Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Enfance (Criminalité de l')

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 692-697).

ENFANCE (CRIMINALITÉ DE L’). — La criminalité de l’enfance appelle quelques développements. Ils sont justifiés par l’étendue et la gravité d’un mal qui s’accroît en de redoutables proportions.

Pour être décisive, la présente documentation portera de préférence sur les générations de 1890 à 1906. En eflet, les premiers élèves sortis des moules de l’école publique, qui date de 1882, sont devenus, en 1890, des mineurs de quinze ans. Les générations qui se sont succédé de 1890 à 1906 assoient une démonstration qui, avec la dernière statistique du ministère de la justice, publiée en mars 1907, s’arrête à cette année 1906. Etendue sur cette période, elle permet de juger de l’état moral du jeune âge, que l’on ne saurait équitablement apprécier, si l’on ne suivait le mineur de seize ans dans l’adolescent sorti de lui.

Quelque nombreux que soient les enchevêtrements qu’apportent les conditions de la vie présente dans ce sujet délicat et complexe, quelles que soient les obscurités et lacunes, parfois voulues, qu’y ajoute la statistique, un fait indéniable le domine : cette période de 1890-1905 correspond, de toute évidence, à

l’installation, au développement, à l’épanouissement de l’école laïque ; l’arbre sera donc jugé par ses fruits.

I. Portée morale du problème. — II. Sa progression.

— III. Ses causes. — IV. Ses remèdes.

I. Portée morale du problème. — L’Académie des sciences morales et ijulitiques, émue d’un péril contre lequel on ne saurait trop prémunir le pays, atteint dans ses forces vives, avait, dans sa section de morale, choisi le sujet de concours suivant pour le prix du budget de 1908 : Des causes et des remèdes de la criminalité croissante de l’adolescence. La production de vingt-six mémoires fut la réponse.

Les chiffres suivants, extraits du rapport sur le concours de 1908, présenté par M. Henri Joly, en justifient amplement l’opportunité. Citons. «. Eu 1841, l’ensemble des délits des mineurs n’atteignait pas tout à fait 13.500. — En 1851, il dépassait 21.000. — En 1872, il arrivait à 18.000, pour atteindre 36. 000 en 1 8g6. — En 1 89 1, il semble qu’il y ait un temps d’arrêt et même une légère diuiinution, puisque la mojenne des années 1902 à 1906 est d’environ 35. 000 ; mais ce n’est ici qu’une apparence, que les renseignements les plus officiels nous contraignent de dissiper.

« En premier lieu, ce sont là des chiffres absolus.

Or, la population juvénile a baissé. Nous n’avons pas Itesoin de multiplier ici les chiffres ; nous savons tous combien notre natalité faililit d’année en année. Contentons-nous de rappeler que dans le groupe masculin, par exemple, le noml)re des jeunes gens inscrits sur les listes de tirage au sort a, de 1897 à igo5, diminué de 16.898.

« En second lieu, nous devons signaler un changement

de méthode dans l’établisscjnent des comptes. Au lieu de compter les jugements rendus, on ne compte plus que les délinquants jugés dans l’année. Il en résulte que tel délinquant dont on comptait, il y a quelques années encore, les récidives souvent nombreuses ou les méfaits accumulés en quelques jours, quekpiefois en quelques heures, ne figure plus dans l’année que pour une unité.

« En troisième lieu, les rapjiorts mêmes des Gardes

des sceaux nous ont appris que des instructions nouvelles envoyées par la Chancellerie aux tribunaux avaient recommandé d’user de la plus grande indulgence, non seulement dans la répression, mais dans la poursuite, et de renvoyer les enfants indemnes, toutes les fois que la chose serait possible (voir les introductions aux rapports pour 1902 et 1908). Il en résulte deux ordres de mesures qui peuvent être approuvées avec réserves ou sans réserves (sur ce point la discussion reste ouverte), mais qui ont fait artiticielleuicnt baisser le nombre des adolescents figuiant jusque-là dans les statistiques officielles.

« Les parquets les plus chargés, dit textuellement

le ministre (dans son rapport sur l’année 1902, p. xxi) se sont déterminés à classer l)ien des affaires de moindre importance, « à seule fin d’éviter Tencombrement. » « Je ne connais pas actuellement, ajoutait-il, le nombre de ces classements ; mais, estimant que cette donnée ne doit pas rester ignorée, j’ai pris d’ores et déjà les mesures nécessaires pour que tous les parquets me fassent connaître dans l’avenir le nombre et la nature de ces classements sans suite intéressant les mineurs de seize ans. » — Cette statistique supplémentaire n’a pas été publiée, elle n’est donc pas venue grossir les totaux ; mais elle a été faite, et Aotre rapporteur a pu se procurer le dernier chiffre qu’elle a enregistré en une seule année : le chiffre de 4-626.

