Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Texte entier

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DICTIONNAIRE
D’ARCHITECTURE
CIVILE
ET HYDRAULIQUE.

DICTIONNAIRE


D’ARCHITECTURE
CIVILE
ET HYDRAULIQUE,
ET DES ARTS QUI EN DÉPENDENT :

Comme la Maçonnerie, la Charpenterie, la Menuiſerie, la Serrurerie, le Jardinage, &c. la conſtruction des Ponts & Chauſſées, des Ecluſes, & de tous les ouvrages hydrauliques.

Par Augustin-Charles d’Aviler.

Ouvrage ſervant de ſuite au Cours d’Architecture du même Auteur.

NOUVELLE ÉDITION

Corrigée, & conſidérablement augmentée.



A PARIS,
Chez CHARLES-ANTOINE JOMBERT, Imprimeur-Libraire du Roi pour l’Artillerie & pour le Génie, rue Dauphine, à l’Image Notre-Dame.


M. DCC. LV.

Avec Approbation & Privilege du Roi.


DISCOURS PRÉLIMINAIRE


C’est une erreur de croire que la mode ait quelque empire ſur les Sciences & les beaux Arts. Ce qui eſt certain ſatisfera toujours les hommes ſenſés ; & dans tous les tems les belles choſes plairont aux gens de goût. Nous diſons cette vérité pour prévenir le public que ce n’eſt pas l’accueil qu’on fait depuis plus d’un ſiécle aux Dictionnaires, qui a donné lieu à celui-ci. Ni les ſuffrages de la multitude, ni les railleries des critiques, ne dirigeront jamais nos compoſitions. Comme nous ne cherchons point l’éclat, & moins encore la fortune, en travaillant ſans faſte & dans le ſilence, mais l’utilité réelle du genre humain, nous n’avons d’autre méthode à ſuivre que celle que les vrais Sçavans ont jugé la plus convenable pour ſon inſtruction. Si avec de pareilles intentions nous manquons notre but, nous n’aurons point de reproche à nous faire ; & nous attendrons du tems & de notre aſſiduité à l’étude, des lumieres plus abondantes.

Après l’examen le plus ſévère des différentes manieres de développer les connoiſſances humaines, celle qui procede par ordre alphabétique a été eſtimée la meilleure. La facilité d’analyſer à chaque terme d’un art la matiere qui lui eſt propre ; d’enchaîner ou de lier les différens ſujets qui lui appartiennent, pour en faire ſentir la dépendance ; d’expoſer les découvertes les plus utiles, & les plus oppoſées, ſans craindre la confuſion ; de trouver aiſément ce qu’on ſouhaite, au moyen de cet arrangement : tout cela a fait une vive impreſſion ſur les eſprits qui ſçavent apprécier ces avantages. Un cri général s’eſt élevé en faveur de cette belle invention ; & ſi cet applaudiſſement pouvoit jamais ſe ralentir, il faudroit l’attribuer ou à la négligence & à l’incapacité de ceux qui auroient voulu en faire uſage, ou à l’abus qu’ils en auroient fait.

Nous voudrions pouvoir diſſimuler que les Dictionnaires ont éprouvé ce double malheur, parce que nous craignons de bleſſer la délicateſſe des auteurs qui n’ont point reſpecté celle du public, en décorant leur ouvrage d’un titre peu convenable à l’objet auquel il étoit adapté. Il n’y a, nous oſons le dire, point d’entrepriſe littéraire qui demande plus de ſagacité dans l’eſprit, plus de juſteſſe dans le diſcernement, plus de conſtance dans le travail. Jules-Ceſar Scaliger la trouvoit ſi forte qu’il croyoit qu’un homme de Lettres qui ſe ſeroit oublié juſques au point de mériter les galeres, ſeroit plus puni ſi on l’obligeoit de faire un Dictionnaire.[1]

En effet, la ſeule connoiſſance des termes ſuppoſe celle de l’art auquel ils ſont conſacrés. Leur définition exige une dialectique très-exacte, & une intelligence parfaite des matieres compriſes ſous ces termes. En ſe bornant là, un Dictionnaire eſt déja une production bien eſtimable ; mais que ſera-t-elle, ſi à cette définition on joint l’explication de ces matières, leur uſage & leur utilité ? Il ne faudroit point penſer que ce ſoit ici une addition purement arbitraire. Dans les ſciences, il eſt des cas où une définition, quelque juſte qu’elle ſoit, ne donne qu’une idée imparfaite du défini : on eſt alors obligé d’entrer dans des détails qui puiſſent y ſuppléer ; & ces détails conſiſtent en une explication raiſonnée.

A ces choſes néceſſaires, il eſt permis d’en ajouter d’autres : ce ſont les penſées des ſçavans ſur le ſujet de l’article, & l’hiſtoire de ce ſujet. Nous convenons volontiers que ceci n’eſt point eſſentiel ; qu’il faut être même très-ſobre là-deſſus, & qu’on doit expoſer bien moins les opinions diverſes, & une hiſtoire ſuivie, que le réſultat des unes & de l’autre. Paſſer ces limites, ce n’eſt point connoître les avantages d’un Dictionnaire, c’eſt en abuſer, & ſe rendre indigne de la confiance du public. Avouons auſſi qu’en s’y renfermant, aucun Traité méthodique n’eſt ſi propre à former un dépôt des découvertes d’un art. Qu’il nous ſoit permis de comparer un Dictionnaire à un cabinet compoſé de tiroirs, dans leſquels ſont contenues les productions de la nature, d’un certain genre : chaque article eſt un tiroir qui a ſon étiquette, qu’on ouvre ſans nuire aux autres, & qui renferme toutes les richeſſes d’un art, relatives à cette étiquette.

Nous ne nous arrêterons point aux qualités néceſſaires que doit avoir celui qui entreprend de conſtruire un pareil cabinet, parce que nous n’aurions jamais publié cet ouvrage ſi nous devions les réunir. C’eſt à ceux qui nous liront, à nous juger. Nous n’avons à répondre ici que de notre travail : encore devons-nous être très-ſuccints, puiſque nous ſommes forcés de parler de nous.

Rien ne doit donner une idée plus avantageuſe de l’Architecture en général, qu’un Dictionnaire de cet art. Cela annonce un grand nombre de termes ſuſceptibles d’une explication étendue ; & cette abondance ne peut provenir que d’un fonds extrêmement riche. Tel eſt auſſi celui de l’Architecture. On ne parcourt point ſa naiſſance, ſes progrès & ſes révolutions, ſans découvrir un beau pays. Il eſt vrai que cette découverte exige beaucoup de ſoins & de recherches ; mais on en eſt bien dédommagé par l’utilité qu’on en retire. Nous avons nous-mêmes éprouvé cette ſatiſfaction ; & elle nous eſt devenue encore plus précieuſe, dès que nous avons formé le deſſein de conſacrer au public le fruit de nos veilles, par l’Ouvrage que nous publions.

On doit à M. d’Aviler la première idée d’un Dictionnaire d’Architecture. Lorſque cet homme célèbre compoſa ſon Cours, ſi connu & ſi eſtimé, « pour ne pas couper à tous momens ſon diſcours par des explications indiſpenſables des termes d’Architecture, il ſe réſolut d’en faire un volume entier, & il les y rangea par ordre alphabétique, pour les trouver plus facilement. »[2] C’étoit une eſpece de Table de ſon Cours, que M. d’Aviler vouloit faire, & il renvoyoit à ce Cours à chaque article ; auſſi fut-elle publiée ſous ce titre : Explication des termes d’Architecture. L’auteur y joignit en même tems ceux de Géométrie, de Méchanique, de Deſſein, de Peinture, de ſculpture, &c. Mais cette partie de ſon travail n’eſt pas la plus eſtimable ; & quoique les intentions de M. d’Aviler fuſſent très-pures, il paroît que par cette addition il avoit principalement en vûe de réunir aſſez de matières pour former un volume. Ce qui dépare ſur-tout ces derniers articles, c’eſt la ſupériorité de ceux d’Architecture, qui forment le corps de ſon Explication : c’eſt ici qu’on reconnoît le mérite de ce ſçavant Architecte. Ce ſont par-tout des définitions aſſez préciſes, confirmées ou éclaircies par des citations qui décèlent une connoiſſance précieuſe des plus beaux morceaux d’Architecture qu’on voit en Europe. Une choſe importante manque néanmoins dans ces détails : c’eſt l’ordre qui n’y eſt pas toujours ſcrupuleuſement obſervée ; M. d’Aviler en convient, & cet aveu donne un nouveau luſtre à ſon mérite. « Les matières, dit-il, ne ſont pas rangées autant de ſuite qu’on l’eût pu faire ſur le plan d’un projet régulier ; je puis dire avec vérité que je ne les ai traitées qu’à meſure qu’elles ſe ſont offertes à mon idée & que le tems me l’a pû permettre : ce que j’eſpère pourtant rectifier à l’avenir, ſi mon travail donne quelque ſatiſfaction à ceux qui prendront la peine de le regarder ſans entêtement, & ſeulement pour en profiter. Ainſi, dans cette confuſion, je m’eſtimerai heureux, &c. »

Ainſi parle M. d’Aviler, à la page 392 de ſon Cours d’Architecture (c’eſt la 8e de l’Explication) de l’édition de 1720. Et dans l’édition qu’on en a donnée en 1750, page 1. on lit : « Quelque favorables que fuſſent pour lui les ſuffrages du public, il examina de nouveau ſon ouvrage avec l’attention la plus ſcrupuleuſe, & ayant reconnu qu’on pouvoit lui reprocher d’avoir touché trop légèrement quelques parties de l’art, & d’en avoir obmis pluſieurs ſur leſquelles il étoit important de s’expliquer, il ſe diſpoſa à donner une nouvelle édition de ſon livre, qui, ſuivant ſon projet, devoit être conſidérablement augmentée. »

M. d’Aviler mourut (en 1700) dans le tems qu’il travailloit à mettre ce projet à exécution. En 1710, M. Alexandre Le Blond, Architecte du Czar Pierre le Grand, & qui tient à tant de titres un rang diſtingué parmi les plus habiles Architectes, voulut remplir les vues de cet auteur. « On lui remit, dit-on à la page 2, en particulier ſon exemplaire du Dictionnaire des termes d’Architecture (c’eſt l’Explication dont nous avons parlé), qui étoit déjà beaucoup travaillé : les marges en étoient chargées d’un grand nombre de corrections importantes, & le texte augmenté d’une infinité de termes de l’art, qui avoient échappé aux premières recherches de l’auteur. Le ſieur Le Blond eut ſoin de mettre chaque article à ſa place ; il ſupprima ce qu’il crut être trop éloigné du ſujet, enrichir ce Dictionnaire de pluſieurs termes qui y manquoient, & mit enfin cet ouvrage en état de voir le jour. »

Après un compte ſi exact du travail de M. Le Blond, il eſt très-étonnant qu’on ait donné une édition de l’Explication de d’Aviler qui ne differe en rien de la ſeconde, ſelon l’aveu de l’Editeur, auquel nous devons ces inſtructions. Nous ignorons ce qui a pu priver le public des veilles de cet habile homme ; mais nous ne ſommes que trop certains de la réalité de la perte.

On peut tirer deux conſéquences de tout ceci : la première, que l’Explication des termes d’Architecture, de M. d’Aviler méritoit d’être refondue, corrigée & augmentée, & que perſonne n’y avoit travaillé avant nous : la ſeconde, que nous n’avons rien négligé pour nous procurer des connoiſſances qui puſſent nous mettre en état de former de cette Explication un Dictionnaire digne de l’eſtime des Architectes.

Nous avons dit qu’un Dictionnaire d’art, pour être parfait, doit renfermer, 1°. tous les termes de cet art : 2°. leur définition exacte : 3°. le développement des matières compriſes ſous ces termes : 4°. les opinions ou les méthodes des ſçavans ſur chacune de ces matières : 5°. leur hiſtoire.[3] Nous devions donc nous impoſer cette tâche, lorſque nous formâmes le deſſein de l’ouvrage que nous publions. Celui de M. d’Aviler nous a ſans doute été ici d’un grand ſecours ; & on voit au frontiſpice de ce Dictionnaire, combien nous ſommes jaloux de la gloire qui peut lui en revenir. Mais après le compte que nous venons de rendre de ſon travail, il eſt aiſé de juger quelles connoiſſances nous avons pu en acquerir, pour mettre notre entrepriſe à exécution. Ce ſont les Vitruve, les Perrault, les Blondel, les Vignole, les Goldman, les Palladio, les ſcamozzi, les Deſgodets, les De Lorme, les Chambray, &c. (pour l’Architecture civile), les Léopold, les Gautier, les Bélidor, &c. (pour l’Architecture hydraulique), qui devoient principalement y contribuer. Nous devons trop à ces ſçavans, pour ne pas annoncer tout haut notre gratitude ; & nous ſommes perſuadés que ſi M. d’Aviler vivoit aujourd’hui, plus glorieux encore d’être aſſocié avec ces hommes illuſtres, que de ſa propre réputation, il applaudiroit avec éclat à cette marque de notre ſenſibilité.

Devenus ainſi maîtres de notre ſujet, nous avons formé un nouveau plan : nous nous ſommes donnés l’effor ; & en réuniſſant nos idées dans le point de vûe où nous devions les porter, nous avons reconnu que les termes de Mathématique, de Deſſein, de Peinture, & de ſculpture, qui formoient une portion conſidérable de l’ouvrage de M. d’Aviler, ne devoient entrer dans le nôtre qu’autant qu’ils avoient un rapport immédiat avec l’Architecture ; au lieu que ceux de Jardinage & d’Architecture hydraulique que cet auteur avoit négligés, étoient abſolument eſſentiels à ſa perfection. Pour faire ſentir la néceſſité de cette réunion, nous allons rapporter ce que ne nous en avions dit dans le Proſpectus de ce Dictionnaire, qui fut diſtribué en 1754.

L’art de bâtir, proprement dit, & celui d’édifier dans les eaux, ſont fondés ſur les mêmes principes, & unis par les rapports les plus intimes. Les travaux des bâtimens, ceux des ponts, des écluſes, &c. ne différent entr’eux que par la forme ; les uns & les autres exigent les mêmes connoiſſances, & un Architecte & un Ingénieur des Ponts & Chauſſées ne forment preſque qu’un ſeul homme : quelques attentions particulieres aux ouvrages qui conſtituent leur profeſſion, peuvent ſeules les diſtinguer. L’Ingénieur des Ponts & Chauſſées eſt attentif à ſe garantir des fureurs d’un élément rapide, qui travaille ſans ceſſe à ruiner ſes conſtructions. Le ſoin d’un Architecte, pour rendre ſon ouvrage ſolide, ſe porte uniquement à proportionner la profondeur des fondemens de ſon édifice à l’élévation de ſes murs, & à la tenacité du terrein ſur lequel il doit les aſſeoir. Il n’y a, dans ces deux cas, que des modifications à apporter aux mêmes régles ; & ſi ces différens ſujets exigent de la diverſité, ce n’eſt que dans le goût de l’exécution.

Tout eſt ſacrifié, dans les Ponts & Chauſſées, à la meilleure manière d’empêcher les dommages ſourds, cauſés par les eaux, & de vaincre les efforts violens de leur ſubtilité & de l’impétuoſité de leur courſe. Dans l’Architecture civile, à la ſolidité on joint le commode & l’agréable. Ceci demande aſſurément un goût, une fineſſe de ſentiment que ne comporte pas la conſtruction d’une écluſe, ou celle d’un aqueduc. Voilà le point qui diſtingue l’Architecture hydraulique de l’Architecture civile ; & qui réunit celle-ci avec la décoration des jardins.

Un jardin tient à un édifice, & en fait partie ; il eſt un de ſes plus beaux ornemens : c’eſt même ſur la façade la plus étendue, & preſque toujours la plus riche, c’eſt ſur le point de vûe principal d’un bâtiment, qu’on diſtribue les parterres, les boulingrins & les boſquets, les grandes allées, & généralement tout ce qui forme les agrémens d’un enclos. L’art de diſpoſer & de décorer les jardins ne doit donc pas être ſéparé de la diſtribution & de la décoration des édifices ; & nous avons été trop attentifs à compléter notre Dictionnaire, pour négliger une partie ſi importante de l’Architecture civile.

Telles ſont les branches principales de cet Ouvrage, dont nous devons expoſer ici le caractère. Il s’agit de former un tableau des deux Architectures civile & hydraulique, & du Jardinage ; de préſenter notre compoſition en grand ; en un mot, de donner une idée générale des matieres qui en ſont l’objet.


Il n’y a point d’art ſur lequel on ait tant écrit que ſur celui de conſtruire & de décorer les édifices, & aucun qui ait moins gagné au travail des Ecrivains. Rien n’eſt plus arbitraire que les principes qu’on adopte dans preſque tous les livres d’Architecture ; il ſemble que le caprice, plutôt que le jugement, les ait dictés. Chaque auteur prenant ſon goût particulier pour un guide ſûr, ſe croit en droit de donner des loix ſur cet art ; l’imagination qui les a ſeule ſuggérées, les ſoutient ; & cette autorité n’étant pas ſuffiſante pour convaincre, ne ſert qu’à ſervir d’exemple dangereux à ceux que touche la gloire de paſſer pour inventeurs : de là naiſſent la meſintelligence & la confuſion, qu’accompagnent toujours la décadence & le dégoût.

Quoi ! le grand nombre de Traités ſur l’Architecture auroit plutôt nui que contribué à ſa perfection ? Nous ſentons combien il eſt délicat de répondre abſolument à cette queſtion. Mais il eſt notoire à tout le monde que les Grecs & les Romains n’avoient puiſé dans aucun écrit ce goût exquis qu’on a toujours admiré dans leurs ouvrages, & que Vitruve, le premier écrivain, n’exiſtoit point encore lorſqu’ils ont élevé ces beaux monumens qui font leur ſplendeur & leur gloire. Nous ne prétendons pas dire par là que l’Architecture ne doive rien aux Traités qu’on a publiés ſur ce bel art ; cette prétention ſeroit une injuſtice criante, & nous ne donnerions pas une idée bien avantageuſe de notre Dictionnaire en l’adoptant. Il n’y a que ces ames lâches qui vivent dans une criminelle inaction, ou qui, plus coupables encore, n’agiſſent que pour nuire, qui ſoient inſenſibles aux travaux des hommes qui cherchent véritablement à nous inſtruire : dignes de nos hommages, nous devons un tribut d’éloges, non ſeulement à leur ſuccès, mais même à leur erreur.

Notre deſſein n’eſt donc point de blâmer aucun écrit : ils renferment tous aſſez de beautés pour nous les rendre précieux. Seulement nous demandons, où les Grecs & les Romains ont-ils puiſé des connoiſſances auſſi élevées pour conſtruire de ſi ſomptueux édifices ? Et pourquoi nous qui aurions dû renchérir ſur leurs travaux, avons-nous dégénéré, malgré le grand nombre de Traités, & les réflexions des habiles gens qui ont paru depuis ?

Voilà deux queſtions bien extraordinaires, & pourtant bien fondées : nous avons long-tems réfléchi pour en trouver la ſolution, & après un examen ſcrupuleux des meilleurs livres d’Architecture, nous avons reconnu que les productions de cet art étant ſoumiſes à l’organe de la vûe, c’étoit cet organe ſeul qu’on devoit conſulter dans une compoſition. Il falloit, par des expériences réitérées, juger de l’effet le plus agréable que pouvoit produire l’enſemble d’un édifice, & d’après elles établir des règles générales, & jetter les fondements d’une théorie. Les anciens n’ont pû ſuivre d’autre méthode, & ceux qui l’ont adoptée ont toujours produit de belles choſes. Nous pouvons citer un exemple, c’eſt M. Perrault, à qui l’on doit des morceaux dignes de l’antiquité la plus floriſſante, & qui, ennemi de toute théorie purement ſpéculative, blâmoit hautement ces principes abſtraits auxquels on veut abſolument aſſujettir l’organe de la vûe, au lieu que les principes devroient être ſoumis à l’organe. Auſſi voit-on les façades du plus grand nombre des édifices modernes, maniérées & chargées de petits détails, qui, n’étant point également ſaiſis par l’œil comme les autres parties de la façade, cauſent une ſenſation obſcure, qui inquiète le ſpectateur ; parce que ces détails, dûs à des régles idéales, ont été groſſis par l’imagination lorſqu’on a cru pouvoir en faire uſage.

