Description historique et géographique de l’Indostan/Introduction/2

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ESQUISSE
DE L’HISTOIRE DES MARATTES.


Jai souvent eu occasion de parler des Marattes dans l’Esquisse que l’on vient de lire ; et comme l’origine et les progrès de cet État se trouvent intimément liés à l’histoire générale de la décadence de l’empire Mogol, et que ses accroissemens rapides présentent quelque chose de remarquable, je crois devoir les offrir dans un même cadre, au risque de répéter quelques particularités.

L’origine et la signification du mot Maratte ou Morattoe ont donné lieu, dans l’Inde, à une infinité de recherches, de discussions et de conjectures. Ferishta[1] nous apprend que Marhat était le nom d’une province du Deccan, qui comprenait Baglana ou Bogilana, et d’autres districts formant aujourd’hui la partie la plus centrale des domaines des Marattes.

La signification primitive du mot Marhat, comme celle de la plupart des noms propres, est inconnue, mais on ne peut révoquer en doute que le nom de la nation n’en soit dérivé. On peut, sans crainte de tomber dans l’erreur ni de paraître vouloir faire prévaloir une opinion favorite, adopter le témoignage de Ferishta qui écrivait dans un temps où les habitans de la province de Marhat n’existaient pas comme nation indépendante, mais étaient confondus avec d’autres Indous sujets du Deccan. Outre le témoignage de Ferishta qui est aussi celui de Nizam-ul-Deen[2], auteur qui écrivit long-temps avant lui, et qui, dans son histoire générale de l’Indostan, raconte qu’un des rois de Delhi fit une excursion de Déogur (Dowlatabad) dans la province voisine de Marhat[3].

On peut considérer Sevajee comme le fondateur de l’empire Maratte. Sa généalogie n’est pas très-connue ; mais selon l’opinion la plus commune, il eut pour aïeul un fils naturel d’un Rana d’Oudipour, chef des princes Rajpoots, famille fort ancienne, comme on peut l’inférer des mémoires même de Ptolémée. La mère de ce fils naturel était une femme obscure, de la tribu de Bonsola (on écrit aussi Bouncello et Boonsla). Son fils en prit le nom, et le transmit à ses descendans les Rajahs de Sattarah et du Bérar. Après la mort de son père, le Rana d’Oudipour, ayant à souffrir de ses frères qui lui reprochaient sa naissance, il se retira dans le Deccan, et entra au service du roi de Bejapour, vulgairement Visiapour. La réputation de sa famille et ses talens personnels lui méritèrent bientôt un rang distingué dans les armées du roi de Visiapour, et son fils hérita des emplois brillans qu’il occupait. Cependant Sevajee, son petit-fils, né en 1628, dédaignant la condition de sujet, saisit une occasion favorable de se rendre indépendant. Il profita des dissensions qui déchiraient la monarchie dans le Visiapour. Ses conquêtes furent si rapides, qu’il devint formidable aux armées de l’empire Mogol, avant que le pouvoir fut entre les mains d’Aureng-Zeb. Il était maître à cette époque de la plus grande partie de la province montueuse de Baglana et du pays-bas de Concan, situé entre Baglana et la mer occidentale. Il s’était aussi emparé, sur le royaume de Visiapour, de la forteresse importante de Pannela qui lui en ouvrait l’entrée, et de quelques autres places fortes. Il possédait, dans le Carnate, Gingee et le vaste district qui l’environne[4]. On doit plutôt regarder cette possession comme l’usurpation d’une conquête du Visiapour, que comme une acquisition faite des souverains du Carnate, car il paraît que le roi de Visiapour possédait la partie méridionale du Carnate, comprenant Tanjore[5]. On peut lire la plus grande partie de l’histoire de Sevajee dans les fragmens historiques de l’empire Mogol de Mr . Orme ; et rien n’est plus digne de l’attention du lecteur. À sa mort, qui arriva l’an 1680, ses domaines s’étendaient de la partie septentrionale de Baglana, près de Surate, jusqu’au voisinage des districts portugais de Goa, le long des côtes ; il est probable que ses possessions ne s’avançaient pas fort loin dans les terres, et s’arrêtaient aux pieds des Gauts et d’autres montagnes qui en sont des branches ; car alors Aureng-Zeb tenait la campagne dans le Visiapour, et serrait de près les quartiers de Sevajee de ce côté. Ses conquêtes furent le fruit de sa valeur et de sa persévérance, et il les dut en partie au dépit d’Aureng-Zeb, alors au zénith de sa puissance. Sevajee avait aussi saccagé Surate et Golconde, et même attaqué Goa, lorsque les Portugais étaient le plus puissans. Son fils Sambajee, doué des qualités d’homme d’état et de guerrier, mourut victime de la débauche. Aureng-Zeb le fit saisir par trahison dans une de ses orgies, et le mit à mort, en 1689. La fin tragique de ce chef des Marattes n’entraîna pas cependant la soumission de ce peuple. Son pouvoir continua de s’accroître, mais avec moins de rapidité qu’auparavant. Son origine ressemble à celle de l’empire romain. Cet état naissant fut protégé par les montagnes de Gatte qui garantissent aussi des mousons orageuses les contrées qu’elles séparent des côtes maritimes.

