Dictionnaire Universel de Boiste/2e éd., 1803/Avertissement

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AVERTISSEMENT


SUR L’USAGE ET L’UTILITÉ DE CE DICTIONNAIRE.


Il est indispensable de donner quelques développemens à ce que j’ai dit du plan de cet ouvrage dans l’avis préliminaire, pour mieux faire connoître le but que je me suis proposé, les moyens que j’ai employés pour y parvenir, et par conséquent les principaux objets de mon travail ; ces développemens en montreront l’utilité.

Ces objets principaux et également importans sont 1°. d’ajouter à la nomenclature du DICTIONNAIRE DE L’ACADÉMIE FRANÇOISE, édition de 1778, tous les mots admis par les autres Dictionnaires anciens et modernes, avec l’indication de leurs auteurs, et les termes particuliers aux sciences, arts, manufactures et métiers, etc.

2°. De donner succintement la signification des mots, leurs acceptions différentes et leurs équivalens ou synonymes, en indiquant les différences souvent très-grandes dans la signification et quelquefois même les sens diamétralement opposés que leur donnent les autres dictionnaires ;

3°. De présenter avec clarté le rapprochement et la comparaison des systèmes d’orthographe, c’est-à-dire, les différentes manières d’écrire les mots, lorsqu’ils sont susceptibles de variantes, ce qui est très fréquent ; et toujours avec l’attention de citer les auteurs de ces systèmes.

4°. Enfin, de séparer le Néologisme de la Néologie, c’est-à-dire de désigner par des indications précises les mots nouveaux, adoptés depuis l’ACADÉMIE, et qui font aujourd’hui partie de la langue ; ceux qui ne peuvent être employés qu’avec circonspection, même dans le style familier, et ceux qui doivent être rejetés.

Ce travail présente la langue françoise dans ses quatre grands âges les plus remarquables : le premier, lorsqu’elle fut employée par les auteurs qui essayèrent de la polir en l’enrichissant de tout ce que leur offroient les langues mortes, les idiomes et les langues étrangères ; le second, lorsque, sous le règne de Louis XIV, elle servit aux hommes de génie qui firent admirer sa richesse, son étendue, sa douceur, sa souplesse et sa majesté ; le troisième, lorsque plus abondante encore, quoiqu’aussi pure, elle fut l’instrument des écrivains qui, dans le milieu du dix-huitième siècle, luttèrent de talens avec ces grands modèles ; le quatrième, enfin, telle qu’elle est aujourd’hui, misérablement affoiblie par le Néologisme.

Mon but est de lever les difficultés sans nombre qui naissent de la confusion des différens Systèmes d’orthographe, du renouvellement ou de l’oubli d’anciens mots, de l’emploi de mots nouveaux dont les François même, et à plus forte raison les étrangers, ne connoissent pas la signification et par-là de contribuer à ce que la langue françoise, conservée dans sa pureté, ne puisse pas cesser d’être, en Europe, LA LANGUE UNIVERSELLE. Sous ce point de vue, me sera-t-il permis de dire qu’il devient UN OUVRAGE NATIONAL ?

J’ai pris pour base le DICTIONNAIRE DE L’ACADÉMIE, édition de 1778, parce qu’il est l’ouvrage des meilleurs, écrivains françois : sa nomenclature, ses définitions seront aisément distinguées des autres, puisqu’elles ne sont accompagnées ni de † ni de *, ni de petites capitales, telles que a. {{sc|c]]., etc.

J’ai conféré sur ce Dictionnaire, l’un après l’autre, et mot par mot, tous les autres Dictionnaires ; j’ai fait le relevé des mots qui ne s’y trouvoient pas, et rétabli ceux qu’il avoit omis ; noté toutes les différences dans l’orthographe et les définitions ; puis, comparant ces Dictionnaires entre eux, j’ai fait le rapprochement des autorités, soit pour l’adoption d’un mot, soit pour la manière de l’écrire, et pour sa définition.