<( Enfin, les autorités administratives les plus com1369

ENFANCE (CRIMINALITÉ DE L’)

1370

pétentes affirment qu’en accord avec ces mêmes instructions relativement récentes, un grand nombre d’adolescents sont, à la suite d’un acte donnant lieu à une plainte, mandés devant le procureur de la République, réprimandés et innnédiatenient rendus à leur famille, sans que cette comparution laisse, cette fois, aucune espèce de trace. On estime que le nombre de ces derniers pourrait l)ien être égal ou supérieur au précédent…

<( En juillet 1909, un fonctionnaire de la Préfecture de police communiciuail au Comité de défense des enfants traduits en justice, un tableau d’où il ressortait que, de 1906 à 1907, le nombre des arrestations de mineurs dans Paris et le département de la Seine s’était accru de 31 0/0.

! Quels étaient les caractères principaux de cette

aggravation ? On ne signalait rien qui put faire croire à un développement inusité des tentations de la misère, rien qui démentît ce que tant de gens attendent de l’extension si considéraljle des services de l’Assistance publique. En revanche, les actes publics d’immoralité de jeunes garçons sur d’autues jeunes garçons avaient quadruplé, et le nombre des souteneurs mineurs (mineurs, remarquons-le bien, car il ne s’agit que de ceux-là), qui avaient été, non pas connus ou soupçonnés, mais arrêtés, avait, en une seule année, augmenté de 52 °/„. »

Il y a une criminalité de l’adolescence, qui est telle moins par la résistance aux conditions contemporaines de la vie sociale ciue par une inqjuissance fâcheuse à les redresser là où elles méritent de l’être.

Cette criminalité s’accroît. On observe surtout un accroissement des formes graves et un accroissement de la récidive ; le mal est encore plus grand qu’il n’apparaît à une lecture superficielle des statistiques ; en effet, voyant leur attention retenue par les actes les plus dangereux ou les plus scandaleux de la jeunesse dévoyée, les pouvoirs publics négligent trop les délinquants moins coupables ou plus habiles à dissinniler. La statistique seule n’explique rien. Des concomitances qu’elle découvre, on ne peut déduire avec sûreté l’action d’un phénomène sur un autre, si l’on n’est guidé dans l’étude de ces phénomènes et de leur nature par la connaissance de l’homme intérieur. Ainsi, l’hérédité morbide engendre la pauA reté organique, plus dangereuse que la pauvreté des moyens extérieurs d’existence. Au regard de l’éducation, il faut mettre en ligne la négligence des parents, les défaillances de l’éducation scolaire, la disparition de tout refrénement par l’opinion puljlique et la ruine de l’éducation professionnelle. Vientensuile, non plus l’absence d’une éducation pour le bien, mais l’action d’une éducation pour le nuil, dont sont responsables lapornographie contenqjoraine et les facilités laissées, sinon offertes, à des vices de toute nature. La dissolution sociale résulte de la progression des crimes, des délits, des suicides des adolescents, de la confiance aveugle et dangereuse que l’adolescent met de plus en plus en lui-même, du prétendu droit ([u’il revendique à la satisfaction de tous ses appétits. Les plus bruyants amis de l’enseignement laïinu> nuilliplient, d’ailleurs, les cris d’alarme. La Luuldue parle des

« statisti(pies sur la criminalité iiifaiilile, tous les

jours plus inquiétantes, du dével()[>|)ement atteint, en ces dernières années, par la précocité des criminels » (n"" des 30 septembre, 7 décemi)re 1908).

La Petite Uépiibiique, dans un article du 5 septembre 1908, dit : « L’accroissement delà criminalité juvénile s’accuse si inquiétant que tout le monde se préoccupe de découvrir les moyens proi>res à arrêter ce danger », et conclut à rélai)lissi’meiil, comme aux Etats-Unis, de tribunaux spéciatix i)our enfants. La Lanterne (15 janvier 1908), à la suite du cri de

guerre : « Défendons la laïque contre l’Institut », préconise, sans d’ailleurs la justifier autrement, la solution, socialiste, de V enseignement obligatoire.

Mais rien ne vaut les aveux des chefs de l’Eglise athée et nihiliste, dont tant d’instituteurs sont les prêtres fanatiques. M. Buisson n’a-t-il pas écrit ces lignes terriblement curieuses dans leur précision cynique ? « C’est l’expérience la plus hardie que jamais peuple ait faite sur lui-même : car nous nous sommes privés de ce résidu inqjalpable, de ce minimum de religiosité difluse que la petite Démocratie helvétique et la grande République américaine ont soigneusement gardé. » (Congrès international d’éducation morale, tenu à Londres les 27 et 28 septembre 1908.)

IL Progression de la criminalité. — Elle est attestée par des criminalistes, des juges d’instruction, des écrivains compétents, par des statistiques qui veulent être creusées et approfondies.

I" Témoignages. — M. l’abbé Bertrin fait cette constatation : « Dix ans après la fondation de l’enseignement prétendu neutre, dès 1892, au lieu de 16.000 criminels au-dessous delà vingtième année que Ton comptaiten 1882, les statistiques oflicielles durent en enregistrer 41.000 : f/eHx fois et demie plus, et davantage encore. Dans une seule année de cette période, sur 26.000 malfaiteurs arrêtés à Paris, 16.000, près des deux tiers, n’avaient pas vingt ans. » (Resuc prat. d’Apolog. Immoralité de la morale indépendante, dans livraison du 15 nov, 1900, p. 162.)