Sahoo ou Sahoojee (vulgairement Saow ou Sow-Rajah) était fort jeune lorsqu’il succéda à son père Sambajee, Héritier des talens et de la vigueur d’esprit de ses ancêtres, il régna plus de cinquante ans. C’était à une époque favorable à l’agrandissement d’un état qui s’élève sur les ruines d’un autre ; aussi sous son règne la puissance des Marattes parvint-elle à la hauteur étonnante où nous l’avons vue. Les troubles qui suivirent les querelles suscitées entre les enfans d’Aureng-Zeb et leurs descendans pour la succession de cet empereur, ouvrirent un vaste champ à tous les avanturiers ; et particulièrement à un peuple courageux et entreprenant qui, nourri à l’école de la guerre et de la discipline, s’était montré digne de lutter contre Aureng-Zeb lui-même. Les conquêtes qui se firent sous le règne de Sahoojee étonnent celui qui ignore que l’Indostan est rempli d’un si grand nombre de militaires avanturiers, que la promesse seule du pillage suffit pour en réunir bientôt une armée sous les étendards d’un chef entreprenant ; et du temps de Sahoojee, la dissolution de l’empire garantissait les moyens les plus faciles de réaliser une telle promesse. À la mort de Sahoojee, en 1740, l’état ou empire des Marattes s’étendait de la mer occidentale jusqu’à Orissa, et d’Agra jusqu’au Carnate ; et à l’exception du Bengale, ils avaient envahi et pillé presque tout le reste de l’Indostan. On les vit se mêler à toutes les scènes guerrières et politiques de l’Inde ; quoiqu’ils ne paraissent pas avoir pris part aux différends qui s’élevèrent entre Nadir Shah et Mahomed, en 1738 et 1739, cependant ils profitèrent de l’absence de Nizam-al-Muluck pour piller son territoire dans le Deccan. S’ils n’aidèrent pas l’empereur à repousser Nadir Shah, c’est que probablement ils jugèrent plus avantageux pour eux d’attendre le désordre qui devait être inséparable de son invasion. Nous devons aussi faire observer qu’alors Sahojee était fort avancé en âge.

