Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Relation/11

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Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 57-59).


CHAPITRE XI.


De l’arrivée d’un des vaisseaux qui s’était séparé de nous pendant le voyage et à bord duquel se trouvait le premier pilote.


Environ trois semaines après, nous vîmes arriver l’un des deux vaisseaux dans lequel se trouvait le pilote en chef ; mais le troisième avait péri en mer, et jamais nous n’en entendîmes parler.

Nous nous préparâmes à remettre à la voile, et nous embarquâmes des vivres pour six mois, car nous avions encore trois cents milles à faire mais quand tout fut près, le grand vaisseau coula à fond dans le port, ce qui empêcha notre départ.

Nous passâmes ainsi deux ans dans le désert, au milieu des dangers, souffrant tellement de la faim, que nous mangions des rats, des lézards, les animaux les plus dégoûtants que nous trouvions, les coquillages que nous ramassions sur les rochers et les choses les plus extraordinaires ; car les sauvages qui nous avaient d’abord fourni des vivres ne voulurent plus nous en procurer quand nous n’eûmes plus de marchandises à leur donner en échange, et nous ne pouvions plus nous fier à eux.

Voyant donc que si nous restions plus longtemps dans cet endroit, nous finirions par y périr, nous primes la résolution de nous diviser en deux troupes. La plus nombreuse devait se rendre par terre à la ville de l’Assomption, éloignée d’environ trois cents milles, et les autres tâcheraient d’y arriver avec le vaisseau qui nous restait. Le capitaine me garda avec quelques autres pour l’accompagner par mer.

Ceux qui prirent la route de terre emportèrent des vivres avec eux, emmenèrent quelques sauvages pour leur servir de guides, et finirent par arriver à l’Assomption après que la faim en eut fait périr un grand nombre. Quant à ceux qui devaient aller par eau, il se trouva que le vaisseau était trop petit pour les contenir.