De la névrotomie plantaire

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE


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DE LA


NÉVROTOMIE PLANTAIRE


PAR

Urbain FAULON


De Seissan (Gers)
C’est toujours un bien de soulager les êtres souffrants, et en guérissant les animaux on rend souvent service aux hommes.
Deleuze.


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THÈSE POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE


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CASTRES


TYPOGRAPHIE DU PROGRÈS


12, RUE MONTFORT, 12
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1877.


À MON PÈRE, À MA MÈRE




À MON ONCLE PALANQUE




À TOUS MES PARENTS




À CEUX QUI ME SONT CHERS




À MES PROFESSEURS


U. F.


AVANT-PROPOS




Presque toutes les maladies attaquant l’économie animale déterminent chez l’individu qui en est affecté, une sensation particulière plus ou moins vive ; toujours pénible, qu’on nomme douleur. Détruire ou modérer cette douleur, c’est évidemment rétablir dans l’organisme malade les fonctions qui, un moment, ont pu être perverties, c’est rendre au sujet ses aptitudes premières qu’il avait presque complètement perdues ; c’est en un mot lui fournir cette réaction qui lui est propre et surtout nécessaire pour se débarrasser autant que faire se peut du mal qui l’opprime.

La névrotomie plantaire m’ayant paru dans certaines affections du pied, assez efficace pour atteindre ces résultats, c’est elle que j’ai choisi pour sujet de ma thèse.


U. F.


DE LA NÉVROTOMIE PLANTAIRE




DÉFINITION


La névrotomie plantaire est une opération, qui consiste dans la section avec ou sans perte de substance des cordons nerveux qui vont se distribuer au pied, dans le but de rendre moins sensible cette partie, lorsqu’elle est le siège d’une douleur persistante et rebelle à tous les moyens de traitement. C’est une ressource extrême, qui ne doit s’appliquer que dans des cas extrêmes.

Chez l’homme cette opération se pratique sur différents nerfs afin de combattre certaines névralgies fort douloureuses et résistantes à tous les moyens thérapeutiques : la section des diverses branches de la cinquième paire pour la névralgie faciale ; la section du fémoro-poplité pour la névralgie sciatique et un grand nombre d’autres. Chez le cheval le nombre des maladies réclamant son emploi est très-restreint ; il consiste à remédier à quelques boiteries anciennes, dues soit à une prédisposition congénitale, soit à une lésion éventuelle du sabot ou des éléments qu’il contient. Les seuls nerfs, par conséquent, sur lesquels se pratique la névrotomie sont ceux qui aboutissent à cette région.

HISTORIQUE


Cette opération nous vient de l’Angleterre et plusieurs vétérinaires de ce pays s’en disputent l’invention. Ainsi Sewell, ancien professeur au collège vétérinaire de Londres, serait, d’après certains auteurs, le premier qui aurait donné les véritables notions sur cette opération. L’idée lui en serait venue à la suite d’une communication sur la maladie naviculaire faite en 1816 au collège par un vétérinaire très distingué de Londres, Turner de Croydon. Peu de temps après, Percivall ayant donné dans ses Leçons élémentaires sur l’art vétérinaire la première bonne description de la névrotomie telle qu’elle avait été pratiquée par Sewell, un autre vétérinaire anglais, Moorcroft, jusqu’alors inconnu, revendiqua pour lui la priorité de cette opération qu’il avait inventée, disait-il, depuis le commencement du siècle.

Quoi qu’il en soit, c’est à Girard fils que revient l’honneur de l’avoir introduite en France, où elle a été fréquemment mise en usage par Berger, Villatte, Rigot, Renault, Delafond, Beugnot, MM. H. Bouley, Lafosse, etc., etc. Dans les Écoles vétérinaires, cette opération qui d’abord n’avait été acceptée qu’avait une certaine indifférence, est aujourd’hui pratiquée journellement et ses résultats sont des plus avantageux.


DISPOSITION ANATOMIQUE


Pour la détermination exacte du lieu où il convient d’opérer, il est indispensable de rappeler la disposition anatomique des nerfs qui se distribuent à la région phalangienne du membre antérieur et du membre postérieur.

Nerfs plantaires du membre antérieur. — Ces nerfs, au nombre de deux, sont distingués en interne et en externe. Le nerf plantaire interne, l’une des branches terminales du nerf médian, s’accole à l’artère collatérale du canon, et suit ce vaisseau, le long du tendon perforant, jusqu’auprès du boulet, où il se termine par plusieurs branches digitales. Il fournit dans ce trajet plusieurs ramuscules métacarpiens, cutanés et une branche anastomotique qui, après s’être détachée du tronc principal, vers le milieu à peu près de la région du canon, contourne obliquement en arrière les tendons fléchisseurs, pour venir se joindre au nerf plantaire externe.

