Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Hôtel-Dieu

La bibliothèque libre.


Hôtel-Dieu.

Situé sur le Parvis-Notre-Dame. — 9e arrondissement, quartier de la Cité.

La fondation de l’Hôtel-Dieu remonte à Saint-Landry, huitième évêque de Paris.

Les chanoines de Notre-Dame ne possédaient dans le principe que la moitié de cet établissement, l’autre partie leur fut cédée en 1202 par Renaud, évêque de Paris. L’Hôtel-Dieu n’était pas seulement affecté aux pauvres malades, on y admettait également des pauvres valides. Adam, clerc du roi, fit don à cet hôpital, la fin du XIIe siècle, de deux maisons dans Paris, avec cette condition qu’on fournirait, au jour de son anniversaire, aux pauvres malades, tous les mets qu’ils pourraient désirer. Philippe-Auguste est le premier de nos rois qui ait fait quelques libéralités à l’Hôtel-Dieu. Dans une de ses lettres on lit : « Nous donnons à la maison de Dieu de Paris, située devant l’église de la bienheureuse Marie, pour les pauvres qui s’y trouvent, toute la paille de notre chambre et de notre maison de Paris, chaque fois que nous partirons de celle ville pour aller coucher ailleurs. » — Par un acte capitulaire de l’église de Paris, l’évêque Maurique et son chapitre arrêtèrent d’un commun accord, qu’au décès de l’évêque ou d’un chanoine, leur lit appartiendrait à l’Hôtel-Dieu. Mais l’accroissement de la population rendit bientôt insuffisant le service de cet hôpital. En 1217, le doyen Étienne, conjointement avec le chapitre, chargea par un statut quatre prêtres et quatre clercs des soins spirituels. Trente prêtres et vingt-cinq sœurs, également laïcs, durent pourvoir aux besoins des malades. On exigea d’eux la chasteté, et ils furent soumis à une loi disciplinaire sous la surveillance du chapitre et du maître de la maison de Dieu, titre qu’on donnait au membre qui avait la direction de l’établissement. Saint Louis est regardé à juste titre comme le bienfaiteur de cet hôpital qui, d’après son désir, prit le nom d’Hôtel Notre-Dame ou de la bienheureuse Vierge Marie. Par ses ordres, il fut exempté des droits d’entrée et de toutes impositions, et les bâtiments qu’il augmenta atteignirent le Petit-Pont. En 1531, les administrateurs de l’Hôtel-Dieu achetèrent une maison située sur le Petit-Pont, joignant le nouveau portail. Sur l’emplacement de cette maison qui avait appartenu à la Sainte-Chapelle, le cardinal Antoine Duprat, légat en France, fit bâtir la salle qu’on nommait avant la révolution, salle du Légat. En 1606, Henri IV fit reconstruire la salle Saint-Thomas. La même année la salle Saint-Charles, qui donna son nom à un nouveau pont dont les piliers avaient été bâtis sous ce règne, fut achevée par les libéralités de Pomponne de Bellièvre. En 1634 on termina un autre pont qui fut nommé Pont-au-Double. Ainsi cet établissement s’agrandissait à mesure que les maux se multipliaient, et la charité croissait à l’égal des douleurs.

Louis XIV voulut aussi favoriser les développements de cet hôpital. — « Don à l’Hôtel-Dieu du Petit-Châtelet (novembre 1684). — Louis, etc… Ayant reconnu par nous-même, il y a quelques années, que l’Hôtel-Dieu de notre bonne ville de Paris n’avait point assez d’étendue pour contenir commodément le grand nombre des pauvres malades qu’on y amène tous les jours, lesquels y sont reçus et traités jusques à leur entière convalescence, de quelque pays, nation et religion qu’ils soient, par le bon ordre et l’économie qu’entretiennent dans cette maison les personnes qui en règlent l’administration ; nous aurions dès lors pensé chercher les moyens de procurer l’augmentation des bâtiments du dit Hôtel-Dieu, et ayant jugé que rien n’était plus avantageux pour exécuter cette charitable entreprise que de faire don au dit Hôtel-Dieu du Petit-Châtelet de notre dite ville de Paris. À ces causes désirant, à l’imitation des rois nos prédécesseurs, donner au dit Hôtel-Dieu des marques de notre protection et munificence royale, en confirmant notre brevet du 18 septembre de la même année, ci-attaché sous le contr’scel de notre chancellerie, nous avons par ces présentes, signées de notre main, accordé et fait don au dit Hôtel-Dieu du Petit-Châtelet de notre dite ville, appartenances et dépendances, pour y être construits tels bâtiments que les administrateurs d’icelui aviseront pour la commodité des pauvres malades ; voulons et nous plaît que le dit Hôtel-Dieu jouisse pleinement, paisiblement et perpétuellement du dit Petit-Châtelet, etc… Donné à Versailles, au mois de novembre, l’an de grâce 1684, et de notre règne le 42e. Signé Louis. » (Archives du royaume, section administrative, série E, no  3,370.) — En 1737 et 1772, deux incendies causèrent de grands ravages à l’Hôtel-Dieu ; le dernier surtout entraîna la mort d’un grand nombre de malades. Vers cette époque, l’encombrement était devenu si grand à l’Hôtel-Dieu, qu’on avait été forcé de faire coucher huit malades dans le même lit, et presque toujours, le lendemain, trois ou quatre avaient cessé de vivre. L’Hôtel-Dieu qui ressemblait à un vaste tombeau, était une cause permanente d’infection pour la Cité.

