Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Pont (place du Petit-)

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Pont (place du Petit-).

Située à l’extrémité du Petit-Pont. Pas de numéro impair ; ce côté est bordé par les bâtiments de l’Hôtel-Dieu. Le dernier pair est 6. — Côté gauche, 12e arrondissement, quartier Saint-Jacques ; côté droit, 11e arrondissement, quartier de la Sorbonne.

Cette voie publique occupant aujourd’hui une partie de l’emplacement du petit Châtelet, nous allons d’abord tracer l’historique de cet ancien édifice. Ce lugubre monument devait être aussi ancien que le grand Châtelet. Au milieu de l’obscurité qui enveloppe l’origine de ces deux édifices, un fait se révèle appuyé par des documents authentiques. Il est certain que les deux ponts qui seuls servaient d’entrées à Paris, dans les premiers temps, étaient terminés chacun par une forteresse. Le petit Châtelet défendait de temps immémorial l’abord du Petit-Pont, comme le grand Châtelet protégeait le Grand-Pont, nommé depuis le Pont-aux-Changeurs, le Pont-au-Change. Sous le règne de saint Louis, on percevait au passage du petit Châtelet, les péages et droits d’entrée. Un tarif cité par Saint-Foix porte : que le marchand qui apportera un singe pour le vendre, payera quatre deniers ; que si le singe appartient à un joculateur, cet homme en le faisant jouer et danser devant le péager, sera quitte du péage tant du dit singe que de tout ce qu’il aura apporté pour son usage ; de là vient le proverbe essentiellement parisien : payer en monnaie de singe. Un autre article porte : « Que les jongleurs seront aussi quittes de tout péage, en chantant un couplet de chanson devant le péager. » — Voici le texte de cette ordonnance tirée des établissements des Métiers de Paris, par Étienne Boislève, prévôt de cette ville : « Li singes au marchant doit quatre deniers, se il pour vendre le porte, et se li singes est au joueur, jouer en doit devant le paagier, et par son jeu doit être quite de toute la chose qu’il achète à son usage, et aussitost li jongleur sont quite por un ver de chanson. » — Le 20 décembre 1296, un débordement extraordinaire de la Seine, entraîna les deux ponts, les maisons bâties dessus, et abîma les moulins qui se trouvaient sur le fleuve. On allait en bateau dans les rues de la Cité. Le petit Châtelet fut entraîné par la rapidité des eaux. Cette forteresse qui, probablement dans l’origine, n’avait été bâtie qu’en bois, fut reconstruite en pierre, en 1369, par le prévôt de Paris, Hugues Aubriot. Par lettres du 24 décembre 1398, Charles VI ordonna que les prisons de cette forteresse seraient annexées à celles du grand Châtelet, qui étaient insuffisantes et trop pleines. On fit examiner les prisons du petit Châtelet qui n’avaient jamais servi, on les trouva sûres et bien aérées, à l’exception de trois cachots où les prisonniers privés d’air ne pouvaient vivre longtemps. Le même roi destina, en 1402, cette forteresse au prévôt de Paris. La geôle fut conservée. — Lors du massacre de 1418, les Bourguignons la forcèrent pour égorger les malheureux prisonniers. Cette forteresse d’un style grossier, interceptait l’air, attristait tout le voisinage. Le passage affecté au public n’offrait qu’une voie étroite et dangereuse.

Lettres-patentes du 22 avril 1769. — « Article 19. Le petit Châtelet sera démoli et supprimé, tant pour déboucher de ce côté l’entrée du quai Bignon, que pour donner à la voie publique qui conduit au Petit-Pont la largeur nécessaire ; et pour tenir lieu de ce bâtiment formant actuellement une des prisons de cette ville, il sera fait une augmentation aux bâtiments du grand Châtelet jusqu’à la rue de la Sonnerie ; le tout suivant ce qui sera réglé entre les commissaires et les prévost et échevins. » (Extrait.)

Cette utile amélioration ne fut opérée qu’en 1782. Mercier, dans son tableau de Paris (édition de 1783), s’exprime ainsi sur la démolition du petit Châtelet : « J’ai passé sur ses débris, mais quel aspect ! Les voûtes entr’ouvertes des cachots souterrains qui recevaient l’air pour la première fois depuis tant d’années, semblaient révéler aux yeux effrayés des passants les victimes englouties dans leurs ténèbres ; un frémissement involontaire vous saisissait en plongeant la vue dans ces antres profonds, et l’on se disait : est-ce donc dans un pareil gouffre, au fond de la terre, dans un trou à mettre les morts qu’on a logé des hommes vivants ? Ces cachots vont servir désormais aux maisons qu’on va bâtir sur leurs fondements. Mais les murs y doivent être encore imprégnés des soupirs du désespoir. Qui osera placer là son tonneau de vin ? Qui pourra le boire sans se rappeler les malheureux qui ont gémi entre ces murailles, dans les tourments du corps et les angoisses de l’âme, plus terribles encore ? Puissent les dernières traces de la barbarie s’effacer ainsi sous la main vigilante d’un gouvernement sage ! » — On agrandit sur une partie de l’emplacement du petit Châtelet les bâtiments de l’Hôtel-Dieu, et l’on forma également, sur la plus grande portion du terrain qu’elle occupait, la place du Petit-Pont. — Une décision ministérielle du 5 vendémiaire an IX, signée L. Bonaparte, fixa la largeur de cette voie publique à 30 m. En vertu d’une ordonnance royale du 22 mai 1837, sa moindre largeur devait être portée à 32 m. Cependant les nouveaux bâtiments de l’Hôtel-Dieu ont été construits d’après un alignement qui ne donne à la place du Petit-Pont qu’une moindre largeur de 22 m. Les propriétés du côté des numéros pairs sont alignées. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Parisienne).