Un avocat général, présentement ministre du Commerce, M. Cruppi, requérant contre un de ces précoces criminels, put dire en pleine audience : « Aujourd’hui, tous les grands crimes sont commis par des adolescents. » (Même revue et même livr.) — Un juge d’instruction au tribunal de la Seine, M. Guillot, a dégagé la conséquence de la morale nouvelle, aussi nettement que possible, dans un ouvrage appelé à un grand retentissement : « Il ne peut échapper à aucun homme sérieux que celle effrayante augmentation de la criminalité a coïncidé avec les changements introduits dans l’organisation de l’enseignement public. »

M. L. Aliîanel. un auti-e juge d’instruction, a écrit, dans un rapport fait en collaboration avec le docteur Legras, expert : « La criminalité augmente […L’accroissement de cette criminalité porte tout particulièrement sur les jeunes gens compris entre treize et vingt et un ans. Ainsi, de 1826 à 1880, le nombre des adultes poursuivis pour délits de droit commun a triplé, mais celui des inculpés de seize à vingt et un a c/iiadruplé, et celui des jeunes filles a. presque triplé. Mais à Paris, de 1880 à 1898, l’augmentation des jeunes gens poursuivis s’est régulièrement accenluée ; plus de la moitié des individus arrêtés avaient inoins de vingt ans, et presque tous avaient commis des fautes graves ; en une seule année, celle de 1880, par exemple : 30 assassinats, 89 homicides, 3 parricides, 2 empoisonnements, 184 infaiilicides, 4-3 12 coups et blessures, 25 incendies, 153 viols, 80 attentats à la pudeur, 458 vols qualifiés, 11.862 vols simples, doivent être inscrits à l’actif des jeunes gens compris dans les limites d’âge rpicnous avons indiciuées. En 1894, sur 40.000 mineurs, délinquanlset criminels, il y en avait 32.849 de seize à vingt et un ans. La slalisti(]ue de 1895 constate que 554 jeunes gens de seize à vingt et un ans ont été poursuivis en assises, et leurs crimes se répartissent ainsi : 32 assassinats, 20 meurtres, 3 i)arricides, 44 infanticides, 2 empoisonnements, 91 viols et attentats à la pudeur, 7 avorteinents ; en outre, 35.387’"ndres jeunes gens du même âge passaient devant le tri])unal correctionnel. D’une année à l’autre, l’augmenlalion a donc été de 35.941 moins 1371

ENFANCE (CRIMINALITÉ DE L)

1372’d2.SliÇ), soi.3.0Ç)2. r>(Reiue philanthropique, amiée18ç)(), p. 386-38 ;.)

M. Jules JoLLY, avocat à la Cour d’appel de Paris, qui conclut à une augmentation réelle de la criminalité juvénile, sous la condition cque l’on ait la loyauté de tenir compte des ordonnances de non-lieu et des afTaires classées, a relevé, dans un rapport sur les causes de la criminalité de Tenfance, l’augmentation des suicides et de la i-écidive : « Il y a vingt ans, la proportion des récidivistes des deux sexes envoyés une ou plusieurs fois en correction n’était que de 1 1 "/„ pour les garçons et de 9 °/o pour les filles. En 1901, cette proportion a été de 16 "/„ pour les garçons et de 14V « P*^^^’les filles. » (Reiie pénitentiaire, livr. de mai 1904.)

M. La VISSE, aujourd’hui directeur de l’Ecole normale supérieure, a jiorlé ce jugement d’ensemble sur l’œuvre scolaire accomplie : « Nous avons créé des milliers d’écoles, avoue-t-il, mais nous avons oublié l’éducation. Tout est organisé pour fabriquer des diplômes ; mais ni l’école n’est un milieu moral, ni le collège, encore moins les Facultés. » — La Correspondance générale de l’Instruction publique imprime en toutes lettres : « Lacriminalité, qui augmente chaque année, progresse d’une façon surtout inquiétante chez les enfants… Le suicide, plus encore que les délits, prouve une démoralisation croissante de l’enfance. »

2° Statistiques. — La criminalité juvénile se détermine par les crimes, les délits et les suicides des mineurs de seize et de vingt et un ans. Chacun des éléments de cette étude comporte des tableaux qui appelleront quelques développements. Ces renseignements ofliciels sont éclairés par d’intéressants aveux -échappés des rapports des gardes des sceaux sur le compte général de la justice criminelle, de 1900, 1902, 1900 et 1907.

A. — Crimes

j

.CCUSES AGES DE

TOTAL

ANNÉES

MOINS

DE 16 ANS

l6 A 20 AXS

KES ACC SES AU-DESSOUS DE 21 ANS

OBSERVATIONS

1900..

20

G02

62 ;

Les lacunes du présent ta 1901..

24

570

294

bleau proviéQnent de ce que

1902.. i

564

les statisiiques

1903.

20

544

564

n’ont pas encore adopté une mé jl904..

577

thoile uniforme .<=ur la division

.1905..

1 i

612

entre ces deuxj âges. 1

Délits

PREVENUS ÂGÉS DE

TOTAL

j

ANNEES

— i

-— " - DES PREVENUS

AC-DESSOUS

DE 16 AKS

DE ai ANS

DE 21 ANS

1 1

1890..

7.381

28.455

35.836

11891..