On peut conclurre de ce raiſonnement, que l’Architecture n’a point de régles par elle-même, & que ce ſont celles de l’optique qu’on doit y adapter. Si les Architectes ſe fuſſent attachés à connoître la maniere dont ſe fait la viſion, les différentes ſenſations que l’organe de la vûe éprouve ſelon qu’il eſt diſpoſé, & la façon dont les objets ſe préſentent à l’œil, ſuivant leur ſituation à ſon égard, il n’eſt point douteux que nous n’euſſions une belle théorie de l’Architecture, & que nos bâtimens, plus magnifiques encore que ceux des Romains, ne captivaſſent l’admiration des hommes même qui ne connoiſſent point ce ſentiment délicieux. Mais telle eſt la triſte condition de l’eſprit humain, que de mille routes qui conduiſent à la perfection, celle qui eſt la plus droite eſt celle qu’il évite, pour ſuivre quelquefois la plus tortueuſe. Nous citons ici, à regret, un exemple de cette vérité. Après les recherches les plus profondes pour découvrir les proportions de l’Architecture, on a cru enfin que c’étoient les proportions harmoniques, & qu’on devoit conſulter les oreilles pour voir, pour juger de la beauté d’un édifice. MM. Blondel & Briſeux, le premier Auteur, le ſecond Promoteur d’une idée ſi ſinguliere, ſoutiennent que les ouvrages des Grecs & des Romains ſont ſoumis à ces proportions. Celui-ci, plus hardi que ſon prédéceſſeur, prétend que la Muſique eſt intimement liée avec l’Architecture ; &, ce qui eſt encore plus étonnant, que ce qui flatte les oreilles doit plaire aux yeux.[4]

Nous eſtimons trop les ouvrages de M. Briſeux pour nous arrêter ſur ſes erreurs qu’il a bien rachetées par des réflexions très-judicieuſes : nous nous rappelons même avec douleur la perte que nous venons de faire de cet Architecte ; & cette fâcheuſe penſée ne nous permet plus que de répandre quelques fleurs ſur ſon tombeau. Nous dirons donc que M. Briſeux eſt le premier qui a cru que le beau eſſentiel de l’Architecture conſiſte dans les ſenſations. Il manquoit ſans doute à cet habile homme une connoiſſance plus étendue de nos ſens, connoiſſance que les Architectes n’ont pas été aſſez jaloux d’acquerir, ni les auteurs de mettre en œuvre.

Les élémens de l’optique ſont les élémens de l’Architecture : c’eſt une propoſition que nous venons d’avancer, & que nous croyons très-vraie. Mais il ne faudrait pas conclure de là qu’on démontrera jamais les régles du beau comme celles de la viſion ; un ſentiment auſſi délicieux & auſſi délicat que celui du goût, ne comporte point de régles. Les principes généraux peuvent bien les diriger & les renfermer dans les bornes qui lui conviennent ; mais c’eſt à l’ame même à ſaiſir ces impreſſions douces & inſenſibles, qui l’affectent intimement, & qui, échappant au raiſonnement le plus ſubtil, ne ſe manifeſtent que quand on les éprouve. Il n’y a ici que les expériences qui puiſſent dévoiler au dehors le ſentiment du beau, & nous rendre familières ces ſenſations fines & agréables dont nous jouiſſons.

Ce ne ſont pas là les ſeules modifications qu’on doit apporter aux régles. L’Architecture eſt encore aſſujettie aux caprices de l’imagination. Voilà peut-être une expreſſion trop forte après tout ce que nous avons dit ; cependant comme nous la croyons juſte, nous l’adoptons, & nous ne croyons pas nous contredire. En effet, le caractère qu’on doit donner aux édifices, eſt une choſe de pure convention, & abſolument idéale. Il eſt eſſentiel qu’un bâtiment ſoit conforme à l’uſage auquel il eſt deſtiné, & qu’il annonce même ſa deſtination : c’eſt un article de ſa beauté. Un temple doit être différemment diſtribué & décoré qu’un palais, un palais qu’un hôtel, un hôtel qu’une maiſon : tout cela eſt relatif à la qualité des êtres auxquels ces bâtimens ſont conſacrés.

Or quelle eſt cette qualité ? un vrai enfant de l’imagination. La forme d’un temple variera ſelon qu’on aura une idée plus ou moins grande de la Divinité. ſuivant celle que nous avons de l’Etre ſuprême, dont les attributs ſont la majeſté, la toute-puiſſance & la bonté, un temple doit être grand, pour deſigner la majeſté divine à laquelle il eſt conſacré ; magnifique & d’une conſtruction hardie, pour exprimer ſa toute-puiſſance ; enfin il doit être tellement diſpoſé que l’autel ſoit toujours viſible en quelqu’endroit du temple que l’on ſoit, pour caractériſer la bonté dont un facile accès eſt le principal appanage.

Telles ne ſeront point les vûes que nous ſuivrons dans la conſtruction d’un palais. Comme l’idée que nous avons d’un Roi eſt bien inférieure à celle que nous nous formons de Dieu, un édifice deſtiné à ſon uſage devra être très-différent d’un temple. Il ne s’agit ici que de caractériſer tout à la fois & la puiſſance & l’éclat de la Royauté ; c’eſt ce que réunira un bâtiment extrêmement vaſte, afin d’annoncer au dehors la demeure d’un homme poſſeſſeur de grandes facultés, auprès duquel habite une multitude de perſonnes de tout état, qui veillent à ſa conſervation, & diſtribué de maniere que des richeſſes de tous les genres, développées avec art & ſans confuſion, étonnant les ſens, diſpoſent l’âme à un reſpect profond & à une obéiſſance exacte.

Il en ſera à peu près de même d’un hôtel, qui doit être un diminutif d’un palais, parce que les perſonnes qui y demeurent tiennent à la Royauté, ou participent à ſon pouvoir. A l’égard d’une maiſon pour un particulier, l’étendue & la ſplendeur ſeront ſacrifiées à la ſimplicité & à l’aiſance, ſymboles de la médiocrité & de la tranquillité.

Nous ne donnons ici que des vûes générales, des moyens d’échauffer l’imagination, & non des tableaux qui puiſſent l’animer ; nous ſentons combien il reſte encore de choſes à dire pour aider même cette faculté de l’ame. Il faudroit des peintures vives, des touches fortes & variées, des nuances douces & délicates ; & ce travail n’entre point dans le plan d’un Diſcours préliminaire, qui ne doit préſenter que la maſſe des objets. Mais nous ſuccombons à la tentation de crayonner les avantages de cette partie d’un édifice, qu’on appelle jardin, & qui en fait le principal ornement.

Depuis qu’Epicure a introduit les jardins dans les villes,[5] & que ce Philoſophe voluptueux a remarqué que ce lieu étoit plus propre qu’aucun autre à procurer des penſées délicieuſes, le jardinage eſt devenu une branche conſidérable de l’Architecture. On veut jouir au milieu d’une ville des charmes de la campagne, & cet air champêtre répand une gaieté vive dans tous les appartemens d’une maiſon ſitués ſur le jardin. Pline & Caſaubon[6] nous apprennent que de leur tems on étoit déjà tant épris de ſes avantages, que les perſonnes qui ne pouvoient en avoir dans leur maiſon, en faiſoient aux fenêtres & ſur les toîts. Notre goût ne s’eſt point ralenti à cet égard : on ſçait apprécier aujourd’hui tous les agrémens qu’il y a d’avoir une vûe agréable, & un endroit riant pour faire quelque exercice ſans ſortir de chez ſoi. Auſſi l’art de décorer les jardins, qui augmente ces plaiſirs, a été pouſſé à un haut point de perfection. La peinture, la ſculpture & l’hydraulique ont été alliées à la verdure des plantes, & à l’émail des fleurs. Une eau claire qui, en s’élançant en l’air, forme différentes figures, & qui ſuit dans ſa chûte une pente douce, flatte également l’oreille par ſon murmure, & l’œil par ſa limpidité. L’odorat eſt affecté délicieuſement par un parfum ſuave, qui ſe renouvelle à chaque inſtant. Des parterres agréablement deſſinés offrent le ſpectacle éclatant des couleurs les plus belles & les mieux aſſorties. Enfin une obſcurité touchante, formée par des arbres pliés ſur un treillage que décore une ſculpture ingénieuſe & une douce peinture, préſentent un lieu de repos, propre à ſavourer tranquillement toutes ces ſenſations, & à jouir d’une ſolitude également chere à ceux qui penſent, & aux perſonnes délicates que des ſoins d’un autre genre occupent entierement.

Heureux celui qui connoît le mérite de toutes ces choſes, & qui peut les goûter ! plus heureux encore celui qui ſçait ſe les procurer, parce qu’il les ſent plus vivement ! C’eſt un avantage attaché à la profeſſion d’Architecte, puiſque ſon art lui apprend à réunir à une belle diſtribution une décoration riche ; & cet art conſiſte ici, comme dans l’Architecture en général, à s’échauffer l’imagination des agrémens d’un jardin ; à faire uſage des principes de l’optique, & à démêler par des expériences ces ſenſations ſubtiles qui échappent aux régles.

Ainſi établiſſons toute l’Architecture civile ſur trois points : l’optique, les images qui échauffent l’imagination, & les expériences. L’Architecture hydraulique n’eſt point fondée ſur tant de principes ; il ſuffit ici d’allier la magnificence avec la ſolidité : mais que de ſagacité & de goût cette réunion n’exige-t-elle pas ! L’utilité que nous retirons des eaux, les dommages qu’elles nous cauſent, & les obſtacles qu’elles ſont ſouvent à nos deſſeins, voilà les parties eſſentielles de cette Architecture : voilà le ſujet le plus propre à exercer les facultés de l’eſprit humain, & à déployer toutes ſes connoiſſances. Ici des canaux fermés à volonté par de grandes écluſes, ouvrent un libre paſſage à une eau abondante, deſtinée à ſe répandre dans les champs, & à les fertiliſer : un réſervoir ſpacieux reçoit cette eau, d’où les machines la portent ſur un aqueduc qui la conduit aux endroits les plus élevés & les plus arides. Là des chauſſées épaiſſes, des quais ſolides, des batardeaux inébranlables, arrêtent l’impétuoſité du cours de ce fougueux élément, & lui preſcrivent des bornes. Des paſſages ſûrs ſont pratiqués ſur les eaux, des ponts ſpacieux, fondés dans leur lit le plus profond, & réſiſtant toujours aux efforts redoublés d’un ennemi d’autant plus dangereux que ſes attaques ſont plus cachées. Quels objets plus dignes de notre attention ? ils ont fixé celle des Romains ; & on ſçait de quel poids eſt cette autorité dans l’Architecture. Nous ne voulons pas abſolument dire par là que ces hommes ſi entreprenans ſoient ici nos maîtres ; car après les découvertes que nous avons faites ſur la méchanique & ſur la ſcience des eaux, qui forment la baſe de l’Architecture hydraulique, nous devons avoir beaucoup d’avantages ſur eux. Cependant quand on conſidere les fragmens de leurs ponts, les débris de leurs aqueducs, & ces triples canaux dont l’idée ſeule étonne l’ame, & qui ſubſiſtent depuis tant de ſiécles, on ne peut s’empêcher de s’écrier : Que vous étiez grands, Romains, vous qui avec les ſeules forces de l’imagination avez produit des choſes ſi admirables ! Que feriez-vous aujourd’hui, ſi avec cette vigueur d’eſprit, cette étendue de vûes, cette conſtance dans les travaux, vous jouiſſiez de nos découvertes ? Vous nous prouvez bien que vous êtes venus dans les beaux jours de la nature. Nous ſommes, nous l’avouons, d’une conſtitution moins forte que la vôtre. Mais que diriez-vous auſſi, ſi vous voyiez nos inventions qui préviennent nos beſoins, & qui multiplient nos plaiſirs ? & que devons-nous en penſer nous-même ? Font-elles plus d’honneur à l’humanité que ces vaſtes entrepriſes qui en impoſent tant à nos ſens ? c’eſt ce que nous laiſſons à décider.

Ce ſeroit ſans doute ici le lieu de faire l’éloge des deux Architectures auxquelles notre Dictionnaire eſt conſacré, ſi la ſimple expoſition de leur objet ne les rendoit aſſez recommendables. Nous ne dirons donc point que ce ſont les deux arts les plus utiles à la ſociété, comme on l’a publié dans quelques ouvrages modernes ; parce que les arts véritablement tels ont pour unique objet le progrès de la raiſon. Mais en nous renfermant dans ces jutes limites, nous croyons pouvoir aſſurer qu’aucun art n’eſt à cette fin d’un plus grand ſecours que l’Architecture : car qu’y a-t-il ou de plus agréable pour les perſonnes qui ne peuvent que s’amuſer, ou de plus digne de conſidération pour celles qui ſont capables de s’inſtruire ?[7]
ARCHITECTURE CIVILE
ART DE BATIR. Maçonnerie. Stéréotomie. Pierres.
Marbres.
Terres.
Plâtre.
Ciment.
Sable.
Glaiſe.
Mortier.
Bauge.
Fondation.
Elévation. Echaffaudage.
Couverture. Brique.
Ardoiſe.
Plomb.
Cuivre.
Charpenterie.
Menuiſerie.
Bois.
Serrurerie. Fers.
Vitrerie. Verres.
ART DE DISTRIBUER. Deſſein. Monumens.
Temples. Chapelles.
Bâtimens publics.
Convenance.
Palais.
Hôtels. Hydraulique.
Arbres.
Treillage.
Fleurs.
Ordonnance. Maiſons. Jardinage
Trianons.
Meutes.
Grottes.
Hermitage.
Maiſons de Campagne.
ART DE DÉCORER. Boiſerie. Marqueterie.
Moſaïque.
Sculpture.
Peinture.
Dorure.
Voyerie. Chemins.
Rues.
Places.


ARCHITECTURE HYDRAULIQUE
ART DE CONDUIRE LES EAUX. Canaux. Fontaines.
Arroſage.
Deſſechement.
Aqueducs.
Ecluſes. Pilotis.
ART D’ARRÊTER LE COURS DES EAUX. Chauſſées.
Quais.
Digues.
Batardeaux.
ART DE PASSER SUR LES EAUX. Canaux de communication.
Ponts.
DICTIONNAIRE

DICTIONNAIRE

D’ARCHITECTURE

CIVILE

ET HYDRAULIQUE.


A

ABAJOUR, ſubſt. maſc. Quelques-uns écrivent ABBAJOUR, d’autres ABAT-JOUR. Eſpece de fenêtre en forme de grand ſoûpirail, dont l’uſage eſt d’éclairer tout étage ſoûterrein, comme cuiſines, offices, caves, &c. Elle reçoit le jour par le moyen de l’embraſement de l’appui qui eſt en glacis, autant incliné que l’épaiſſeur du mur peut le permettre.

On appelle auſſi Abajour la fermeture ou glacis d’un vitrail d’Egliſe ou de dôme, d’un grand ſalon ou galerie, &c. lorſqu’on eſt obligé de pratiquer à cette croiſée un glacis à la traverſe ſupérieure ou inférieure de ſon embraſure, pour raccorder la décoration extérieure & intérieure d’un édifice, comme on le remarque aux Egliſes de la Sorbonne & des Invalides.

Le mot Abajour eſt compoſé de ces deux mots Abbattre, & jour, parce que cette ſorte de fenêtre aſſoiblit, diminue la lumière, en la faiſant deſcendre de haut en bas.

ABAISSEMENT, ſ. m. Diminution, retranchement de hauteur. C’eſt ainſi qu’on exprime en architecture le retranchement de hauteur d’un mur, lorſqu’il ôte le jour à un voiſin, ou qu’il excéde les hauteurs ordinaires.

ABAISSER, verbe act. Terme de Jardinage. C’eſt couper une branche près du tronc, la ravaler. On abaiſſe les arbres fruitiers quand ils ſont trop vieux, pour leur faire prendre une figure convenable en les taillant.

ABAQUE, ſ. m. C’eſt la partie ſupérieure ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Selon les Ordres d’architecture, ce couronnement a une forme différente. A l’Ordre Toſcan, au Dorique, & à l’Ionique il eſt quarré, & échancré ſur les faces au Corinthien & au Compoſite. Dans le premier, le ſecond & le troiſiéme Ordres, l’Abaque eſt le tiers de tout le chapiteau. Il y a plus d’attention à apporter dans les dimenſions de l’Abaque Corinthien, voyez Ordre. A l’égard du Compoſite, il eſt la ſeptiéme partie du chapiteau. Dans ces deux Ordres ſes angles s’appellent Cornes, le milieu Balai & la courbure Ove. Cette courbure a ordinairement une roſe au milieu.

Suivant les Auteurs du Dictionnaire de Trevoux, d’après Harris, les ouvriers donnent le nom d’Abaque à un ornement Gothique avec un filet ou chapelet de la moitié de la largeur de l’ornement, & ils nomment ce filet, le filet ou le chapelet de l’Abaque. Quelques Architectes au contraire, comme Palladio, entendent par Abaque le plinthe qui eſt autour de l’échine. D’autres, ſuivant Scamozzi, appellent Abaque une moulure en creux, qui couronne le piédeſtal de l’Ordre Toſcan. L’Abaque ſe nomme encore Tailloir. Mais pour fixer la ſignification de ce terme, & pour juſtifier la définition que nous en avons donnée d’après les plus célébres Architectes de notre tems, voici l’étimologie de ce mot.

D’abord d’Aviler veut qu’Abaque vienne du mot latin Abacus, tiré du mot grec Abax, qui ſignifie un petit buffet quarré, & auſſi une table pour apprendre les principes de l’Arithmétique, appelée Abachina par les italiens. Etienne Guichard, remontant plus haut, tire le mot Abaque d’un mot hébreux, qui ſignifie être élevé. Ainſi juſques-là par ce terme on déſigne une choſe élevée : ce qui convient parfaitement à ſa ſituation au-deſſus du chapiteau, élevé ſur le fuſt de la colonne. Le même Auteur prétend auſſi que le terme Abaque peut dériver encore d’un autre mot hébreu, qui ſignifie terre, pouſſiere bien menue ; parce que l’Abaque, chez les anciens Mathématiciens, étoit une petite table couverte de pouſſiere ſur laquelle ils traçoient leurs plans, & leurs figures, témoin le paſſage de Perſe.

Nec qui Abaco numeros & facto in pulvere metas
Scit riſiſſe Vafer.
Sat. 1. v. 131.

Et voilà pour la forme de cette partie du chapiteau.

ABATAGE. Voyez Levier.

ABATIS, ſ. m. Les Carriers appellent ainſi la pierre qu’ils ont abatue dans une carriere, ſoit la bonne pour bâtir, ou celle de rebut qui ne ſert à rien. Ce mot ſe dit auſſi de la démolition des décombres d’un bâtiment.

ABAVENTS, ſ. m. pl. Nom qu’on donne à de petits auvents au dehors des tours d’Egliſe & des clochers, dans les tableaux des couvertures. Ils ſont faits de chaſſis de charpente, couverts d’ardoiſe ou de plomb, & ſervent à empêcher que le ſon des cloches ne ſe diſſipe en l’air ; de ſorte que le ſon eſt envoyé en bas par réflexion.

Les Abavents garantiſſent auſſi le béfroi de charpente de la pluye qui entreroit par les ouvertures. Il ſemble même que ç’a été là leur principal uſage, à en juger par la ſignification du terme compoſé des deux mots abattre et vent, qui abat le vent, qui rabat la pluye.

ABBAYE, ſ. f. C’eſt un Bâtiment joint à un couvent, & habité par un Abbé ou une Abbeſſe, lequel conſiſte en pluſieurs appartements également commodes & propres, & qui dans une Abbaye de fondation royale s’appelle Palais abbatial, comme l’Abbaye de Saint-Germain des Prez à Paris.

ABBÉE, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. Nom que l’on donne à l’ouverture par laquelle on fait couler d’eau d’un ruiſſeau ou d’une rivière, pour faire moudre un moulin, & que l’on ferme pour la détourner quand il n’eſt plus néceſſaire que la roue tourne.

ABOUT, ſ. m. C’eſt dans la Charpenterie, l’extrémité d’une pièce de bois depuis une entaille ou une mortaiſe.

ABOUTIR, v. act. C’eſt ſelon les Plombiers, revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre ſaillie de Sculpture ou d’Architecture de bois : ce qui ſe fait avec des coins et autres outils ; enſorte que le profil ſe conſerve nonobſtant l’épaiſſeur du métal. Quelques-uns diſent Amboutir.

Aboutir. Terme d’Architecture hydraulique. Raccorder un gros tuyau ſur un petit. Lorſqu’il eſt de fer, de grès, ou de bois, cela ſe fait par le moyen d’un colet de plomb, qui vient en diminuant du gros au petit. L’opération eſt plus aiſée ſi le tuyau eſt de plomb. On ſuppoſe ici que la différence de la groſſeur des tuyaux n’eſt pas conſidérable ; car autrement au lieu d’un colet, il faut un tambour de plomb fait en cone, pour Aboutir deux tuyaux.