Il est difficile de tracer l’ordre chronologique des conquêtes des Marattes. Nous les voyons, dès 1718, prendre parti dans les querelles des descendans d’Aureng-Zeb à Delhi ; mais ce ne fut qu’en 1735, qu’ils se trouvèrent assez forts pour demander un tribut à l’empereur Mahomed Shah. Ils obtinrent alors, comme nous l’avons déjà remarqué, la plus grande partie de la belle province du Malwa, et le quart des revenus nets des autres provinces. Ce quart nommé chout, dans la langue de l’Indostan, donna lieu d’appeler ainsi les demandes de tribut que firent dans la suite les Marattes, quoique la proportion ne fût pas la même, excepté dans les circonstances où l’on réglait des conventions, comme quelquefois entre les Marattes du Bérar et le Nizam actuel du Deccan. Vers l’année 1736, les Marattes prirent aussi parti dans les différends qui s’élevèrent entre les Nababs d’Arcot, dans le Carnate, district où sont situés les principaux établissemens européens de la côte de Coromandel. Ces disputes firent prendre les armes, pendant quelques années, aux compagnies française et anglaise des Indes orientales.

Ram Rajah, successeur de Sahoojee, en 1740, était un prince faible ; et l’état des Marattes éprouva ce qui arrive à tout état despotique qui s’est accru rapidement, et dont la formation est récente, c’est que la faiblesse d’un despote perdit bientôt ce que les talens de son predecesseur avaient gagné. Les deux principaux officiers de l’état, le Paishwah, ou ministre, et le Bukshi, ou commandant en chef, convinrent de partager les domaines de leur maître. Le Paishwah Bajirow s’empara du gouvernement des provinces occidentales, et Ragojee le Bukshi, des provinces de l’est. L’un s’établit à Poonah, l’ancienne capitale, et l’autre à Nagpour, dans le Bérar.

On dit que le Paishwah relégua le Ram Rajah dans la forteresse de Sattarah, à 50 milles de Poonah, et ensuite gouverna sous son nom. Il est plus probable, d’après d’autres relations, que Sahoojee, pendant les dernières années de son règne, abandonnant toute son autorité au Paishwah, renfermé dans Sattarah, et ne paraissant dans aucun acte du gouvernement, avait préparé les esprits du peuple à cette révolution. Cette partie de l’histoire des Paishwahs a beaucoup d’analogie avec celle des Maires du palais en France.

On devait s’attendre que cet exemple donné par des ministres, encouragerait d’autres usurpateurs qui sauraient profiter du degré d’influence dont ils jouissaient, ou des circonstances, pour se rendre indépendans. Aussi, cet état qui était une monarchie absolue, devint, en peu d’années, une confédération de chefs, et offrit le gouvernement féodal le moins réglé que l’on eût encore vu. Les deux chefs de cet empire divisé suivirent séparément leurs plans de conquête ou de négociation, en paraissant respecter leurs droits réciproques. Le chef du Bérar, moins puissant que l’autre par sa situation locale, forma une alliance avec le Nizam, sans cependant être en opposition ouverte avec le chef du Poonah.

En 1742 et 1743, les Marattes des deux états entreprirent l’invasion du Bengale avec deux armées composées chacune de quatre-vingt mille hommes de cavalerie. Aliverdy s’appercevant que le chef de chaque armée avait des vues particulières d’ambition, fut assez adroit pour gagner l’un des deux, et jetter entre eux des semences de dissension ; de manière que les suites de cette entreprise furent moins funestes au Bengale qu’elles n’auraient dû l’être. Il en est resté cependant un souvenir d’horreur ; et j’ai vu moi-même des hommes mutilés et défigurés, victimes de leur impudique barbarie. Une armée de 160,000 cavaliers couvrant toute la plaine située à l’ouest du Gange, la capitale Moorshedabad[6], éloignée de douze milles de ce fleuve, se vit privée de toutes les provisions nécessaires à sa consommation, jusqu’à ce qu’Aliverdy eût fait couvrir, par de doubles retranchemens, la route qui conduisait de la ville au Gange. Par ce moyen, la capitale reçut les vivres dont elle avait besoin ; et une nouvelle enceinte ou rempart de 18 milles de circonférence, assura la libre communication. Les Marattes ne quittèrent ces provinces qu’en 1744, après avoir fait un immense butin, et établi le droit de chout, tribut qui cependant ne fut jamais acquitté exactement. Les Marattes du Bérar devenus maîtres, quelques années après, de la province d’Orissa, en partie par droit de conquête, et en partie par la cession que leur en fit Aliverdy, profitèrent de leur proximité du Bengale, dont ils n’étaient séparés que par une petite rivière, pour piller les provinces limitrophes ; et ce ne fut qu’en 1761 que les Marattes cessèrent leur pillage, lorsque Cossim Ally, Nabab du Bengale, eut cédé aux Anglais les provinces de Burdwan et de Midnapour. Quoiqu’avant la cession du Bengale aux Anglais, les Marattes eussent souvent demandé le droit de chout, cependant leur demande n’avait jamais été accompagnée de violence pour l’obtenir ; et durant la guerre de 1780, quand presque toutes les puissances de l’Indostan étaient coalisées contre les Anglais, et que le Rajah de Bérar avait une armée à Cattack, ils n’insistèrent que faiblement.