Ce travail m’a procuré une nomenclature infiniment plus abondante que celle de chaque Dictionnaire en particulier, dont il est l’extrait et qu’il supplée, sans que cette extrême abondance puisse occasionner aucune confusion, puisque la nomenclature de l’ACADÉMIE n’a pas de citations, et que les mots ajoutés à cette nomenclature sont accompagnés de la lettre initiale du nom des auteurs qui les ont admis : il en résulte évidemment l’avantage d’avoir tous les Dictionnaires en un seul.

Ces citations » tant pour les mots que pour l’orthographe, étoient d’abord très-nombreuses ; mais les nouveaux Dictionnaires ayant été faits sur les anciens, j’ai réduit ces autorités aux noms des Lexicographes les plus connus.

Les premiers Dictionnaires que j’ai conférés sur celui de l’ACADÉMIE, ont été et devoient être les deux Nouvelles éditions de ce Dictionnaire.

Comme ces Dictionnaires ne sont pas le testament de l’Académie françoise, toutes les fois que des mots ne se sont trouvés que dans leur nomenclature, je les ai fait suivre de la lettre a. édition de 1798 (an 6) ; al., édition de 1803 (an 11), pour que l’on reconnût que ces mots, quoique pouvant presque toujours être adoptés, appartenoient aux nouveaux éditeurs. Je dois dire qu’ayant lu tous les Dictionnaures, je n’en ai pas trouvé de meilleur que cette deuxième édition, publiée par le citoyen Laveaux.
(viij)


AVERTISSEMENT.

Après ce Dictionnaire, j’ai employé le DICTIONNAIRE PORTATIF de Gattel, désigné par un g. Cet ouvrage, d’une réputation justement méritée, m’a fourni une très-abondante récolte de mots nouveaux. Il faut observer en passant que ce lexicographe fait des adjectifs de tous les participes.

Pai cité après lui le Dictionnaire de Trévoux ; son nom seul m’imposoit l’obligation de le prendre pour autorité, surtout pour les expressions surannées. Un t. l’indique.

RESTAUT, qui a fait son travail sur tous les Dictionnaires existans avant lui, m’a fourni une très-grande quantité de mots omis par les autres Dictionnaires, et son système d’orthographe est adopté par beaucoup d’écrivains et d’imprimeurs. La lettre r. l’indique. La deuxième édition qui renferme beaucoup de termes nouveaux, est désignée par rr. ; et j’observe que ces deux ouvrages ne donnant que peu de définitions, celui-ci leur sert de complément, parce que je les ai très-souvent ajoutées.

FERRAUD ayant été analysé par Gattel, devenoit inutile pour les citations, ainsi que le DICTIONNAIRE françois de l’Encyclopédie méthodique, qui lui servit également de base, et je n’ai en effet trouvé dans ces deux ouvrages que très-peu de mots omis par lui.

WAILLY s’est fait une obligation, dans son DICTIONNAIRE DES RIMES, de rassembler la plus grande quantité possible de mots ; la nature de son travail l’exigeoit ; on doit par conséquent être très-circonspect dans l’emploi de ceux qui sont suivis d’un v. Quant à l’orthographe, il ne peut faire autorité, puisque son système devoit être de n’en point avoir, et d’adopter toutes les manières d’écrire un mot, de le resserrer ou de l’étendre, pour fournir à la mesure et à la rime. Cet ouvrage et son excellent ABRÉGÉ DE L’ACADÉMIE sont désignés par un v.

RICHELET, ancienne édition, désigné par rich., n’est cité que par respect pour un auteur qui a le plus travaillé à simplifier et éclaircir l’orthographe françoise. La nouvelle édition est la base du Dictionnaire des Rimes.