ABREUVER, v. act. Terme de Jardinage. C’eſt arroſer un terrein par le moyen de l’eau qu’on fait venir d’une rivière, d’une ſource, ou d’un ruiſſeau, dans une grande rigole ou canal ſitué à la partie ſupérieure des terres, & diviſé enſuite par de petits canaux de ramifications dans toute l’étendue du terrein. Cette pratique ne peut pas avoir toujours lieu. On eſt quelquefois obligé de faire un batardeau dans le ruiſſeau pour arrêter l’eau & la faire gonfler à l’endroit de la rigole. Le batardeau ſe conſtruit avec des perches miſes de travers & d’autres qu’on fiche en terre le long des premieres, & à l’oppoſite de l’eau. On jette enſuite des gazons contre ces perches depuis le fond de l’eau juſques à la ſuperficie qui entaſſés l’un ſur l’autre afin que l’eau ne paſſe pas à travers forment un ſolide d’un pied d’épaiſſeur. (Voyez encore Canal d’arroſage)

ABREVOIRS ou ABREUVOIRS, ſ. m. pl. Nom qu’on donne en Maçonnerie à de petites tranchées faites avec le marteau de Tailleur de pierre, ou la hachette de Maçon, dans les joints & lits de pierres, afin que le mortier, ou coulis qu’on met dans ces joints, s’accroche avec les pierres & les lie.

Abreuvoirs, ſ. m. C’eſt un glacis le plus ſouvent pavé de grès, & bordé de pierres, qui conduit à un baſſin ou à une riviere, pour abreuver les chevaux.

Abreuvoirs, Petit auget fait de mortier, pour remplir de coulis les joints en fichant les pierres. Voyez Abrevoirs.

ABRIER ou ABRITER, v. act. C’eſt en Jardinage mettre une couche, une fleur à l’abri du vent.

ACADÉMIE, ſ. f. Lieu compoſé de pluſieurs ſalles, où s’aſſemblent des Sçavants, des gens de Lettres, et d’autres perſonnes qui font profeſſion d’arts libéraux. Aucune régle d’Architecture n’a déterminé la diſpoſition de ces ſalles. Auſſi nous n’en dirons pas d’avantage ; & nous aurions même omis ce terme, qui à la rigueur n’eſt point un terme de ce Dictionnaire ; mais comme il y a une Académie d’Architecture, il convenoit d’y donner une place, pour avoir occaſion de faire connoître cette Académie, aux lumières de laquelle doit tant l’art auquel cet Ouvrage eſt conſacré.

Académie royale d’Architecture. Cette Académie fut établie le 30 Novembre 1671, par les ſoins de M. Colbert. Ce grand Miniſtre la forma des plus habiles Architectes du Royaume. Le Roi la mit ſous la direction du Surintendant de ſes Bâtimens ; & en cette qualité M. Colbert en fut chargé. Les Académiciens, au nombre de vingt-ſix, ſont diſtribués en deux claſſes. Ils s’aſſemblent tous les lundis au Louvre, où eſt leur Académie. Le Roi entretient un Profeſſeur public d’Architecture, qui donne dans le même lieu des leçons deux fois la ſemaine, le lundi & le jeudi. M. Blondel a été le premier Profeſſeur. M. De la Hire lui a ſuccédé, & cette chaire eſt remplie aujourd’hui (1754) par M. Le Camus de l’Académie Royale des Sciences, & Sécrétaire de celle d’architecture.

Le mot Académie vient du mot Academus, nom d’un bourgeois d’Athènes, qui donna ſa maiſon à des Philoſophes pour y étudier. (On peut voir l’Hiſtoire des Académies à l’article compris ſous ce terme dans le Dictionnaire univerſel de Mathématiques & de Phyſique.)

Académie. C’eſt encore le nom d’un lieu compoſé de logemens, de ſalles & manéges, où la Nobleſſe apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Vitruve appelle de lieu Ephœbeum du mot Ephœbus, jeune garçon.

ACANTHE, ſ. f. Ce mot eſt le nom d’une plante, & par conſéquent n’eſt point un terme d’Architecture. Mais comme l’Acanthe forme l’ornement du chapiteau Corinthien, il eſt à propos de la faire connoître, & d’en donner la deſcription dans un article particulier.

L’Acanthe eſt donc une plante, dont les feuilles ſont larges, liſſes, découpées aſſez profondément en pluſieurs ſegmens, qui ſont encore découpés en de plus petits lobes charnus d’un verd obſcur, luiſant en-deſſus, & pâle en-deſſous. Entre ſes feuilles s’éléve une tige haute de trois ou quatre pieds de la groſſeur d’un doigt, garnie vers ſa partie moyenne de quelques petites feuilles, au-deſſus deſquelles s’éléve un bel épi de fleurs très-piquant. Cette Acanthe, bien différente d’une autre eſpèce de plante qui porte le même nom, eſt celle que copia Callimaque, Lorſqu’il inventa le chapiteau Corinthien. (Voyez Chapiteau.) La dernière Acanthe, qu’on appelle Epineuſe, ſe diſtingue de l’autre par ſes feuilles plus finement découpées, & dont chaque ſegment ſe termine par un piquant aſſez roide & fort aigu. Le verd en eſt auſſi plus obſcur. Les Sculpteurs Gothiques, qui n’avoient pas fait cette attention, ont copié dans leurs ornemens l’Acanthe épineuſe, comme on le voit dans pluſieurs Egliſes : ce qui les a jetté bien loin du bon goût de l’Antique.

ACCOLEMENT, ſ. m. C’eſt un eſpace de terrein entre les bordures d’un pavé & les foſſés d’un chemin, ordinairement d’une toiſe de large, & qui eſt ou doit être de niveau avec les bordures du pavé pour lui ſervir d’élargiſſement.

ACCOLER, v. act. Embraſſer. On ſe ſert de ce terme en Architecture pour exprimer l’entrelacement autour d’une colonne des branches de palmes, de laurier, de pampres, &c.

ACCOUDOIR, ſ. m. Voyez Appui.

ACCOUPLEMENT, ſ. m. On entend par ce terme la maniere d’eſpacer les colonnes le plus près les unes des autres qu’il eſt poſſible, ſans que les baſes & les chapiteaux s’engagent les uns dans les autres, comme on le voit au portail des Minimes à Paris, par Manſard. L’Ordre le plus difficile à Accoupler, eſt le Dorique, à cauſe de la diſtribution des métopes de la friſe & de l’entablement, qui, ſuivant les Grecs, doivent être quarrés, quoique pluſieurs Architectes ayent négligé ce précepte, tels que M. Debroſſe à Saint-Gervais, au Luxembourg, & M. Le Mercier au Palais Royal. (Voyez le Cours d’Architecture de d’Aviler pag. 37. Edit. 1750.)

ACROTERES, ſ. m. pl. C’eſt le nom qu’on donne à de petits piédeſtaux, le plus ſouvent ſans baſes & ſans corniches, pour porter des figures au bas des corniches rampantes & au faîte des frontons. Le même mot ſignifie auſſi quelquefois les extrémités ou les faîtes des Bâtimens ; parce que ce mot tiré du Grec Achroterion, ſignifie l’extrémité de toute ſorte de corps. Voilà la définition qu’on a donné juſqu’ici de ce terme. Cependant dans un Ouvrage moderne, on prétend que c’eſt fort improprement ; & on veut qu’aujourd’hui, dans l’Architecture Françoiſe, ce terme exprime les petits murs ou doſſerets qu’on place à côté des piédeſtaux entre le ſocle & la tablette des baluſtrades. Ces Acroteres ſont deſtinés, dit-on, à ſoutenir la tablette continue d’un piédeſtal à l’autre, & font l’office de demi baluſtres.

ADAPTER, v. act. C’eſt en Architecture approprier une ſaillie ou un ornement à quelque corps : ce qui ſe fait par application ou par incruſtation.

ADENT, Aſſembler en Adent. Voyez Aſſemblage en Adent.

ADOS, ſ. m. Terme de Jardinage. Elévation de terre en talut le long d’un mur bien expoſé pour y ſemer pendant l’hyver & le printems quelque choſe qu’on veut avancer plus qu’il ne feroit en pleine terre. Les rayons du ſoleil échauffent ces talus comme s’ils étoient de véritables murailles. On fait auſſi des élévations à dos de Bahu dans les terres froides & humides, pour en corriger le défaut, & procurer plus de bonté à tout ce qu’elles produiſent. Telles ſont les terres du potager de Verſailles. Les Ados ſervent encore pour y planter des fraiſes ſur leſquelles on met des chaſſis de verre. L’étimologie du mot Ados n’a pas beſoin d’explication ; C’eſt une élévation de terre à dos d’un mur.

ADOSSER, v. act. C’eſt joindre un appenti, appuyer une maiſon contre une autre, ou ſimplement contre un mur.

ADOUCIR, v. act. C’eſt l’art de laver un deſſein d’Architecture, de manière que les ombres ſe perdent inſenſiblement dans le clair, pour éviter la dureté qu’emporteroit avec elle une ombre trop tranchante. Cette régle n’eſt point cependant générale. Lorſqu’il s’agit de corps ſphériques & de corps quadrangulaires, on doit la négliger pour les exprimer diſtinctement. Car on ne peut les Adoucir qu’en ſuppoſant que les ombres viennent d’un certain jour & non du ſoleil, & dès là les ombres ne ſont plus décidées ; elles paroiſſent foibles & incertaines, & ôtent l’effet du deſſein.

ADOUCISSEMENT, s. m. C’eſt le raccordement & la liaiſon qui ſe fait d’un corps avec un autre par un chanfrein ou par un cavet, comme le congé du fuſt d’une colonne, ou lorſque le plinthe d’une baſe eſt joint à la corniche de ſon piédeſtal par un cavet. Ordinairement tous les plinthes extérieurs d’un bâtiment s’uniſſent avec le nud des murs par un Adouciſſement. Quelquefois auſſi on ne pratique qu’un talut en glacis, pour faire écouler l’eau qui ſéjourneroit ſur la ſaillie horizontale des plinthes, corniches, impoſtes, &c.

AFFAISSÉ, adj. On dit qu’un Bâtiment eſt Affaiſſé lorſqu’étant fondé ſur un terrein de mauvaiſe conſiſtance, ſon poids le fait baiſſer, ou qu’étant vieux il menace ruine. Un plancher eſt affaiſſé lorſqu’il ne ſe conſerve plus de niveau.

AFFILER, v. act. C’eſt, en terme de Jardinage, planter à la ligne. Voyez Aligner.

AFLEURER, v. act. C’eſt réduire deux corps ſaillans l’un ſur l’autre à une même ſaillie ou ſurface, comme une porte en feuillure, le parement d’un mur, une trape au milieu d’un plancher, &c. Deſafleurer eſt le contraire. Une porte, une croiſée deſafleurent le nud d’un mur, lorſque l’une des deux releve de quelques lignes, & qu’alors il faut approfondir leurs feuillures ou ôter de leur épaiſſeur, pour détruire ce deſafleurement.

AGATE, ſ. f. C’eſt le nom d’une pierre précieuſe tranſparente & dure, dont on fait uſage dans l’Architecture pour orner les tabernacles, les cabinets de piéces de rapport, de marqueterie, &c. Il y a pluſieurs ſortes d’Agates, qu’on réduira à quatre, l’Onix ou Agate orientale, la Cornaline, la Noire, & l’Agate d’Allemagne. La premiere eſt tanée avec quelques veines blanches ; la ſeconde eſt rougeâtre ; la troiſiéme eſt une eſpece de jais ; & la derniere, qui eſt la plus tendre & la moins eſtimée, eſt blanche & bleuâtre. Pline veut que cette pierre ait été trouvée en Sicile le long du fleuve Acates, d’où elle tire ſon nom. Ce fleuve ſe nomme aujourd’hui Canthera.

AGRAFFE, ſ. f. Nom qu’on donne à tout ornement de Sculpture, qui ſemble unir pluſieurs membres d’Architecture les uns avec les autres, comme le haut de la bordure d’une glace avec celle du tableau au-deſſus, ou cette derniere avec la corniche qui régne à l’extrémité d’un ſalon, d’une galerie, &c. Ceci eſt la définition particulière du mot Agraffe ; car en général on entend par ce terme la décoration qu’on peut affecter ſur le parement extérieur de la clef d’une croiſée ou d’une arcade en plein ceintre, bombée, ou en anſe de panier. C’eſt une attention qu’on ne ſçauroit trop recommander, parce qu’elle eſt trop négligée, que celle de bien prononcer les Agraffes, je veux dire de les former de façon qu’elles uniſſent, lient, agraffent en un mot, l’archivolte, le chambranle ou bandeau avec le claveau, ſommier, plinthe ou corniche de deſſus. De toutes les Agraffes, celles qui ſont en conſoles ſont les plus propres à remplir cette condition importante. Ce n’eſt pas qu’on doive toujours s’y aſſujettir. Mais auſſi ne doit-on pas beaucoup s’en écarter, comme il arrive quelquefois lorſqu’on place des ornemens chimériques de travers & de formes variées, qui n’entrent point dans la décoration de la clef d’une arcade, par exemple, dont le caractère propre eſt la ſolidité qu’elle donne à tous les vouſſoirs qui par elle ſeule ſont maintenus dans un parfait équilibre. Pour propoſer quelques modèles à imiter, nous croyons devoir citer les ſix belles Agraffes de l’invention de M. Jacques Blondel, dans ſon Traité de la Diſtribution des Maiſons de plaiſance, & de la Décoration des Edifices en général, tome II. Planches 37, 38 & 39. Les deux premières Agraffes ſont formées par un cartel orné d’une tête, qui tient lieu de clef. Elles ſont poſées ſur deux arcades où régne un archivolte, & qu’accompagne une partie de plinthe, qui leur ſert de couronnement. Deux deſſeins de têtes avec des attributs, l’un de chaſſe l’autre de guerre, forment les troiſiéme & quatriéme Agraffes, poſées ſur des clefs en demi-conſoles, qui font l’effet de claveau & conviennent à des façades de Bâtimens très-ornés. Enfin les deux dernières Agraffes ſont en cartel compoſées d’ornemens. Elles peuvent être placées alternativement entre des croiſées décorées de têtes, où un grand nombre d’ornemens uniformes ne produiroient pas autant d’agrément que la variété. Ces Agraffes ſont encore très-propres à des Bâtimens particuliers, qui en général ne comportent point une allégorie déterminée.

L’inventeur de ces beaux Deſſeins, M. Blondel, obſerve quatre attentions à avoir dans les Agraffes : C’eſt, 1°. de ne les point faire incliner : 2°. d’éviter de les faire trop matérielles : 3°. de leur donner une ſaillie convenable, qui ne péche ni par excès, ni par défaut, deux inconvéniens ſoumis à l’examen & au jugement du goût : 4°. de les faire ſimples ou riches, relativement à la magnificence des façades où elles ſont employées.

Agraffe. Terme de Maçonnerie. Voyez Crampon.

Agraffe. C’eſt dans la Serrurerie d’un Bâtiment, le nom du morceau de fer évuidé, & large, qui s’applique ſur l’un des guichets des croiſées, & dans lequel paſſe le panneton de l’eſpagnolette, qui va ſe refermer ſur le guichet oppoſé.

Agraffe. C’eſt en Jardinage un ornement qui ſert à lier deux figures dans un parterre, & dans ce cas c’eſt un nœud, ou que l’on colle à la plate-bande d’un parterre, pour n’en faire paroître que la moitié, qui ſe lie & forme un tout avec le reſte de la broderie.

AIDE-MAÇON, ſ. m. C’eſt le nom qu’on donne à ceux qui portent aux Maçons & aux Couvreurs les matériaux dont ils ont beſoin : métier dur & dangereux qui donne à peine du pain.

AIDES, ſ. m. pl. On appelle ainſi en Architecture tous les petits lieux qui ſont à côté de plus grands pour leur ſervir de décharge, comme ceux qui ſont près des offices, ſommelleries, dépenſes, garde-robes. Les Aides de cuiſines doivent avoir des tables, une cheminée & de l’eau abondamment.

AIGLE, ſ. m. Oiſeau qui ſervoit anciennement d’attribut aux chapiteaux des Temples dédiés à Jupiter, & qui ſert encore d’ornement aux autres chapiteaux, comme aux Ioniques de l’Egliſe des P. Barnabites à Paris. (Voyez Chapiteau.)

AIGUILLE, s. s. C’eſt une pyramide de charpente établie ſur la tour d’un clocher ou le comble d’une Egliſe, pour lui ſervir de couronnement. Une Aiguille eſt compoſée d’une plate-forme qui lui ſert d’empatement. (Voyez Empatement.) Cette plate-forme, qui porte ſur la maçonnerie de la tour, eſt traverſée par pluſieurs entraits (voyez Entrait) qui ſe croiſent au centre du clocher. Un poinçon, appellé proprement Aiguille, eſt élevé ſur le point de réunion de ces entraits. Il eſt ſoutenu dans cette ſituation par pluſieurs arbalétriers (voyez Arbaletriers) emmortaiſés dans ce poinçon & dans les entraits, & entouré de chevrons, dont toutes les extrémités ſupérieures ſe réuniſſent près de ſon ſommet. Les chevrons ſont emmortaiſés par en-bas dans la plate-forme, & ſoutenus dans différens points de leur longueur, par de petits entraits, qui s’aſſemblent avec le chevron & le poinçon autour duquel ils ſont placés. On met enſuite des lattes ſur les chevrons, (voyez Latte) & on couvre le tout de plomb ou d’ardoiſe.

Cette conſtruction des Aiguilles des clochers ſe pratique pour celles qu’on met ſur les combles des Egliſes, avec cette différence que ces Aiguilles n’ont point pour empâtement une maçonnerie, mais le haut de la cage du clocher, qui eſt de charpente, & qui leur ſert de plate-forme.

Ai (Voyez Plate-forme.)

Aiguille ou Obeliſque. Voyez Obeliſque. guilles d’un Pertuis. Terme d’Architecture hydraulique. Ce ſont des pièces de bois rondes ou quarrées de trois ou quatre pouces de diamètre, & de cinq à ſix pieds de long, qui ſont retenues en tête par la briſe (voyez Brise) & qui portent par le pied ſur le ſeuil d’un Pertuis, qu’elles ſervent à fermer pour hauſſer l’eau, & à ouvrir pour le paſſage des bateaux.

AILE, ſ. f. Ce mot ſe dit par métaphore d’un des côtés en retour d’angles qui tient au corps d’un Bâtiment. On dit Aîle droite ou Aîle gauche par rapport au Bâtiment où elles tiennent, & non pas à la perſonne qui les regarde. Ainſi la grande galerie du Louvre eſt l’Aîle droite du Palais des Tuileries. On donne encore ce nom aux bas côtés d’une Egliſe.

Les Anciens donnoient une ſignification plus étendue au mot Aîle, comme terme d’Architecture. Ils comprenoient généralement ſous ce nom les portiques & toutes les colonnes qui ſont autour d’un Temple, c’eſt-à-dire celles des faces auſſi-bien que celles des côtés. Ils appelloient Peripteres (voyez ce mot) les Temples qui avoient des Aîles tout à l’entour ; & par conſéquent les colonnes des faces de devant & de derrière étoient, félon eux, des Aîles. (Vitruve liv. vi. pag. 212.) donne encore le nom d’Aîles aux deux plus petits côtés d’un veſtibule. Et aujourd’hui on s’en ſert pour exprimer différentes parties d’Architecture : ce qui forme trois articles que nous allons ſéparer.

Ailes de cheminée. Ce ſont les deux côtés de mur dans l’étendue d’un pied, qui touchent au manteau & au tuyau d’une cheminée, & dans leſquelles on ſcelle les boulins pour échafauder. Ces Aîles, auſſi-bien que l’endroit où la cheminée eſt adoſſée, doivent être payés au propriétaire du mur, s’il n’eſt pas mitoyen.

Ailes de mur. Voyez Mur en aile.

Ailes de moulin. Ce ſont quatre grands chaſſis garnis de toile, qui traverſent l’aiſſieu en dehors, & reçoivent le vent pour faire tourner le moulin. (Voyez Moulin.) Les Meuniers les appellent Volans.

Ailes de Pavé. Ce ſont les deux côtés en pente de la chauſſée d’un pavé depuis le tas droit juſques aux bordures.

AILERON, ſ. m. Nom qu’on donne à une eſpece de conſole renverſée de pierre ou de bois revêtue de plomb, dont on orne les côtés d’une lucarne, comme on en voit au-devant des combles de la Place de Vendôme à Paris, ou à côté du ſecond Ordre du Portail d’une Egliſe, comme à Saint-Roch, aux Barnabites, aux Petits-Peres, &c.

Ces conſoles renverſées ont deux fins. La première c’eſt qu’étant pratiquées ſur le devant d’un portail, elles cachent les arc-boutans élevés ſur les bas côtés d’une Egliſe, & ſervent à ſoutenir les murs de la nef. Et la ſeconde eſt de raccorder le ſecond Ordre avec le premier. Cet ornement d’Architecture n’eſt point eſtimé, parce qu’il eſt trop irrégulier.

AIRE, ſ. f. Mot dérivé du latin Area, ſurface. C’eſt une ſurface, une ſuperficie plane & horizontale, ſur laquelle on trace un plan, une épure. (Voyez Epure.) On ſe ſert encore de ce mot pour déſigner un enduit de plâtre fait pour tracer quelque Deſſein.

