Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Sorbonne (église)

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Sorbonne (église).

La Sorbonne, qui joua un si grand rôle dans notre histoire, ne devait être, dans l’esprit de son fondateur, qu’un modeste asile offert aux écoliers dont la pauvreté était reconnue. — Robert dit de Sorbon, parce qu’il était né à Sorbon, village près de Rhétel, fut le fondateur de ce collége, auquel il donna son nom. Cette fondation eut lieu au mois de février 1250. On lit dans la vie de saint Louis, par le confesseur de la reine Marguerite : « Le Benoict roy fit acheter mesons qui sont en deux rues assises à Paris, devant le palés des Thermes, esquelles il fit faire mesons bonnes et grandes, pour ce que écoliers étudiants à Paris demorassent là à toujours. » La fondation de ce collége fut confirmée par lettres du Saint-Siège, données par Alexandre IV, en 1259. Le but du fondateur avait été de rétablir au sein de l’Université l’ancienne école du Parvis, et de rendre à cette institution théologique toute l’illustration qui l’entourait au temps d’Abailard. L’Université, qui jalousait l’influence monacale, laissa aux membres de la Sorbonne autant de liberté et d’indépendance que leur profession pouvait en comporter. Les sorbonistes étaient divisés en sociétaires, sodales, et en simples hôtes, hospites. Le premier titre appartenait aux licenciés : plus tard il fut réservé aux docteurs. Le nombre des professeurs de la Sorbonne s’est élevé jusqu’à sept. Celui des auditeurs n’est pas connu, on sait seulement qu’il y en avait des quatre nations. Cette maison portait le nom de Congrégation des pauvres maîtres de la Sorbonne. Les sorbonistes conservèrent cette humble dénomination, jusqu’au moment où ils cessèrent de former un corps. La première dignité de cette congrégation était celle de proviseur. Son autorité était réglée par la communauté. Le prieur était le second dignitaire. Chargé de la police de la maison, il présidait les assemblées. Les bacheliers concouraient à son élection. Le soin de conserver les règles de l’institution était confié à quatre docteurs choisis parmi les plus âgés, on les appelait seniores. Les procureurs, procuratores, s’occupaient de la dépense et de la recette de la maison dont ils rendaient compte aux seniores. Il y avait en outre un bibliothécaire et des professeurs. Parmi ces derniers, on distinguait les lecteurs qui se chargeaient d’expliquer les textes d’enseignement ; les conférenciers qui présidaient aux discussions entre les clercs ; enfin les docteurs qui enseignaient en chaire la science théologique. — Cette bonne administration et l’excellence des études furent les causes de l’influence de la Sorbonne. Souvent elle dominait le peuple, les rois et les papes. Malheureusement sa puissance ne tourna pas toujours au profit de la France. Des noms flétrissants furent même donnés plusieurs fois à la Sorbonne ; ainsi, sous le règne de Charles VI, on l’appelait Sorbonne bourguignonne. En 1407, les ducs d’Orléans et de Bourgogne se disputaient le gouvernement de la France. Jean-sans-Peur se débarrassa de son antagoniste, en le faisant assassiner. Un docteur de la Sorbonne, Jean Petit, osa se charger de l’apologie de ce crime. Une assemblée fut convoquée à cet effet, le 8 mars 1408, à l’hôtel Saint-Paul. Le roi, le dauphin, les princes du sang et les notables y assistaient. L’assassin Jean-sans-Peur comparut, appuyé sur le bras du docteur Jean Petit. Le sorboniste raconta en chaire, et divisa l’éloge de l’assassinat en douze parties. Après avoir lâchement outragé la mémoire du duc d’Orléans, il soutint que la mort du tyran était une action vertueuse, plus méritoire dans un chevalier que dans un écuyer, et beaucoup plus admirable encore dans un prince que dans un chevalier. Pas une voix né s’éleva pour repousser l’affreuse doctrine de ce fanatique, et l’assemblée se sépara frappée de stupeur ! — Ce fut encore la Sorbonne qui pressa le plus vivement la mise en jugement de l’héroïque Jeanne d’Arc. En 1130, le duc de Bedfort adjugea la vierge de Vaucouleurs au docteur Jean Cauchon, sorboniste, qui la fit périr dans les flammes.

Les bâtiments et la chapelle Sorbonne tombaient en ruine, lorsque le cardinal de Richelieu se chargea de les faire reconstruire sur un plan beaucoup plus riche et plus vaste. Les bâtiments du collége furent commencés en 1629, et la chapelle en 1635. Le portail de l’église est de deux ordres, le premier, corinthien avec des colonnes engagées, et le second, composite, mais formé seulement par des pilastres qui répondent aux colonnes. Le portail, du côté de la cour, n’a qu’un seul ordre de dix colonnes isolées, élevé sur un perron d’environ dix marches, et couronné d’un fronton à l’imitation des anciens. Le dôme est accompagné comme celui du Val-de-Grâce de quatre campanilles et de statues. La coupole, peinte par Philippe de Champagne, est très bien conservée. Au milieu de la nef, on admire le tombeau en marbre du cardinal de Richelieu. C’est un des plus beaux ouvrages de Girardon. Le corps du ministre avait été déposé dans un caveau, au-dessous du mausolée. Le czar Pierre-le-Grand avait une si haute idée du génie de Richelieu, qu’à la vue de son tombeau il s’écria, transporté d’enthousiasme : « Oh grand homme ! si tu vivais, je te donnerais la moitié de mon empire pour apprendre de toi à gouverner l’autre. » — Pendant la révolution on voulut établir, dans l’église Sorbonne, un amphithéâtre pour les séances de l’école normale. Ce projet resta sans exécution. Le bâtiment fut endommagé, puis abandonné. Cette église après avoir été restaurée, a été rendue au culte le 10 juillet 1825. Choron, fondateur et chef de l’institution de musique religieuse, y conduisait ses élèves tous les dimanches. Depuis 1831, époque de la mort de Choron, les chants ont cessé. On dit cependant une messe, tous les jours, à huit heures du matin dans l’église Sorbonne. — Les bâtiments de l’ancien collége servent aujourd’hui aux facultés de l’écologie, des lettres et des sciences de l’académie.