Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Orléans-Saint-Honoré (rue d’)

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Orléans-Saint-Honoré (rue d’).

Commence à la rue Saint-Honoré, nos 116 et 118 ; finit à la rue des Deux-Écus, nos 23 et 25. Le dernier impair est 21 ; le dernier pair, 16. Sa longueur est de 79 m. — 4e arrondissement, quartier de la Banque.

Cette voie publique, construite en partie à la fin du XIIIe siècle, portait le nom de rue de Nesle, parce qu’elle longeait l’hôtel que Jean II, seigneur de Nesle, avait fait bâtir près de Saint-Eustache. En 1328, cette voie publique se nommait rue de Bohème ; l’hôtel de Nesle appartenait alors à Jean de Luxembourg, roi de Bohême, qui resta fidèle à la France, et mourut pour elle à la bataille de Crécy. Le trépas glorieux de ce héros est si noblement raconté par M. de Chateaubriand, que nous croyons devoir reproduire ici la magnifique page qu’il a consacrée à la louange de l’intrépide vieillard.

« Le roi de Bohème étoit à l’arrière-garde avec le duc de Savoie. On lui rendit compte des événements (l’avant-garde et le corps de bataille venoient d’être presque entièrement détruits). Et où est monseigneur Charles, mon fils ? dit-il. On lui répondit qu’il combattoit vaillamment, en criant : Je suis le roi de Bohême ! qu’il avoit déjà reçu trois blessures.

» Le vieux roi, transporté de paternité et de courage, presse le duc de Savoie de marcher au secours de leurs amis ; le duc part avec l’arrière-garde. On n’alloit pas assez vite au gré du monarque aveugle, qui disoit à ses chevaliers : « Compagnons, nous sommes nés en une même terre, sous un même soleil, élevés et nourris à même destinée, aussi vous proteste de ne vous laisser aujourd’hui tant que la vie me durera. » Quand on fut prêt à joindre l’ennemi, il dit à sa suite : « Seigneurs, vous êtes mes amis, je vous requiers que vous me meniez si avant que je puisse férir un coup d’épée. » Les chevaliers répondirent que volontiers ils le feroient. Et adonc, afin qu’ils ne le perdissent dans la presse, ils lièrent son cheval aux freins de leurs chevaux, et mirent le roi tout devant pour mieux accomplir son désir, et ainsi s’en allèrent ensemble sur leurs ennemis.

» Le roi de Bohème, conduit par ses chevaliers, pénétra jusqu’au prince de Galles. Ces deux héros, dont l’un commençoit et dont l’autre finissoit sa carrière, essayèrent plusieurs passades de lance pour illustrer à jamais leurs premiers et leurs derniers coups. La foule sépara ces deux champions si différents et d’avenir, si ressemblants de noblesse, de générosité, et de vaillance. Le roi de Bohême alla si avant qu’il férit un coup de son épée, voire plus de quatre, et recombattit moult vigoureusement, et aussi firent ceux de sa compagnie, et sy avant s’y boutirent contre les Anglois, que tous y demeurèrent et furent le lendemain trouvés sur la place autour de leur seigneur, et tous leurs chevaux liés ensemble, vrai miracle de fidélité et d’honneur. Les muses qui sortoient alors du long sommeil de la barbarie, s’empressèrent à leur réveil d’immortaliser le vieux roi aveugle. Pétrarque le chanta, et le jeune Édouard prit sa devise qui devint celle des princes de Galles ; c’étoit trois plumes d’autruche avec ces mots tudesques écrits à l’entour : in riech, je sers. Il n’appartenoit qu’à la France d’avoir de pareils serviteurs. »

À la mort du roi de Bohême et de son fils Charles, la propriété de l’hôtel de Bohème revint à la couronne et fut donnée plus tard par Charles VI à Louis de France, duc d’Orléans ; alors la voie publique dont nous rappelons l’origine prit le nom de rue d’Orléans. Dans plusieurs titres du XVIe siècle, on la trouve quelquefois indiquée sous la dénomination de rue des Filles-Pénitentes, parce que ces religieuses occupaient en 1499 l’hôtel d’Orléans. Jusqu’en 1572, la rue d’Orléans commençait à la rue Saint-Honoré et se terminait à la rue Coquillière, en face de l’église Saint-Eustache. À cette époque, Catherine de Médicis s’étant rendue propriétaire du couvent des Filles-Pénitentes, fit de nombreuses acquisitions pour agrandir cet emplacement sur lequel elle voulait bâtir un palais. En 1577, elle supprima presqu’en entier la partie de la rue d’Orléans comprise entre celles des Deux-Écus et Coquillière, et ne laissa subsister du côté de cette dernière qu’une impasse qui, en 1763, est devenue la rue Oblin (voir cet article). — Une décision ministérielle du 17 frimaire an XI, signée Chaptal, a fixé la largeur de la rue d’Orléans à 8 m. Les maisons de 3 à 17 inclus sont alignées. Les autres constructions ne devront subir qu’un faible retranchement. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).