Celui-ci est formé par la réunion de deux branches : l’une venant du nerf cubital, l’autre émanée du médian, et rejoignant la première au niveau du bord supérieur de l’os crochu, après avoir passé sous l’extrémité inférieure du fléchisseur oblique du métacarpe. Ce nerf, qui accompagne la veine collatérale externe du canon dans toute sa longueur descend avec ce vaisseau et une artériole qui concourt à former l’arcade sous-carpienne, en dehors des tendons fléchisseurs, dans un canal fibreux particulier de la gaîne carpienne. Arrivé vers l’extrémité supérieure du canon, en dedans de la tête du métacarpien externe, il envoie sur la face postérieure du ligament suspenseur du boulet une branche palmaire profonde, principalement destinée à la portion charnue des muscles interosseux. Puis, continuant son trajet, il descend le long du tendon perforant, en émettant quelques ramuscules métacarpiens superficiels, reçoit le rameau de renforcement qui lui est fourni par le nerf interne, et se termine comme ce dernier, en arrivant sur le boulet, par plusieurs branches digitales, dont il me reste à examiner la disposition.

Les branches digitales ou collatérales du doigt, et les branches de terminaison des nerfs plantaires sont au nombre de trois de chaque côté, accompagnant l’artère et la veine digitales qu’elles couvrent de leurs divisions dans quelques points. Elles se séparent du boulet sur les grandes sésamoïdes. Une d’elles, la postérieure, la plus grosse, qui forme la continuation de la branche primitive, ne cesse de côtoyer le bord du tendon perforant et se dirige vers la partie moyenne du cartilage latéral de l’os du pied, sous lequel elle s’enfonce. Une deuxième s’engage entre les deux vaisseaux, s’anastomose fréquemment avec les deux autres branches, surtout avec l’antérieure, au point d’être quelquefois fort peu distincte de celle-ci, et se jette dans le bourrelet et le tissu podophylleux. Enfin une troisième, c’est la branche antérieure, beaucoup plus faible que la précédente, dont elle s’écarte d’abord fort peu, et qui, en arrivant vers le milieu de la première phalange se partage en plusieurs ramuscules qui se distribuent les uns dans la peau de la face antérieure du doigt et les autres dans les tendons et les tissus de la région antérieure de ce même organe.

Nerfs plantaires du membre postérieur. — Dans le membre postérieur où la névrotomie se pratique très-rarement, précisément à cause de la fréquence moins grande des altérations qui la commandent, les nerfs plantaires externe et interne naissent au niveau du calcaneum et s’engagent tous deux dans la gaîne tarsienne, en arrière du tendon perforant avec les artères plantaires. Vers l’extrémité supérieure du métatarse, ils se séparent définitivement l’un de l’autre ; l’externe se porte en dehors, entre le tendon précité et le métatarsien rudimentaire ; l’interne se place en dedans de ce tendon, et suit le bord postérieur du métatarsien interne. Tous deux descendent ensuite sur le boulet, où ils se comportent comme les nerfs analogues du membre antérieur.


LIEUX D’ÉLECTION.


Connaissant ainsi la disposition des nerfs plantaires dans le membre antérieur et dans le membre postérieur, il est facile de voir que la névrotomie peut être pratiquée en six points différents : aux deux branches métacarpiennes ou métatarsiennes ; aux deux branches digitales antérieures et aux deux branches digitales postérieures. Comme la section des branches antérieures n’est que très rarement indiquée, je la laisserai de côté pour ne m’occuper que de la névrotomie des branches métacarpiennes ou métatarsiennes, encore appelée névrotomie supérieure ou au-dessus du boulet et de la névrotomie des branches phalangiennes postérieures qu’on appelle aussi névrotomie inférieure basse ou au-dessous du boulet.

Les points qui conviennent le mieux pour chacune de ces sections sont les suivants :

À la branche du canon, ce point se trouve immédiatement au-dessus du boulet, au niveau même de l’endroit où apparaissent ordinairement les molettes. À ce point-là, le nerf est facile à découvrir, car il est très-superficiel et de plus se trouvant au bord externe et un peu en avant du tendon du perforant, celui-ci peut servir avantageusement de guide au chirurgien pour la détermination de sa position.

Quant à la branche digitale postérieure, le lieu d’élection de l’opération se trouve situé au-dessous du boulet, dans cette partie où l’on sent entre le tendon du perforant et le premier phalangien un vide assez grand, correspondant au tiers supérieur de cet os. Là encore, comme pour la branche du canon, le nerf se trouve très-superficiel, et situé en avant du bord du perforant.

Pendant longtemps on a discuté à l’effet de savoir si on devait pratiquer la névrotomie au-dessus ou bien au-dessous du boulet ; la physiologie et l’observation prouvent nettement que la névrotomie basse est préférable à la première. En effet, si on la pratique au-dessus du boulet, le tronc du nerf plantaire est coupé avant qu’il soit divisé, toute la région phalangienne est rendue insensible et les suites les plus funestes, telles que chute de l’ongle, fracture des os, rupture des tendons, en sont la conséquence la plus ordinaire. Cela provient de ce que l’animal ne sait plus calculer l’énergie de la percussion de son pied sur le sol et l’intensité de ses efforts en proportion de la résistance des parties. Pratiquée, au contraire, au-dessous du boulet, on n’intéresse que l’une ou l’autre des divisions du nerf, et la région digitale jouit encore d’une assez grande sensibilité tactile pour que l’animal ait la conscience de ses attitudes, sente lorsque le membre vient à l’appui et ait plus de sûreté dans ses allures.

