Description de la Chine (La Haye)/Abrégé de grammaire chinoise

La bibliothèque libre.
Scheuerleer (2p. 279-286).


Abrégé de grammaire chinoise.


Ce petit abrégé de grammaire chinoise n’aidera pas peu à faire connaître le génie de cette langue, qui n’étant composée que de mots d’une seule syllabe, et indéclinables, semble ne pouvoir être assujettie à aucune règle. Il y en a cependant par rapport aux noms, aux pronoms, aux conjugaisons des verbes, aux prépositions, aux adverbes, aux nombres et à leurs particules, dont je vais parler.


Des noms positifs, comparatifs, et superlatifs.


Ce n’est pas dans la langue chinoise qu’il faut chercher la diversité des genres, des cas, et des déclinaisons. Très souvent le nom ne se distingue pas du verbe ; et le même mot, qui, selon l’endroit où on le place, est un substantif, peut devenir adjectif, et même un verbe.


Les noms peuvent devenir verbes, et les verbes peuvent devenir noms.

Par exemple, ces deux mots ngai, j’aime ; siang, je pense, peuvent être et des noms et des verbes. S’ils sont placés avant un autre mot, en sorte qu’ils signifient quelque action, ce sont des verbes : exemple, ngo ngai ni, je vous aime ; ngo siang ta, je pense à lui. Si au contraire ils sont placés après un autre mot, sans signifier d’action, ils deviennent des noms : Exemple : ngo ti ngai, mon amour ; ngo ti siang, ma pensée.


De l'adjectif par rapport au substantif.

L’adjectif va toujours devant le substantif : comme hao gin, bon homme ; mais si ce même mot est à la suite d’un autre, il devient substantif, comme Gin ti hao, bonté de l’homme. On voit que ce mot hHao, qui était adjectif, parce qu’il précédait le mot Gin, devient substantif, lorsqu’il est précédé du même mot Gin.

On ajoute souvent aux substantifs la particule Tsëe, et elle est propre de plusieurs substantifs : par exemple, Fang tsëe, maison ; Co tsëe, fruit. Il est néanmoins à observer qu’elle ne s’ajoute qu’aux substantifs, qui ne peuvent jamais être adjectifs.


Des cas et des nombres.

Les cas et les nombres ne se reconnaissent que par la composition : le nombre pluriel se fait par la particule men, qui est commune à tous les noms. En voici des exemples : Gin, homme : Gin men, les hommes ; Ta, lui : Ta men, eux.

Mais quand le nom est précédé de quelque mot qui signifie multitude, alors on s’abstient de mettre la particule Men après le nom.

La particule Ti fait souvent le génitif, tant singulier que pluriel, quand elle est après les noms : exemple, Gin ti hao, bonté de l’homme ; Gin men ti hao, bonté des hommes. Du reste il n’y a aucun cas dans la langue chinoise.

Il arrive aussi que la particule ti mise après des pronoms, en fait des dérivés : exemple, ngo ti keou, mon chien ; ta ti keou, son chien.


Des comparatifs.

Les comparatifs se forment aussi par des particules qu’on ajoute : par exemple on se sert de cette particule keng qui se met toujours avant les noms, et qui signifie beaucoup ; keng hao, meilleur. Souvent on y emploie la particule to, qui signifie aussi beaucoup. Mais elle se met ordinairement après le nom : hao to, meilleur ; yuen to, plus éloigné.


Des superlatifs.

La particule qui marque le superlatif, peut se mettre, ou avant, ou après les noms. Ainsi l’on dira fort bien tsiue hao, ou hao tsiue, très bon ; tsiue siao, ou siao tsiue, très petit.

La particule te kin, marqué aussi le superlatif : hao te kin, très bon ; ta te kin, très grand ; siao te kin, très petit.


Des pronoms


On ne connaît guère de pronoms parmi les Chinois que ces trois-ci : ngo, moi ; ni, toi ; ta, lui, qui sont personnels. Ils deviennent pluriels, on y ajoute la particule men.

Ils deviennent possessifs en ajoutant la particule ti : ngo ti, mien ; ni ti, tien ; ta ti, sien. Ajoutez la particule men, et ces mêmes mots signifieront notre, votre, etc. : ngo men ti, notre ; ni men ti, votre.

Les pronoms possessifs, de même que ceux de nation et de famille, ne se distinguent des dérivés, qu’en ce qu’après le pronom on met le nom de la patrie, du royaume, de la ville, etc. ngo ti koue, mon royaume ; ngo ti fou, ma ville.

Choui est la particule qui marque le pronom relatif, lequel et laquelle. À cette particule on ne joint jamais celle qui marque le pluriel.


DES VERBES.


Les verbes chinois n’ont proprement d’autre temps que le présent, le prétérit, et le futur. La signification passive s’exprime par la particule pi.

