Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Arts-et-Métiers (conservatoire des)

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Arts-et-Métiers (conservatoire des).

Situé dans la rue Saint-Martin, aux nos 208 et 210. — 6e arrondissement, quartier Saint-Martin-des-Champs.

Le Conservatoire des Arts-et-Métiers occupant aujourd’hui une partie des bâtiments de Saint-Martin-des-Champs, nous tracerons ici l’origine de ce prieuré célèbre. Le culte de saint Martin fut en honneur dès les premiers temps de la monarchie. On portait sa chape à la tête des armées, et nos rois la regardaient comme l’étendard de la victoire. Ce saint personnage, vers 385, guérit, suivant la tradition, un lépreux dans la campagne près de la ville. Un oratoire construit avec quelques branches d’arbres consacra le souvenir de ce miracle. Cet oratoire, dont parle Grégoire de Tours en racontant l’incendie qui désola Paris en 586, a été sans doute l’origine du monastère de Saint-Martin-des-Champs. Dagobert, dans un diplôme de l’an 629, accorde une foire à l’abbaye de Saint-Denis, et en fixe le champ dans un lieu nommé le pas ou le pont Saint-Martin. Dans un autre diplôme de Childebert III, on lit : que ce champ de foire se trouvait entre les basiliques de Saint-Martin et de Saint-Laurent. Cette basilique qui avait succédé à l’oratoire primitif dont nous venons de parler, fut détruite par les Normands, ainsi que le prouve un diplôme de 1060, dans lequel Henri Ier, attestant sa ruine, promet de la réédifier. Ce prince plaça des chanoines séculiers à Saint-Martin-des-Champs. La construction de l’église fut terminée en 1067 ; cette année fut aussi l’époque de sa dédicace, son nom de Saint-Martin-des-Champs indiquait sa situation hors de la ville. Les maisons des vassaux du monastère peu à peu formèrent un village autour de l’église et de la demeure des chanoines.

Philippe Ier, en 1079, substitua aux chanoines les religieux de Cluny. Ce changement fit perdre à cette communauté son titre d’abbaye. Ce ne fut plus alors qu’un prieuré qui resta le second de cet ordre. L’acte de 1079, relatif ce changement, fut ratifié en 1097 par une bulle du pape Urbain II. Ces religieux étaient seigneurs dans leur enclos ; ils y avaient un bailliage et une geôle ou prison. Ce bailliage connaissait de toutes les causes civiles ou criminelles dans l’étendue de son ressort ; les appels se relevaient au parlement. Le prieur et les moines de Saint-Martin avaient aussi leur champ-clos situé dans remplacement où fut depuis le premier marché Saint-Martin.

La fureur des duels judiciaires devint si grande, que Louis-le-Jeune se vit forcé de prohiber le combat dans les contestations au-dessous de cinq sous. Cette défense n’eut pourtant aucun résultat. Plus tard Saint-Louis essaya de détruire cet usage barbare, en ordonnant que la preuve par témoins serait substituée aux combats judiciaires. Son ordonnance ne fut observée que dans les domaines royaux mais les seigneurs l’éludèrent dans leurs seigneuries parce qu’elle les privait des bénéfices qu’ils tiraient de ces luttes. Nous voyons dans Sauval que lorsqu’il y avait gages de bataille, l’amende à payer par le vaincu roturier était de 60 sous, celle du vaincu gentilhomme de 60 livres. Cette coutume a sans doute donné naissance au proverbe les vaincus paient l’amende.

Le cloître du prieuré Saint-Martin-des-Champs, commencé en 1702, fut achevé en 1720. Le marché, dont nous avons parlé, qui servit longtemps de champ-clos et qu’on voyait sur la rue Saint-Martin, fut remplacé en 1765 par un autre qui formait une place où aboutissaient plusieurs rues. Ce prieuré fut supprimé en 1790. Devenu propriété nationale, une partie des bâtiments et des terrains qui le composaient fut vendue les 3, 15 février 1791, 19 août 1796 et 14 mai 1798. Les parties conservées furent plus tard affectées aux bureaux de la mairie du 6e arrondissement, maintenant rue de Vendôme. L’église servit de conservatoire des arts et métiers. En parlant de ce dernier établissement qui occupe aujourd’hui la plus grande partie des bâtiments conservés, nous terminons l’historique du prieuré de Saint-Martin-des-Champs : Grégoire, ancien évêque de Blois, provoqua le premier, au comité d’instruction publique de la Convention Nationale, la formation d’un conservatoire des arts et métiers. Il fit à cette occasion un rapport d’après lequel ce grand pouvoir consentit à cet établissement le 19 vendémiaire an III (10 octobre 1794).

« Conseil des Cinq-Cents, séance du 26 germinal an VI. — Article Ier. Les parties de bâtiments de la ci-devant abbaye Saint-Martin-des-Champs et de terrains, indiquées par une teinte rouge-pâle dans le plan annexé à la présente résolution, sont mises à la disposition du Directoire exécutif pour placer le Conservatoire des Arts-et-Métiers etc. »

Ordonnance royale : — « Louis, etc… Le Conservatoire des Arts-et-Métiers a rendu depuis son institution d’importants services, mais pour atteindre complètement le but de sa fondation, il y a manqué jusqu’ici une haute école d’application des connaissances scientifiques au commerce et à l’industrie ;

Voulant pourvoir à ces besoins, remplir le vœu des hommes éclairés et contribuer de tout notre pouvoir aux moyens d’accroître l’industrie nationale ;

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État de l’intérieur :

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Il sera établi au Conservatoire des Arts-et-Métiers un enseignement public et gratuit pour l’application des sciences aux arts industriels.

Cet enseignement se composera de trois cours savoir : un cours de mécanique, un cours de chimie, appliquées aux arts et un cours d’économie industrielle.

Donné à Paris, au château des Tuileries le 25 novembre 1819, et de notre règne le 25me. Signé Louis ; par le roi le ministre secrétaire d’État de l’intérieur, signé, Decazes. »

Ordonnance royale : — « Louis-Philippe, etc… Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État du département du commerce et des travaux publics ;

Vu les ordonnances des 25 novembre 1819, 31 août 1828 et 9 novembre 1831, etc. — Article 1er. Il sera établi au Conservatoire des Arts-et-Métiers un enseignement public et gratuit pour l’agriculture etc.

Fait à Neuilly, le 25 août 1836.

Signé Louis-Philippe. »