Néanmoins, comme la névrotomie supérieure est d’une exécution plus facile que la névrotomie basse, beaucoup de praticiens, en prenant certaines précautions, l’emploient de préférence à celle-ci.


INDICATIONS.


« La névrotomie plantaire est indiquée, dit M. H. Bouley, toutes les fois que la région digitale est le siège d’une maladie chronique accusée par une douleur, et conséquemment par une claudication persistante, sans que cependant les altérations matérielle qui l’accompagnent soient telles qu’elles opposent un obstacle mécanique insurmontable au fonctionnement de l’extrémité digitale, comme rouage essentiel de l’appareil locomoteur. » Il faut, en d’autres termes, que la douleur soit l’élément dominant, essentiel de la maladie contre laquelle on croit devoir l’appliquer ; il faut que la boiterie persistante qui l’accompagne soit l’expression fidèle de cette douleur et non la conséquence d’altérations telles que, quand bien même la douleur ferait défaut, la boiterie n’en existerait pas moins comme effet fatal et inévitable du défaut d’agencement harmonique des parties nombreuses et variées qui composent le pied.

Comme on le voit, cette opération peut donc être opposée à toutes ces boiteries chroniques ayant leur siège dans l’enveloppe cornée et même qu’on admet le plus souvent être dans le pied, sans qu’il soit possible de s’en assurer d’une manière exacte. Il est pourtant certaines affections telles que la maladie naviculaire, les formes osseuses ou cartilagineuses, les resserrements du sabot, les kéraphyllocèles de formation récente, qui réclament plus particulièrement l’exécution de cette opération. Toutefois, la maladie naviculaire étant la première entre toutes, les moyens curatifs ordinaires étant insuffisants, les lésions qui en sont la suite devant supprimer chez les animaux qui en sont affectés, toute espèce de service, c’est celle qui attirera le plus particulièrement mon attention.

Définition de la maladie naviculaire. — Cette maladie, encore appelée synovite podo-sésamoïdienne par Loiset, est une inflammation chronique ulcéreuse des organes qui entrent dans la composition de la coulisse de ce nom ; elle est très fréquente chez les chevaux de sang, s’accompagne de claudication, de déformation du pied et résiste le plus souvent aux moyens thérapeutiques.

C’est une maladie obscure dans sa véritable cause, mystérieuse dans sa marche, et inconnue dans son essence, redoutée à cause de la destruction lente, mais fatale des organes qu’elle affecte, ne ressemblant qu’à elle-même, car au lieu de la suppuration qui accompagne ordinairement les maladies de nature ulcéreuse, ici tout marche à sec ; bien mieux, la synovie qui existe naturellement dans la coulisse disparaît à mesure que la maladie franchit ses diverses périodes.

Causes. — Pour bien comprendre l’étiologie de cette affection, il faut se rappeler le rôle que jouent les membres antérieurs dans la progression. Étant, en effet, des colonnes de soutien plutôt que d’impulsion, ces membres sont chargés de soutenir le poids du corps projeté par la détente des membres postérieurs ; la réaction du sol se fait sentir d’abord dans les épaules, au moyen des muscles qui se détachent du thorax, pour aller se fixer sur les premiers rayons, en jouant le rôle de véritables soupentes. Cette réaction, arrivée dans l’angle scapulo-huméral, se trouve presque entièrement anéanti par la fermeture de cet angle, fermeture qui a lieu malgré la résistance des muscles placés à son sommet. Cependant il est encore une partie de la réaction qui n’est pas annulée et qui est transmise à la colonne verticale formée par les os de l’avant-bras, le carpe et le métacarpe. Une fois à la région phalangienne, cette force, qu’on peut appeler force de réaction, se décompose en deux parties ; l’une, suivant la ligne des phalanges, se perd et s’éteint sur le devant de la boîte cornée, à la voûte de laquelle l’os du pied est suspendu ; l’autre se trouve rejetée sur les tendons des muscles fléchisseurs et finalement sur le profond qui la distribue aux parties postérieures du pied et au petit sésamoïde ou os naviculaire. Dans cette action complexe de décomposition du choc, cet os, poussé d’avant en arrière par celui de la couronne, est retenu surtout par la résistance que lui oppose le tendon du fléchisseur profond. Cela fait, que le petit sésamoïde et ce tendon se trouvent en lutte au moment où le pied arrive sur le sol, recevant le corps lancé par l’impulsion de l’arrière-main ; ils pressent ainsi fortement l’un sur l’autre.