L’administration de Bajirow fut aussi vigoureuse qu’elle pouvait l’être, si nous considérons combien les rênes du gouvernement avaient été relâchées. Elle fut glorieuse à l’empire des Marattes, puisqu’il reprit aux Portugais la forteresse de Basseen et l’île de Salsette, près de Bombay, places très-importantes pour la défense de Goa. Bajirow mourut en 1759, laissant à son fils Ballajee la dignité de Paishwah que l’on pouvait alors regarder comme un établissement héréditaire.

À cette époque, les Marattes continuèrent leurs conquêtes dans le Panjab, et les poussèrent même jusqu’aux bords de l’Indus ; mais le moment approchait où cette élévation soudaine qui semble quelquefois produire dans les états le même effet que dans les individus, ne servit qu’à rendre leur chûte plus éclatante. Depuis quelque temps les Marattes et Abdalla avaient conçu une mutuelle défiance ; ils se déclarèrent la guerre ; et la fameuse bataille de Panniput mit fin aux prétentions que les Marattes, comme Indous, avaient à l’empire universel de l’Indostan, qu’ils disputaient alors en 1761, aux Mahométans.

Ballajee mourut bientôt après. Il eut pour successeur son fils Maderow, encore fort jeune. Les Marattes avaient renoncé à leur goût pour les expéditions lointaines, et ils se contentèrent d’attaquer leur voisin le Nizam, qu’ils dépouillèrent d’une partie considérable de son territoire au nord et à l’ouest d’Aurungabad. Maderow mourut en 1772, et il eut pour successeur son fils Narain Row, qui fut assassiné l’année suivante par Ragobah, son oncle, fils de Bajirow, le premier Paishwah qui ait pris le titre de souverain. Ragobah qui s’était illustré dans la guerre contre Hyder-Ally et le Nizam, se rendit odieux au peuple par l’atrocité du crime qu’il venait de commettre, et les chefs cabalèrent contre lui. Il perdit en outre tout espoir de parvenir à la souveraineté, la veuve de Narain ayant mis au monde un fils qui fut reconnu pour héritier de son père.

Ragobah qui avait besoin d’alliés, avait engagé le gouvernement de Bombay à soutenir sa cause. Il fit avec ce gouvernement un traité qui comprenait tous les avantages que la compagnie anglaise des Indes orientales desirait depuis si long-temps. La flotte et l’armée aux ordres de la présidence de Bombay furent mises en mouvement pour seconder les vues de Ragobah, et assurer les avantages résultans du traité. Les hostilités commencèrent par mer et par terre. Les Anglais s’emparérent de Salsette, île qui n’est séparée de Bombay que par un canal fort étroit. C’était une conquête très-importante pour l’établissement de Bombay, qui n’avait d’autre territoire que l’étendue de la petite île où il est situé, et qui, par conséquent, dépendait pour sa subsistance de ressources étrangères.