J’ai puisé l’étimologie latine dans Boudot ; j’ai cru ne devoir citer que les mots qui sont équivalons du françois, sans employer les circonlocutions, encore moins me suis-je permis d’adopter ces mots latins qui n’ont jamais été prononcés par une bouche romaine, et qui appartiennent à la basse latinité. J’en excepte toute fois les termes d’histoire naturelle, dont il étoit indispensable de donner la synonymie latine.

Je finis, attendu la petitesse du format, par le DICTIONNAIRE DE POCHE de Catineau qui a donné l’orthographe de Voltaire, et par cela même m’a fourni beaucoup de variantes. Sa nomenclature est à-peu-près la même que celle de Gattel et lorsque tous deux ont, avec les nouvelles Académies, adopté un mot, on peut l’adopter aussi. La lettre {sc|c}}. désigne les deux éditions.

Outre ces Lexicographes, j’ai souvent cité des auteurs célèbres, tels que Lafontaine, Sévigné, Fontenelle, Voltaire, J.-J. Rousseau, La Harpe, Buffon, etc.

Ce travail terminé, j’ai compulsé les Dictionnaires particuliers, tels que ceux du VIEUX LANGAGE, le MANUEL LEXIQUE, le GLOSSAIRE FRANÇOIS, les DICTIONNAIRES FRANÇOIS ET ETRANGERS, les DICTIONNAIRES NÉOLOGIQUES : jai surtout admis des mots précieux par leur énergie, ceux qui évitent des circonlocutions, tels que les mots accrédité, frissement, hideur et une multitude innombrable d’autres qui sont des richesses inconnues de notre langue.

Ce travail offre les pertes que notre langue a faites et ses nouvelles acquisitions.

Après avoir fait le rapprochement, la comparaison des systèmes d’orthographe, et présenté toutes les variantes qu’ils fournissent, je me suis occupé des définitions, acceptions, synonymes ou équivalens : je les ai fidellement extraites des deux Académies de Gattel, et des autres Dictionnaires ; j’ai tâché de les analyser, de les resserrer sans les obscurcir, pour ne pas dépasser les limites prescrites par le format ; et ce fut, il faut l’avouer, la partie, sinon la plus pénible, du moins la plus délicate de mon travail.

Certainement il arrivera plusieurs fois au lecteur, comme il m’est très-souvent arrivé à moi-même, de n’être pas d’accord avec le Dictionnaire sur le sens de certains mots, et de s’étonner de celui qu’il leur trouvera ; mais j’ai dû suivre mes guides, et ne pas mettre ma façon d’entendre à la place de celles généralement adoptées par eux ; je ne citerai pour exemple que le mot irascible. Si le lecteur a toujours donné à ce mot un autre sens, il doit se rectifier. Cependant, j’ai cru devoir pour la commodité du lecteur, ajouter ces acceptions avec une * et un b. (voyez ce mot et beaucoup d’autres). Quelquefois je me suis permis de donner des définitions telles que celles de génie, animal, végétal, etc. Je n’ai moi-même créé qu’un seul mot que je crois utile, celui de convénient.

Je me suis ensuite occupé des termes de Sciences. Je les ai cherchés dans les deux ENCYCLOPEDIES, dans les DICTIONNAIRES et les TRAITÉS particuliers des auteurs les plus estimés ; tant de personnes s’en occupent aujourd’hui, qu’il est difficile de trouver un livre, une feuille périodique qui n’en renferme quelques-uns, dont la signification arrête le lecteur.

L’Académie en avoit donné beaucoup : j’ai suivi sa marche, en tâchant de les donner tous.

Passant ensuite aux termes d’Arts, Manufactures et Métiers, je les ai de même recueillis des livres classiques en ce genre. Plus les hommes sont ignorans, plus ils sont enclins à la raillerie : personne ne pousse plus loin le pédantisme que les artisans et les cultivateurs lorsqu’ils parlent de leur état, et l’homme le plus instruit d’ailleurs est exposé de leur part à des mortifications, s’il hésite sur un mot, ou si le terme qu’il emploie est

propre.