Si le cheval est doué d’une très grande vitesse, cette pression peut devenir une contusion légère, et pour peu qu’elle se répète, il peut en résulter des lésions dans les surfaces de rapport de l’os, du tendon, ainsi que de la synoviale qui tapisse la petite gaîne sésamoïdienne. Cette énergie d’action de l’animal ne saurait pourtant à elle seule produire ces lésions, si par une construction anormale du pied, par un défaut de l’élasticité naturelle de la partie postérieure du sabot, il n’y avait pas une plus forte résistance. Or, quels sont les animaux chez lesquels la maladie naviculaire se présente le plus souvent ? Ce sont ceux chez lesquels le coussinet plantaire, à demi atrophié par suite de la compression qu’exercent sur lui les barres ou les talons trop serrés, est recouvert par une fourchette petite et sèche ; toutes conditions qui diminuent la flexibilité dans le derrière du pied. À cette cause principale il faut encore ajouter des causes secondaires qui ont aussi leur importance : les chevaux de race distinguée notamment les anglais et leurs dérivés les chevaux hanovriens, mecklembourgeois, normands, en sont le plus souvent atteints, quoique pourtant M. le professeur Lafosse l’ait vue sur des chevaux communs à pieds plats et corne molle. La litière trop sèche, une ferrure défectueuse, enfin, toutes les causes déterminant l’encastelure, prédisposent aussi à la maladie naviculaire.

Au point de vue qui m’occupe, je me suis assez étendu sur l’étiologie de cette maladie, je passe immédiatement aux symptômes qui la décèlent extérieurement et qui permettent au praticien de décider de l’opportunité de l’opération.

Symptômes. — A1er degré. — Les symptômes de la synovite podosésamoïdienne restent souvent inaperçus au début. Celui qui attire le premier l’attention du vétérinaire, est une certaine faiblesse du membre malade ; bien souvent la boiterie n’apparaît à cette période que par intermittences, est légère et n’augmente que progressivement. À l’écurie l’animal pointe, c’est-à-dire que le pied où siège la maladie est placé un peu en avant de la ligne d’aplomb, dans un état de relâchement général des muscles du membre, avec le paturon redressé et le pied appuyant surtout par la pince ; si on déplace le cheval dans sa loge, cet appui incomplet sur le membre, devient beaucoup plus apparent. Lorsque l’animal prend appui sur le membre affecté, il le fait avec hésitation et pour un temps très court ; il en est de même aussi lorsque pour reposer le membre sain, il fait son appui sur l’extrémité malade.

Néanmoins malgré l’examen rigoureux du sabot, on ne constate aucune déformation de celui-ci, aucune sensibilité du bord coronaire, tout au plus un peu de chaleur vers les talons et surtout vers la fourchette, où il y a une certaine sensibilité sourde et profonde qui ne devient apparente que par la percussion au moyen du brochoir, par la pression des talons entre les mors des tricoises et surtout par la pression des talons et de la fourchette entre les branches du même instrument, l’une d’elles placée dans une des lacunes latérales, l’autre sur le quartier opposé. Cette absence de toute espèce de symptômes physiques ou physiologiques émanant de la boîte cornée, ou bien leur faible degré d’intensité, peut être considérée comme assez caractéristique en soi, parce qu’en fait, il n’y a guère que dans la maladie naviculaire qu’on la voit coïncider avec une boiterie persistante et surtout avec l’action de pointer qui accuse une douleur des régions inférieures.

Si on livre le cheval à l’exercice il fléchit sur son membre et butte fréquemment, quelquefois même il se couronne ; il craint surtout l’appui du talon et les mouvements du genou et du paturon paraissent bornés. Après huit, dix minutes, un quart-d’heure d’exercice, toute trace de boiterie disparaît ; mais qu’on laisse reposer l’animal, on ne tarde pas à voir le membre se porter en avant, le paturon se redresser et le genou se fléchir. Si alors, pour éclairer le diagnostic, on abat les talons, de manière à laisser déborder la fourchette et qu’on fasse trotter l’animal, la boiterie devient beaucoup plus manifeste. On peut aussi obtenir facilement ce résultat et d’une façon encore plus sensible en appliquant sur le pied souffrant un fer à planche qui ne porte que sur la fourchette sans toucher aux talons ; alors la boiterie devient excessive et c’est là un moyen de diagnostic qui n’est pas à dédaigner.

B. — 2e degré. — À une période plus avancée, le mal s’accuse par des caractères plus ostensibles et les incertitudes disparaissent. Le mal ne tend jamais à décroître, au contraire, il augmente toujours, et dès que l’animal est un peu échauffé, la claudication disparaît complètement ou diminue d’une manière sensible à moins que le terrain sur lequel on l’exerce ne soit accidenté.

La chaleur du pied, qui auparavant était si faible, se trouve maintenant un peu augmentée, mais non encore en proportion avec l’intensité de la boiterie ; il en est de même de la sensibilité qui n’est rendue manifeste que par des pressions et des chocs explorateurs assez rudes. À l’écurie dans sa stalle, l’animal pointe fortement, tremble sur le membre malade et témoigne ainsi d’une vive douleur. Ce n’est qu’après une pareille souffrance de quelques mois que l’on constate la déformation du pied ; celui-ci s’allonge et se rétrécit à la fois d’une manière saisissable : il s’atrophie pour mieux dire ; le périople se détache sous forme d’écailles ; des cercles plus ou moins nombreux se forment surtout dans la région des talons et la fourchette semble disparaître au fond de la concavité de la face plantaire du pied.