Aire d’un baſſin. C’eſt un maſſif d’environ un pied d’épaiſſeur, fait de chaux & de ciment avec des cailloux, ou un courroi de glaiſe, pavé par-deſſus : ce qui fait le fond du baſſin. Cette Aire ſe conſerve long-tems, pourvû que la ſuperficie de l’eau s’écoule aiſément. Quand le tuyau de décharge eſt trop menu, l’eau ſuperflue regorgeant ſur les bords, délaye le terrein ſur lequel eſt aſſis le baſſin, & le fait périr.

Aire de Chaux et de ciment. C’eſt un maſſif d’environ un pied d’épaiſſeur, fait de chaux & de ciment mêlé avec du caillou, qu’on met ſur les voûtes des terraſſes qui ſont expoſées à l’air, ſur leſquelles on poſe enſuite les dalles de pierre avec quelque pente pour l’écoulement des eaux, comme il en a été fait ſur l’Orangerie de Verſailles. Il ſe fait auſſi de ces Aires de ciment dans les baſſins de fontaine. (Voyez ci-devant Aire de baſſin.)

Aire de moilon. C’eſt un petit maſſif d’épaiſſeur de neuf à dix pouces ſur le terrein de rez de chauſſée, ſur lequel. on poſe & ſcelle les lambourdes, les carreaux ou les dalles de pierre. Pour l’intelligence de ceci, voyez Lambourdes. Carreau. Dalles. Ce maſſif eſt de moindre épaiſſeur ſur les voûtes que ſur la terre.

Aire de plancher. Ce terme exprime deux choſes : 1°. la charge qu’on met ſur les ſolives d’un plancher, qu’on appelle ordinairement Fauſſe-aire : 2°. une couche de plâtre pur pour recevoir le carreau ou pour en tenir lieu. C’eſt ce que Vitruve entend par ſtatumen.

Aire de recoupes. Terme de Jardinage. C’eſt une épaiſſeur d’environ huit à neuf pouces de recoupes de pierre, pour affermir les jardins.

AIS, ſ. m. Planche de chêne ou de ſapin à l’uſage de la Menuiſerie.

On nomme les Ais, entrevoux, lorſqu’ils ſervent à couvrir les eſpaces des ſolives, & qu’ils en ont la longueur ſur neuf à dix pouces de large & un pouce d’épaiſſeur. Les entrevoux étoient fort en uſage autrefois : on les couvroit de plâtre. Mais on ne s’en ſert aujourd’hui que pour les chambres en galetas, parce que dans les appartemens, les Ais étant ſujets à ſe fendre ou gercer, la pouſſiere les pénétre & s’y loge aiſément. C’eſt ce qu’on évite en ſubſtituant aux Ais des lattes que l’on ourdit de plâtre deſſus ou deſſous. Cela évite un inconvénient & donne jour à deux autres d’une plus grande conſéquence. Premierement en plafonnant les chambres on ruine les planchers. En ſecond lieu, les Charpentiers, au lieu de bon bois, peuvent aiſément faire uſage de très-mauvais bois verd rempli de flaſques, & de bois blanc, tel que l’aubier. Auſſi nos planchers ſont bientôt affaiſſés & de peu de durée ; au lieu qu’on voit preſque tous les planchers des Bâtimens des derniers ſiécles ſubſiſter ſans affaiſſement, le bois étant apparent, ayant une portée ſuffiſante, étant bien équarri, quarderonné ſur les arêtes & les entrevoux, garni d’Ais bien dreſſés & corroyés, ornés de Peintures & Sculptures, ainſi que ſont ceux de la grande galerie du Luxembourg à Paris.

Les Ais les plus épais, qui s’employent pour les trapes & autres ouvrages, ont deux pouces d’épaiſſeur. Les autres ſont appellés Planches.

Ais de bateau. Ce ſont des planches de chêne ou de ſapin, qu’on tire des débris de bateaux déchirés, & qui ſervent à faire des cloiſons légères lambriſſées de plâtre des deux côtés, pour empêcher le bruit & le vent, & pour ménager la place & la charge dans les lieux qui ont peu de hauteur de plancher. (Voyez encore tout l’article Cloison.)

Ais d’Entrevoux. Voyez Ais.

AISANCE, ſ. f. Lieu commun ou de commodité, ordinairement au rez de chauſſée, ou auprès d’une garde-robe, ou au haut d’un eſcalier. Dans les maiſons ordinaires elle ſe pratique dans les angles de l’eſcalier. Mais dans les Hôtels & les Maiſons de diſtinction, elles ſont dans les petits eſcaliers & jamais dans les grands. Dans les Maiſons Religieuſes & les Communautés, les Aiſances ſont partagées en pluſieurs petits cabinets de ſuite, avec une culiere de pierre percée pour la décharge des urines. Elles doivent être carrelées, pavées de pierre, ou revêtues de plomb, & en pente du côté du ſiége, avec un petit ruiſſeau pour l’écoulement des eaux dans la chauſſée percée au bas de la devanture. Il y a, pour plus de propreté, une auge ou culiere de pierre ou de plomb à hauteur du ſiége, pour y pouvoir uriner ſans ſalir la lunette.

Dans les Bâtimens modernes les Aiſances ſont dans les garde-robes où elles tiennent lieu de chaiſes percées. Elles ſont très-propres. Leur forme eſt une banquette, dont le lambris ſe léve & cache la lunette. La chauſſe d’aiſance eſt fort large, & deſcend juſques à l’eau pour empêcher la mauvaiſe odeur. On y pratique de larges ventouſes. Le boiſſeau, qui tient à la lunette, eſt en forme d’entonnoir renverſé, & ſoutenu par un cercle de cuivre à feuillure, dans lequel s’ajuſte une ſoupape de cuivre, qui s’ouvre & ſe ferme en levant & fermant le lambris de deſſus ; ce qui empêche la communication de la mauvaiſe odeur. On pratique dans quelque coin de ces lieux, ou dans les entreſols d’au-deſſus, un petit réſervoir d’eau d’où l’on amene une conduite, ſous laquelle l’on en branche une, qui vient s’ajuſter au-deſſus de la ſoupape ; & au moyen du robinet, on lave les urines qui pourroient s’être attachées au boiſſeau & à la ſoupape. Il y a encore une autre conduite, qui vient s’ajuſter auſſi dans le boiſſeau. A ſon extrêmité eſt un robinet ployant, qui ſe tire au moyen d’un regiſtre, vers le milieu du boiſſeau : ce qui ſert à ſe laver ou à l’eau chaude, ou à l’eau froide ſuivant ſon choix. Les robinets s’appellent flageolets. A Paris, aux Hôtels de Talamon, de Villars, de Villeroi, les Aiſances ſont de marbre & de pierre de liais, revêtue de menuiſerie ou de marqueterie, ornée de bronze.

AISSELIER, ſ. f. Terme de Charpenterie. C’eſt le nom d’une piéce de bois ou droite ou courbe, terminée par deux tenons, dont l’un a ſa mortaiſe dans une de deux piéces de bois aſſemblées, de maniere qu’elles forment un angle à l’endroit de leur aſſemblage, & donc l’autre tenon a ſa mortaiſe dans l’autre de ces deux piéces de bois. Ainſi les deux piéces & l’Aiſſelier y forment un triangle, dont l’Aiſſelier eſt la baſe, & dont les parties ſupérieures des piéces aſſemblées forment les côtés. L’uſage de l’Aiſſelier eſt de fortifier l’aſſemblage des deux piéces dont on vient de parler, & pour empêcher que celle qui eſt horizontale ne ſe ſépare de celle qui eſt perpendiculaire ou verticale, ſoit par ſon propre poids, ſoit par les poids dont elle ſera chargée. (Voyez le Traité de la Charpenterie de Mathurin Jouſſe.)

AJUTAGE, ſ. m. Morceau de cuivre tourné & percé en maniere de canon de ſoufflet, qu’on ajuſte à vis ſur une tige ſoudée ſur la touche du tuyau d’un jet d’eau, & qui en détermine la groſſeur. Il y a trois ſortes d’Ajutages, de ſimples, de compoſés & à l’épargne. Les premiers ſont ordinairement élevés en cône, & percés d’un ſeul trou. Les Ajutages compoſés ſont applatis au-deſſus, & percés ſur la platine de pluſieurs trous, de fentes ou d’un faiſceau de tuyaux, qui forment des gerbes & des girandoles. Et les Ajutages à l’épargne ſont bouchés dans le milieu & ouverts tout à l’entour. M. Mariotte prétend que les Ajutages ſimples percés d’un ſeul trou ſur une platine de cuivre, cauſent moins de frottement aux bords que ceux qui ſont formés d’un cône. (Voyez le Traité du mouvement des eaux de cet Auteur.) Il veut encore que la platine de ces Ajutages n’ait que deux ou trois lignes d’épaiſſeur, afin que le frottement ſoit moindre : ce qui mérite d’autant plus d’attention qu’un jet ſortant d’un gros Ajutage, s’éléve ſouvent plus haut que quand il ſort d’un petit, quoique ces deux Ajutages ſoient fournis par le même réſervoir et la même conduite, ſans trop s’écarter des proportions ordinaires. Les Ajutages ſimples, de même que les compoſés, donnent un jet proportionné à leur ouverture. Mais les Ajutages à l’épargne dépenſent moins d’eau que les autres, & donnent un jet plus gros. Ils ont encore cet avantage ſur les premiers, qu’on leur fait prendre pluſieurs figures comme de gerbes, de pluies, d’éventails, de ſoleils, de bouillons, de girandoles, &c. Pour former les gerbes on les perce de pluſieurs trous à l’oppoſite les uns des autres, ou on ſoude pluſieurs petits Ajutages, qui réuniſſant l’eau forment une gerbe. En aboutiſſant le tuyau de l’Ajutage, en l’arrondiſſant et en le perçant nettement, on forme des bouillons. (Voyez Bouillons.) Enfin lorſqu’on veut faire paroître le jet plus gros et blanc comme la neige, on fait paſſer l’eau par-deſſus le jet pour le noyer ; mais alors il perd beaucoup de ſa hauteur. C’eſt en général une perte qu’on fait lorſqu’on veut varier la forme des jets. Auſſi l’Auteur de la Théorie & Pratique du Jardinage, préfère à tous les Ajutages ceux qui n’ont qu’une ſortie : ils ſont plus commodes, moins ſujets à ſe boucher ; l’eau en ſort plus nettement et file plus haut. A l’égard de la dépenſe, elle eſt à peu près égale dans les différens Ajutages. C’eſt ce qu’on peut vérifier en ſuivant les calculs que cet Auteur a faits pour s’en aſſurer. (Voyez le chapitre viii. de l’Ouvrage ci-devant cité.)

M. Mariotte avoit déja donné des régles pour calculer cette dépenſe dans un traité particulier intitulé : Régles pour les jets d’eau. Et nous avons nous-même expliqué ces régles, & donné des Tables où les dépenſes ſont marquées pour les différens Ajutages et pour les différentes hauteurs des réſervoirs, dans le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, art. Ajutage, auquel on peut recourir ſi l’on veut connoître la théorie, ou, ſi l’on peut parler Ainſi, la partie mathématique de ce terme.

ALAISE, ſ. m. C’eſt dans une porte collée & emboitée, ou dans un panneau d’aſſemblage, la planche la plus étroite qui acheve de le remplir.

ALBATRE. Matiere calcinable moins dure que le marbre. (Voyez Marbre.)

ALCOVE, ſ. f. C’eſt la partie d’une chambre à coucher où eſt placé le lit. Elle eſt ordinairement formée par le haut d’un panneau de menuiſerie chantourné, accompagné de deux autres panneaux verticaux ou perpendiculaires à celui-là. Quelquefois auſſi elle eſt ſéparée du reſte de la chambre par une eſtrade ou par quelques colonnes ou autres ornemens d’Architecture. Cela fait un aſſez bel effet, & eſt ſuſceptible de grandes décorations. Outre la magnificence en ſculpture, peinture & dorure, dont les panneaux ſont ſuſceptibles, on peut orner encore le fond des Alcoves avec des glaces : ce qui répand un éclat dans la chambre qui ſauve les faux jours qu’un lit ſeul produit preſque toujours. Ces ſortes de renfoncemens ont encore une utilité particulière, lorſqu’ils ſont bien placés ou ménagés dans une chambre ; c’eſt qu’il reſte alors aſſez de place aux deux côtés pour y pouvoir pratiquer de petites garderobes, ou du moins ces dégagemens pour arriver aux autres garderobes. L’Alcove eſt ainſi accompagnée de deux portes à glace pour donner jour à ces petites garderobes, & elles peuvent être très-richement décorées. (On trouvera des modèles, d’Alcoves dans le Cours d’Architecture de d’Aviler, derniere édition, & dans le Traité de la Décoration des Edifices de M. Blondel.) Le mot Alcove vient d’Alcoba, terme Eſpagnol, dérivé du mot Elcauſo Arabe, qui ſignifie ſimplement un cabinet, un lieu où l’on dort. Il peut venir auſſi d’Elcoba, qui ſignifie une tente ſous laquelle on dort. En latin Zeta.

ALEGE, ſ. m. Petit mur d’appui élégi ſous une croiſée qui n’eſt que de l’épaiſſeur ou largeur de l’appui, c’eſt-à-dire moindre que celle du mur.

ALEGES, ſ. m. pl. Ce ſont des pierres ſous le piédroit d’une croiſée, qui jettent des harpes (Voyez Harpe.) pour faire liaiſon avec le parpain d’appui, (voyez Parpain.) lorſque l’appui eſt évuidé dans l’embraſure. On les nomme ainſi parce qu’elles allègent ou ſoulagent, étant plus légères à l’endroit où elles entrent fous l’appui.

ALETTE, ſ. f. De l’Italien Aletta, petite aîle ou côté. C’eſt la face d’un piédroit depuis un pilaſtre ou une colonne juſques au tableau d’une arcade.

ALIGNEMENT, ſ. m. C’eſt régler par des repaires fixes le devant d’un mur de face d’une rue, en préſence du Voyer, Ou marquer la ſituation d’un mur mitoyen entre deux héritages contigus, pour le rétablir ſur ſes anciens veſtiges, ou de fond en comble, ſelon le jugement des Experts de part & d’autre, dont il ſe dreſſe un procès-verbal. Prendre un Alignement, c’eſt en faire l’opération.

ALIGNER, v. act, C’eſt réduire pluſieurs. corps à une même ſaillie, comme dans la Maçonnerie pour dreſſer les murs, & dans, le Jardinage pour planter les allées d’arbres. (Voyez ci-après Aligner.)

Aligner. Terme de Jardinage. C’eſt tracer ſur le terrein des lignes par le moyen d’un cordeau & de bâtons appellés jalons, pour former des allées, des parterres, des boſquets, des quinconces & autres piéces. (Voyez ces termes.) Voici comment on fait cette opération : Un homme, appellé Traceur, charge au moins trois perſonnes de porter les jalons, de les changer, de les reculer, ſelon qu’il leur dira. Cet ordre donné, il ſe place à trois ou quatre pieds au-deſſus du premier jalon, & en le baiſſant à ſa hauteur & fermant un œil, il mire avec celui qui eſt ouvert tous les autres jalons, de maniere qu’ils ſe couvrent tous. Si cela eſt, les jalons ſont ſur une même ligne, & l’Alignement eſt fait. Si au contraire un jalon verſe du côté gauche, par exemple, le Traceur montre avec la main, en la menant du côté droit, que ce jalon doit être redreſſé du côté droit : ce qu’il fait de même pour faire avancer ou reculer le jalon pour le mettre en Alignement. Quand le jalon verſe du côté-droit, on fait le contraire ; & cela conformément aux ſignes dont on eſt convenu avant que de commencer l’opération. Les tems de pluye ou de vent empêchent de bien aligner, parce qu’alors les linges & les papiers qu’on met pour diſcerner les jalons, ſe dérangent. On doit avoir attention de laiſſer aux bouts de l’Alignement deux jalons, pour faciliter le plantage des arbres.

ALLÉE, ſ. f. Ce terme comporte deux définitions, parce qu’il appartient & à l’Architecture & au Jardinage. Ce qui nous oblige de le diviſer en deux articles ſéparés, pour ne rien confondre, qui ſeront eux-mêmes ſous-diviſés en d’autres articles, afin de ne point ſurcharger l’attention du lecteur.

Nous diſons donc, en Architecture, Allée eſt un paſſage commun pour aller depuis la porte du logis juſques à la cour ou à la montée. C’eſt auſſi dans les maiſons ordinaires un paſſage qui communique & dégage les chambres, & qu’on nomme auſſi Coridor, Vitruve appelle ces Allées des Allées fauſſes.

Allée biaiſe. Nom qu’on donne à une Allée, qui par ſujétion comme d’un point de vue ou d’un terrein, ou d’un mur de clôture, n’eſt point parallèle à l’Allée de front ou de traverſe.

Allée de front. C’eſt l’Allée qui eſt droite en face d’un Bâtiment. Les proportions de cette Allée ſe règlent ainſi : ſur cent toiſes de longueur, elle doit avoir cinq à ſix toiſes de largeur ; ſur deux cens toiſes, ſept à huit de large ; ſur trois cens, neuf à dix ; & ſur quatre cens, dix à douze.

Allée en perſpective. C’eſt une Allée qui eſt plus large à ſon entrée qu’à ſon iſſue, pour faire paraître les parties fuyantes des côtés, & lui donner une apparence de longueur. Cette ſorte d’Allée eſt en uſage ſur les théâtres. Elle eſt auſſi en uſage dans les décorations des théâtres d’eau. Le théâtre d’eau de Verſailles eſt formé en Allée en perſpective.

Allée rampante. C’eſt une Allée qui a une pente ſenſible, mais qui ne doit pas excéder quatre à cinq pouces par toiſe ; car à ſix ou huit pouces les carroſſes n’y peuvent monter qu’avec peine.

Allée de traverſe. C’eſt une Allée qui coupe d’équerre une Allée de front.

Allée. Terme de Jardinage. C’eſt un chemin droit & parallèle, bordé d’arbres, d’arbriſſeaux ou de buis, & couvert ou découvert. (Voyez Allée de front pour les proportions de cette Allée.) Ce chemin eſt ordinairement accompagné aux deux côtés de deux petites Allées, qu’on nomme Contre-allées, dont la longueur & la largeur ſe règlent ſur l’Allée principale. Par exemple, l’Allée étant de quatre toiſes, on donne deux toiſes à chaque Contre-allée, & celle-ci doit en avoir trois il l’autre en a ſix, &c.

Il y a ſur le paralléliſme des Allées une queſtion aſſez curieuſe, à laquelle nous ne nous arrêterons pas, mais qu’il convient d’expoſer : C’eſt de ſçavoir comment on devrait planter les arbres d’une Allée pour ſauver l’apparence d’une réunion des arbres. Je m’explique. Lorſqu’on eſt à l’extrémité d’une longue Allée d’arbres plantés ſur deux lignes droites & parallèles, les arbres ſemblent s’approcher, & dès lors l’Allée ne paroît plus parallèle. Le même phénomène arrive ſi l’on eſt au bout d’un long coridor, dont les murs de côté, le plafond, ou le pavé ſont paralleles. Or on demande comment il faudroit planter les arbres pour ſauver cette apparence ; il eſt évident d’abord qu’il ne faudroit pas que les arbres fuſſent plantés ſur deux lignes parallèles. En ſecond lieu cela doit dépendre de la grandeur apparente de la diſtance des arbres, ou de l’angle viſuel, ſi la grandeur de l’objet dépend de là. Le P. Fabri, le P. Jaquet, & M. Varignon qui l’ont cru, ont démontré que les deux rangées d’arbres dévoient former deux demi-hyperboles. Ce dernier Mathématicien, examinant la choſe de plus près, a voulu enſuite, avec d’autres Phyſiciens, que la grandeur des objets ne dépendît pas ſeulement de la grandeur de l’angle viſuel, mais qu’il falloit encore y joindre la diſtance apparente des objets qui nous les font voir d’autant plus grands que nous les jugeons plus éloignés. Il a donc cherché à accommoder ſon problême à cette nouvelle hypothèſe ; & cela en a rendu la ſolution impoſſible. (Voyez l’Hiſtoire de l’Académie Royale des Sciences, 1718.) Or là-deſſus quelqu’un a trouvé qu’au lieu de chercher le paralléliſme des arbres, vûs à une certaine diſtance ſur une hypothèſe de la viſion, il falloit au contraire commencer à connoître l’hypothèſe en cherchant le paralléliſme. Cela eſt vrai en général. Il ſe préſente pourtant une grande difficulté : c’eſt que le paralléliſme ne ſera tel que pour des vûes parfaitement égales. Une perſonne qui aura la vûe courte ne découvrira pas le paralléliſme, par la raiſon que les objets lui paroîtront diminués à une certaine diſtance, tandis qu’ils ſeront vûs de la même grandeur à une vûe longue. Ce qui fait voir que la ſolution du problême eſt impoſſible. Ce ſeroit donc inutilement qu’on chercherait à donner aux Allées une autre forme, pour ſauver une apparence qui varie à chaque point de vûe, & qui eſt phyſiquement inévitable. Voici les diviſions de cet article, par ordre alphabétique.

