Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Châtelet (place du)

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Châtelet (place du).

Commence aux quais de la Mégisserie et de Gesvres ; finit aux rues Saint-Denis et de la Vieille-Place-aux-Veaux. Le dernier impair est 3 ; le dernier pair, 6 — Les impairs sont du 4e arrondissement, quartier du Louvre ; les pairs, du 7e arrondissement, quartier des Arcis.

Elle a été formée sur l’emplacement du grand Châtelet, démoli en 1802. Nous donnons ici quelques détails sur cette ancien édifice et sur l’origine des rues qui ont été supprimées entièrement ou en partie pour donner à cette place une figure régulière. Nous ne suivrons pas tous les écrivains dans leurs dissertations plus ou moins obscures sur l’origine du Châtelet. Gilles Corrozet a pensé que, si Julien l’Apostat n’en était point le fondateur, ce titre appartenait sans doute à l’un des princes qui lui succédèrent. Malingre et le commissaire Delamare en font remonter l’origine à César. Le nom de chambre de César que portait de temps immémorial une des salles de ce monument et l’inscription Titulum Cæsaris, gravée sous une arcade et qui subsistait encore à la fin du XVIe siècle, semblaient donner à cette assertion une espèce de vraisemblance, mais ces conjectures n’ont pu paraitre suffisantes au savant et judicieux Jaillot. Cet écrivain pense qu’en nommant ainsi cette chambre, et en gravant ces mots sur la porte d’un bureau, on a seulement voulu indiquer le droit du prince auquel le tribut était dû et l’endroit où il se percevait. Ce tribut des Parisiens devait être acquitté à l’entrée de la ville ou de la cité, sur les marchandises qui arrivaient par eau en cet endroit, « d’où quelques auteurs, ajoute Jaillot, l’ont appelé, quoique mal à propos, l’apport de Paris. Le parloir aux bourgeois, c’est-à-dire la juridiction de la ville y était située, et ces deux circonstances suffisent pour autoriser la dénomination de chambre de César et l’inscription Tilulum Césaris. » Ce n’est qu’à partir du règne de Louis VII, fils de Louis-le-Gros, qu’on trouve des preuves certaines de l’existence du Châtelet. Dans une charte de ce roi de l’an 1147, on lit qu’il fit don à l’abbaye de Montmartre de la place des Pécheurs sise entre la maison des Boucliers et le Châtelet du roi, inter domum carnificium et regis castellucium ; ces mots, châtelet du roi, qui, dans aucun acte postérieur ne sont plus réunies, semblent indiquer le Châtelet bâti par le roi. Il nous paraît donc probable que Louis-le-Gros, à la place d’une tour en bois qui s’élevait sous la seconde race à l’extrémité septentrionale du Pont-au-Change, fit construire une autre tour ou forteresse beaucoup plus grande. Le Châtelet, siège du prévôt, fut agrandi par suite des acquisitions qui furent faites en 1242, 1257, 1258, 1260 et 1265. Les bâtiments du grand Châtelet tombaient en ruines en 1460, Charles VII transféra sa juridiction au Louvre. Malgré les dons considérables que fit Charles VIII, en 1485, pour subvenir à la dépense qu’occasionnaient les réparations du Châtelet, cet édifice ne se trouva dans une situation convenable qu’en 1507. Louis XII ordonna alors aux officiers du Châtelet d’aller y continuer leurs séances. En 1657, de nouvelles réparations obligèrent d’en faire sortir ce tribunal qui, cette fois, fut établi aux Grands-Augustins. En 1672, le roi manifesta l’intention de faire construire un nouveau Châtelet plus spacieux, plus commode que l’ancien. En 1684, l’exécution de ce projet fut commencée. On acheta trois maisons ainsi que l’église Saint-Leufroy. Les salles furent reconstruites et leur nombre augmenté ; il ne resta que plusieurs tours de l’ancien édifice sous lequel était pratiqué un passage étroit, obscur, qu’on était obligé de traverser pour communiquer du Pont-au-Change à la rue Saint-Denis.