Vers le même temps le conseil général du Bengale fut revêtu du pouvoir de réformer les résolutions des autres établissemens de l’Inde, et la guerre des Marattes n’ayant pas obtenu sa sanction, le colonel Upton fut envoyé dans le Poonah, en 1776, pour négocier un traité de paix (connu sous le nom de traité de Pooroondar), en vertu duquel Ragobah devait renoncer à ses prétentions, recevoir une pension viagère, et les Anglais conserver la possession de Salsette. Vers la fin de 1777, le gouvernement de Bombay prit encore la défense de Ragobah ; mais, cette affaire se termina par une convention honteuse ; l’armée de Bombay fut obligée de se retirer, et Ragobah de se rendre à ses ennemis qui lui épargnèrent la vie, parce qu’il était de la race des Bramines.

La guerre qui suivit entre les Anglais et les Marattes ne fut que défensive de la part de ces derniers, lorsqu’une brigade de l’armée du Bengale fut arrivée sous les ordres du général Goddard. Les Anglais se rendirent maîtres des plus belles parties du Guzerat et du Concan qui comprend les forteresses importantes de Basseen et d’Amédabad ; en un mot, ils soumirent tout le pays depuis Amédabad jusqu’à la rivière de Penn ; les provinces intérieures jusqu’au pied des monts Gauts ; et du côté d’Oude, la province de Gohud, d’autres districts et la fameuse forteresse de Gwalior. Ils portèrent même la guerre jusqu’au centre du Malwa. Mais il est souvent difficile de supporter les dépenses de la guerre la plus heureuse. En 1780, la guerre avait éclaté avec Hyder-Ally, et elle continuait. On pensa qu’il était plus avantageux de conclure la paix avec les Marattes, après avoir détaché de la coalition Sindia, le chef le plus distingué de cet état. Cette paix fut négociée en 1782 et 1783, par M. David Anderson, qui, dans cette circonstance mémorable, mérita la reconnaissance de la Grande-Bretagne et de l’Indostan. On rendit toutes les conquêtes faites pendant la guerre, à l’exception de Salsette, et des petites îles situées dans le golfe que forment Bombay, Salsette et le continent.

Le gouvernement du Poonah fut remis, pendant la minorité, à une junte de ministres ; et il est probable qu’une minorité si longue opérera quelques changemens essentiels dans la constitution d’un état si accoutumé aux révolutions politiques. Le Paishwah actuel, nommé Maderow, fils de Narain Row, est né en 1774.

L’état oriental des Marattes, ou celui de Bérar, ne prit, sous Ragojee, presqu’aucune part aux querelles étrangères ; mais il fut déchiré par des guerres intestines. Ragojee mourut après un long règne, et laissa quatre fils, Janojee, Sabajee, Modajee et Bembajee. Le premier succéda à son père ; mais étant mort sans enfans, en 1772, Modajee disputa la souveraineté à Sabajtee ; celui-ci succomba en 1774, et Modajee gouverne encore aujourd’hui le Bérar. Il a sous lui son frère Bembajee qui administre les états de Ruttimpour et de Sumbulpour, avec plus d’indépendance qu’on n’en accorde ordinairement aux gouverneurs des provinces. Ragojee, père du Rajah actuel du Bérar, descendant de Sevajee, premier fondateur de l’état des Marattes, le Rajah actuel, est donc le souverain légitime de cet état, la branche du Poonah étant éteinte[7] ; mais il paraît qu’il est assez sage pour préférer la paisible possession de son territoire, au danger de le perdre, en voulant obtenir le gouvernement d’un empire qui n’en a plus que le nom, et dont différens symptômes annoncent la dissolution prochaine.

Il n’est pas vraisemblable que les états des Marattes deviennent bientôt formidables aux autres puissances de l’Indostan. L’état de l’est n’a pas de ressources, et celui de l’ouest ne peut inspirer d’inquiétude qu’autant qu’un de ses chefs gagnerait assez d’ascendant sur les autres pour réunir les pouvoirs que les derniers troubles de ce gouvernement ont divisés. Il faut des siècles pour qu’un gouvernement féodal devienne une simple monarchie, et jusqu’à ce changement l’état occidental des Marattes ne peut être redoutable, au moins, à la puissance britannique. Si Sindia pousse ses conquêtes au nord et à l’ouest, et qu’il établisse un nouvel empire dans le Malwa, etc., l’état occidental des Marattes ne peut manquer d’être anéanti, et ce nouvel empire serait peut-être plus formidable à Oude et aux Anglais, que n’a pu l’être aucune puissance depuis que l’Angleterre a acquis dans l’Inde sa première influence.