6.927

29.400

36.336

1892..

7.148

3l.223

38.371

1893..

6.898

21.882

38.780

11894..

6.901

32.317

39.218

1895..

6.640

80.763

37.403

1896..

6.673

30.430

37.003

1897..

6.480

31.540

38.020

1898..

6.882

30.208

37.090

1899..

ô.381

30.981

36.362

1900..

4.565

29.270

33.835

1901..

5.006

29.351

34.357

1902..

4.067

31.o59

35.626

1903..

4.470

26.531

3 I. 00 I

! 1904..

4.316

27.967

32.283

11905..

1

3.901

30.853

34.804

Approfondissant un peu ce i)oint, nous relevons, dans le tableau ci-après, la marche ascendante des délits correctionnels de 1901 à 1900.

C. — Délits correctionnels

A.NNEES

.MINEURS DE l6 A 21 ANS

POURSUIVIS

DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS

1901

1 1902

26.209 27.234 26.53l 27.967

30.853

! 19C3

1 1904

I 1905

Il convient d’observer, au sujet du tableau B, que, si, depuis 1895, les statistiques donnent des chiffres moins élevés, c’est parce que la répression s’est absolument affaiblie et énervée, et non parce que les mœurs se son-t améliorées. C’est parce que les magistrats ont reçu le mot d’ordre : « Ne poursuivez plus ! » car ils auraient trop à faire. C’est parce que le gouvernement, effrayé de l’impression que pouvaient faire sur l’opinion républicaine les résultats lamentables de l’enseignement qu’il a imposé au pays, a recommandé aux parquets de poursuivre le moins possible les jeunes gens. (Rapports du ministre de la Justice Vallk — compte général de la justice criminelle en 1900 et 1904. — du ministre de la justice Chavmié — même compte général en igo5, — du ministre de la justice Gcyot-Dessaigxe — même compte général en 1907.)

Depuis 1895, en effet, l’énervement de la répression s’accentue chaque jour. On a pu suivre, jusqu’à cette date, la marche ascendante de la criminalité juvénile : elle était Aisible.DeiJuislors, elle est réelle, quoique non visible, par la raison que l’on ne poursuit plus les enfants. Après le aoI, les délits les plus habituels aux enfants sont certainement le vagabondage et la mendicité. Or, ils ont déjà bénéficié très largement du système nouveau (loi du 19 avril 1898) et des circulaires des 31 mai et 31 décembre 1898, dans lesquelles ordre était donné à la police et aux parquets d’apporter un très grand « discernement’et un esprit « largement humanitaire » dans les arrestations de vagabonds. D’après les comptes généraux, ces arrestations et les poursuites quelles entraînent ont diminué sensiblement et, pour ainsi dire, instantanément. (Rapport de M. Vallé, garde des sceaux, p. xliii, sur l’année 1900.)

Après avoir déclaré qu’en réalité sur 100 enfants dénoncés en rgoS, 92 ont échappé à toute répression effective, le garde des sceaux, M. Guyot-Dessaigne, renouvelait les mêmes explications sur les classements sans suite d’alfaires intéressant les mineurs, et il en faisait honneur à la « bienveillance réfléchie des magistrats «. (Rapport de M. Guvot-Dessaigne, garde des sceaux, du 5 mars 1907, sur l’année 1900.) Le garde des sceaux de 1907 ne risque même plus les quelques réserves, pour tant bien timides, du garde des sceaux de 1902.

La multiplicité des non-lieu, d’une part, l’ordre d’arrêter les poursuites, d’autre part, encouragent les lial)itudes malsaines de la jeunesse dévoyée, autant qu’elles découragent la A’igilance de la police. Telle est la conclusion logique que dégagent le bon sens et la morale, sans se laisser impressionner par les ronflantes périodes dans lesquelles l’administration de la justice noie des vérités gênantes.

Les suicides constituent le troisième élément de la criminalité juvénile. — La moyenne des suicides 1373

ENFA^XE (CRIMINALITÉ DE L’)

13’des mineurs âgés de moins de seize ans, de ig en 1836, était de 20 dans la période quadriennale de 1871 à 1870 ; le chilTre total s’élevait à 78 en 1896, à 120 en 1900. — Pour les mineurs de seize à vingt et un ans, la moyenne, de 128 en 1836, était de 168 dans la période quadriennale de 187 1 à 1876 ; le nombre total s’élevait à 52g en 18gG (rapport du garde des sceaux pour l’année 18g8) ; il atteignait 781 en igoo. Les chilTres des suicides d’enfants et d’adolescents ont donc quadruplé et quintuplé en soixante-quatre ans. — Nous relevons, entre 1876 et 1896, la gradation suivante de suicides de mineurs âgés de moins de seize ans pour les années 1886, 1887, 188g et 1890 : 62, 68, 77 et 80.

Les graphiques suivants mettent en relief la progression des suicides de mineurs.

SUICIDES

des mine’jrs âgés de mo’ms de 16 ans.

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J<IOC)

SUICIDES des mineurs de 16 à 21 ans.

