Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Henri-Quatre (collége royal)

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Henri-Quatre (collége royal).

Situé rue Clovis. — 12e arrondissement, quartier Saint-Jacques.

Ce collége occupant une partie de l’emplacement de l’abbaye royale Sainte-Geneviève, nous nous occuperons d’abord de cette abbaye célèbre. — Sur le sommet de la montagne, où s’élèvent aujourd’hui Saint-Étienne-du-Mont et le Panthéon, existait sous la domination romaine un cimetière que bordaient deux grandes routes qui, partant de Lutèce, conduisaient l’une à Orléans et l’autre à Sens. Ce cimetière servait aux Parisiens et sans doute aux habitants des villages voisins. Clovis, converti à la foi de l’Évangile, fit élever sur cet emplacement, à la prière de Clotilde, une basilique en l’honneur de saint Pierre et des saints apôtres. Grégoire de Tours ne nous fait pas connaître l’année de cette fondation ; il est probable qu’elle eut lieu en 508 ou 509 ; on sait que ce fut en l’année 507 que Clovis, avant de combattre Alaric, fit vœu d’élever une église. L’édifice n’était pas achevé en 511, à la mort de Clovis. Il fut terminé par Clotilde. Le nom de basilique dont se sert Grégoire de Tours, en parlant de cette église, a fait penser que dès le principe, elle avait été desservie par une communauté religieuse, mais ces desservants n’étaient dans l’origine que des chanoines séculiers. Clovis, comme fondateur, fut enterré dans la basilique des saints apôtres. Sainte-Geneviève, qui mourut quelques années après, y fut également inhumée avec sainte Alde, une de ses compagnes. En 857, les Normands incendièrent la basilique de Saint-Pierre et des Saints-Apôtres avec toutes les autres églises de la contrée, à l’exception de Saint-Vincent et de l’abbaye de Saint-Denis qui se rachetèrent à prix d’argent. En 1190, l’église Saint-Pierre n’était pas encore rebâtie, mais depuis la fin du 9e siècle elle portait le nom de la douce et miraculeuse patronne de Paris. Les rois de France honorèrent de leur protection les chanoines de Saint-Pierre, nommés depuis de Sainte-Geneviève. Un diplôme du roi Robert, de l’an 997, confirmant les donations qui leur avaient été faites, en ajoute encore de nouvelles, leur donne le droit de nommer leur doyen et de disposer de leurs prébendes. Par une charte donnée en 1035, Henri Ier se déclare le protecteur de la vénérable congrégation des chanoines de Sainte-Geneviève. La châsse de la sainte était en grande vénération. Sous le règne de Louis VI, vers l’an 1131, une maladie nommée le feu sacré, décimait la population parisienne. Les habitants demandèrent que cette châsse fut solennellement apportée à l’église Notre-Dame. « Pendant la procession, dit Jaillot, tous les malades qu’on nommait les Ardents furent guéris, à la réserve de trois qui manquèrent de foi. L’épidémie ayant disparu, la châsse fut rapportée à Sainte-Geneviève et placée derrière l’autel. » En 1148 un changement notable fut opéré dans l’administration de l’église de Sainte-Geneviève. Le pape Eugène, informé des désordres qui s’étaient manifestés dans cette communauté, résolut d’y introduire la réforme. Le souverain-pontife ne put réaliser son projet. Louis-le-Jeune, obligé de partir pour la Terre-Sainte, confia cette mission à l’abbé Suger qui, après de grandes difficultés, parvint à faire entrer dans cette maison douze chanoines de Saint-Victor. Il n’est pas certain que la basilique élevée par Clovis ait subsisté jusqu’au temps des Normands. D’après l’auteur de Sainte-Geneviève, l’ancienne église était ornée d’un triple portique, sur lequel on avait peint l’histoire des patriarches, des prophètes, des martyrs et des confesseurs. Après le départ des Normands, les chanoines de Sainte-Geneviève ne firent à leur église que les réparations urgentes. Ce fut Étienne de Tournai, élu abbé en 1171, qui résolut de restaurer entièrement l’église. Les travaux durèrent quinze années. À la fin du siècle dernier on distinguait les parties réparées au dehors de l’église, au midi et du côté de la nef. On voyait encore au commencement du XVIIIe siècle, vers le haut du pignon de l’église, un anneau de fer d’une grande dimension. Il était scellé dans une pierre qui représentait une tête d’animal. Anciennement, et surtout vers le IXe siècle, lorsque les criminels venaient réclamer le droit d’asile, la justice s’arrêtait au moment où le condamné saisissait l’anneau de la grande porte afin d’y passer le bras. « Comme on ne peut douter, dit un historien, que la basilique de Sainte-Geneviève n’ait eu à Paris la préférence sur beaucoup d’autres, je pense que ce gros anneau a été attaché à la grande porte ou portique jusqu’à l’époque où les asiles furent supprimés ; mais pour en conserver le souvenir, on éleva ce même anneau à une hauteur à laquelle personne ne put plus atteindre. »