Allée couverte. C’eſt une allée bordée de grands arbres, comme tilleuls, charmes, ormes, &c. qui par l’entrelacement de leurs branches donnent du couvert, & par conſéquent de la fraîcheur. Les allées couvertes doivent avoir moins de largeur que les autres, afin que les branches d’arbres ſe joignent plus aiſément & plus vite, & donnent ainſi plutôt de l’ombre. On appelle auſſi allée couverte celle qui eſt faite d’un berceau de treillage.

Allée de compartiment. Large ſentier, qui ſépare les carreaux d’un partere.

Allée découverte. Allée qui ſépare les quarrés des parterres par des bordures de buis & d’arbres verds, ou les boſquets d’un jardin par des paliſſades de haute futaye, & qui eſt le plus ſouvent accompagnée de contre-allées fort étroites, pour y avoir plus d’ombre.

Allée de gazon. Voyez Boulingrin.

Allée labourée et herſée. Allée qui eſt repaſſée par la herſe, & où les carroſſes peuvent paſſer.

Allée ſablée. Allée où il y a du ſable ſur la terre battue ou ſur une aire de recoupes, ordinairement de huit à neuf pouces d’épaiſſeur. Vitruve veut qu’avant de ſabler les allées, on vuide la terre bien profondément ; qu’on bâtiſſe des égoûts à droite & à gauche des deux côtés de l’allée ; qu’on y faſſe deſcendre des canaux remplis de charbon, & qu’on mette enſuite le ſable par deſſus (Vitr. liv. V. ch. X.). Cette maniere de ſabler les allées eſt aſſurément très-bonne, mais elle eſt auſſi très-diſpendieuſe. Voilà pourquoi dans les maiſons particulières on ſe contente de bien battre la terre, & de répandre du fable par deſſus. Les pluyes achèvent d’affermir ces allées, que l’on ne doit pas charger en hauteur de trop de ſable, pour qu’elles ne ſoient pas ſi long-tems à ſe battre ; ce qui les rendroit juſques alors laſſantes. Deux pouces de fable en hauteur ſont ſuffiſans. On tire le ſable de la terre ou des rivières ; celui-ci eſt le plus beau & le meilleur. Pour qu’il ſoit bon, il faut qu’il ſoit un peu graveleux, ſans être trop fin ni trop pierreux, mais ſur tout un peu peſant, afin que le vent ne l’enleve pas avec tant de facilité. On paſſe le ſable à la claye ou au gros ſas, pour en ôter tous les cailloux & le rendre plus beau.

Allée bien tirée. C’eſt celle que le Jardinier a nettoyée des méchantes herbes avec la charrue, & qu’il a enſuite repaſſée avec le râteau.

Allée en zigzag. Allée qui étant trop rampante & ſujette aux ravines, eſt traverſée d’eſpace en eſpace, ou de douze en douze pieds de plate-bandes de gazon, en maniere de chevrons briſés ou de zigzags de point de hongrie, & cela pour retenir le fable. Telle eſt l’allée qui eſt devant l’Orangerie de Meudon.

On appelle auſſi Allée en zigzag, celle qui dans un boſquet ou labyrinthe, eſt fermée par divers retours d’angle, pour la rendre plus ſolitaire & en cacher l’iſſue.

Allée d’eau. Chemin bordé de pluſieurs jets ou bouillons d’eau, ſur deux lignes parallèles, comme l’allée d’eau qui eſt dans le jardin de Verſailles, depuis la fontaine de la pyramide juſqu’à celle du dragon.

AMAIGRIR. Voyez Démaigrir.

AMASSER, v. act. terme d’Architecture hydraulique. Recueillir l’eau d’une ſource pour quelque beſoin qu’on en a. Il y a trois attentions à avoir dans cette opération : la premiere, eſt d’examiner ſi la ſource eſt découverte & peu profonde ; la ſeconde, ſi elle n’eſt point apparente, & la derniere, ſi elle eſt enfoncée dans des terres.

Lorſque la ſource eſt découverte, on creuſe pour l’Amaſſer un trou quarré, dont on tire les terres doucement, & qu’on ſoutient par des pierres. On creuſe enſuite dans l’endroit de l’écoulement une rigole dans les terres, ou une pierrée bâtie de rocailles ou pierres ſéches, qu’on couvre de terre à meſure qu’on marche.

Si la ſource n’eſt pas apparente, on fait pluſieurs puits éloignés de 30 ou 40 pas, & joints par des tranchées qui ramaient toutes les eaux.

Enfin, quand la ſource eſt enfoncée dans la terre, on creuſe juſqu’à l’eau un paſſage en forme de voûte par deſſous les terres, qu’on retient avec-des planches & des étreſillons. Ces voûtes & ces pierrées de communication ſe conduiſent dans une grande tranchée de recherche, dont les berges ſont coupées en talud des deux côtés, en pratiquant des rameaux à droite & à gauche, en forme de pattes d’oie, pour ramaſſer le plus d’eau qu’il eſt poſſible. Toutes ces pierrées, tranchées & rameaux ſe rendent par une petite pente douce, dans une ſeule & grande pierrée, qui porte l’eau dans le reſervoir. De cinquante en cinquante toiſes de ce reſervoir, on pratique après cela des puiſards ou puits maçonnés, pour ſçavoir ſi l’eau y coule & la quantité qu’on en reçoit. Dans ce dernier travail il ne faut pas oublier de marquer le chemin de l’eau par des bornes, afin d’avertir qu’on ne plante pas à cet endroit des arbres, dont les racines perceroient les tranchées, & feroient perdre les eaux.

AME, ſ. f. C’eſt l’ébauche d’une figure qui ſe fait ſur une armature de fer avec du mortier compoſé de chaux & de ciment, pour être couverte & terminée de ſtuc : on la nomme auſſi noyau.

AMOIZE, ſ. f. terme de Charpenterie. C’eſt une piéce de bois qui eſt interpoſée entre deux moizes, pour entretenir l’aſſemblage d’une forme de comble. Voyez encore Moize.

AMONT, ſ. m. Terme dont ſe ſervent dans leurs rapports les Experts en Architecture, pour exprimer une choſe au deſſus de celle dont ils traitent. Exemple. Si en parlant d’un mur à rez-de-chauſſée, il eſt néceſſaire de reprendre par ſous œuvre juſqu’à une certaine hauteur, ils diſent : lequel mur ſera repris par ſous œuvre ; & reconſtruit à neuf, avec moëlon piqué ; poſé de niveau & par arraze ; juſqu’où il pourra être recueilli ; & le ſurplus dudit mur en Amont, ſera crépi & enduit &c.

Amont. Terme d’Architecture hydraulique. On deſigne ainſi dans les ponts & chauſſées la plus grande élévation d’une choſe ſur une autre. Quand on dit, par exemple, que l’avant-bec d’une pile eſt l’avant-bec d’Amont ; cela veut dire qu’elle eſt au deſſus d’un pont, oppoſée au cours de la riviere ; & lorſque l’avant-bec regarde la rivière & la ſuit, qu’elle ſe trouve au deſſous du cours de la rivière, C’eſt un avant-bec d’Aval, qui eſt l’oppoſé d’Amont.

AMORTISSEMENT, ſ. m. C’eſt le nom qu’on donne à tout corps d’Architecture, ou ornement de Sculpture de pierre, de bois, de ſerrurerie, &c. qui s’élève en diminuant, pour terminer quelque décoration. Un amortiſſement tient ſouvent lieu de fronton. Quelquefois auſſi il le couronne & le décore. En un mot le terme Amortiſſement s’applique en général à tout groupe de figures, de trophées, de vaſes, & autres morceaux de Sculpture qui ſervent à couronner quelque partie ſupérieure d’une façade. Parmi le grand nombre de formes qu’on peut donner à un Amortiſſement, il en eſt deux qui doivent être regardées comme le modèle de toutes les autres. Les unes très-ſimples ne ſont compoſées que de contours, d’ornemens, qui ſervent à recevoir des cartels, dans leſquels on met ordinairement les armes du maître de la maiſon. Les Amortiſſemens compoſés ſont accompagnés de ſupports, de figures pictoreſques, de trophées, &c. (On trouve des modèles d’Amortiſſemens dans la décoration & diſtribution des Édifices de M. Jacq. Franç. Blondel, Tome II. Pages 33 & 34) mais la ſageſſe des formes doit préſider aux uns & aux autres. Il faut abſolument rejetter tous les ornemens frivoles qui ne forment que de petites parties, qu’on ne diſtingue que confuſément du lieu où les Amortiſſemens ſont viſibles. Ces couronnemens doivent être encore en proportion avec l’Architecture pour laquelle ils ſont deſtinés. Leur forme faiſant un enſemble avec l’édifice, doit être pyramidale. lorſque les Amortiſſemens ſont joints avec des frontons, ceux-ci doivent dominer, au lieu qu’étant ſeuls, les Amortiſſemens doivent commander les autres ouvrages de Sculpture. Enfin une derniere regle à obſerver ſur ces couronnemens, c’eſt de ne point affecter de faire entrer dans leur compoſition quelque membre d’Architecture ou d’ornement qui prenne naiſſance ſur le ſocle qui le reçoit, & qui paroiſſe lui ſervir de ſoutien.

AMPHIPROSTYLE, ſ. m. Ce mot compoſé de trois autres grecs, traduits ainſi, autour, devant, colonne, ſignifie un Proſtyle qui a deux faces pareilles, c’eſt-à-dire qui a un portail derrière, ſemblable à celui qui n’eſt que devant au Proſtyle. (Arch. de Vitruve, pag. 66. de la Traduction de M. Perrault.) Cette eſpéce de Temple a été particuliere aux Payens. Les Chrétiens n’ont jamais fait de portail au derrière de leurs Egliſes. (Voyez Temple.)

AMPHITHÉATRE, ſ. m. C’étoit chez les Anciens un Bâtiment ſpacieux, rond ou ovale, dont l’arène ou eſpace du milieu étoit entourée de pluſieurs rangs de ſiéges de pierre par degrés, avec des portiques tant au-dedans qu’au dehors. Selon le témoignage de Caſſiodore, ce Bâtiment étoit fait de deux théâtres conjoints. C’étoit une ſorte de ſalle de ſpectacle, où l’on voyoit le combat des Gladiateurs, & celui des bêtes féroces. Le premier qui parut, fut en bois. Statilius Taurus en fit conſtruire enſuite un de pierre dans le champ de Mars, ſous l’Empire d’Auguſte. Cet Amphithéâtre fut brûlé & rétabli ſous Néron. Veſpaſien en bâtit un plus grand & plus ſuperbe. Il fut ſouvent brûlé & relevé : mais de tous ces Amphithéâtres aucun n’eſt comparable à celui du Coliſée. Il pouvoit contenir quatre-vingt ſept mille ſpectateurs. Le fond ou l’enceinte la plus baſſe étoit ovale. Il y avoit au bout de cette enceinte des loges ou voûtes, qui renfermoient les bêtes deſtinées à combattre. Au-deſſous de ces loges appellées caveæ ; dont les portes étoient priſes dans un mur qui entouroit l’arene, on avoit pratiqué une avance en forme de quai, qu’on nommoit podium. Ce podium orné de baluſtrades & de colonnes, étoit une ſorte de longue tribune où ſe plaçoient les Sénateurs, les Magiſtrats, les Empereurs, & le Directeur du ſpectacle & des Veſtales. Cette tribune, quoiqu’élevée de douze à quinze pieds, étoit cependant garnie de rets, de treillis, de gros troncs de bois ronds & mobiles, qui tournoient verticalement, pour en interdire l’approche aux éléphans, lions, léopards, & autres bêtes féroces, qui ſe battoient, & qui malgré l’élévation de la tribune, auroient franchi ces obſtacles, ſi l’on n’eût pratiqué des foſſés tout autour de l’arène, pour les en écarter.

Au-deſſus du podium, il y avoit deux ſortes de gradins : les uns ſervoient pour s’aſſeoir ; les autres plus bas & plus étroits facilitoient l’entrée & la ſortie. des premiers. Ceux-ci ſervoient d’eſcalier & coupoient ceux-là de haut en bas. Cet arrangement formoit des eſpaces entre les précinſions & les eſcaliers, qu’on appelloit coins. Immédiatement au-deſſus du podium étoient des ſiéges occupés par les Chevaliers, qui alloient juſques à la première enceinte : ce qui compoſoit quatorze gradins. Enfin on avoit pratiqué autour de l’Amphithéâtre, deux ſortes de canaux, deſtinés les uns pour décharger les eaux de la pluye, les autres pour tranſmettre des liqueurs odoriférantes, comme une infuſion de vin & de ſafran. Le grand diametre de cette eſpéce de Bâtiment étoit au petit comme 1 ½ à 1.

Cet Amphithéâtre eſt entièrement détruit. Celui de Veſpaſien & celui de Trajan ont eu le même ſort ; & il ne reſte à Rome de ces Bâtimens, que la place qu’on nomme le Champ de Mars. On a pourtant encore quelques veſtiges d’Amphithéâtres dans différens endroits, comme à Albe, à Verone, à Capoue, à Pouzzol, au pied du Mont Caſſin, à Orticoli, à Hiſpella, à Pola, mais ſur-tout à Fréjus, à Saintes, à Autun, à Arles & à Niſmes. Ce dernier ſubſiſte preſque en entier. Il eſt d’Ordre Dorique à deux rangs de colonnes, ſans compter un Ordre plus petit qui le termine par le haut. (On trouvera les Deſſeins de la plûpart de ces Amphithéâtres, en l’état ou ils ſont actuellement, dans l’Antiquité expliquée du P. Montfaucon ; l’Eſſai hiſtorique d’Architecture de Fiſcher, l’Hiſtoire de Niſmes de M. Menard, &c.)

Nous avons dit que les Amphithéâtres étoient une ſorte de ſalle de ſpectacle ou l’on voyoit les combats des Gladiateurs & des bêtes féroces. Les Gladiateurs étoient des eſclaves nuds qui combattoient avec des épées. Celui qui remportoit la victoire, avoit pour récompenſe, ou de l’argent, ou une couronne de lentiſque, ou une palme entourée de branches de lauriers. Quelquefois on lui accordoit l’exemption de combattre. Quelquefois auſſi on lui donnoit un bonnet qui étoit la marque de la liberté. A l’égard des bêtes féroces, elles ſe battoient ou contre d’autres de la même eſpéce, ou de différente eſpece, ou enfin contre des hommes. Ces hommes étoient tantôt des criminels condamnés au ſupplice, tantôt des gens qui ſe louoient pour de l’argent, ou qui s’offroient par oſtentation d’adreſſe ou de force. lorſque c’étoit un criminel qui ſortoit triomphant, il étoit abſous.

C’étoit encore dans les Amphithéâtres que ſe faiſoient des jeux que nous ne détaillerons point ici, parce qu’il nous ſuffit pour remplir notre tâche, d’avoir fait connoître l’uſage de ces ſortes de Bâtimens. (Voyez Naumachie.)

Amphithéatre. C’eſt le nom qu’on donne aujourd’hui à la partie du fond de nos ſalles de ſpectacle oppoſée au théâtre, élevée à ſa hauteur & renfermant des banquettes parallèles & placées les unes devant les autres. On arrive à ces banquettes par une allée qui les ſépare, & qui diviſe l’Amphithéâtre en deux parties égales. En ſuppoſant la profondeur de tout l’Amphithéâtre de dix-huit pieds, les banquettes du fond doivent être plus élevées que celles de devant d’un pied & demi, afin que les ſpectateurs aſſis ſur celles-ci n’empêchent point les autres de voir.

Amphithéatre. C’eſt encore un lieu où ſont des gradins ou rangs de ſiéges élevés circulairement les uns au-demis des autres, ſur leſquels ſe placent des perſonnes qui veulent étudier en Anatomie. Le Démonſtrateur eſt placé au milieu, où il fait ſes opérations.

Amphithéatre de gazon. Terme de Jardinage. C’eſt le nom d’une terraſſe qui eſt fort élevée, & dont on deſcend par des rampes droites & circulaires, ſoutenues de gradins & taluts de forme différente. On ſe ſert de cette décoration de gazon pour donner de la régularité à une montagne qu’on n’a pas deſſein de couper. On orne ces Amphithéâtres de caiſſes d’ifs, de pots, de vaſes de fayence remplis d’arbriſſeaux & de fleurs de ſaiſon, ainſi que de figures ou ſtatues, & de fontaines.

ANCRE, ſ. f. Ce mot ſe dit par métaphore à l’Ancre des vaiſſeaux, d’une barre de fer en forme d’une S, d’un Y ou d’un T, ou toute autre figure coudée ou en bâton rompu, qu’on fait paſſer dans l’œil d’un tirant (voyez Tirant) pour empêcher les écartemens, la pouſſée des voûtes, ou pour entretenir les tuyaux des cheminées, qui s’élevent beaucoup.

ANGAR, ou mieux HANGAR, ſ. m. Ce mot tiré de Hangen, terme Allemand, ſignifie un Apentis. C’eſt un lieu couvert d’un demi-comble, qui, adoſſé contre un mur, porte ſur des pilliers de bois ou de pierre, d’eſpace en eſpace, pour ſervir de remiſe dans une baſſe-cour, de magaſin ou d’attelier pour travailler, & de bûcher dans les couvents ou hôpitaux. (V. Bucher.)

ANGLE, ſ. m. Les ouvriers appellent généralement ainſi tous les triangles ou piéces d’encoignure, qui ſervent dans les compartimens.

Ce terme eſt auſſi en uſage en Peinture & Sculpture pour des figures ou ornemens qui rempliſſent les tympans des arcades, & les pendentifs des dômes. C’eſt ainſi qu’on appelle Angles du Dominiquin, les quatre Évangéliſtes qu’il a peints dans les triangles ſphériques pendentifs du dôme de Saint-André della Valle à Rome.

Angle de paveur. C’eſt la jonction de deux revers de pavé, laquelle forme un ruiſſeau en ligne diagonale dans l’Angle rentrant d’une cour.

ANGLET, ſ. m. Petite cavité fouillée en angle droit, comme ſont celles qui ſéparent les boſſages ou pierres de refend, ou comme les traits de la gravure des inſcriptions dans la pierre & dans le marbre.

ANNELETS, ſ. m. pl. Ce ſont de petits liſtels ou filets qui ornent un chapiteau. Il y a trois de ces filets au chapiteau Dorique. On les nomme auſſi Armilles du latin Armillæ, un braſſelet.

ANNUSURE. Voyez Ennuſure.

ANSES DE PANIER, ſ. f. pl. Ornemens de Serrurerie, formés de deux enroulemens oppoſés, qui forment une Anſe de panier dont ils ont pris, le nom.

ANTES, ſ. m. pl. Du latin Ante, devant. Ce ſont les pilaſtres de l’Ordre Toſcan, ſelon Vitruve ; ce qui peut s’entendre dans tous les Ordres des pilaſtres d’encoignure, qu’on nomme auſſi pilaſtres corniers.

ANTICABINET, ſ. m. Grande piéce d’un Appartement entre le ſallon & le cabinet, appellée communément Salle d’aſſemblée. (Voyez Salle d’aſſemblée.)

ANTICHAMBRE, ſ. f. Grande piéce d’un Appartement (appellée Antithalamus par Vitruve) précédée par un veſtibule, & qui donne entrée à une autre piéce qu’on appelle deuxiéme Antichambre. La premiere Antichambre eſt deſtinée pour les domeſtiques. On y met ordinairement un poële, tant pour les chauffer pendant l’hyver, qu’afin de garantir toutes les piéces de l’appartement de l’air froid que donne l’ouverture continuelle des portes par leſquelles on paſſe pour arriver à l’appartement du Maître. Cette piéce ne comporte que des ornemens ſimples, mâles, & pour ainſi dire, ſans art. La ſymmétrie des croiſées, boiſages, &c. en fait ou en doit faire toute la beauté. Les glaces & les tableaux de prix ſont déplacés dans cette partie d’un appartement. Tout ce qu’on peut s’y permettre quelquefois, même aſſez heureuſement, c’eſt d’arrondir les angles. Cette forme produit ſouvent un effet agréable, par la diverſité qu’elle met ſur-tout entre la premiere & la ſeconde Antichambre.

C’eſt dans les ſecondes Antichambres qu’attendent les gens qui ont à parler au Maître. Ces ſortes de piéces ſervent auſſi quelquefois de ſalle à manger, ſouvent même de ſalle d’aſſemblée. Dans ce ſecond cas on décore ainſi ces piéces. On enchaſſe dans la Menuiſerie, ornée de Sculpture, des glaces & des tableaux. Au-deſſous des glaces on place des tables de marbre en conſole, qui ſervent d’entrepôts en même tems qu’elles concourent à la décoration. On met auſſi des tapiſſeries à la place de la Menuiſerie. Et ces tapiſſeries, qui doivent être belles, poſent ſur un lambris d’appui, qui, ſelon l’élévation des planchers, ſe tient de la hauteur des tablettes des cheminées.