C.3e degré. — Tous ces symptômes, accusés à l’extrême, la boiterie surtout portée au point de rendre l’animal absolument impropre à son service d’agent de locomotion, marquent le dernier degré de la maladie. À cette période aussi, le membre malade restant presque complètement inactif, ne fonctionnant plus, la nutrition y diminue considérablement, les muscles de l’épaule ne tardent pas à s’émacier et le membre entier s’atrophie sensiblement. Enfin la tuméfaction de la bride métacarpienne ou du tendon fléchisseur, profond lui-même ; la nerf-ferrure ; des formes ; l’ossification des cartilages latéraux de l’os du pied ; la déviation du boulet tellement prononcée qu’il fléchit en avant et arrive presque sur le sol chaque fois que l’animal fait son appui ; des fractures subites de l’os naviculaire ou des ruptures du tendon fléchisseur pendant les violents exercices, se montrent parfois comme dernières conséquences de la maladie.

Si les deux membres antérieurs sont atteints simultanément, le cheval pointe tantôt d’un pied, tantôt de l’autre, et le temps d’appui sur chacun d’eux est toujours très court. Les membres postérieurs s’engagent sous le centre de gravité en même temps que les reins se voussent, le décubitus devient fréquent et est souvent le point de départ de terminaisons funestes. Quand l’animal sort de l’écurie, ses membres antérieurs sont très raides, ses épaules chevillées et ses pieds rasent le sol ; il fléchit sur ses boulets et quelquefois même il butte et tombe. Cependant, à mesure qu’il s’échauffe, on voit les membres récupérer peu à peu leur souplesse qu’ils semblaient avoir perdue, les épaules paraissent plus libres et les allures finissent par être plus relevées. Mais dès qu’il est refroidi, tous les symptômes précédents reparaissent avec la plus grande intensité.

En résumé la symptomatologie de la maladie naviculaire est caractérisée : 1o par l’absence d’altérations physiques appréciables extérieurement auxquelles on puisse rattacher comme à leur cause suffisante l’attitude du pointer et la claudication. — 2o Plus tard, le sabot accuse le plus souvent soit par des cercles, soit par son resserrement, soit par des bleimes, la maladie profonde qui l’affecte ; de plus les tendons et les muscles du membre s’altèrent fortement. — 3o Enfin, à une époque encore plus avancée, la difficulté des mouvements des membres antérieurs imprime aux allures, un cachet particulier tout à fait pathognomonique, qui caractérise si bien la maladie naviculaire, qu’il est impossible de la confondre avec toute autre affection de l’appareil locomoteur.

Formes. — Les formes ou exostoses de la région phalangienne sont, après la maladie naviculaire, les lésions qui réclament le plus souvent la névrotomie plantaire ; elles se divisent suivant le siège qu’elles occupent en formes du paturon et formes de la couronne. L’opération est surtout utile quand la tumeur osseuse produit la boiterie en comprimant une partie sensible, quand des nerfs rampent à sa surface ou pénètrent dans son épaisseur. Elle reste sans succès si la forme est inter-articulaire ou péri-articulaire, c’est-à-dire s’il y a ankylose vraie ou fausse ankylose.

Longtemps on a discuté sur le point de savoir s’il y avait un avantage réel à opérer la névrotomie quand l’exostose est à son début ou bien quand on a essayé contre elle tous les autres moyens et que ceux-ci n’ont pas réussi. Dans ses éléments de chirurgie vétérinaire, notre regretté professeur M. le docteur J. Gourdon, voyant que l’un des plus grands moyens, la cautérisation actuelle, échoue le plus souvent, conseille de ne pas différer un seul instant, surtout si l’on a soin de ne couper que les branches nerveuses qui se rendent à l’exostose, de manière à conserver la sensibilité dans tout le reste du pied. Cette manière de voir me semble un peu forcée, car j’ai vu pendant mes deux années de clinique à l’école de Toulouse, bon nombre de formes traitées par le feu, disparaître comme par enchantement. Cependant le feu n’est pas non plus infaillible, il ne réussit pas dans tous les cas et ce n’est qu’après l’avoir essayé qu’il me semble convenable de pratiquer la névrotomie. J’en dirai autant pour la synovite podo-sésamoïdienne, ainsi que pour toutes les lésions du pied réclamant son emploi.

Aux formes de la couronne succède très souvent aussi une lésion du sabot qui peut réclamer la névrotomie comme moyen palliatif, je veux parler de l’encastelure. Voici quel est en quelques mots le mécanisme de ce resserrement : à l’état normal, les organes qui sont le siège de la sécrétion cornée, c’est-à-dire les villo-papilles, s’implantent obliquement sur le bourrelet en formant un angle de 45° et les tubes cornés qu’ils sécrètent suivent par conséquent cette direction oblique, de telle sorte que le sabot se trouve beaucoup plus évasé à son bord inférieur qu’à son bord supérieur. Mais si une exostose quelconque vient faire son apparition sous le bourrelet, celui-ci alors se trouve soulevé, sa face adhérente devient supérieure, tandis que sa face libre se trouve inférieure et les villo-papilles, d’obliques qu’elles étaient, deviennent verticales ; les tubes cornés sont alors sécrétés perpendiculairement et le sabot prend la forme cylindrique caractéristique de l’encastelure.