Juridiction du Châtelet. — Pour se livrer aux seules fonctions militaires, les comtes abandonnèrent le soin de rendre la justice à des substituts ou lieutenants qui, dans le Languedoc et dans plusieurs autres provinces voisines, étaient appelés Viguiers, et partout ailleurs, Prévôts. Le comté de Paris fut réuni à la couronne sous Hugues-Capet. On y établit un prévôt, c’est-à-dire un lieutenant préposé par le roi pour rendre la justice au nom du monarque. On ignore l’époque précise de cet établissement à Paris, mais il est certain qu’il subsistait en 1060 et 1067. Deux chartres datées de ces mêmes années, et données en faveur de Saint-Martin-des-Champs par les rois Henri Ier et Philippe Ier, sont souscrites par Étienne, prévôt de Paris, Præposilus Parisiensis. L’auteur du Grand-Coutumier, qui écrivait sous Charles VI, nous apprend que le prévôt de Paris avait trois juridictions, l’une ordinaire qui était la connaissance du siège du Châtelet, et deux déléguées qui étaient la conservation des privilèges royaux, de l’Université et la criée des maisons ; c’était la seule juridiction du royaume qui eût le droit d’avoir continuellement un dais au-dessus de son principal siège, comme étant la place du roi. À l’entrée de Charles VII, le 12 novembre 1437, le Châtelet marchait après la ville et avant le parlement ; on sait que dans ces sortes de cérémonies le dernier rang était le plus honorable. Le prévôt de Paris était chef de la noblesse et commandait à l’arrière banc, sans être, comme les baillis et sénéchaux, assujetti aux gouverneurs. Il avait le droit d’assister aux états généraux, comme premier juge ordinaire et politique de la capitale du royaume. Son habillement était semblables tout à celui des ducs et pairs. Il portait un bâton de commandement couvert d’une toile d’argent ou de velours blanc. Il avait douze gardes de toute ancienneté qui, en vertu d’un arrêt de 1566, portaient hoquetons et hallebardes, le suivaient à l’audience et l’escortaient dans la ville. Le prévôt, gardien des privilèges des bourgeois de Paris, avait seul le droit de faire arrêter leurs débiteurs forains ; ce droit lui avait été donné par Louis-le-Gros en 1134. La charge de prévôt était toujours remplie. Dès qu’on apprenait la mort ou la démission du titulaire, elle passait au procureur du parlement. Le roi reprenait le bâton de commandement qu’il remettait lui-même à celui qu’il nommait à cette haute fonction. Le prévôt de Paris était, comme nous l’avons dit, le conservateur des privilèges de l’Université, et c’est pour cette conservation que Philippe-Auguste ordonna par ses lettres de l’an 1200, que le prévôt de Paris prêterait serment à l’avenir entre les mains du recteur de l’Université. Le prévôt de Paris était installé au Châtelet par un président à mortier et par quatre conseillers de la grand’chambre du parlement de Paris. Le président à mortier lui disait alors : « Je vous installe dans la charge de prévôt de Paris, pour l’exercer dignement et au contentement du roi et du public. » — Le roi Henri II, par son édit du mois de mars 1551, établit un présidial au Châtelet. Il était composé de vingt-quatre conseillers. Louis XIV, par édit du mois de février de l’an 1674, supprima presque toutes les justices particulières possédées par divers seigneurs dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, et les incorpora à la justice du Châtelet. Par un autre édit du mois d’août de la même année, sa majesté créa un nouveau présidial, et voulut qu’il eut les mêmes pouvoirs et autant d’officiers que l’ancien Châtelet. Il mit également des bornes au ressort de l’un et de l’autre ; mais l’expérience ayant fait connaître les inconvénients de ces deux tribunaux toujours en rivalité, un édit du roi, de septembre 1684, cassa le nouveau Châtelet et le réunit à l’ancien pour exercer désormais la juridiction dans toute l’étendue de la prévôté et vicomté de Paris. La justice était rendue au Châtelet par un lieutenant-général civil un lieutenant-général de police, un lieutenant-criminel, deux lieutenants particuliers, cinquante-quatre conseillers, dont un d’épée créé en 1691, quatre avocats du roi, un procureur du roi, huit substituts, un greffier en chef, un premier huissier audiencier, plusieurs autres huissiers audienciers, un juge auditeur pour les affaires de 50 livres, un greffier en chef des auditeurs, quarante-huit commissaires, cent treize notaires, deux cent trente-cinq-procureurs, trois cent quatre-vingts huissiers à cheval, deux cent quarante huissiers à verge et cent vingt huissiers-priseurs.

Prisons du Châtelet. — Tous les lieux de justice possédaient autrefois leurs prisons ; celles du Châtelet révoltaient la vue et l’odorat. Les prévenus devaient y expier leurs crimes par les tortures de leur emprisonnement préventif. Ces prisons étaient au nombre de huit, selon Sauval ; on les appelait le Berccau, le Paradis, la Grièche, la Gourdaine, le Puits, les Chaînes, la Boucherie, les Oubliettes. — Dans l’ordonnance que Henri VI, roi de France et d’Angleterre, donna au mois de mai 1425, les prisons du Châtelet se trouvaient en plus grand nombre. On en comptait quinze ; dix d’entre elles devaient être les moins horribles, les lits y étaient payés plus cher, voici leurs noms : les Chaînes, Beauvoir, la Motte, la Salle, les Boucheries, Beaumont, la Grièche, Barbarie, Beauvais et Gloriette. — Dans les comptes de la prévôté, on lit cet article Poulie de cuivre servant à la prison de la fosse du Châtelet ; on descendait les prisonniers dans ce cachot, par une ouverture pratiquée à la voûte du souterrain, de la même manière qu’on descend un sceau dans un puits.

