Les Fleurs du mal (Revue des Deux Mondes)/De profundis clamavi

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Les Fleurs du mal (Revue des Deux Mondes)
Revue des Deux Mondes2e série de la nouv. période, tome 10 (p. 1090-1091).

XIV.

LE SPLEEN.


J’implore ta pitié, toi, l’unique que j’aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C’est un univers morne à l’horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème.

 
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C’est un pays plus nu que la terre polaire ;
— Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois.

Or il n’est pas d’horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace,
Et cette immense nuit semblable au vieux chaos.

Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l’écheveau du temps lentement se dévide !