’empêcher qu’un autre ne le fasse parler au public sans son consentement, consentement qui ne peut pas même être présumé, car il l’a déjà accordé exclusivement à un autre.