Description de la Chine (La Haye)/Dynasties/Douzième Dynastie, Souy

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Scheuerleer (Tome Premierp. 389-391).


DOUZIÈME DYNASTIE
NOMMÉE SOUY,


Qui compte trois empereurs dans l'espace de vingt-neuf ans.


KAO TSOU VEN TI. Premier empereur.
A régné quinze ans.


Ce fut l’année quarante-septième du cycle que ce prince s’empara du trône. Le fleuve Yang tse kiang avait séparé durant trois siècles l’empire du nord de l’empire du midi, et servait de bornes à l’un et à l’autre : mais en l’année 54 ces deux dominations furent réunies, et entièrement soumises au nouvel empereur.

Il était d’une maison illustre, qui avait rendu de grands services à la cinquième famille de Han. Il tint sa cour dans la province de Chen si. Il n’avait nulle connaissance des lettres ; mais il en était bien dédommagé par la solidité et la pénétration de son esprit. Son amour pour les peuples, et son admirable tempérance lui attirèrent l’estime et la confiance de ses sujets.

Il réforma l’ancienne musique, et ordonna aux savants de ne s’attacher dans leurs compositions qu’à la solidité du raisonnement, et d’en bannir les fleurs et les vains ornements, qui ne sont propres qu’à flatter l’oreille, et à énerver l’éloquence.

Il fit bâtir dans toutes les villes des greniers publics, et ordonna que chaque famille à proportion de son bien fournirait chaque année une certaine quantité de riz et de blé, afin que dans un temps de famine on fût en état de secourir les pauvres.

Il avait porté un édit, qui condamnait à mort celui qui aurait volé huit sols ; dans la suite, sur les représentations qui lui furent faites, il abolit cette loi. Mais il fut inexorable à l’égard des juges qui se laissaient corrompre par les présents. Enfin il défendit d’élever aux charges publiques ceux qui se mêlaient du commerce, ou qui professaient des arts mécaniques.


Cycle L. Année de J. C. 604.

Il avait jeté les yeux sur son fils aîné, quoiqu’il lui connût peu de mérite, pour le déclarer son héritier. Yang ti son second fils fut si irrité de cette préférence, qu’il tua son père âgé de soixante-quatre ans, la première année du cycle. Il traita avec la même inhumanité son frère, qu’il regardait comme son rival : et ce double crime lui servit de degrés pour monter sur le trône.


YANG TI. Second empereur.
A régné treize an.


Quoique ce prince eût des qualités estimables, il est généralement blâmé à cause de son luxe et de sa prodigalité. Après avoir transporté sa cour de la province de Chen si dans celle de Ho nan, il fit bâtir deux greniers publics d’une grandeur prodigieuse, et un parc qui avait quinze lieues de tour, avec de superbes palais, et des jardins magnifiques où il se promenait à cheval, accompagné d’un grand nombre de ses femmes, qui formaient des concerts mêlés de voix et d’instruments. Sa réputation attira à la cour plusieurs princes étrangers qui vinrent se mettre sous sa protection.

Par un trait de politique, qui est encore maintenant en usage, il défendit au peuple le port des armes. Il fit réparer la grande Muraille qui sépare la Chine de la Tartarie, et il y employa, dit-on, un million d’hommes. Il porta son attention jusqu’à l’avancement et au progrès des sciences ; pour cela il donna la commission à cent des plus habiles lettrés de revoir et de réimprimer de la manière qu’il se pratiquait en ce temps-là, tous les livres qui traitaient de la guerre, de la politique, de la médecine et de l’agriculture.

Il établit le grade de docteur, dont les lettrés et les gens de guerre devaient se rendre capables pour parvenir aux emplois civils et militaires. Il attaqua les Coréens par mer et par terre ; mais cette expédition n’eut aucun succès. Il y revint dans la suite, et les força de lui envoyer des ambassadeurs pour implorer sa clémence en qualité de ses vassaux.

Lorsqu’il visitait les provinces méridionales de l’empire, l’année treizième du cycle il arriva à Yang cheou, ville de la province de Kiang nan, et il y fut tué à l’âge de trente-neuf ans par un homme de la lie du peuple, nomme Hoa kié. Un des petits souverains nommé Li yuen, ayant assemblé une armée de 120 mille hommes, mit la couronne sur la tête de Kong ti, petit-fils de l’empereur Kao tsou ven ti.


KONG TI. Troisième empereur.
A régné un an.


Ce prince ne monta sur le trône que pour en descendre aussitôt. Dans la même année Li yuen le fit empereur, et le déposa. Le second fils de Li yuen s’étant mis à la tête de l’armée formée par son père, se rendit maître du palais.

On dit que considérant la magnificence et les richesses de ce palais, il poussa un profond soupir, et qu’il s’écria : « Non, il n’est pas permis de laisser subsister plus longtemps un si superbe édifice qui n’est bon qu’à amollir le cœur d’un prince et à fomenter sa cupidité » ; et que sur-le-champ il le fit réduire en cendres.

C’est ainsi que finit la dynastie Souy, qui est la dernière des cinq petites dynasties. Li yuen fut le fondateur de la dynastie suivante, et il régna sous le nom de Chin yao ti.