Jamais les criuies commis par les jeunes gens, presque par les enfants, ne Curent aussi nombreux, aussi atroces. Le dernier rapport sur l’administration de la justice criminelle, pendant l’année 1907, constate que, sur 3./100 accusés traduits devant les cours d’assises, 708 étaient des mineurs, dont 2’| avaient moins de quinze ans : donc plus du cinquième des criminels étaient âgés de moins de vingt et un ans. l’cnir les délits comme pour les crimes, le maximum de criminalité seplacede dix-huit à vingt ans. Le fait de l’augmentation, et d’une augmentation efTroyal)le, de la criniinalitéjuvénileestiloncal)solument indiscutable.

Le c<)nq)le général de rvdministration de la justice criminelle pour 1907 vient de paraître. Le garde des sceaux a, d’un trait de plume, rayé de sa statistique une année de minorité, la vingtième. De cette façon, il accuse une diminution sensible de la criminalité juvénile, et, du même coup, il rend impossible

toute comparaison sérieuse avec les relevés antérieurs.

III. Causes d’augmentation de la criminalité. — Multiples sont les causes d’avigmentation de la criminalité de l’enfance. Qu’elles soient individuelles, économiques, sociales ou morales, elles peuventêlre ramenées à quatre grands facteurs sociaux :

1° La trunsfonnation des conditions d’existence de notre siècle. — Ces nouvelles conditions d’existence, précisées par M. H. Joly (L’Enfance coupable), sont : l’apparition de la grande industrie, la désertion des campagnes, l’accumulation dans les grandes villes d’une population hétérogène, coupée de ses vieilles traditions, la mobilité croissante encouragée, provoquée par les nouveaux moyens de locomotion, par la svibstitution de nouveaux centres de travail.

2" L’altération du milieu. — Pour l’enfant du peuple, c’est la famille, c est trop souvent aussi la rue, avec les licences d’une presse attisant les haines, apologiste inconsciente des criminels, avec les licences de ses feuilletons, de ses brochures, de ses chansons, de ses images, de ses réclames légères et ordui’ières, invitant aux jouissances faciles, aux plaisirs grossiers, la rue, avec les spectacles éhontés de ses cafés-concerts et de ses brasseries, avec les pratiques libres des bandes d’apaches. Au point de vue de la famille, a la recherche des enfants criminels a été faite bien des fois, et elle a toujours été concluante : elle a abouti à cette constatation que PLUS DE LA MOITIÉ des enfants traduits en justice avaient une famille désorganisée par la mort, le divorce, la désunioîi des parents ou les condamnations. » (Rapport de M. J. Jolly. Voir également L. Albaxel, Le crime dans la famille, p. 27 et suiv.)

3" La décadence de l’apprentissage, les parents reculant trop souvent devant le sacrifice momentané qu’il leur imposerait, et les patrons formant de moins en moins d’apprentis.

4° L’école à faire fréquenter, à prolonger, à compléter, à surveiller aussi dans son action sur les mœurs : l’école, que la scolarité obligatoire, que la laïcisation des écoles communales transportent sur un terrain brûlant. « L’instruction n’agit etlicacement contre le vice et contre le crime qu’autant qu’on y joint l’éducation morale, pour former la conscience de l’enfant en même temps que son intelligence. Cette éducation morale, dont tout le monde reconnaît la nécessité, l’école publique la donne-t-elle ? Nous sommes bien forcés d’avouer que non ; de sorte que les enfants du peuple, qui ne reçoivent pas de culture morale dans leur famille, en sont totalement dépourvus… La vérité, abstraction faite de toute préoccupation confessionnelle — c’est que l’éducation morale de l’enfance ne peut facilement donner de résultats que si elle est fondée sur la religion ; et il en sera ainsi, tant qu’on ne saura pas combler le vide laissé par la sui)pression de l’idée religieuse… La grande source de la criminalité juvénile, ccst, avec la diminution de l’esprit religieux, l’abaissement général des mteurs. » (llai)port de M. Jules Jolly.)

(Jue i)roduit l’école irréligieuse et amorale ? h’apaclic, mot moins barbare encore que le sujet, issu des tenq)s nouveaux, qu’il représente. C’est ce qui ressort, en délinitivc, des viinilentes déclarations, des sanglantes vérités jetées à la face de la Chambre des députés parM. Maïuice All.vhd, dcj>uté socialiste, au cours des débats parlementaires de janvier 1910 sur la neutralité scolaire.

Dans la première séance de la Chambre, du 18 janvier 1910, M. Maurice Allard disait : « Si on cherchait les causes de la criminalité, dont on parlait tant ces jours derniers, et si, au lieu de s’attacher à des causes 1375

ENFANCE fCRLMLNALIÏE DE L’)