Quand on n’ajoute aucune particule au verbe, et qu’on n’y joint que les pronoms personnels ngo, ni, ta, c’est une marque que le temps est présent.

La particule leao ajoutée, désigne le prétérit ou le temps passé.

Pour marquer le futur, on se sert de la particule tsiang ou hoei. Tout ceci se comprendra mieux par des exemples.


PRÉSENT
Singulier
Ngo ngai.   j’aime.
Ni ngai. tu aimes.
Ta ngai. il aime.
Pluriel
Ngo men ngai. nous aimons.
Ni men ngai. vous aimez.
Ta men ngai. ils aiment.


PRÉTÉRIT
Singulier
Ngo ngai leao. j’ai aimé.
Ni ngai leao. tu as aimé.
Ta ngai leao. il a aimé.
Pluriel
Ngo men ngai leao. nous avons aimé.
Ni men ngai leao. vous avez aimé.
Ta men ngai leao. ils ont aimé.


FUTUR
Singulier
Ngo hoei ngai. j’aimerai.
Ni hoei ngai. tu aimeras.
Ta hoei ngai. il aimera.


Pluriel
Ngo men hoei ngai. nous aimerons.
Ni men hoei ngai. vous aimerez.
Ta men hoei ngai. ils aimeront.


L’optatif se forme par ces mots pa pou té, qui signifient, ô que ! Plût à Dieu, par exemple, pa pou te ngo ngai, plût à Dieu que j’aime ; pa pou te ni ngai, plût à Dieu que tu aimes, etc.

La plupart des verbes qui signifient action, peuvent avoir une signification passive ; mais dans la signification active, les verbes se mettent toujours avant les noms, sur lesquels tombent l’action.

Exemple
Ngo ngai ni. je vous aime.
Ngo ta ni. je vous frappe.

Ce serait parler d’une manière absurde, et qui n’aurait pas de sens, que de dire :

Ngo ni ngai.
Ngo ni ta.

Au contraire dans la signification passive, le verbe est toujours après le nom, en y mêlant la particule pi qui marque le passif.

Ngo pi ta ngai. je suis aimé de lui.
Ngo pi ta ta. je suis frappé par lui.

Le prétérit et le futur se forment avec les mêmes particules, dont on se sert dans les verbes actifs.


Des prépositions


Quoique la langue chinoise soit composée d’un si petit nombre de mots, elle ne laisse pas d’être très abondante, non seulement parce que le même mot peut être et nom et verbe, mais encore parce qu’il est souvent préposition, adverbe, etc.

Les Chinois ont donc quelques prépositions qui ne sont pas telles de leur nature, mais qui le deviennent par l’usage ; comme sont ces mots tsien, devant ; heou, après ; chang, au-dessus ; hia, en bas, et autres semblables. Ce sont des prépositions, si elles sont liées à un verbe, et qu’elles le précèdent. Ce sont des postpositions, si elles sont liées à un nom, et qu’elles le suivent, par exemple, sien tso, je fais avant ; heou lai, je viens après ; chang tseou, je vais en haut ; hia tseou, je viens en bas. Ce sont des prépositions, parce qu’elles précédent le verbe. Mais ces mots suivants, fang tsien, devant la maison ; muen heou derrière la porte ; tcho chang, sur la table ; ti hia, au bas de la terre, sont des postpositions, parce qu’elles suivent le nom.

Il faut dire la même chose de nui, dedans ; vai, au-dehors, et d’autres mots semblables.


DES ADVERBES.


La langue chinoise n’a point de mots, qui soient proprement adverbes : ils ne le deviennent que par l’usage, ou par l’endroit du discours, où ils sont placés. Souvent il faut plusieurs mots pour exprimer les adverbes des autres langues. Ils n’en ont aucun de démonstratif, ni de propre à appeler et à exhorter : il faut alors se servir des noms ou des verbes. Voici ceux qui sont en usage. Pour :


Désirer Pa pou té plût à Dieu.
Interroger Ju ho de quelle façon.
Ho ju de quelle manière.
Tseng mo comment.
Répondre Chi oui tse gen certainement.
Confirmer Tching tié véritablement.
Co gen très certainement.
Ching tching tie très véritablement.
Nier et défendre       Pou, ou bien mo non.
Pou jo cela ne convient pas.
Pou gen non certes.
Douter Hoe, ou Hoe tche peut-être.
Choisir Ving mieux, plutôt ceci que cela.
Comparer Keng, ou Keng to beaucoup plus.
Keng chao beaucoup moins.
Keng hao mieux.
Ramasser Tong, ou bien Y tong ensemble
Séparer Ling de plus.
Ling vai séparément.
Augmenter Kin diligemment.
Kiang fortement.