On pratique encore la névrotomie dans le cas d’ossification des cartilages latéraux de la troisième phalange ; lorsqu’après une opération très-grave du pied une forte douleur subsiste encore, la névrotomie est alors aussi bien indiquée ; il en est de même dans le cas de kéraphyllocèle, avant son apparition sur la sole. Si on la pratiquait, en effet, au moment où il est entièrement formé, la douleur qui règle les mouvements des membres étant absente, l’appui se ferait avec autant d’abandon que si le kéraphyllocèle n’existait pas et la mortification des parties environnantes qui en résulterait, donnerait lieu à des accidents d’une gravité excessive.


CONTRE-INDICATIONS


Malgré les avantages incontestables de la névrotomie plantaire, on ne doit pas abuser de son emploi, on ne saurait la pratiquer impunément. Outre la sensibilité qui est une propriété des plus remarquables des nerfs, ceux-ci contribuent encore à entretenir la vitalité des parties où ils se rendent, et si on anéantissait cette fonction, on diminuerait ainsi la force de nutrition de l’organe et par conséquent on nuirait de la sorte à la solidité de l’appui et à la sûreté de la marche. Pour ces raisons seules, la névrotomie ne doit être employée que dans les cas désespérés et alors seulement que tous les autres moyens sont restés sans succès. Lorsque la claudication est due à une inflammation générale du pied ou bien que celui-ci se trouve profondément désorganisé, on doit bien se garder de pratiquer la névrotomie. Il en est de même lorsque la boiterie a son siège dans un pied plat, mou et comble ; de même aussi quand elle est due à une fourbure chronique compliquée ou non de croissant. L’opération est encore contre-indiquée, quand il y a une ankylose complète de l’articulation et même aussi dans le cas de maladie naviculaire à sa dernière période, alors que le petit sésamoïde est presque complètement détruit et que le tendon se trouve réduit à quelques fibres.

Règle générale. — Avant de pratiquer la névrotomie, il est une précaution qu’il est indispensable de remplir, c’est de ferrer très-légèrement le pied et de le soigner convenablement aussi après la guérison de la plaie, afin d’entretenir la souplesse de la corne.


MANUEL OPÉRATOIRE


Le manuel de cette opération est des plus simples et les seuls instruments qui conviennent pour la pratiquer sont les suivants : un bistouri convexe, un bistouri droit, une paire de ciseaux et une aiguille courbe munie d’un fil ciré d’une longueur de 30 centimètres environ. On couche l’animal de telle sorte que le côté où l’on doit opérer se trouve en dessus et on ne désentrave le membre pour le fixer sur les rayons supérieurs, que si l’opération doit être faite sur une branche phalangienne. Cela fait, au moyen d’une plate longe dont l’anse embrasse le sabot et dont le nœud est au talon, on fait tenir par un aide la région phalangienne fortement tendue. De plus comme l’opération promet d’être fort douloureuse, il est prudent de mettre un tord-nez comme dérivatif. On va même jusqu’à conseiller les anesthésiques.

Après avoir, au préalable, bien déterminé le lieu de l’opération, le chirurgien coupe les poils sur ce point ; puis, prenant le bistouri convexe de la main droite, il fait une incision longitudinale de la peau, c’est-à-dire dans la direction du nerf, et cela dans une étendue de quatre centimètres environ ; seulement si on connait bien l’anatomie de la région, une incision de deux à trois centimètres peut suffire et alors non-seulement la cicatrisation est plus prompte, mais l’opération est moins désagréable à l’œil. La peau incisée, on isole bien le nerf des parties environnantes, surtout des vaisseaux qui l’accompagnent et afin de le disséquer plus facilement, on le soulève ensuite avec l’aiguille courbe aplatie qui sert aussi à passer sous le nerf un fil avec lequel on l’embrasse par un nœud.

Ainsi détaché, on le coupe en haut d’abord, puis en bas de l’incision, de manière à en retrancher environ trois centimètres ; on comprend que la première section doive se faire d’abord en haut, car cette opération étant très douloureuse, lorsqu’on pratique la deuxième, le nerf n’étant plus en rapport alors avec les centres nerveux, l’animal ressent peu de douleur. Je dis peu, le mot est peut-être plus ou moins exact, car on sait que d’après les récentes expériences de MM. Arloing et Tripier, si on sectionne, par exemple, la branche principale du nerf plantaire du cheval au niveau du boulet et qu’on attende quelques minutes avant de pratiquer l’excitation, on voit qu’en pinçant le bout périphérique du nerf divisé, on amène de la douleur et souvent une douleur assez vive pour que l’animal relève le pied et l’écarte de sa position. Comment expliquer ce phénomène entièrement dû à ce qu’on a appelé la sensibilité récurrente ?