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indirectes, comme l’alcoolisme, et comme d’autres, on cherchait un i^eu — et c’est pour moi un scrupule de conscience — je me demande si l’instruction insuffisante que vous donnez, et que vous ne voulez pas modifier, n’est pas une cause de criminalité… « Et, développant sa pensée dans la deuxième séance du 20 janvier 1910, il concluait : « Que se passe-t-il en cet enfant transporté du milieu de l’école dans l’enfer de l’usine ? Quel heurt ! Quelle rupture d’équilibre ! Que devient-il, cet enfant qui avait tant entrevu et qui maintenant sait que, pendant toute sa vie, il ne seraplus qu’une chair à gagner de l’argent aux patrons et aux capitalistes ? (oin-eaux applaudissements à l’extrême gauche.) Que se passe-t-il dans sa petite cervelle ? Ah ! s’il était un homme fait, s’il pouvait réfléchir, il viendrait au socialisme ! mais à présent, avec sa petite cervelle, qui ne peut encore ni réfléchir ni résister, cet enfant, vous en faites l’apache. (Vh’es réclamations à gauche.) Et vous cherchez aujourd’hui les causes de la criminalité ! Vous en faites l’apache ! » La majorité de la Chambre protesta bruyamment contre l’audacieux langage du socialiste révolutionnaire ; mais elle ne sut trouver, pour lui répondre, ni un argument péremptoire, ni un chifl"re sérieux.

La famille, l’atelier, l’école sont les trois facteurs dont l’influence se fait sentir le plus directement sur l’enfance. La criminalité croissante de l’enfance résulte d’une série de défaillances s’entrainant et s’aggravant les unes sur les autres. M. H. Joly, rapporteur du concours ouvert par l’Académie des sciences morales pour le prix du budget de 1908, en présentait merveilleusement l’enchaînement : Défaillance physique des organismes minés par des excès dont le principal (nous ne disons pas le seul) paraît bien être l’alcoolisme. — Défaillance de la famille, qui n’a plus ni la dignité, ni la cohésion, ni l’autorité nécessaires. — Défaillance de l’école proprement dite, que l’examen de l’état intellectuel de nos recrues vient de mettre en lumière. — Défaillance de l’instruction professionnelle et de l’apprentissage, cette seconde école non moins nécessaire que la première. — Défaillance de l’école dite réformatrice, où l’accumulation croissante d’éléments trop compromis est fatalement destinée à aggraver plus de vices qu’elle ne saurait avoir la prétention d’en guérir. — Défaillance de la justice, qui a peur de sa tâche, et qui supprime ou relâche un à un tous les freins sans réussir à les remplacer par des freins nouveaux. — Défaillance de la haute pensée philosophique, qui aime mieux s’adapter tant bien que mal aux mœurs existantes que de prendre la responsabilité d’une doctrine morale. — Défaillance enfin de l’action à exercer par chacun dans le milieu social pour en éliminer ou en transformer les éléments irrespirables ou délétères.

IV. Remèdes contre la criminalité. — Que ce soient des infractions flagrantes à la loi divine ou des dérogations aux saines traditions, les diverses causes d’augmentation de la criminalité de l’enfance appellent un remède qu’il faut demander au même principe : le retour aux traditions abandonnées ou méconnues. Ainsi, l’accumulation dans les grandes Ailles réclame comme remède le retour aux champs. Désorganisée par le divorce, par la désunion des parents ou les condamnations, la famille ne se rétablira que par la fidélité, l’entente conjugale, la pratique des vertus chrétiennes. Les coutumes de l’atelier, viciées par la violation du contrat d’apprentissage, veulent être reprises, dans l’intérêt de l’industrie nationale aussi bien que dans l’intérêt des classes ouvrières et de leur instruction professionnelle. —

Pnis<iue l’une des i)rincipales causes de la progression de la criminalité est l’absence, tout au moins l’insuffisance d’éducation, on s’attachera à faire œuvre d’éducation, d’abord sur ses enfants, puis sur tous ceux dont on a reçu la charge, apprentis, employés ou domestiques, enfin sur ces jeunes ouvriers, ces jeunes ouvrières dont le travail profite à tous. On fera œuvre d’éducation sur tous ces enfants, à l’égard desquels les circonstances donnent quelque influence directe ou indirecte, durable ou passagère. Respectant leurs âmes, éveillant leurs consciences, assurant l’observation de leurs dimanches, aflermissant leurs volontés, défendant leur santé physique, condition souvent nécessaire de leur santé morale, on fera une guerre sans relâche à cet enseignement hypocritement neutre, réellement meurtrier de l’àme française, empoisonneur des sources où s’est abreuvée notre belle jeunesse ; l’enseignement chrétien y contribuera plus etficacement que l’érection de nombreuses prisons pour les châtiments de cette jeunesse criminelle, dissimulée sous les non-lieu, sous les affaires classées dont l’administration de la justice hésite à présenter le sincère dénombrement. On fera œuvre d’éducation surtout en soutenant, en encourageant de son influence, de ses ressources, de sa personne, de tout son pouvoir, les écoles libres et les patronages catholiques, cibles des feux convergents de la franc-maçonnerie, suprêmes réserves de la France chrétienne.