A l’égard de la décoration des ſecondes Antichambres, qui ſervent de ſalle à manger, voici un modèle de décoration tiré de la derniere édition du Cours d’Architecture de d’Aviler, par M. Mariette. Après avoir indiqué la place d’un buffet dans un modéle d’Antichambre, qu’il décrit, l’Auteur ajoûte : « Ce buffet peut être incruſté de marbre ou de pierre de liais, ou lambriſſé de Menuiſerie. Il conſiſte dans un renfoncement qui occupe un des côtés de la chambre ; l’on y a placé une table de marbre ou de pierre, ſoutenue par des conſoles, au-deſſous de laquelle on peut pratiquer un petit baſſin de pierre, pour y mettre rafraîchir les bouteilles. Les deux côtés de la table ſont accompagnés de deux niches renfoncées & ornées d’attributs aquatiques, comme de tritons, dauphins, macarons de plomb doré, qui jettent de l’eau dans de petites cuvettes au-deſſous, d’où elle s’écoule dans les cours voiſines, auſſi-bien que celle du baſſin, qui eſt au-deſſous de la table. Le fond du buffet eſt orné d’un petit Attique avec conſoles, au-deſſus duquel on place un tableau qui repréſente ordinairement des fruits ou des fleurs, des concerts de muſique, ou d’autres ſujets agréables. Celui-ci (l’Editeur parle de celui qu’on voit dans la planche qu’il cite) repréſente ſur un fond de treillage enrichi de raiſins & d’oiſeaux, un buſte de Comus, Dieu des feſtins, couronné de fleurs & de pampres de vignes, par deux petits Satyres. »

ANTICOUR. Voyez Avant-cour.

ANTIQUE, adj. Epithéte qu’on donne à un Bâtiment qui a été élevé dans les beaux jours de la Grèce & de Rome, ceux où les Arts avoient été portés à leur perfection ; ſçavoir, depuis le ſiécle d’Alexandre le Grand juſques au règne de l’Empereur Phocas, vers l’an 600 de Jeſus-Chriſt, que l’Italie fut ravagée par les Goths & les Vandales.

On dit encore aujourd’hui Architecture Antique, Maniere Antique, quand on parle d’un ouvrage fait dans la correction & le bon goût de l’Antique. (Voyez encore Architecture.)

ANTIQUITÉS, ſ. f. pl. Ce mot ſe dit par rapport à l’Architecture autant des anciens Bâtimens qui ſervent encore à quelque uſage, comme les Temples des Payens, dont on a fait les Egliſes, que des fragmens de ceux qui ont été ruinés par le tems & par les Barbares, comme à Rome les reſtes du Palais Major ſur le mont Palatin ; ceux des Amphithéâtres à Arles, à Niſmes, &c. (Voyez l’Architecture hiſtorique de Fiſcher, l’Antiquité expliquée du P. Montfaucon, les Antiquités Romaines ; &c.) Ces Antiquités s’appellent en latin Rudera, à cauſe de leur difformité, qui les rend méconnoiſſables à ceux qui en ont lû la deſcription, ou vû les figures dans les Ouvrages que nous venons de citer.

ANTI-SALLE, ſ. f. Grande ſalle qui en précède une autre pour les cérémonies, comme on en voit dans les Bâtimens conſidérables, & principalement en Italie.

APPAREIL, ſ. m. C’eſt l’art de tracer les pierres, & de les bien placer & poſer. Ainſi l’on dit qu’un Bâtiment eſt d’un bel Appareil, quand il eſt conſtruit avec le ſoin & la propreté que demande cet art, comme le Portail du Louvre, par exemple.

Appareil. Ce terme a encore deux ſignifications : premièrement, il exprime une pierre tirée de la carriere ; & en ſecond lieu une pierre nette & taillée. Ainſi on taille dans les carrières des pierres de haut Appareil, & d’autres de bas Appareil, c’eſt-à-dire, d’une plus grande ou d’une moindre hauteur. Toutes les pierres de même lit doivent être de même Appareil. Le liais eſt une pierre de bas Appareil, & la pierre de S. Cloud eſt de haut Appareil.

APPAREILLEUR ou APAREILLEUR, ſ. m. C’eſt le nom du principal Ouvrier chargé de l’appareil des pierres pour la conſtruction d’un Bâtiment, c’eſt-a-dire, qui conduit les piéces de trait, & qui trace les pierres ſur le chantier, les épures par panneaux ou par équarriſſement, qui préſide à la poſe, au raccordement, &c. Un bon Appareilleur ſçait le Deſſein qui lui ſert à profiler & à former des contours élégans, gracieux & ſans jarrets. Il ſçait encore la Géométrie, qui le met en état de connoître la pouſſée des voûtes, le poids, la charge & le fruit qu’il convient de donner au mur.

APPARTEMENT ou APARTEMENT, ſ. m. Ce terme vient du mot latin partimentum, fait du verbe partiri, diviſer, ou bien du latin à parte manſionis, parce qu’il fait partie d’un bâtiment. Auſſi entend-on par Appartement une ſuite de piéces néceſſaires pour rendre une habitation complette. Il y a trois ſortes d’Appartemens, de grands, de moyens & de petits. Un grand Appartement eſt compoſé d’un veſtibule, d’une première anti-chambre, d’une ſeconde anti-chambre, d’une chambre principale, d’un ſallon ou cabinet de compagnie, d’une chambre à coucher, de pluſieurs cabinets, & de quelques garde-robes. Les Appartemens moyens n’ont pas tant de piéces, & les petits encore moins ; le tout ſuivant les uſages & l’état des perſonnes pour leſquelles ils ſont deſtinés. Mais les moindres Appartemens, pour être complets, doivent être compoſés de quatre piéces ; ſçavoir, une anti-chambre, une chambre, un cabinet & une garde-robe, qu’on dégage par un petit eſcalier. Toutes ces piéces ont une décoration particulière, que nous expoſons aux articles auxquels elle donne lieu. C’eſt donc aux mots Veſtibule, Anti-chambre, Chambre, Sallon, Chambre à coucher & Garde-robe, qu’il faut recourir, ſi l’on veut connoître la décoration générale d’un Appartement. Nous allons maintenant entrer dans le détail des uſages des Appartemens, en ſuivant l’ordre que preſcrit la dénomination qu’ils reçoivent de ces uſages.

Appartement de commodité. Appartement compoſé de piéces de moyenne grandeur & d’une moyenne hauteur, deſtiné particulièrement à l’uſage du maître de la maiſon. Il doit être contigu aux grands Appartemens, qui ordinairement élevés depuis dix-huit juſqu’à vingt ou vingt-deux pieds, donnent lieu aux entreſols, qu’on pratique au deſſus de la garde-robe de celui de commodité. La communication de cet Appartement aux grands eſt néceſſaire, afin que le maître puiſſe y paſſer ſans être vu des domeſtiques ou des perſonnes étrangères, qui pourraient l’attendre dans les premières anti-chambres. La ſituation d’un Appartement de commodité, eſt ce qui fixe preſque toute l’attention d’un Architecte. Il doit être commode, ſalubre & loin du bruit. A l’égard des piéces dont on forme cet Appartement, elles ſont à peu près les mêmes que celles d’un moyen Appartement, à moins qu’il ne ſoit deſtiné pour la Dame de la maiſon, auquel cas on augmente le nombre des garde-robes, & on pratique quelques cabinets de toilette.

Appartement d’été & Appartement d’hiver. Le premier eſt expoſé au nord, & le ſecond au midi.

Appartement de parade. Appartement qui comprend les grandes piéces du bel étage de la maiſon. Cet Appartement eſt ordinairement ſpacieux, expoſé au levant, & a la vûe ſur le jardin, s’il y en a un. L’enfilade de ſes piéces règne ou doit régner d’une extrêmité du bâtiment à l’autre ; de ſorte que l’Appartement de la droite & celui de la gauche s’alignent par l’axe de leurs portes & croiſées, & s’uniſſent ſymmétriquement avec la piéce du milieu ; ce qui ne compoſant alors qu’un tout ſans interruption avec le reſte de l’édifice, en annonce, au ſimple coup d’œil, la grandeur intérieure.

Appartement de plain-pied. C’eſt un Appartement dont le plancher des piéces qui le compoſent eſt de niveau, ſans reſſauts, ni ſeuils au deſſus du carreau ou parquet.

Appartement de ſociété. Appartement deſtiné à recevoir les amis de la maiſon, qui viennent ordinairement l’après-midi faire compagnie au Maître ou a la Maîtreſſe. Cet Appartement ſe réunit avec le grand ſallon du milieu de l’Appartement de parade, afin que dans des aſſemblées extraordinaires ils puiſſent ſeconder celui-ci, & étaler avec plus d’éclat la magnificence de l’édifice.

Appartement des bains. C’eſt une ſuite de piéces ordinairement au rez-de-chauſſée, qui comprend les ſalles, chambres, garde-robes, ſalles de bains & étuves, le tout décoré de marbre, de ſtuc, &c. & enrichi de peintures avec des compartimens de pavés fort riches, comme au Château de Verſailles & au Louvre à Paris, dans les lieux appellés les Bains de la Reine. Cet Appartement doit être toujours expoſé au nord. (V. encore Bains.)

APPENTIS, ſ. m. Mot tiré du latin Apendix, dépendance. C’eſt un demi-comble en maniere d’auvent, qui n’a qu’un égoût, comme on en voit qui ſervent de remiſe dans les baſſe-cours.

APPLANIR. Voyez Régaler.

APLOMB, ſ. m. Terme d’Ouvrier, qui ſignifie perpendiculaire ou vertical. En ſur-plomb, C’eſt n’être pas à plomb, & deverſer en dehors ou en dedans. Plomber, C’eſt vérifier ce qui eſt à plomb ; & Contre-plomber, c’eſt par une opération contraire s’aſſurer de ce qu’on a plombé.

APOPHYSE, Voyez Congé.

APOTHICAIRERIE, ſ. f. Mot dérivé du grec Apotheca, Boutique. C’eſt par rapport à l’Architecture, une ſalle dans une maiſon de Communauté ou dans un Hôpital, où l’on tient en ordre & avec décoration les médicamens. Celle de Lorette en Italie, ornée de vaſes du deſſein de Raphaël, eſt une des plus belles. Celle de Dreſde eſt auſſi très-fameuſe. On dit qu’il y a quatorze mille boîtes d’argent toutes pleines de drogues & de remèdes fort eſtimés.

APSIS ou Absis, ſ. m. Nom de la partie intérieure des anciennes Egliſes, où le Clergé étoit aſſis, & où l’Autel étoit placé : c’étoit le chœur de l’Egliſe. Il étoit bâti en figure hémiſphérique, & conſiſtoit en deux parties, l’Autel & le Preſbytere ou le Sanctuaire. Le Sanctuaire contenoit les ſtalles ou places du Clergé, au milieu duquel s’élevoit le ſiége de l’Evêque, ou dans la partie la plus éloignée de l’Autel, placé vers l’autre extrémité de la Nef. Il en étoit ſéparé par une grille ou baluſtrade à jour, & porté ſur une eſtrade. Au deſſus de l’Autel étoit le ciboire ou la coupe ſous une eſpéce de pavillon ou de dais. (Voyez les Mem. de Trévoux, Juillet, 1710. & les Mœurs des Chrétiens de M. Fleury. Tit. XXXV.).

APPUI, ſ. m. Ce terme a deux ſignifications dans l’art de bâtir. Il ſignifie d’abord le petit mur qui eſt élevé entre les deux piédroits d’une croiſée, & à une hauteur convenable pour s’y appuyer. Il eſt ordinairement recouvert d’une tablette de pierre dure, & il ſe nomme auſſi Accoudoir. On entend auſſi par le mot Appui, des piéces de pierre ou de bois qui ſont à hauteur d’Appui le long des rampes des eſcaliers, & qui ſont poſées au deſſus des baluſtrades : il y a des Appuis rampans & des Appuis droits quarrés.

Le mot Appui vient du latin Podium, qui, ſelon Vitruve, ſignifie Baluſtrade. Voici les définitions particulières de ce terme.

Appui alegé. Appui qui eſt diminué de la profondeur de l’embraſure, autant pour regarder plus facilement au dehors, que pour ſoulager le deſſous.

Appui continu. C’eſt une eſpéce de plinthe ſouvent orné de moulures & ravalé, qui ſert de tablette d’Appui aux croiſées d’une façade, comme on en voit à la plûpart des Palais de Rome.

Appui de Croiſée a jour, ou Appui de fer. Eſpéce de baluſtre ſans ſaillie ou avec peu de ſaillie, entre les deux tableaux d’une croiſée, pour voir plus facilement au dehors. On le fait d’un panneau d’entrelas ou compartiment de fer de carillon, avec friſes & feuillages, comme les balcons.

Appui de Puits, ou Devanture de Puits. C’eſt le mur circulaire qui eſt hors de terre, couvert de ſa mardelle, (Voyez Mardelle) avec ſaillie, en forme de plinthe. Les petits Appuis ſe font ordinairement d’une ſeule pierre, qui comprend la mardelle. On en fait auſſi de ſerrurerie à jour pour une plus grande propreté, ou pour gagner de la place. Il y a encore dans des endroits reſſerrés ou de ſujétion des puits ſans Appui, avec un couvercle de bois, percé de trous à fleur de pavé

Appui d’Eſcalier. Piéce de bois, de fer, ou de pierre, qui ſuit la rampe de l’eſcalier.

Appui en Piédeſtal. Appui qui eſt en maniere de piédeſtal double, pour porter le fond des ornemens d’une croiſée.

Appui évuidé. On doit entendre par ce mot non ſeulement les baluſtrades & les entrelas à jour de diverſes eſpéces, mais auſſi les Appuis où il y a ſous la tablette un grand abajour quarré, comme on en voit à Rome à pluſieurs Palais.

AQUEDUC, ſ. m. Mot dérivé de deux autres latins Aquæ ductus, conduite d’eau. C’eſt un canal fait par artifice en terre ou en un lieu élevé, pour conduire l’eau d’un lieu en un autre, ſelon ſon niveau de pente, nonobſtant l’inégalité du terrein. Les Romains ont fait les plus grands Aqueducs dont on ait connoiſſance. Le P. Montfaucon a donné dans ſon Antiquité expliquée, vol. IV, pl. 128. la deſcription de ces ouvrages hydrauliques. L’Aqueduc de l’Aqua Marcia tient dans ce volume un premier rang. Il étoit compoſé de trois différentes ſortes de pierres, l’une rougeâtre, l’autre brune & l’autre de couleur de terre. On voit en haut deux canaux, dont le plus élevé contenoit de l’eau nouvelle du Teveron, & celui du deſſous ſervoit à conduire de l’eau appellée Claudienne. Cet Edifice a ſoixante & dix pieds romains de hauteur.

A côté de cet Aqueduc, le P. Montfaucon expoſe la coupe d’un autre à trois canaux : le ſupérieur contenoit l’eau Julia ; celui du milieu, l’eau Tepula, & l’inférieur, l’eau Marcia. Ces Bâtimens, comme les Aqueducs de Druſus, de Rimini, de Carthage, ſont entièrement détruits. (Voyez les reſtes de quelques-uns de ces ouvrages dans les planches de l’Effai hiſtorique d’Architecture de Fiſcher). Celui dont il reſte plus de veſtiges, eſt l’Aqueduc de Metz. On voit encore un grand nombre de ſes arcades qui traverſoient la Moſelle, rivière grande & large en cet endroit. Les ſources abondantes de Gorze fourniſſoient l’eau à la Naumachie. (Voyez ce mot). Ces eaux s’aſſembloient dans un reſervoir ; de là elles étoient conduites par des canaux ſouterreins, faits de pierres de taille, & ſi ſpacieux qu’un homme y pouvoit marcher droit ; & elles paſſoient la Moſelle ſur ces hautes & ſuperbes arcades qu’on voit encore à deux lieues de Metz. De ces arcades d’autres Aqueducs conduiſoient les eaux aux bains & au lieu de la Naumachie.

L’Aqueduc de Ségovie eſt encore en meilleur état que celui de Metz. Il en reſte cent cinquante neuf arcades, toutes formées de grandes pierres ſans ciment. Les arcades avec le reſte de l’édifice ont cent pieds de haut. Il y a deux rangs d’arcades l’une ſur l’autre. L’Aqueduc traverſe la ville, & paſſe par deſſus la plus grande partie des maiſons qui ſont dans le fond. Enfin, pour terminer cette notice des ouvrages des Romains, diſons que Jules Frontin, Conſul qui avoit la direction des Aqueducs ſous l’Empereur Nerva, parle de neuf Aqueducs, qui avoient 13594 tuyaux d’un pouce de diametre. Par ce moyen il entroit, ſuivant Vigenere, dans l’eſpace de vingt-quatre heures plus de cinq cens mille muids d’eau dans Rome.

Nous n’élevons point aujourd’hui de bâtimens auſſi conſidérables que ceux des Romains ; mais nos monumens ne ſont ni moins utiles, ni moins admirables que les leurs. L’Aqueduc que Louis le Grand a fait bâtir proche Maintenon pour porter les eaux de la riviere de Bucq à Verſailles, eſt peut-être le plus grand Aqueduc qui ſoit à préſent dans l’univers. Il eſt de trente-cinq mille pieds de long, & a deux cens quarante-deux arcades. Les Aqueducs d’Arcueil & de Marly, quoique moins conſidérables, ſont encore dignes d’attention. Ces Bâtimens ſont conſtruits, comme preſque tous les autres de même eſpéce ; ſont conſtruits, dis-je, à travers les vallées & les fondrieres, & compoſés de trumeaux & d’arcades. Quand ces arcades n’ont qu’un rang, c’eſt un Aqueduc ſimple ; il eſt double ou triple lorſqu’il y a deux ou trois rangs. Tel eſt le pont du Gard en Languedoc, & l’Aqueduc de Belgrade à trois ou quatre lieues de Conſtantinople, qui fournit de l’eau à cette grande ville. Un Aqueduc eſt encore dit double ou triple, lorſqu’il a trois conduits ſur une même ligne, l’une au-deſſus de l’autre ; comme celui qui, ſelon Procope, fut bâti par Coſroès, Roi de Perſe, pour la ville de Petrée en Mingrelie, afin que le cours de l’eau ne fut pas ſi facilement coupé à cette ville en cas de ſiége.

Nous n’avons parlé juſqu’ici que des Aqueducs élevés. Ceux qu’on conſtruit en terre, ne ſont pas moins dignes de notre attention. La grandeur des Romains dans la conſtruction de ces Aqueducs ne ſe dément point ici. On compte parmi ſes merveilles les Cloaques de Rome, ou les Aqueducs ſoûterreins. Ils s’étendoient ſous toute la ville, & ſe ſubdiviſoient en pluſieurs branches, qui ſe déchargeoient dans la riviere. C’étoient de grandes & hautes voûtes bâties ſolidement, ſous leſquelles on alloit en bateau. Cela offroit un je ne ſçai quoi de grand & de merveilleux, qui faiſoit dire à Pline que la ville étoit ſuſpendue en l’air, & qu’on navigeoit ſous les maiſons. Auſſi penſoit-il que cet Aqueduc étoit le plus grand Ouvrage qu’on ait jamais entrepris. À côté de ces voûtes, chargées du pavé des rues, croient des paſſages où des charrettes remplies de foin pouvoient aller. Il y avoit d’eſpace en eſpace des trous par leſquels les immondices de la ville étoient précipitées dans l’Aqueduc. La quantité immenſe d’eau qui venoit des rues, y étoit auſſi déchargée. Des ruiſſeaux, qu’on y avoit détournés, rejettant promptement ces ordures dans la rivière, ne leur permettoient pas de croupir dans l’Aqueduc.

Nous ne nous arrêterons pas à apprécier la valeur intrinſeque de ce grand Ouvrage, & à comparer les frais immenſes qu’il a dû coûter, & le tems qu’on a employé à le conſtruire, avec les avantages dont il pouvoit être. Mais nous dirons un mot des Aqueducs ſoûterreins qui exiſtent actuellement, Si qui ſont des ouvrages de nos jours.

Ces Aqueducs ſont principalement ceux qui ſont conſtruits ſous le canal du Languedoc, & un ſous celui de Picardie, le premier, qui eſt celui de Meſuran, a cinq pieds de hauteur ſous clef. Il a le fond fait en voûte renverſée, pour empêcher que la vaſe ne s’y dépoſe, & qu’elle ne s’arrête dans le fond du puiſard. L’entrée de l’Aqueduc eſt élevée de ſix pieds au-deſſus du même fond, pour qu’il n’y ait que les eaux de ſuperficie qui puiſſent y paſſer ; & que trouvant cette entrée diſpoſée en penchant, elles ſe précipitent vers ſa ſortie, pour tomber dans un ſecond puiſard. M. Belidor a donné, dans, ſon Architecture Hydraulique, ſeconde partie, tom. II. liv. iv. ch. ix. la deſcription & le développement de ces Aqueducs dans de belles planches qui ſont abſolument néceſſaires pour détailler la conſtruction de ces ouvrages hydrauliques.