  1. Ce n’est pas seulement dans l’histoire de l’Indostan que Ferishta nous donne cette explication, nous la trouvons encore dans son histoire du Deccan. Nous avons déjà dit que la première avait été traduite par le Col. Dow ; mais la seconde ne l’a pas encore été dans une langue européenne. Nous espérons cependant que le public en jouira bientôt, par les soins du capitaine Jonathan Scott, qui en a déjà donné un essai, et qui s’est engagé à completter son ouvrage aux conditions faites par le public lui-même. Ferishta vivait à la cour d’Ibrahim Audil Shah, roi de Visiapour, contemporain de Jehanguire, au commencement du dernier siècle. L’histoire du Deccan, par Ferishta, nous fait connaître un empire dont l’Europe avait à peine entendu parler. Ses empereurs de la dynastie Bahmineah, qui commença avec Hassan Caco, en 1347, paraissent avoir surpassé, en puissance et en splendeur, les empereurs de Delhi, même aux époques les plus brillantes de leur histoire. Le siège de ce gouvernement était à Calberga (voyez les fragmens historiques d’Orme pag. 136), alors le centre de ce vaste empire, et qui est encore aujourd’hui une ville considérable. Cet empire succomba, comme beaucoup d’autres, sous son propre poids, et de ses débris se formèrent quatre puissans royaumes, sous les noms de Visiapour, ou plutôt Bejapour, Golconde, Bérar et Amednagur, dont nous ne connaissons parfaitement ni les limites respectives ni les sous-divisions intérieures. Ces quatre royaumes subsistèrent, avec un certain degré de pouvoir jusqu’à la conquête des Mogols ; et les deux premiers, comme nous l’avons déjà observé, conservèrent leur indépendance jusqu’au temps d’Aureng-Zeb. Il est à remarquer que les rois de ces quatre monarchies avaient, comme les Césars et les Ptolémées, chacun le nom ou le titre commun à la dynastie à laquelle ils appartenaient. Ainsi les rois de Visiapour s’appelaient Audil, ou Adil Shah, ceux de Golconde Cuttub Shah, et ceux du Bérar et d’Amednagur, Nizam Shah et Amud Shah.
  2. Nizam-ul-Deen était un officier de la cour d’Acbar. Il composa une histoire générale de l’Indostan, qu’il termine à la quarantième année de cet empereur.
  3. Le même fait se trouve aussi dans l’histoire de l’Indostan de Ferishta. Ce fut sous le règne d’Alla premier, l’an de l’ère chrétienne 1312.
  4. Les Français obtinrent, 1674, la concession de Pondicherry, d’un Rajah de Gingee qui reconnaissait le roi de Narsinga pour son supérieur ; mais ce dernier dépendait en même-temps de Visiapour. Sevajee prit possession de Gingee vers l’an 1677, et confirma en 1680 la concession dont je viens de parler.
  5. Je ne sais à quelle époque un prince Maratte, dont les descendans possèdent aujourd’hui Tanjore, s’en rendit le maître.
  6. La ville de Moorshedabad est située sur la branche la plus occidentale du Gange ; et cette branche n’est navigable qu’une partie de l’année.
  7. Quelques personnes croient qu’il existe encore un Rajah de la famille de Sevajee, enfermé dans la forteresse de Sattarah. Il est certain que les nouveaux Paishwahs s’y rendent pour recevoir l’investiture de leur emploi, comme ils le faisaient autrefois. Dans l’état actuel des choses, l’existence d’un tel Rajah est fort indifférente.