Bibliographie. — Albanel (L.), Etude sur les causes de progression de la criminalité des enfants, 1898, in-8 ; Albanel (L.), Legras (D"^), L’enfance criminelle à Paris, 1899, gr. in-8 ; Badini Jourdain, Bu rôle de l’initiati-e pri^’ée dans la préservation de l’enfance contre le crime ; Bonjean (G.), La protection de l’enfance abandonnée ou coupable, 1896, in-8 ; Bonneville de Marsangy, Moralisation de l’enfance coupable, 1867, in-8 ; Code de l’enfance traduite en justice, 1904, in-18 ; Coyne(Et.), L’éducation obligatoire : Essai d’étude sur une des causes de la criminalité de l’enfance, Annecy, 1894, in-8 ; Dreyfus (Ferdinand), Misères sociales : L’enfance devant la Justice répressive, I901, in-18 ; Drillon (Paul), La Jeunesse criminelle, 1906, in-16 ; Escard (Paul), Education et hérédité, leur influence sur la criminalité, 1900, in-8 ; Féré (Ch.), Dégénérescence et criminalité, 1888, in-18 ; Fliche (Louis), Etude sur la précocité des malfaiteurs à notre époque, 1886, in-8 ; Garnier, La criminalité juvénile, 1904, in-12 ; Grimanelli, L’Enfance coupable, Autun, 1906, in-8 ; Grosmolard (J.), L.a lutte contre la criminalité juvénile au xix° siècle, Lyon, 1907, in-8 ; Guillot (Ad.), Observations pratiques au sujet des enfants traduits en justice, 1890, 111-8 ; Comité de défense des enfants traduits en justice. Rapport, 1891, in-8 ; Hatzfeld (Ad.), Du discernement chez les enfants coupables, Melun, 1897, in-8 ; Joly (Henri), La criminalité de la Jeunesse, 1898, in-12 ; L’Enfance coupable, 1904, in-18 ; Julhier, RoUet, Klein et Gastambide, L.es tribunau.r spéciaux pour enfants, 1906, in-12 ; Labrouche (Jean), Instruction et Criminalité, Airesur-l’Adour, 1898, in-8 ; Lasserre (Emm.), L’enfant devant la Justice répressive, Bordeaux, 1891, in-16 ; Lasserre (Emm.), Etude sur la condition de l’enfant devant la Justice répressive, Bordeaux, 1888, in-8 ; Laurent (Emile), La criminalité infantile, 1906, in-18 ; Le Mar’hadour (René), Criminalité de l’enfance. Rennes, 1906, in-8 ; Marchesseau (Joseph), De la protection des jeunes criminels, Niort, 1708, in-8 ; Molinié (Joseph), Mesures destinées au relèvement moral de l’enfance coupable, 1899, in-8 ; Moreau (D’Paul), De l’homicide commis par les enfants, 1883, in-8 ; Morin (Félix), Des comités de défense des enfants traduits en justice, Toulouse, 1892, iii-8 ; Mouret (D’L.-A’.), Le patronage de l’enfance coupable, Lyon, ujoS, in-8 ; Novirriâson(Paul), La criminalité de l enfance, Besançon, 1892, in-8 ; Piéehaud (D’Adolphe), Les misères du siècle : cérébraux, né’ropatlies, la criminalité chez les enfants, 1888, in-12 ; Puibai-aud, La responsabilité des enfants, Melun, 1898, in-8 ; Rigot (Ernest). L Enfance coupable et les Comités de défense des enfants traduits en justice, Lyon, 1904, in-8 ; RoUet (C), Enfance abandonnée, icieuse, etc.Clermonl-Ferrand, 1894, in-8 ; Spach (Gustave), L’enfant coupable en droit anglais, igo6, in-8 ; Tomel (Guillaume) et Rollet (Henri), Les enfants en prison, 1891, in-18 ; Varin (Achille). Z>e l’organisation pratique des tutelles en i’ue de diminuer la criminalité de l’enfance abandonnée, 1896, in-8 ; Vidal-Xaquet, Comité de défense des enfants traduits en justice, rapport, Marseille, 1892, in-8 ; Yingtrinie, Les enfants dans les prisons et devant la Justice, Rouen, 1855, in-8 ; Vuacheux (F.), Etude sur les causes de la progression constatée dans la criminalité précoce, 1898, in-8,

Fénelon Gibox.

ENFER. — Au sens spécial que la théologie catholique attache à ce mot, l’enfer est le séjour des damnés, le lieu où les anges déchus et les pécheurs qui meurent en état de péché mortel subissent uji châtiment proportionné à leurs fautes. Trois questions fondamentales se posent de ce chef à l’apologiste : 1° l’existence de la peine infernale ; 2° Sa nature ou ses éléments ; 3° Sa durée.

Aucun dogme de notre foi n’a été attaqué avec plus de passion ni avec de plus captieux ai’guments que le dogme des peines de l’enfer ; aucun n’a soulevé dans le cœur des crojants plus de troubles, parfois, et d’angoisses. Mais est-ce toujours, aussi, que la vérité révélée se trouve exposée dans sa teneur exacte, à égale distance de toute exagération et de tout amoindrissement ?

Si les outrances d’expression, si vivement reprochées aux prédicateurs et à certains théologiens, sont de nature à froisser les âmes sensibles, les compromis vainement imaginés par certains apologistes pour atténuer le dogme ou éclaircir le mystère ont de quoi, à leur tour, faire dévier jusqu’à la négation les esprits moins éclairés ou peu réfléchis. Il est d’une stricte méthode, en si délicate matière, de préciser avant tout, en sa rigueur de ternies, la doctrine catholique, puis d’écarter, de ce cercle dogmatique ainsi délimité, les objections mises en œuvre par l’incrojance, en faisant simplement ressortir le sophisme, sans prétendre fournir du mystère lui-même une explication adéquate, apodictique, qu’il ne comporte point. Toute autre méthode induira aux pires déconvenues. Cf. Schell, Katholische Dogmatik, t. III, p.’521 sqq. ; Bocgald, Le Christianisme et les temps présents, t. Y, p. 891 ; Kleltgex. Théologie der Vorzeit, t. II, n. 2-G-310 ; Schazlku, Menschwerdung, p. 303.

