Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Reine-Blanche (rue de la)

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Reine-Blanche (rue de la).

Commence à la rue des Fossés-Saint-Marcel, nos 18 bis et 20 ; finit à la rue Mouffetard, nos 269 et 271. Le dernier impair est 3 ; le dernier pair, 6 bis. Sa longueur est de 244 m.12e arrondissement, quartier Saint-Marcel.


Cette rue a été ouverte à la fin de l’année 1393, sur une partie de l’emplacement de l’ancien hôtel de la Reine-Blanche, « qui fut démoli, dit Sauval, comme complice de l’embrasement de quelques courtisans qui y dansèrent avec Charles VI, ce fameux ballet des Faunes, si connu. » Voici de quelle manière les principaux historiens nous racontent cet événement : Isabeau de Bavière, pour fêter les noces d’une dame allemande à laquelle elle était sincèrement attachée, résolut de donner un bal le 29 janvier 1393, dans l’ancien hôtel de la Reine-Blanche, au village de Saint-Marcel. À cette occasion elle invita les principaux seigneurs de la cour. Parmi les personnes qui partageaient les plaisirs de Charles VI, se trouvait un jeune débauché nommé Huguet de Guisay. Pour faire sa cour au roi il inventa une nouvelle mascarade. Le costume que devaient porter le roi, de Guisay et quatre autres seigneurs, était composé, selon quelques historiens, d’une toile gommée qui prenait exactement la forme du corps ; cette toile fut encore enduite de poix, sur laquelle on colla de la filasse. Il est d’autres écrivains dignes de foi, qui prétendent que la nudité fut encore plus complète, et que les acteurs se contentèrent de leur vêtement naturel sur lequel ils appliquèrent, il est vrai, quelques morceaux de filasse. Ainsi équipés et le visage couvert d’un masque, le roi de France, Guisay, Nantouillet, le comte de Joigny, le bâtard de Foix et Aimeri de Poitiers, tous attachés par des chaînes, entrèrent en dansant dans la salle du bal. Cette apparition grotesque souleva l’hilarité générale. Le duc d’Orléans, excité par de fréquentes libations, et cherchant à reconnaître les acteurs de cette comédie, prit un flambeau qu’en trébuchant il approcha d’un masque ; soudain le costume s’enflamme ! Le malheureux patient veut fuir, sa chaîne le retient et le feu se communique aux cinq autres ! La salle est embrasée. La reine effrayée tombe évanouie !… Le roi allait être étouffé sans la duchesse de Berri, qui, conservant toute sa présence d’esprit, enveloppe le prince dans sa robe, et parvient à éteindre le feu qui le dévorait. Nantouillet débarrassé de sa chaîne, court et se plonge dans une cuve pleine d’eau. Le jeune comte de Joigny expire dans les douleurs les plus cruelles. Le bâtard de Foix et Aimeri de Poitiers périrent le surlendemain. Les tortures de Guisay durèrent encore trois jours. Cet homme aussi cruel que débauché avait l’habitude de frapper, de torturer ses domestiques. Lorsque la souffrance arrachait quelques plaintes au patient, sa colère s’en augmentait encore, il le faisait périr sous les coups, en s’écriant : aboye chien ! Le peuple qui a bonne mémoire, répéta en jetant de la boue au cadavre de Guisay : « Te voilà mort infâme, aboye donc à ton tour ! chien ! » Le bruit de ce malheureux événement jeta l’alarme dans tout Paris. Pour l’apaiser, le roi fut obligé de se montrer à plus de cinq cents bourgeois accourus au village de Saint-Marcel. Dès le lendemain les ducs de Berri, de Bourgogne et d’Orléans allèrent en procession, nu-pieds, de la porte Montmartre à l’église Notre-Dame, où le roi vint à cheval et entendit avec eux une messe solennelle en action de grâces de sa conservation. Charles VI ordonna sur le champ la démolition de l’hôtel de la Reine-Blanche, et sur son emplacement fut construite, comme nous l’avons dit plus haut, une rue qui rappelle encore aujourd’hui cette habitation royale. — Une décision ministérielle à la date du 23 frimaire an VIII, signée Laplace, a fixé à 7 m. la largeur de la rue de la Reine-Blanche. Le bâtiment situé en face du no 6 est aligné. Les propriétés nos 2 et 4 ne sont soumises qu’à un faible retranchement. — Conduite d’eau dans une partie.