C’est par la méthode wallérienne ou de dégénérescence que MM. Arloing et Tripier sont arrivés tout récemment à résoudre cette question. Sur des nerfs sectionnés depuis un mois ou cinq semaines, on examine le bout central et le bout périphérique ; ce dernier est dégénéré, mais cependant renferme quelques fibres intactes. Le bout supérieur, au contraire, possède toutes ses fibres intactes, à l’exception de quelques-unes qui sont dégénérées. Or, d’après cela, il est très rationnel d’admettre que les excitations appliquées sur les fibres nerveuses intactes du bout périphérique se sont propagées sur les nerfs du côté opposé, car on rencontre sur ces nerfs quelques fibres dégénérées qui proviennent du nerf sectionné, comme les fibres intactes de celui-ci arrivent par les nerfs du côté opposé. Enfin le nombre des fibres intactes augmente à mesure qu’on se rapproche de la périphérie, et ces fibres au contraire n’existent plus à l’origine du nerf, mais aussi le nerf interrogé à ce point n’a donné aucune sensibilité. On est donc fondé, après ces expériences, à dire que des fibres forment des anses à la périphérie des nerfs et remontent le long du trajet des nerfs voisins pour se distribuer dans le domaine de ce nerf, et cela de telle manière qu’il y a une sorte d’entrecroisement entre les fibres nerveuses des nerfs voisins. Cela se passe absolument de la même manière dans les nerfs plantaires et on a ainsi l’explication de ce fait excessivement remarquable, que même à la seconde section du nerf les animaux ressentent une douleur plus ou moins vive.

Il est encore une autre précaution toujours bonne à prendre, surtout si l’on a affaire à une branche très fine, c’est de fixer, avant de faire la section, la portion de nerf qui doit être retranchée en nouant le fil par dessus. Il en résulte que la branche nerveuse se trouve vivement comprimée, ce qui détermine conséquemment une douleur très vive, qui prouve que l’on a réellement saisi le nerf.

On doit, ai-je dit, pour bien pratiquer cette opération, enlever un lambeau de nerf d’environ trois centimètres, car, si l’on se bornait à une simple section, la cicatrisation se ferait rapidement et on aurait, au bout de peu de temps, une douleur aussi intense qu’auparavant. Il en serait de même si le lambeau détaché était d’une longueur moindre de trois centimètres.

Une fois l’opération pratiquée, la première indication à remplir, c’est d’obtenir la cicatrisation de la plaie par première intention, au moyen d’un emplâtre agglutinatif, ou un simple pansement, que l’on maintient par un bandage modérément serré. Au bout de deux ou trois jours, ce bandage peut être enlevé et si la plaie ne se réunit pas par première intention, elle entre en suppuration et suit les phases ordinaires des plaies suppurantes ; quelquefois même on entoure la région opérée d’une étoupade qu’on imbibe constamment d’eau fraîche. Quoi qu’il en soit, au bout d’une quinzaine de jours, on peut considérer la guérison comme étant complètement effectuée quelque marche qu’ait suivie la plaie. Néanmoins, on doit attendre un mois et même davantage s’il se peut, avant de rendre l’animal à son travail, car plus on attend, plus on évite les chances d’accidents. On doit aussi éviter pendant cette longue période, de conduire l’animal à la prairie, où il est exposé à faire des mouvements trop brusques ; il vaut mieux le laisser à l’écurie dans une liberté complète.

Si la névrotomie doit être pratiquée sur plusieurs branches, on doit mettre entre chaque opération un intervalle de dix ou quinze jours au moins. De cette manière, la région malade ne se trouve pas privée d’un seul coup de sa vitalité ; les anastomoses nerveuses ont le temps de la rétablir, de telle sorte que la nutrition n’est jamais complètement suspendue dans le pied. Si on doit opérer sur deux membres, la première fois on fait la section d’une branche sur chacun d’eux et la deuxième fois on sectionne les deux autres. La névrotomie sur les membres postérieurs est en général plus difficile que sur les membres antérieurs, à cause de la densité et de l’infiltration plus grandes du tissu conjonctif qui entoure les nerfs plantaires des membres abdominaux.


EFFETS CONSÉCUTIFS


Les effets les plus remarquables de la névrotomie sont la suppression instantanée de la douleur, quand elle à son siège dans la partie où se distribue le nerf, ainsi que la disparition de la boiterie ; le plus souvent, en effet, pour ne pas dire toujours, ce sont les seuls que l’on observe. Tout ce qu’on a dit au sujet de pieds resserrés ayant repris leur forme naturelle après l’opération, d’exostoses ayant diminué de volume, tout cela dis-je, n’est que l’exception et le praticien, et surtout le propriétaire devront s’estimer heureux, si l’animal travaille encore pendant longtemps, sans que la boiterie reparaisse malgré la persistance des altérations physiques.

Si l’opération a été convenablement pratiquée, la sensibilité se trouve éteinte pour jamais, car la portion de nerf enlevée est bientôt remplacée par un tissu cicatriciel de nature fibreuse et tout différent par conséquent du tissu nerveux. Toutefois, bien que le courant nerveux soit interrompu, la nutrition ne disparaît pas complètement dans la région malade, grâce à de minces filets nerveux qui accompagnent l’artère plantaire ; grâce aussi aux fibres récurrentes, dont j’ai donné plus haut l’explication, et que je n’ai pas besoin de rappeler ici ; grâce enfin à l’intermédiaire de la peau qui étant toujours en communication directe avec le système nerveux, ne cesse pas d’exercer sa fonction d’organe sécréteur de la corne.


