Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Des délits et des peines/Chapitre XXVI

La bibliothèque libre.
Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 183-184).

CHAPITRE XXVI.

DES CRIMES DE LÈSE-MAJESTÉ.


Les crimes de lèse-majesté ont été mis dans la classe des grands forfaits, parce qu’ils sont funestes à la société. Mais la tyrannie et l’ignorance, qui confondent les mots et les idées les plus clairs, ont donné ce nom à une foule de délits de nature toute différente. On a appliqué les peines les plus graves à des fautes légères ; et, dans cette occasion comme dans mille autres, l’homme est souvent victime d’un mot.

Toute espèce de délit est nuisible à la société ; mais tous les délits ne tendent pas immédiatement à la détruire. Il faut juger les actions morales sur leurs effets positifs, et se conformer aux temps et aux lieux. L’art des interprétations odieuses, qui est ordinairement la science des esclaves, peut seul confondre des choses que la vérité éternelle a séparées par des bornes immuables[1].


  1. « Les lois de la Chine décident que quiconque manque de respect à l’empereur, doit être puni de mort. Comme elles ne définissent pas ce que c’est que ce manquement de respect, tout peut fournir un prétexte pour ôter la vie à qui l’on veut, et exterminer la famille que l’on veut.

    » Deux personnes chargées de faire la Gazette de la cour, ayant mis dans quelques faits des circonstances qui ne se trouvèrent pas vraies, on dit que mentir dans une gazette de la cour, c’était manquer de respect à la cour, et on les fit mourir. Un prince du sang ayant mis quelque note par mégarde sur un mémorial signé du pinceau rouge par l’empereur, on décida qu’il avait manqué de respect à l’empereur, ce qui causa contre cette famille une des terribles persécutions dont l’histoire ait jamais parlé.

    » C’est assez que le crime de lèse-majesté soit vague, pour que le gouvernement dégénère en despotisme. » (Montesquieu, De l’esprit des lois, Liv. XII, chap. 7.)