ARABESQUES ou MORESQUES, ſ. f. pl. C’eſt le nom qu’on donne à des rinceaux de feuillages imaginaires, dont on ſe ſert dans les friſes & panneaux d’onemens, & pour les parterres de buis. Ces mots viennent des Arabes, Mores & autres Mahométans, qui employent ces ornemens à la place de figures d’hommes & d’animaux, que leur Religion leur défend de repréſenter. On ne fait plus uſage de ces ornemens qu’en peinture, tels qu’on en voit au château de Meudon, à celui de Sceaux, de Chantilli, à la Ménagerie, à Trianon, &c.

ARASEMENT, ſ. m. C’eſt la derniere aſſiſe d’un mur, arrivé à hauteur de plinthe, de couronnement, &c. ou ceſſé à une certaine hauteur de niveau, à cauſe de l’hyver, ou pour quelqu’autre raiſon.

ARASER, v. act. C’eſt conduire de même hauteur une aſſiſe de Maçonnerie. On araſe de niveau lorſqu’on conduit horizontalement les aſſiſes. On dit auſſi qu’un lambris de pierre ou de marbre eſt araſé, lorſqu’il n’y a point de ſaillie, & qu’il eſt comme du parquet.

ARASES, ſ. m. pl. Ce ſont des pierres plus baſſes ou plus hautes que les autres cours d’aſſiſes, pour parvenir à une certaine hauteur, comme celles d’un cours de plinthe & de cymaiſe d’un entablement.

ARBALETRIERS, ſ. m. pl. Terme de Charpenterie. On nomme ainſi en général toutes les piéces de bois qui ſervent à ſoutenir & à contreventer les couvertures, & qui ſont ordinairement de ſept à huit pouces de gros ; mais particulièrement les petites forces d’un faux comble.

On appelle encore Arbaletriers deux piéces de bois qui portent en décharge ſur l’entrait, & s’amortoiſent à un poinçon. C’eſt ſur ces deux piéces qu’on poſe les potelets qui portent les courbes, & celles-ci les doſſes.

ARBRE, ſ. m. Principal ornement des jardins, qui ſert à former les allées & les boſquets, pour donner du frais & de l’ombre. Ses parties ſont la racine avec chevelu & pivot, la tige avec tronc & colet au bas, & le branchage ou tête garnie de ſes feuilles. Les Arbres ſe dreſſent en bouquets eſpacés à égale diſtance dans les allées, comme les ormes, maroniers, tilleuls, &c. ou ils ſe taillent en paliſſade avec le croiſſant, comme le charme, l’érable, le hêtre, & autres qui ſont garnis dès le pied. Ce n’eſt point ici le lieu de donner la maniere de planter & de cultiver les Arbres, pour leur faire produire le meilleur effet qu’on peut déſirer. C’eſt aux Traités d’Agriculture & de Jardinage, qu’un pareil détail appartient. (Voyez entr’autres la Théorie la Pratique du Jardinage, 3e. part. ch. 2. quatriéme édit.) Nous devons nous borner à faire connoître les eſpéces d’Arbres, en général, qui peuvent ſervir à la décoration des jardins. C’eſt à quoi nous allons ſatisfaire dans les articles ſuivans. Avertiſſons ſeulement ici, en faveur de la Charpenterie, que les Arbres qu’on appelle Arbres de brin ou Arbres de tige ſont les plus propres pour les ouvrages des Charpentiers.

Arbres de haute futaye. Grands Arbres de tige, qui forment les bois, les grandes allées, cours, avenues, &c. Voyez Bois de haute futaye.

Arbres en contr’eſpalier, ou Haye d’appui. Ce ſont des Arbres plantés près de l’eſpalier en lignes paralleles.

Arbres en eſpalier. Ce ſont des Arbres dont les branches ſont étendues & attachées contre les murs du jardin en façon de main ouverte. On les appelle alors taillés à plat. Il y a auſſi des Arbres en eſpalier en plein air, taillés à plat comme ci-devant, dont les branches ſont ſoutenues par des charniers ou échalas, en forme de raquette.

Arbres de plein vent, de haut vent, ou de tige. On appelle ainſi les Arbres fruitiers les plus hauts, dont on fait quelquefois des allées dans les vergers & dans les jardins de campagne. Ces Arbres ſont eſpacés de trois à quatre toiſes, ſelon leur grandeur, pour mieux recevoir la chaleur du ſoleil. Ils doivent avoir au moins ſept pieds de tige, pour paſſer deſſous facilement.

Arbres nains. Petits Arbres fruitiers en buiſſon & fort bas, dont on garnit les plates-bandes des jardins potagers, & qui doivent être éloignés les uns des autres d’environ deux toiſes.

Arbres verds. Ce ſont des Arbres qui conſervent leur verdure pendant l’hyver : tels ſont le houx, l’if, le laurier-thin, le laurier femelle, le buis, le laurier mâle, l’alaterne, le genevrier, le dirachante, le chêne verd, l’arbouſier, le troene verd d’Italie, &c. On taille ces Arbres en cône, en piramide, en boule, en bouquet, &c. pour orner les parterres.

ARBRISSEAUX ou ARBUSTES, ſ. m. pl. Ce ſont de petits arbres à fleurs, comme roſiers, roſiers dorés, lilas, jaſmins, ſeringa, chèvre-feuille, genets, liburnum, mézéréon, ſpinea, &c. qu’on taille à quatre ou cinq pieds de haut, & qui ſervent pour garnir les plates-bandes des parterres.

ARC ou ARCADE, Arc, ſ. m. ou arcade ſ. f. Nom général qu’on donne à toute fermeture ceintrée de voûte, de baye, de porte ou de croiſée. On s’en ſert dans les grands entrecolonnemens des bâtimens conſidérables, dans les portiques au-dedans & au-dehors des Temples, aux places publiques, aux cours des Palais, aux cloîtres, aux théâtres & aux amphithéâtres. On s’en ſert auſſi comme d’éperons & de contre-forts, pour ſoutenir de fortes murailles qui ont beaucoup de charge en terre, de même que pour la fondation des ponts, des aqueducs, des Arcs de triomphe, des portes, des fenêtres, &c.

Les Arcs ſont ſoutenus quelquefois par des piédroits ou piliers, impoſtes. (Voyez Pilier & Impoſte.) On en diſtingue de trois ſortes, de circulaires, d’elliptiques, & de droits. Les premiers ſont formés par des Arcs de cercle ; (voyez les articles ſuivans) les ſeconds par des demi-ellipſes ; ceux-ci ont communément une clef de voûte, & des impoſtes. Et les Arcs droits ſont ceux dont les côtés ſupérieurs & inférieurs ſont droits, comme ils ſont courbes dans les autres. On fait uſage de ces Arcs au-deſſus des fenêtres & des portes.

Il y a ſur ces Arcs une queſtion de Géométrie très-importante : c’eſt de déterminer quelle eſt la figure qui donne le plus de ſolidité aux Arcs. M. Gregori & Henri Wotton prétendent que les Arcs les plus forts ne ſont ni des Arcs de cercle, ni des portions d’ellipſe, mais une courbe que les Géomètres appellent Chaînette, (voyez le Dictionnaire univerſel de Mathématique, &c. article Chaînette) dont l’une des propriétés eſt telle qu’un nombre de ſpheres dont les centres ſont diſpoſés ſuivant ſa courbure, ſe ſoutiendront les unes les autres, & formeront un Arc. M. Gregori va même plus loin. Il veut que les Arcs qui ont une autre forme que cette courbe (la chaînette) ne ſe ſoutiennent qu’en vertu de la chaînette qui eſt dans leur épaiſſeur ; de ſorte que s’ils étoient infiniment minces, ils tomberaient d’eux-mêmes, au lieu que les Arcs en chaînette, quoiqu’infiniment minces, peuvent ſe ſoutenir, parce qu’aucun de ſes points ne tend en bas plus que l’autre. (Voyez un plus grand détail là-deſſus à l’article Voute.) Voici le nom & la définition des différentes ſortes d’Arcs.

Arc de cercle ralongé. C’eſt un Arc qui eſt fait d’une ligne elliptique, comme on le pratique aux rampes des eſcaliers.

Arc a l’envers. C’eſt, ſelon Leon Baptiſte Albert, (liv. 3. ch. v.) un Arc bandé en contre-bas, qui fait l’effet contraire de l’Arc en décharge (Voyez ce mot.) Il ſert dans les fondations pour entretenir les piles de Maçonnerie, & pour empêcher qu’elles taſſent dans un terrein de foible conſiſtance.

Arc biais ou de côté. C’eſt un Arc dont les piédroits ne ſont pas d’équerre par leur plan, comme on le pratique aux portes biaiſes.

Arc bombé. Arc dont le centre eſt deux fois plus bas que le triangle équilatéral, qui forme une eſpéce de cambrure, pour avoir plus de force que la plate-bande qu’on fait en ligne droite. Cet Arc ſe pratique à quelques fermetures de portes & de croiſées, & l’on en met quelquefois au-deſſus d’un archivolte.

Arc compoſé ou angulaire. C’eſt un Arc formé de deux Arcs diminués joints enſemble, & qui a dans ſa corde deux centres de deux lignes courbes, qui s’entrecoupent l’une & l’autre.

Arc de cloitre. Voyez Voute en Arc de cloitre.

Arc diminué. Arc qui eſt fait d’une portion de cercle de 60 degrés. On pratique cet Arc aux croiſées.

Arc doubleau. C’eſt un Arc qui excède le nud de la douelle (voyez ce mot) d’une voûte, & où l’on taille le plus ſouvent de la Sculpture par compartimens, comme à l’Egliſe du dedans de l’Hôtel Royal des Invalides, ou bien en maniere de friſe continue avec rinceaux de feuillages.

Arc doubleau a tiers-point ou Gothique. Nom d’un Arc formé de deux Arcs, qui font un angle aigu à leur point de réunion, qui eſt le ſommet de l’Arc. Il y a un grand nombre d’Arcs de cette eſpéce dans les Bâtimens Gothiques ; mais on n’en fait plus d’uſage, tant à cauſe de leur foibleſſe que du mauvais effet qu’ils produiſent.

Arc en anſe de panier. Arc qui eſt ſurbaiſſé, & par conſéquent plus plat qu’un Arc formé par une portion de cercle.

Arc en berceau. C’eſt une Continuité de voûte, galerie, aqueduc, &c.

Arc en décharge. Nom d’un Arc qu’on fait pour ſoulager une plate-bande ou poitrail, & dont les retombées portent ſur les ſommiers. (Pour l’intelligence de ceci, voyez Plate-bande, Poitrail, &c.)

Arc en talut. Arc qui eſt percé dans un mur en talut.

Arc parfait ou en plein ceintre. C’eſt un Arc formé par la demi-circonférence d’un cercle.

ARC DE TRIOMPHE, ſ. m. Grand portique ou édifice détaché à l’entrée des villes ou des paſſages publics, magnifiquement décoré d’Architecture & de Sculpture, avec des inſcriptions, élevé à l’honneur du vainqueur, à qui on a accordé le triomphe, ou en mémoire d’un événement important. Les plus fameux Arcs de triomphe qui reſtent de l’antiquité, ſont ceux de Titus, de Conſtantin ; de Caïus Marius & de Septime Sévere. Nous allons donner la deſcription de ces derniers, que le P. Montfaucon nous a conſervés dans ſon Antiquité expliquée, & elle ſuffira pour avoir une idée générale de ces anciens monumens.

L’Arc de triomphe élevé, à ce qu’on croit, à l’occaſion de la victoire de Caïus Marius & de Catulus ſur les Teutons, les Cimbres & les Ambrons, fait une des portes de la ville d’Orange. Cet Arc a environ onze toiſes de long ſur dix toiſes de hauteur en la partie la plus élevée. Il eſt compoſé de trois arcades profilées avec ſoin, & embellies en dedans de compartimens, de feuillages, de fleurons & de fruits. Sur l’arcade du milieu eſt une longue table d’attente, & la repréſentation d’une bataille de gens à pied & à cheval, les uns nuds, les autres armés & couverts. Il y a aux petites portes des côtés des quatre avenues, des amas de boucliers, de dagues, coutelas, pieux, trombes, heaumes & habits, avec quelques ſignes militaires relevés en boſſe. On y voit auſſi d’autres tables d’attente, avec des trophées d’actions navales, des éperons, des acroſtyles, des armes, des proues, des apluſtes, des rames & des tridents. Un ſoleil rayonnant, placé dans un petit Arc ſemé d’étoiles, eſt repréſenté ſur les trophées du côté du Levant. Au haut de l’Arc de triomphe, au-deſſus de la petite porte gauche du Septentrion, ſont des inſtrumens de ſacrifices. A la même hauteur, du côté du midi, paroît une demi-figure de vieille femme, entourée d’un grand voile comme l’Eternité. Enfin les friſes principales de ce bâtiment, ſont parſemées de ſoldats combattans à pied.

Il y a deux Arcs de triomphe de Sévere, un grand & un petit. Le grand eſt formé de trois arcades. Dans les bas reliefs qui ſont au-deſſus des petites arcades de côté, on voit Rome aſſiſe tenant en ſa main un globe, & relevant un Parthe ſuppliant. Des ſoldats ſuivent, dont les uns ménent un captif, les autres une captive les mains liées. Sur l’arcade du milieu eſt une femme qu’on prendroit volontiers pour une province. Des charriots charges de dépouilles, ceux-ci tirés par des chevaux, ceux-là par des bœufs, viennent enſuite. Septime Sévere, triomphant & accueilli du peuple avec les acclamations & les cérémonies ordinaires, paroît ſur un bas-relief auquel le dernier ſert comme de baſe.

Le petit Arc de triomphe de Sévere, qui eſt à Rome près de S. Georges in Velabro ; eſt encore plus remarquable par ſes différens morceaux d’Architecture, & ſes attributs. Sévere, voilé, eſt repréſenté ſur un des petits côtés de l’Arc, faiſant un ſacrifice, & verſant ſa patere ſur le foyer d’un trépied. A ſon côté eſt une femme voilée, avec un caducée, qu’on croit être la Paix. Au-deſſous de ce ſacrifice ſont des inſtrument ſacrés, comme le bâton augural, le préféricule, l’albogalerus, &c. Plus bas encore eſt l’immolation du taureau, ſaiſi par deux victimaires, & frappé par un troiſiéme. Le Tibicen joue des deux flûtes. Camille tient un petit coffre. Vient enſuite le Sacrificateur voilé, avec une patere. Sur la corniche, entre les chapiteaux, il y a deux hommes, dont l’un verſe de ſon vaſe dans le vaſe de l’autre. Deux autres plus près des chapiteaux tiennent l’un un préféricule, & l’autre un acerre. Plus bas ſont deux captifs les mains liées derrière le dos, & conduits par deux ſoldats. Il y a au-deſſous de ceci des trophées d’armes ; & enfin plus bas, un homme qui chaſſe des bœufs. (On trouvera la repréſentation d’autres Arcs de triomphe dans l’Eſſai hiſtorique d’Architecture de Fiſcher, parmi leſquels celui d’Auguſte, élevé au milieu d’un pont, fixe l’attention.)

Voilà les Arcs de triomphe des Anciens. Les Bâtimens qu’on décore aujourd’hui de ce nom, ne ſont ni ſi grands, ni ſi riches. Les plus conſidérables que nous ayons, & qu’on eſtime, ſont la porte de Peyro à Montpellier, les portes de Saint-Denis, Saint-Martin, & Saint-Antoine, à Paris.

Arc de triomphe d’eau. Morceau d’Architecture en maniere de portique de fer ou de bronze à jour, dont les nuds des pilaſtres, des faces & des autres parties renfermées par des ornemens, ſont garnis par des napes d’eau, lorſqu’on les fait jouer, comme, par exemple, celui de Verſailles, qui eſt du deſſein de M. Le Nautre.

ARCADE, ſ. f. Nom général qu’on donne à toute ouverture faite dans un mur, & formée par le haut en plein ceintre ou en demi-cercle. (Voyez Arc & Voute.)

Arcade. Terme de Jardinage. C’eſt une grande ouverture formée par une paliſſade, ceintrée par le haut, & qui peut être percée juſques en bas, ou être arrêtée par une banquette de charmilles. On ſe ſert de charmilles, de tilleuls, & même de grands arbres rapprochés pour former des Arcades. La proportion la plus convenable de leur hauteur, eſt deux fois ou deux fois & demi leur largeur. On donne aux trumeaux trois ou quatre pieds de large, & au-deſſus on élevé une corniche ou platebande de deux ou trois pieds de haut, taillée en chamfrain (voyez ce mot) & échappée de la charmille, avec des boules ou aigrettes fendues en forme de vaſe ſur chaque trumeau.

On tond ces Arcades quatre fois l’année, afin de leur conſerver la forme contrainte où on les tient. (On trouve dans la Théorie & Pratique du Jardinage, troiſiéme Part. ch. 3. la maniere de planter les Arcades.)

Arcade feinte. C’eſt un renfoncement ceintré de certaine profondeur, qui ſe fait dans un mur, ou pour répondre à une Arcade percée qui lui eſt oppoſée ou parallèle, ou ſeulement pour la décoration d’un mur orbe, comme à l’Orangerie de Chantilly, du côté du jardin.

ARCBOUTANT ou ARCBUTANT, ſ. m. C’eſt un arc ou portion d’un arc rampant, qui bute contre les reins d’une voûte pour en empêcher la pouſſée & l’écartement, comme aux Egliſes Gothiques.

Arcboutant. Terme de Charpenterie. C’eſt le nom de toute piéce de bois qui ſert à contenir les pointals des échafauts, les arbres des grues, engins & ſonnettes. On l’appelle auſſi contre-fiche.

Arcboutant. Terme de Serrurerie. C’eſt une barre de fer inclinée, ou une grande conſole avec enroulement, qui étant poſée au droit d’un pilaſtre ou d’un montant de Serrurerie, ſert à contre-venter une travée de grille.

ARCBOUTER ou CONTREBUTER, v. act. C’eſt contretenir la pouſſée d’un arc ou d’une platebande avec un pilier, un arcboutant ou une étaye.

ARCEAU, ſ. m. C’eſt la courbure du ceintre parfait d’une voûte, d’une croiſée, ou d’une porte ; ainſi cette courbure ne comprend qu’une partie du demi-cercle, ou un quart du cercle au plus.

Arceau. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt la voûte ou la petite arche d’un ponceau.

Arceaux. Ornemens de Sculpture en maniere de trefle.

ARCENAL ou ARCENAC, ou ARSENAL, ſ. m. Mot dérive du latin, Arx, Citadelle, ou de l’italien Arſenale. C’eſt un grand bâtiment où l’on tient magaſin d’armes & où on les fabrique. Dans l’Arcenal de Paris on fond le canon, & on fait les armes à feu : on lit ſur la porte de l’entrée cette belle inſcription attribuée au Poëte Bourbon :

Ætna hac Henrico Vulcania tela miniſtrat,
Tela Giganteos debelletura furores.

Cet Arſenal eſt repréſenté dans les Mémoires d’Artillerie de Surirey de Saint-Remi, tom. I. pag. 343. C’eſt un des beaux magaſins d’armes qui ſoient dans l’univers : ceux de Dreſde & de Berlin ſont auſſi très-eſtimés. Ce dernier l’emporte du côté des ornemens ; ce qui ne convient cependant pas trop à un bâtiment de cette nature : car en ordonnant un Arſenal, on doit tout ſacrifier à une diſpoſition avantageuſe des armes. Ordinairement le rez-de-chauſſée eſt formé en triple arcade, où l’on range commodément les canons & les mortiers, qu’on ſort & qu’on remet avec beaucoup d’aiſance. En Allemagne, le canon y eſt tout monté ſur ſon affut, au lieu qu’en Hollande & en France on n’y met que les affuts. Les canons & les mortiers de métal ſont rangés tout autour à découvert ſur des lits de bois, ou tout au plus ſur des arcades qui regnent autour de la cour. On trouve pluſieurs regles fort utiles touchant la conſtruction des Arſenaux dans l’Architecture de Goldman, Liv. IV. chap. XI. pag. 140. dans la maniere d’ordonner toutes ſortes de portes de villes, de ponts, d’Arſenaux, par Sturm pag. 24. & dans le ſecond Eſſai d’Architecture de M. Fauſch, Part. II.

Arſenal de Marine. Grand Bâtiment près d’un port de mer, où demeurent les Officiers de Marine & où l’on tient toutes les choſes néceſſaires pour conſtruire, équiper & armer les vaiſſeaux.

ARCHE, ſ. f. C’eſt l’eſpace qui eſt entre les piles d’un pont, & fermé par le haut d’une portion de cercle. On appelle maîtreſſe Arche celle du milieu d’un pont, parce qu’elle eſt plus large & plus haute que les autres, tant pour faciliter le paſſage des bateaux, que pour former une élévation au milieu qui donne une pente douce pour l’écoulement des eaux de pluye. L’Arche diffère de l’Arceau, en ce que celle-ci eſt extrêmement grande en comparaiſon de l’autre, qui n’a ordinairement que depuis trois pieds juſqu’à deux toiſes d’ouverture.