La réforme se soutint parmi les religieux de Sainte-Geneviève jusqu’aux règnes de Charles VI et Charles VII ; les guerres qui désolaient la France à cette époque, jetèrent bientôt le désordre jusque dans les monastères. Ce ne fut que sous Louis XIII qu’on songea à rétablir l’ancienne discipline. En 1624, le cardinal de La Rochefoucauld, pour se conformer aux intentions du roi, fit entrer dans cette abbaye le père Faure avec douze religieux, tirés de la maison de Saint-Vincent-de-Senlis. La réforme de Sainte-Geneviève achevée en 1625, confirmée par lettres-patentes de 1626 et par une bulle d’Urbain VIII, donnée en 1634, fut entièrement consolidée cette même année par l’élection du père Faure comme abbé coadjuteur de cette abbaye et supérieur général de la congrégation. On doit fixer à cette époque la triennalité des abbés de Sainte-Geneviève, la prématie de cette abbaye, chef de l’ordre, et le titre de chanoines réguliers de la congrégation de France, donné aux membres de cette communauté. La congrégation de Sainte-Geneviève se composait de 900 maisons en France et nommait à plus de 500 cures ; l’abbé était électif avec le titre de général et jouissait du droit de crosse, de mitre et d’anneau. Le cardinal de La Rochefoucauld arrêta dans son règlement, qu’à l’avenir les chanoines auraient le droit de choisir leur abbé dans leur communauté. Ce même prélat fit reconstruire le grand autel, le jubé, le réfectoire, l’hôtel abbatial et la crypte souterraine où l’on conservait le corps de Sainte-Geneviève ; il rétablit encore le tombeau de Clovis élevé au milieu du chœur. En reconnaissance des services signalés que le cardinal rendit à la communauté, on lui éleva, lorsqu’il mourut, un tombeau de marbre noir, qu’on voyait près du grand autel. L’ancien cloître de Sainte-Geneviève qui tombait en ruine, fut reconstruit en 1744. Louis d’Orléans posa la première pierre du nouvel édifice. L’ancienneté de l’église inspirait des craintes pour la sécurité des fidèles ; sa reconstruction fut jugée indispensable (voir l’article Panthéon Français). On voyait dans l’abbaye de Sainte-Geneviève une riche bibliothèque ; les bâtiments, qui ont été conservés, ont leur entrée par la rue Clotilde. Cette bibliothèque était remarquable autant par sa construction que par le choix des livres qu’elle renfermait ; le monument a la forme d’une croix ; au milieu est un dôme, dont la coupole a été peinte par Restout père, qui a représenté l’apothéose de saint Augustin. Le nombre des volumes s’élevait à cent douze mille ; on y comptait près de trois mille manuscrits. La collection d’antiquités et de médailles a été réunie en 1791 au cabinet de la Bibliothèque du roi. Les planchers de la bibliothèque de Sainte-Geneviève, séparant cet établissement des dortoirs du collége Henri IV, ayant besoin d’être refaits, les livres furent transférés provisoirement dans l’ancien collége de Montaigu. Sur cet emplacement on construit aujourd’hui de vastes bâtiments destinés à cette bibliothèque. — L’abbaye Sainte-Geneviève supprimée en 1790 devint propriété nationale. — En vertu d’un décret du 1er mai 1802, concernant le rétablissement des colléges sous le titre de Lycées, celui qui portait le nom de Napoléon fut placé dans les bâtiments de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève, en ne conservant que la bibliothèque qui en occupait la partie supérieure. Sous la Restauration, cet établissement prit le nom de collége royal Henri IV. Alors des constructions importantes ont été projetées par M. Lahure, architecte, et notamment le grand bâtiment donnant sur la rue Clovis, dont l’exécution n’eut lieu qu’en 1824 et 1825. Ce vaste bâtiment, qu’on a été obligé de construire avec une très grande économie, offre cependant une masse assez imposante ; le fronton de la porte principale devait être orné d’une couronne contenant le buste de Henri IV. Le modèle en a été fait par M. Gérard, statuaire, et des pierres ont été placées afin d’y sculpter cet ornement. Elles donnent aujourd’hui à cette porte un caractère de lourdeur qu’on devrait faire disparaître. — Le nombre des élèves qui suivent en 1844 les cours de ce collége est de 800 environ. L’église dépendant de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève a été démolie vers 1808. La rue Clovis passe sur l’emplacement de cet ancien monument qui était parallèle à l’église Saint-Étienne-du-Mont. La tour a été conservée ; elle fait partie des constructions affectées au collége royal Henri IV.