I. Existence de l’enfer. —

Qu’il y ait après la mort un châtiment réservé aux transgresseurs de la loi divine et proportionné à la gravité de leur faute, s’ils n’ont fait préalablement pénitence, c’est un dogme nettement contenu dans le symbole athanasien : lieddituri sunt de factis propriis rationem ; et qui bona egerunt ibunt in itam aeternam, qui vero mala in ignem aeternum. Une déllnition explicite de cette vérité a été foruuilée et renouvelée i)ar le quatrième concile de Lalran (1215), le deuxième concile de Lyon (1274). le concile de Florence. Enchiridion, n. 429 (356), 464 (387), 71 4 (605). Les textes spéciûent que la peine est proportionnée à la coulpe.

Il est à noter contre les rationalistes modernes qu’il s’agit bien, en l’espèce, non pas d’un simple moyen d’amendement imposé au coupable par une bonté tout empreinte de miséricorde, mais d’une peine alllictive proprement dite, au caractère expiatoire, émanée dès lors de la stricte justice en réparation de l’ordre violé, des droits de Dieu méconnus. Tout l’eû’ort des partisans de la morale humanitaire s’applique à ruiner cette idée fondamentale de la sanction, base de toute morale et de toute religion. <( La tradition religieuse et la tradition spiritualiste se sont accordées à maintenir dans l’enseignement classique cette prétendue « vérité nécessaire et absolue » que le bien moral mérite une récompense et le mal moral une punition, que le bon doit être heureux et le méchant malheureux… La science sociale contemporaine a rejeté l’idée barbare des supplices matériels ; elle ne tardera pas à rejeter l’idée non moins barbare des supplices moraux, et, en général, des peines expiatoires. La justice distributive — rémunératrice du bien ou vengeresse du mal — fera place, ici comme ailleurs, à la justice purement commutative ou contractuelle, qui n’a d’autre but que de rétablir entre les personnes les véritables relations de droit. » A. Fouillée, La pénalité et les collisions du droit. Dans Revue des Deux Mondes, novembre 1879, p. 4’i sqq.

Mais le doute ne saurait être permis sur ce point ni au croyant ni même au spiritualiste. ife^f, ’--SA^^-i-^ Sans recourir aux documents de l’Ancien Testament dont la discussion mettrait ce jDoint en vive lumière, Ps. xi^njfc, -i-^ /*.. « Jts*H-, -t4| Lxvi, 24. Dan., xn. 2 ; j Sap., IT. 19 : V, 16, etc., le texte de saint Patii, il ad Thess., 1, 5-10, ojMVTi ; ’iy.èur.ni-j, est dégagé de toute ambiguïté. Cf. 4-é^#*v, jx, _.5=^ Matth..^ xvi, 27 ; xxv, 31 ; Apoc, XX, 10, où la seule idée de justice vindicative ou distributive.de stricte pénalité, apparaît dans la sentence de malédiction qui frappe les pécheurs impénitents. D’utiles indications seront fournies à l’apologiste par l’étude des documents traditionnels, notamment par les formules déclaratives de saint HiLAiRE, Ln Ps. II, 48, P. L., IX. 290 ; de Tertulliex, Adv. Marc, ii, 26 ; P. L.. II, 227 ; de saint Augcstix, Ln Ps., Lxxvii, 22, P. /-., XXXVI ; de saint Jean Chrysostome, Ln Phil.. vi, 6. P. G., LXII, 228.

Au reste la raison n’a aucune peine à reconnaître le caractère strictement sanctionnel. expiatoire, du sort imposé par Dieu au pécheur impénitent. N’est-ce pas une simple conséquence du démérite ? Du moment qu’il y a eu faute grave et obstination dans le mal, une réparation s’impose, en rapport avec la gravité même de la faute. Car si la vie humaine a une valeur morale, si nos actions sont en connexion intime avec notre lin dernière, avec l’acquisition du souverain bien, celles-là seules qui sont bonnes seront en puissance de ce lùen suprême ; les autres, celles qui se retournent contre lui. ne peuvent prétendre à en jouir à aucun titre, elles vont d’ellesmêmes au terme logique de leur libre tendance, à l’exclusion de la lin dernière, du principe même du bonhevu*, et portent ainsi en elles, directement, la sanction de leur malice. L’ordre violé est par là réparé ; la liberté humainesoutient le poids de sa faute, et c’est stricte justice : il serait contraire à la nature même de l’ordre que le mal fût. en quelque proportion que ce soit, le principe du bien.

Que l’on envisage le problème par son côté divin, la même conclusion s’impose. Si la responsabilité de l’homme est engagée d’une favon purement illusoire, sans la sanction adéquate qui punit le transgresseur, l’idée même de loi, pratiiiuement, s’évanouit. Une loi