On résolut à cette époque de supprimer cet établissement et de transporter les malades, partie à l’hôpital Saint-Louis, partie à la maison dite de Santé.

Des lettres-patentes furent rendues à cet effet au mois de mai de l’année 1773. De vives réclamations s’élevèrent contre ce déplacement. Il était à craindre que les blessés, les malades des quartiers du centre, transportés au loin, ne mourussent pendant le trajet. Ces considérations firent abandonner ce projet, et un système d’administration plus juste et plus en rapport avec les besoins des malades fut pratiqué dans cet ancien établissement.

Jusqu’à l’époque de la révolution, l’histoire de cet hôpital ne nous fournit aucun fait qui mérite d’être rapporté.

Mais au commencement de la Terreur, on ordonna la fermeture de nos églises, et tout ce qui rappelait la foi de nos pères fut proscrit.

« Séance du duodi, de la 3e décade de brumaire an II. — Le procureur de la commune requiert que l’on change dans les hôpitaux les noms des salles des malades, et que l’Hôtel-Dieu soit appelé Maison de l’Humanité. Arrêté et envoyé aux travaux publics pour l’exécution. Signé Lubin, vice-président ; Dorat-Cubières, secrétaire. » Le 1er vendémiaire an XII, le ministre de l’intérieur posa la première pierre du portique de l’Hôtel-Dieu, qui fut élevé sur les dessins et sous la direction de M. Clavareau, architecte de cet hôpital. Ce portique est composé de trois colonnes doriques sans canelures ; elles supportent une frise et un fronton sans ornement. Cette entrée de l’établissement est d’une belle simplicité. La construction de l’hôpital Beaujon, la formation de l’hôpital Saint-Antoine, permirent bientôt de démolir les parties les plus malsaines de l’Hôtel-Dieu, et d’essayer plusieurs systèmes d’assainissement qui ont réduit ses tables de mortalité au chiffre des hôpitaux les plus favorablement situés.

En pénétrant sous le péristyle de l’Hôtel-Dieu, on aperçoit à gauche la statue de saint Vincent-de-Paul, à droite est celle de Monthyon. On voit ensuite un grand vestibule sur lequel ouvrent les bureaux, les salles de garde, les amphithéâtres, deux grandes salles de chirurgie. Le grand escalier est décoré des portraits des médecins et chirurgiens les plus célèbres de cet hôpital. Plusieurs tables d’inscriptions rappellent les diverses ordonnances relatives aux dotations de cet établissement, depuis celle de Philippe-Auguste jusqu’à celles de Louis XVI. — Une dernière inscription reproduit en entier cette ode célèbre que Gilbert composa à l’Hôtel-Dieu :

« Au banquet de la vie infortuné convive,
» J’apparus un jour… et je meurs !…
» Je meurs, et sur ma tombe où lentement j’arrive
» Nul ne tiendra verser des pleurs !… »
· · · · · · · · · · · · · · ·

Au dessous est écrit : Gilbert, 8 jours avant sa mort, 22 ans.

En 1842, la dépense s’est élevée pour l’Hôtel-Dieu, à 
 462,512. 99
Pour l’annexe, à 
 227,546. 19

Ensemble 
 690,059. 18

La mortalité dans l’Hôtel-Dieu a été de 1 sur 7/59.

Dans l’annexe de 1 sur 11/04.

Voici l’état des dépenses faites pour les hôpitaux et hospices dans le courant des années ci-après, savoir :

1810 
 9,349,163. 41
1820 
 9,405,084. 60
1830 
 10,654,623. 97
1840 
 12,259,976. 92

Pendant ces dernières années, l’administration des hospices a réalisé de grandes améliorations : un établissement annexe de l’Hôtel-Dieu, organisé dans la rue de Charenton, a déjà produit d’heureux résultats. Plusieurs autres travaux importants ont été exécutés. Sur le Pont-au-Double s’élevait un bâtiment contenant des salles de malades. Cette construction malsaine vient d’être détruite. Les deux bâtiments bordant la rivière ont été diminués de longueur pour rendre le Pont-au-Double en entier à la circulation. Les constructions de la rive droite ne communiquaient à la rive opposée qu’au moyen du pont Saint-Charles, sur lequel on avait établi une galerie vitrée ; mais depuis longtemps l’administration municipale désirait former sur la rive gauche un quai en prolongement de celui de Montebello ; l’exécution en avait même été prescrite par une ordonnance royale du 22 mai 1837. Ce projet vient d’être réalisé au moyen du dédoublement du bâtiment Saint-Charles, opéré en 1840. Avant de faire ce changement qui devait diminuer de 200 lits environ le nombre nécessaire au service de l’hôpital, on construisit un bâtiment parallèle à celui Saint-Charles et qui aboutit à la rue du Fouarre. Cette création se rattache à un système d’ensemble dont nous allons parler. Il est question de placer en entier l’Hôtel-Dieu sur la rive gauche de la Seine. Ses constructions seraient limitées par les rues du Fouarre, Galande, du Petit-Pont et le quai de Montebello en supprimant les rues de la Bûcherie et Saint-Julien. On établirait trois autres corps de bâtiments en harmonie avec celui qui vient d’être élevé dans la rue du Fouarre. Les nouveaux bâtiments contiendraient ensemble 360 lits qui, ajoutés aux 264 que renferment les constructions du quai, formeraient un total de 624. Le bâtiment de la rue du Fouarre a été élevé sous la direction de M. Huvé, architecte, auteur du projet que nous venons d’indiquer.