Cette fosse du Châtelet était peut-être celle qu’on nommait Chausse-d’Hypocras, où les prisonniers avaient les pieds dans l’eau croupie ; ordinairement, les malheureux qu’on y renfermait mouraient après quinze jours de détention. Un autre cachot avait reçu le nom de Fin-d’Aise ; il était rempli d’ordures et de reptiles. — Une déclaration royale du 23 août 1780, ordonna la destruction de tous les cachots construits sous terre.

Événements historiques. — Après la trahison de Périnet-le-Clerc, qui livra la porte de Buci aux troupes anglaises et bourguignonnes, les prisonniers Armagnacs furent renfermés au Châtelet. Une affreuse disette se faisait alors sentir dans la capitale. Les Parisiens voulurent se venger des Armagnacs du dehors qui ravageaient la campagne, sur les Armagnacs du dedans vaincus et malheureux. Le 21 août 1418, une troupe de furieux, dirigée par plusieurs maîtres bouchers, dits cabochons, vint mettre le siège devant le grand Châtelet, dans l’intention d’en égorger les prisonniers. Ces malheureux, instruits du péril qui les menace, soutiennent l’assaut en lançant des tuiles et des pierres sur leurs ennemis ; ces faibles moyens de défense ne font qu’irriter les assaillants, ils égorgent les prisonniers ou les jettent vivants du haut des fenêtres ; leurs corps en tombant sont reçus sur la pointe des piques, ou percés à coups d’épées ou de poignards. Telle fut la principale scène de l’entrée des Anglais et des Bourguignons dans Paris.

Le 14 novembre 1591, le Conseil des Seize fit arrêter et pendre sans autre forme de procès, dans la chambre du grand Châtelet, Brisson, Claude Larcher, conseillers au parlement, et Jean Tardif, conseiller au Châtelet ; ces magistrats étaient soupçonnés de favoriser le parti du roi.

Rues qui sont entrées dans la circonscription de la Place

1o La rue de la Joaillerie. — Une partie de cette voie publique ayant été conservée, nous en tracerons l’origine à son ordre alphabétique.

2o La rue Saint-Leufroy. — Elle était située en face du Pont-au-Change. On passait en la traversant sous une voûte du grand Châtelet. En 1313, on la nommait rue devant le Chastel. Elle devait son dernier nom à l’église Saint-Leufroy, qui y était située, et qui fut démolie en 1684 pour l’agrandissement du Châtelet. — Le parloir aux bourgeois resta longtemps dans cette rue.

3o La rue du Pied-de-Bœuf. — Le premier titre qui mentionne cette voie publique est de 1437. Elle tenait son nom d’une enseigne.

4o La rue de la Triperie. — Elle était presque entièrement bâtie à la fin du XIIe siècle. On l’appelait, en 1210, rue des Bouticles, en raison des petites boutiques de tripiers qui y existaient. Au XVe siècle c’était la rue de l’Araigne ; c’est ainsi qu’on désignait une espèce de croc de fer à plusieurs branches, dont se servaient les bouchers pour attacher leurs viandes. On la trouve aussi sous la dénomination de rue du Pied-de-Bœuf, et en dernier lieu, sous celle de la Triperie.

5o La rue trop va qui dure. — C’était plutôt un chemin qui régnait le long du grand Châtelet jusqu’à la rue Saint-Leufroy. Nous n’avons pu trouver l’origine de cette dénomination bizarre. Elle n’était connue anciennement que sous le nom général de chemin ou grand’rue le long de la Seine. Dans un procès-verbal de 1636, elle est nommée rue de la Descente de la Vallée de Misère.

Documents administratifs. — Un plan approuvé par le ministre de l’intérieur Champagny, le 11 octobre 1806, fixa la largeur de la place du Châtelet à 62 m. 50 c. Ces alignements furent modifiés par le ministre, le 21 juin 1817. On reconnut à cette époque que la fontaine du Palmier n’avait pas été construite exactement dans l’axe de la place ; il résulta de cette rectification que la largeur de la place fut réduite à 61 m. 40 c. Cette disposition, qui reçut immédiatement son exécution, a été confirmée par une ordonnance royale du 16 mai 1836. Les maisons riveraines de la place sont toutes à l’alignement. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Française).

Fontaine du Palmier. — Elle a été élevée en 1808 sur les dessins de Bralle. Elle est entrecoupée de bracelets sur lesquels sont inscrits les noms des plus glorieuses batailles gagnées sous la république et l’empire. Le chapiteau de la colonne est formé de feuilles de palmier et surmonté d’une boule sur laquelle s’élève une renommée distribuant des couronnes ; cette figure et celles de la base sont de M. Bosio.