Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Caire (rue du)

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Caire (rue du).

Commence à la rue Saint-Denis, no  325 et 327 ; finit à la rue des Forges et à la place du Caire, no  2. Le dernier impair est 35 ; le dernier pair, 36. Sa longueur est de 219 m. — 5e arrondissement, quartier Bonne-Nouvelle.

Cette rue a été ouverte à la fin de l’année 1799, sur une partie des bâtiments et jardins du couvent des Filles-Dieu. Elle fut exécutée sur une largeur de 9 m. 74 c. et le nom du Caire lui fut donné en mémoire de l’entrée victorieuse des troupes françaises au Caire, le 23 juillet 1798. La largeur de cette voie publique a été maintenue par une décision ministérielle du 2 messidor an VIII, signée L. Bonaparte, et par une ordonnance royale du 21 juin 1826. Les constructions de la rue du Caire sont alignées, à l’exception des propriétés nos 1 et 2. La première est soumise à un léger redressement ; la seconde devra avancer sur ses vestiges actuels. — Éclairage au gaz (compe Française).

La rue qui nous occupe ayant pris au couvent des Filles-Dieu la plus grande partie de son emplacement, nous avons jugé convenable de tracer ici l’historique de cette communauté religieuse. — Guillaume III, évêque de Paris, ayant converti plusieurs femmes ou filles débauchées leur fit bâtir une maison hors de Paris, sur un terrain voisin de Saint-Lazare. Cette maison, qui devait servir d’hôpital, était en voie de construction en 1226, lorsque le prieur de Saint-Martin-des-Champs et le curé de Saint-Laurent s’opposèrent à son établissement ; mais enfin, entraînés par les prières de plusieurs personnes recommandables, ils donnèrent leur désistement et l’on acheva les bâtiments de cet hôpital, auquel fut d’abord donné le nom d’hôpital des nouvelles Converties. Le but de cette fondation était, selon un écrivain du temps, de retirer des pécheresses qui pendant toute leur vie avaient abusé de leur corps et à la fin étaient en mendicité. Ces femmes nouvellement converties prirent plus tard le nom de Filles-Dieu. Cette bizarre dénomination excita la verve satirique de l’auteur des Ordres de Paris.

Rutebœuf parle ainsi des Filles-Dieu :

Diez a non de fille avoir,
Mès je ne pois onques savoir
Que Diez eust fame en sa vie.

Une cession fut faite en 1232 aux Filles-Dieu, par les frères et prieur de Saint-Lazare, de quatre arpents de terre avec la censive et la justice qu’ils exerçaient, moyennant 12 livres de rente (Dubreuil). Elles achetèrent également en 1253 huit arpents de terre contigus aux précédents, et le roi saint Louis les dota de 400 livres de rente à prendre sur son trésor. Dans l’acte de dotation, le nombre de ces religieuses est fixé à deux-cents. Les Filles-Dieu occupèrent ce monastère jusqu’à l’époque où la France perdit la malheureuse bataille de Poitiers. Les Parisiens, épouvantés et croyant déjà voir l’ennemi au pied de leurs murailles, prirent la résolution d’accroître les fortifications de Paris, brûlèrent les faubourgs peu considérables qui se trouvaient autour de l’enceinte méridionale, et réunirent aux fossés et arrière-fossés les faubourgs beaucoup plus étendus qui s’étaient formés au nord de la ville. D’après le plan arrêté, les arrière-fossés devaient traverser l’enclos des Filles-Dieu ; ces religieuses furent donc obligées de quitter leur maison, de la faire démolir et de se retirer dans la ville. Jean de Meulan, alors Évêque de Paris, les transféra dans un hôpital situé près de la porte Saint-Denis, et fondé en 1316 par Imbert de Lyons ou de Lyon. Le but qu’on s’était proposé en créant cet ancien hôpital, avait été de procurer l’hospitalité aux femmes mendiantes qui traversaient Paris. Elles devaient être logées une seule nuit et congédiées le lendemain, avec un pain et un denier. L’évêque, en rétablissant les Filles-Dieu dans ce nouvel asile, fonda une chapelle sous le nom de la Madeleine, et ordonna qu’il y serait établi douze lits pour autant de pauvres femmes mendiantes. Les désordres qui peu à peu s’introduisirent dans cette maison, forcèrent d’y appeler des religieuses réformées de Fontevrault qui, au nombre de huit, y furent installées en 1497. Charles VIII posa la première pierre de l’église, qui ne fut achevée qu’en 1508. Le 24 mars 1648, les sieurs de Chamoy et de Saint-Ange, armés et accompagnés d’une nombreuse suite, pénétrèrent dans ce couvent pendant la nuit et violèrent plusieurs religieuses. — À la face extérieure du chevet de l’église des Filles-Dieu, se trouvait un crucifix devant lequel on conduisait autrefois les condamnés qu’on allait exécuter à Montfaucon. Ces malheureux venaient baiser la croix, on leur donnait de l’eau bénite, et les Filles-Dieu leur portaient trois morceaux de pain et une coupe pleine de vin. Ce couvent, supprimé en 1790, devint propriété nationale et fut vendu le 14 vendémiaire an VI. Sur son emplacement, la rue, la place et les passages du Caire furent bâtis comme nous l’avons dit plus haut.