ACCIDENTS


Les accidents les plus communs et en même temps les plus graves qui succèdent à la névrotomie sont principalement la chute du sabot, le ramollissement du tendon et sa rupture consécutive.

Le premier de ces accidents, toujours dû à une désorganisation gangréneuse des tissus sous-jacents à la corne, a été signalé pour la première fois par les vétérinaires anglais ; en France aussi, on l’a observé plusieurs fois. Il provient le plus souvent de l’oubli que l’on fait des précautions prescrites pour l’opération ; quand, par exemple, on sectionne les deux nerfs au-dessus de l’articulation métacarpo-phalangienne ; quand on pratique ces deux sections en même temps, sans laisser entre les deux opérations le temps exigé, ou bien enfin quand on rend trop promptement l’animal à son travail.

Si cet accident doit nécessairement avoir lieu, on voit, quinze jours ou un mois environ après l’opération, la partie inférieure du membre s’engorger considérablement ; les parties renfermées dans le sabot venant à se congestionner augmentent rapidement de volume et se trouvent bientôt fortement comprimées par l’enveloppe cornée. Alors la douleur est des plus vives, l’animal souffre cruellement, et, peu à peu, on voit la corne se détacher de la peau, déterminer une fissure par laquelle s’écoule bientôt un liquide fétide et sanieux qui, peu à peu, finit par décoller tout le sabot. Lorsque le mal en est arrivé à ce point, le praticien doit, dans l’intérêt du propriétaire, conseiller l’abattage immédiat de l’animal.

Si on veut donner l’explication de ce grave accident, il ne faut pas en rechercher la cause dans la suppression directe de la vitalité, puisque avec quelques précautions on l’évite à peu près constamment, mais bien dans un ralentissement de la circulation résultant de la suppression de l’action nerveuse. Il arrive aussi quelquefois que cette chute du sabot s’observe sur des animaux opérés depuis plusieurs années déjà et M. H. Bouley attribue la cause principale de cet accident aux percussions violentes qu’éprouve, pendant les allures vives, le sabot dépourvu de la faculté tactile qui lui permet de modérer ses chocs sur le sol.

Le ramollissement du tendon et sa rupture consécutive est aussi quelquefois la suite fâcheuse de la névrotomie. Cet accident a été observé pour la première fois en 1834, à l’École vétérinaire d’Alfort, et depuis cette époque Beugnot, Rabouille, Delafond, Forster, etc., etc., en ont signalé plusieurs cas. Loin de se manifester de suite après l’opération, ce ramollissement n’apparaît que quatre à huit mois après, alors que l’animal a fait pendant cette longue période de temps, son service comme si le pied n’avait été le siège d’aucune lésion. Une boiterie violente apparaît tout à coup et sans cause connue, en même temps que l’extrémité inférieure du membre s’engorge fortement ; quand le membre vient à l’appui, celui-ci ne se fait plus par toute la surface plantaire, mais seulement par les talons, et le boulet s’affaisse tellement en arrière qu’il touche presque le sol par sa face postérieure. Très souvent aussi des phlegmons se forment dans la partie engorgée ; ces phlegmons ne tardent pas à s’abcéder, à s’ouvrir entraînant dans leur suppuration des exfoliations osseuses et tendineuses nécrosées. Comme pour la chute du sabot, le praticien doit conseiller l’abattage de l’animal.

Cet accident, d’une gravité désespérante, comme on le voit, ne se manifeste que très rarement et seulement chez les animaux où l’opération a été pratiquée au dessus du boulet, des deux côtés à la fois et qui de plus ont été soumis ensuite à un travail trop pénible. Alors le tendon dont la vitalité est déjà si faible, perd bientôt sa force nutritive, il se décompose, se ramollit, se nécrose, en un mot il se détruit, et cette destruction se trouve encore favorisée par les efforts violents que l’animal est tenu de faire pendant la marche.

Outre ces deux accidents, dont le caractère dangereux est maintenant suffisamment connu, il en est encore quelques-uns qui peuvent se rattacher indirectement à la névrotomie et sur lesquels M. H. Bouley a, dans ces derniers temps attiré l’attention des vétérinaires. L’éminent inspecteur général a fait remarquer, avec juste raison qu’une affection quelconque du pied, une enclouure, une bleime, d’une guérison si facile au début, peut passer inaperçue sur un pied névrotomisé, lequel n’accuse plus alors le mal par la boiterie et par conséquent n’attire pas l’attention du propriétaire. Cette affection, restant ainsi cachée, produit des ravages épouvantables dans les tissus du pied : des arthrites, des nécroses de tendon ou d’os sont les désordres les plus communs et en même temps les plus funestes que l’on remarque. On évitera donc de pareils accidents en faisant exercer par le propriétaire et en exerçant soi-même, sur le membre opéré, une surveillance minutieuse et continue.


Urbain FAULON