Le temps Kin ge aujourd’hui.
Ming ge demain.
Tso ge hier.
Tsien ge avant-hier.
Heou ge après-demain.
Le lieu Tche li ici.
Tsëe de-la, ou, par-la.
Le nombre Y tsëe une fois.
Eul tsëe deux fois.
Tchang tchang souvent.
L’ordre Ti y ou bien teou y premièrement.
Heou mien ensuite.
Tchong ou tong enfin.
L’évenement Hoe gen peut-être.
La similitude Ju comme.
L’adversité Pou ju non pas comme.
Pou tong dissemblablement.
La qualité Chao peu.
To beaucoup.
Keou assez.
Exclure Tan seulement.
Une chose qui n’est
pas encore faite
Tcha pou to presque.



Des nombres et de leurs particules.


Il y a grand nombre de particules propres des nombres dans la langue chinoise : l’usage en est fort fréquent, et on s’en sert d’une manière qui ne convient qu’à cette langue : car chaque chose a une particule signifiant le nombre qui est propre de cette chose. Au lieu que dans notre langue, un, deux, trois, s’appliquent à différentes choses, et que nous disons un homme, une femme, deux hommes, deux femmes ; ce serait pour un Chinois une manière de s’exprimer grossière et barbare. Il faut que chaque nombre s’exprime par une particule propre de chaque chose. C’est ce que des exemples feront mieux comprendre. Commençons d’abord par rapporter les nombres chinois, et nous viendrons ensuite aux particules de nombre, dont il faut se servir pour chaque chose.


Nombres chinois.


Y, un. ché y onze.
eul, deux. eul ché, vingt.
San, trois. san ché trente.
ssë, quatre.     cent.
ou, cinq. eul pé, deux cents.
lou, six. y tsien, mille.
tsi, sept. y ouan, dix mille
pa, huit. eul ouan, vingt mille.
kieou, neuf. che ouan, cent mille.
she, dix. y pé ouan, un million.



Particules de nombre.


Co se dit des hommes ; y co gin, un homme, y co fou gin, une femme.

Hoei, se dit des hommes illustres ; y hoei gin, une personne illustre.

Tche ou tchi se dit des vaisseaux, des chiens, des poules, et de toute autre chose, qui, bien que seule, doit avoir un pareil, comme sont les souliers, les bas, etc. C’est pourquoi l’on dit y tchi tchuen, un navire ; y tchi keou ; un chien ; y tchi hiai, un soulier ; y tchi ki une poule.

Tiao se dit des choses qui sont longues, qu’on suspend ; y tiao ou, un encensoir et y tiao ching, une corde.

Ouei se dit proprement des poissons ; y ouei yu, un poisson.

Ken se dit des courroies, lanières ; y ken tai, une courroie.

Tchang se dit du papier, de la table, du siège ; y chang tchi, une feuille de papier ; y chang tcho, une table, y tchang y, un siège.

Pa, se dit des couteaux, épées, éventails ; y pa tao, un sabre ou épée ; y pa chen, un éventail.

Choang se dit des choses pareilles, qui se joignent ordinairement ensemble ; y choang hiai, une paire de souliers ; y choang oua, une paire de bas.

Kien se dit des chambres ou maisons ; y kien fang, une maison, ou une chambre.

Fo se dit des morceaux entiers de drap, ou d’étoffe de soie ; y fo pou, un drap, y fo cheou, pièce d’une certaine espèce de soie. Il se dit aussi des peintures.

Mey se dit des perles et des choses précieuses ; y mei tchin, une perle.

Tchu, se dit des odeurs ; Y tchu hiang, une pastille.

Pi, se dit encore des habits de drap ou de soie, mais plus proprement du cheval ; y pi ma, un cheval.

Pen, se dit des livres ; Y pen chu, un livre.

Ting, se dit des bonnets ou chapeaux ; Y ting kin, un bonnet.

Tso, se dit des grandes maisons et des murailles ; Y tso fang, une maison ; Y tso tching, un mur.

Teng, se dit proprement des bœufs ou des vaches ; Y teng nieou, un bœuf.

Mouen, se dit des mousquets ; Y mouen tçiang, un canon de fusil.

To, se dit proprement des fleurs ; Y to hoa, une fleur.

Ling, se dit des vêtements ; Y ling pao, une robe.

Tai ou pen, se dit des comédies ; Y tai, ou Y pen hi, une comédie.

Co, se dit des arbres ; y co chu, un arbre,

Mien, se dit des étendards ; Y mien ki, un étendard.

Tao, se dit des lettres, et des paquets de papier ; Y tao cheou chi, un livre de vers.

Tchin, se dit des chaises à porteur, et des chariots ; Y tchin kiao, une chaise à porteur.

Quan, se dit des plumes et des pinceaux ; Y quan pi, une plume.

Co se dit des blés et des légumes ; Y co mi, un grain de riz, etc.