Les Arches reçoivent différentes dénominations ſuivant leur forme, comme on va voir.

Arche d’aſſemblage. C’eſt un ceintre d’aſſemblage, bombé & tracé d’une portion de cercle, pour faire un pont d’une Arche, comme on en voit dans Palladio, (Liv. III. chap. 8.) & comme il avoit été propoſé d’en faire un à Seve près Paris, par M. Perrault. (Voyez le Cours d’Architecture de M. Blondel, Liv. I. part. V.)

Arche elliptique. C’eſt une Arche dont le trait eſt une demi-ellipſe, comme les Arches du Pont-royal des Thuilleries, à Paris.

Arche en plein ceintre. Arche formée d’un demi-cercle, comme à quelques ponts antiques, & à la plûpart de ceux de Paris.

Arche en portion de cercle. Nom d’un Arche, dont le ceintre eſt moindre qu’un demi-cercle. On voit de pareilles Arches à la plûpart des ponts antiques, & à celui de Rialto à Veniſe, qui a d’ouverture d’arc, ou longueur de baſe, plus de trente deux toiſes.

Arche extradoſſée. Arche dont les vouſſoirs ſont égaux en longueur, & parallèles à la doüelle, & ne font point de liaiſon avec les aſſiſes des reins qui regnent preſque de niveau. La plûpart des ponts antiques ſont ainſi extradoſſés. Celui de Notre-Dame à Paris, le pont du Gard, celui d’Avignon, les arceaux & les arcades de Niſmes le ſont auſſi.

Arche ſurbaiſſée ou en anſe de panier. Arche qui eſt de la plus baſſe proportion, & qui a le moins de montée, comme au pont bâti ſur l’arêne à Piſe, qui n’a que trois Arches, dont la courbure eſt ſi peu ſenſible, qu’elle paraît une platebande bombée, quoique l’ouverture en ſoit fort large.

ARCHITECTE, ſ. m. C’eſt ainſi qu’on appelle une perſonne qui ſçait l’art de bâtir, qui donne le plan & les deſſeins d’un édifice, qui en conduit l’ouvrage, & qui commande aux Maçons & aux autres ouvriers qui travaillent conjointement avec eux. Il y a bien des connoiſſances à acquerir pour réunir toutes ces qualités. La Géométrie & le Deſſein ſont ſans contredit les principales. Les acceſſoires ſont la Coupe des pierres, la Perſpective, un peu de Phyſique, d’Hiſtoire & de Mythologie. Un Architecte doit encore ſçavoir en quoi conſiſte la bonté & le prix des différens matériaux, tels que le bois, la pierre, le marbre, l’ardoiſe, la chaux, &c. qui entrent dans la conſtruction d’un bâtiment, tant pour régler les mémoires des Maçons, que pour évaluer d’avance le coût d’une entrepriſe. (Voyez les articles Bois, Pierre, Marbre, Ardoiſe, Chaux, &c.) Parmi ces qualités, le goût dans l’invention tient ſans contredit le premier rang ; mais ceci ne s’acquiert pas tout à fait : le goût eſt preſque inné. On le développe par l’étude des beaux monumens & par leur imitation. Les grands modeles le forment, & l’effet qu’ils produiſent dans un homme qui refléchit, lui donne un je ne ſçai quel feu d’invention qu’il ne ſe connoiſſoit pas lui-même. D’un ſtupide on ne fait pas ordinairement un homme de génie, ainſi que d’un homme malfait on ne fera pas un bel homme ; cela eſt certain. Cependant, comme on peut redreſſer un corps mal bâti, lorſqu’on s’y prend à bonne heure, & qu’on empêche les difformités d’augmenter proportionnellement à l’âge, de même il eſt très-probable que les connoiſſances qu’on donnera à un eſprit qui paroît borné dans ſa naiſſance, produiront chez lui quelque fruit. A ces talens généraux & particuliers, Vitruve veut qu’un Architecte joigne un grand travail & un parfait deſintéreſſement. Mais ce ſont ici des qualités morales qui conviennent à tous les états & à toutes les profeſſions, & qu’on ne doit pas recommander à des gens habiles, dont la ſeule paſſion eſt l’amour de la gloire & du bien public. S’il ſe trouvoit cependant de ces hommes doubles, qui ont une eſpèce de goût machinal ſans les qualités du cœur, voici un avis de Vitruve qui pourra les faire connoître. « Ces gens-là mettent tous leurs ſoins à briguer de grands emplois, & moi, (C’eſt Vitruve qui parle) j’ai appris de mes Maîtres, qu’il faut qu’un Architecte attende qu’on le prie de prendre la conduite d’un ouvrage, & qu’il ne peut, ſans rougir, faire une demande qui le fait paroître intéreſſé, puiſqu’on ſçait qu’on ne ſollicite pas les gens pour leur faire du bien, mais pour en recevoir. Car que peut-on croire que penſe celui que l’on prie de donner ſon bien pour être employé à une grande dépenſe, ſinon que celui qui le demande eſpere d’y faire un grand profit, au préjudice de celui à qui il le demande. C’eſt pourquoi on prenoit garde autrefois avant que d’employer un Architecte, quelle étoit ſa naiſſance, & s’il avoit été honnêtement élevé ; & on ſe fioit davantage à celui dans lequel on reconnoissoit de la modestie, qu’a ceux qui vouloient paroitre fort capables. La coutume auſſi de ce temps-là étoit que les Architectes n’inſtruiſoient que leurs enfans & leurs parens, ou ceux qu’ils croyoient capables de grandes connoiſſances qui ſont requiſes à un Architecte, & de la fidélité deſquels ils pouvoient répondre ». (Archi. de Vitruve, Liv. VI. pag. 200.) Vitruve eſt le premier Architecte, & le premier qui ait écrit ſur l’Architecture. il vivoit dans le temps d’Auguſte, à qui il dédia ſon grand Ouvrage. Avant lui, on bâtiſſoit bien des maiſons, & cela ne pouvoit gueres ſe faire ſans Architectes ; mais dépourvus de principes & de régles, ces conducteurs de bâtimens n’étoient que des Maçons, & non des Architectes. Après Vitruve ſe ſont diſtingués Bramante (l’un des premiers Architectes Italiens), Serlio, Palladio, Vignole, Scamozzi, Manſard, &c. (Voyez les noms des plus célèbres Architectes dans la Table alphabétique du Cours d’Architecture de d’Aviler, édition de 1750.)

Le mot Architecte vient de deux mots grecs : Archos qui ſignifie Prince, Maître, & Tecton, Ouvrier.

ARCHITECTURE, ſ. f. L’Art de bâtir. Cette définition eſt peut-être trop générale. Pour la rapporter à notre objet, qui eſt l’Architecture civile, définiſſons l’Architecture, l’Art de conſtruire les. édifices d’habitation & de magnificence. Les premiers doivent être ſains par leur bonne ſituation & leur belle expoſition ; ſolides, par leur bonne conſtruction ; commodes, par la proportion, l’uſage & le dégagement des piéces qui les compoſent ; & agréables, par la ſymmétrie & le rapport des parties au tout, & du tout aux parties. A l’égard des habitations de magnificence, on doit les décorer conformément à leur uſage. (Voyez Décoration.) Nous traiterons deux de ces parties dans cet article, parce qu’elles lui conviennent particulierement ; ce ſont la ſituation & la beauté d’un édifice. Celles qui ont pour objet la ſolidité & la diſtribution, ou la commodité, font le ſujet de pluſieurs articles relatifs aux différentes parties d’un bâtiment, qui demandent, tant pour la ſolidité que pour la diſtribution, des attentions ſingulieres. (Voyez Fondement, Ais, Charpenterie, Voute, Plancher, &c. & Appartement.)

Le choix du lieu où l’on doit bâtir, lorſqu’on eſt maître de ce choix, doit être ſoumis aux régles ſuivantes. 1°. Quoique la proximité des rivières ſoit quelque choſe de très-agréable, cependant elles ſont ordinairement un mauvais voiſinage, à cauſe des inondations qui cauſent ſouvent de grands dommages, & qui détruiſent les fondemens d’un édifice. Il faut auſſi éviter les vallons où regnent continuellement des vents impétueux, qui ne changent preſque jamais, & qui par là deviennent très-incommodes. Les lieux marécageux, où croupit une eau corrompue, qui infeſte l’air, ſont des endroits encore plus dangereux que les vallons. Quoique charmans par leur beau point de vue, les ſommets des montagnes ne ſont pas des lieux propres à bâtir, parce qu’on n’y trouve ni eau, ni un bon terrein pour y faire des jardins qui réuniſſent l’agérable & l’utile. Mais un lieu où il y a de bonnes eaux, ou des moyens aiſés d’y en amener, où l’air circule continuellement, ſans y former un vent ſenſible dans les temps ordinaires, & où le terrein n’eſt ni pierreux, ni ſabloneux ; ce lieu, dis-je, eſt celui qu’on doit choiſir, & dans lequel on peut avec ſûreté élever un édifice. Les Anciens ne bâtiſſoient jamais dans tout autre endroit. Ils faiſoient plus encore : ils s’informoient ſi les hommes qui habitoient les contrées où ils vouloient bâtir, ſe portoient bien ; s’ils avoient bonne couleur ; s’ils n’étoient point ſujets à la goutte ou à la gravelle ; s’il y avoit beaucoup de vieillards parmi eux. Ils faiſoient même ouvrir des moutons & des bœufs, pour examiner leur foie & leurs entrailles, & juger par là du bon & du mauvais effet des pâturages.

Après le choix du lieu, on diſpoſe le bâtiment, & on en diſtribue les piéces de maniere qu’elles ſoient expoſées au vent qui peut leur convenir principalement. En général telle eſt la qualité des vents. Le vent du ſud eſt chaud & humide, celui du nord eſt ſec & froid, le vent d’eſt eſt chaud & ſec, & celui de l’oueſt eſt froid & humide ; & les vents intermédiaires, tels que le nord-eſt, ſud-eſt, participent des deux vents au milieu deſquels ils ſe trouvent. Ainſi les parties d’un bâtiment ouvert au nord-eſt ſeront toujours fraîches l’été. Celles qui ſeront expoſèes au ſud-eſt, ſeront chaudes l’hiver, & par conſéquent fort propres à faire des chambres à coucher d’hiver, des bains, des cuiſines & des écuries. Les parties d’un bâtiment ouvert au nord, ſe deſtineront à des galeries, des cabinets d’été, ſallons, ſalles à tableaux (parce que le ciel de ce côté eſt plus ſerein que dans aucune autre expoſition) des remiſes, par la même raiſon (à cauſe de la peinture & dorure des carroſſes) gardes-mangers, greniers & celliers, où toutes les choſes néceſſaires à la vie qu’on met dans cet endroit, ſe conſerveront long-temps à cette froide & ſeche expoſition. N’oublions pas d’avertir de placer auſſi au nord la biblioteque, puiſque ce vent froid & ſec détruit les inſectes qui rongent les livres ; & de faire enſorte que les cloaques & chauſſes d’aiſances ſoient encore expoſées à ce vent. Les bleds ſe conſerveront dans les lieux ouverts au nord-eſt. Le ſud-oueſt par ſa température, ni trop froide, ni trop chaude, donnera une chaleur tempérée aux chambres qui y ſeront ſituées. Enfin l’entrée du logis, lorſqu’il n’y aura rien qui la détermine, comme un beau point de vue, la ſituation du jardin, &c. ſera bien expoſée au nord-oueſt. Mais on aura attention ſur tout à n’ouvrir à l’oueſt aucune piéce d’un bâtiment, parce que c’eſt un vent tout à fait mal ſain.

2°. Le ſecond examen que nous devons faire, eſt celui de la beauté d’un édifice. Il s’agit maintenant de ſçavoir en quoi conſiſte cette beauté, quelles ſoit les régles & les principes qu’on doit obſerver pour qu’un bâtiment plaiſe, qu’il ſoit agréable à la vûe, en un mot qu’il ſoit beau. Vitruve, qui nous a tranſmis les travaux des premiers qui ſe ſont mêlés d’Architecture, dit que ces gens-là ne connoiſſoient point de regles ; que les proportions du corps d’un homme leur ſervoient pour des bâtimens auſquels ils vouloient donner un air mâle & ſolide, & que les proportions du corps d’une femme étoient le modele qu’ils pronoient pour donner de la délicateſſe à un édifice. Cela réuſſiſſoit tant bien que mal ; & cette idée générale de proportion étoit entièrement ſubordonnée au goût propre de l’Architecte. Auſſi Vitruve avoue que la beauté dont il s’agit ici, dépend de l’induſtrie de l’Architecte (Architecture de Vitruve, page 230.). Pendant long-temps cette maxime a paſſé pour conſtante ; & quoiqu’on eut établi des proportions, on convenoit que rien n’autoriſoit à les ſuivre. Cela étoit humiliant pour les Architectes. Ainſi le penſa M. Blondel, premier Profeſſeur d’Architecture, & bon Mathématicien. Il crut qu’un ſi bel Art étoit ſoumis à des régles, & qu’il ne s’agiſſoit que de les découvrir. Sur cette idée, il chercha dans les différentes proportions connues, telles que l’Arithmétique, la Géométrique, l’Harmonique, ſi aucune ne convenoit à l’Architecture, & il crut trouver que la proportion harmonique obſervée dans un édifice, pourroit ſeule le rendre beau. Ce n’étoit encore là qu’une conjecture, qui fut contredite dans toutes ſes parties.

M. Perrault, qui a traduit & commenté Vitruve, ne fut point du ſentiment de M. Blondel. Il diſtingua d’abord deux ſortes de proportions, les unes conſtantes, les autres de convention. Un édifice dans lequel la première proportion ne ſeroit point obſervée, bleſſeroit tous les yeux. Cette proportion eſt la ſymmétrie qui conſiſte dans le rapport que les parties ont enſemble, à cauſe de la parité & de l’égalité de leur nombre, de leur grandeur, de leur ſituation & de leur ordre. Comme toutes ces choſes ſont très-apparentes, on ne manque jamais d’en appercevoir les défauts, & de ſouhaiter par conſéquent que cette proportion ſoit obſervée.

M. Perrault appelle proportions de convention ou arbitraires, celles qui dépendent de la volonté qu’on a eue de donner une certaine proportion, une eſpece de figure ou de forme, aux choſes qui pourraient en avoir une autre ſans être difformes, & qui ne ſont point rendues agréables par aucune raiſon, mais ſeulement par l’habitude, & par une liaiſon que l’eſprit fait de deux choſes de différente nature. A ceux qui objecteraient que les proportions doivent être quelque choſe de naturel, puiſque tous les Architectes s’y aſſujettiſſent, M. Perrault répond, que les proportions n’ont été établies que par un conſentement des Architectes, qui ont imité les ouvrages des uns & des autres, & qui ont ſuivi les proportions que les premiers avoient choiſies, non-point comme ayant une beauté réelle, convaincante & néceſſaire, qui ſurpaſſe la beauté des autres proportions, mais ſeulement parce que ces proportions ſe trouvent en des ouvrages qui avoient d’ailleurs d’autres beautés réelles & convaincantes, telles que la matiere & la juſteſſe de l’exécution. (Voyez la Préface de l’Ordonnance des cinq eſpeces de colonnes, &c. par M. Perrault.)

Les Architectes auroient peut-être baiſſé la lance à cette déciſion, ſi un des leurs n’eut voulu les aſſervir à une eſpece de routine, en établiſſant les proportions par des raiſons. Cet Architecte eſt M. Briſeux, bien connu par deux ouvrages ſur l’Architecture. L’un de ces ouvrages intitulé, Traité du beau eſſentiel dans les Arts, appliqué particulierement à l’Architecture, eſt deſtiné à combattre M. Perrault, & à preſcrire des régles à la beauté d’un édifice. Ces régles ſont, ſelon M. Briſeux, les proportions harmoniques. Il prouve d’abord cette proportion, en faiſant remarquer que les plus beaux bâtimens ſont ceux où cette proportion eſt plus exactement obſervée. En ſecond lieu, il donne des raiſons phyſiques de l’effet agréable de cette proportion ſur l’organe de la vûe. Ces raiſons ſont, que toutes les ſenſations ſe font de même ſur les organes, & que ce qui plaît à l’oreille doit par conſéquent plaire à l’œil. Voilà une propoſition très-hardie, mais qui a beſoin d’être bien prouvée. C’eſt auſſi ce que fait M. Briſeux par le raiſonnement ſuivant. « Il eſt certain, dit-il, que l’ame étant unie à tous les organes de nos ſens, elle ne peut, ſur-tout quand ils ſont bien diſpoſés, être touchée que d’une façon uniforme par tous les objets commenſurables ; que ce qui lui plaît dans chacun de nos ſens, a toujours le même « principe, & que tout ce qui eſt oppoſé à ce principe lui répugne toujours par une ſeule & même cauſe primitive. » Ainſi quoique l’organe de la vûe ſoit affecté par des moyens différens de ceux qui ſervent à la ſenſation de l’ouie, l’ame, juge né de tous les ſens, étant avertie de l’impreſſion des objets viſibles, & de celle des ſons par les nerfs, elle juge de ces impreſſions par une loi égale & uniforme, qui devient pour elle une néceſſité indiſpenſable, & une eſpece de loi qui lui a été impoſée par la nature, qui ſous différentes formes eſt toujours la même, & ne ſe dément jamais ». (Voyez l’ouvrage ci-deſſus cité, pag. 45 & 46.) Après cela toutes les beautés muſicales doivent être les beautés viſuelles ; ce qui plaît à l’oreille, doit auſſi produire (ſi l’on en croit M. Briſeux) un effet agréable à la vue. Sans entrer dans une diſcuſſion métaphyſique là-deſſus, nous voudrions bien ſçavoir pourquoi cela n’arrive pas. C’eſt, répond M. Briſeux, « que la Muſique entre dans l’éducation, & par conſéquent le ſens de l’ouie prend peu à peu l’uſage de ſentir la douceur & la juſteſſe des harmonies » (page 48.). « L’Architecture, dit-il plus loin (page 49.) n’a pas le même avantage. Peu de perſonnes s’y exercent, & les édifices conſtruits ſuivant les proportions, ſont ſi rares, que l’œil manque preſque toujours des moyens néceſſaires pour ſe former à diſtinguer le beau de ce qui ne l’eſt pas ». Cela veut dire qu’on ne nous forme pas la vûe comme l’oreille, & que malheureuſement nous n’avons point de Maître de vûe, comme nous-avons de Maître de Muſique. C’eſt une choſe qui, quoique tout à fait neuve, n’eſt pas cependant tout à fait dépourvue de fondement. Pourquoi en effet ne pas apprendre à voir comme à entendre ? pourquoi ne pas format la vûe comme l’oreille ? Encore une fois, abandonnons cette diſcuſſion métaphyſique qui nous meneroit bien loin de notre ſujet, & revenons au principe de M. Briſeux, qui eſt, que l’ame étant unie à l’organe de nos ſens, elle ne peut être touchée que d’une façon uniforme : d’où il ſuit, ſelon cet Auteur, que ce qui affecte agréablement l’oreille doit plaire aux yeux. Nous-ne voulons pas diſputer ici avec cet habile Architecte ; mais nous oſons lui demander pourquoi toutes les ſenſations, tous les plaiſirs ne ſont point les mêmes, puiſque l’ame ne peut être touchée que d’une façon uniforme ? En ſecond lieu, nous croyons impoſſible qu’il puiſſe y avoir une analogie entre les impreſſions qui ſe font ſur l’organe de la vue, & celles qui ſe font ſur l’organe de l’ouie ; le premier étant compoſé de fibres flexibles, molles, humides, au lieu que l’organe de l’ouie eſt formé de membranes ſèches, dures, & de parties oſſeuſes. Auſſi M. de Mairan, après avoir examiné ces deux organes avec cette fugacité & cette fineſſe de vûe qui caractériſent ſes belles productions, M. de Mairan, dis-je, n’a pas cru qu’on pût faire aucune comparaiſon entre ces deux ſens. (Voyez les Mem. de l’Académie Royale des Sciences de 1737.) D’ailleurs il eſt démontré que la vûe veut du repos pour jouir d’un plaiſir, au lieu que ce n’eſt que dans le mouvement que l’oreille l’éprouve ; ce qui forme une oppoſition bien marquée entre les différentes manieres dont ces organes ſont affectés.

Nous pouvons donc conclure qu’il n’y a aucune raiſon pour que la proportion harmonique ſoit celle qu’on doive ſuivre dans l’Architecture. Il ſemble que les régles, s’il y en a de fixes, dépendent abſolument de l’Optique, c’eſt-à-dire de la maniere dont ſe fait la viſion. Un bâtiment ſera bien proportionné lorſque la vûe en ſaiſira ſans peine toutes les parties, & que les impreſſions ſur cet organe ne ſeront point diffuſes, & formeront, pour ainſi dire, un accord d’impreſſion. Si, par exemple, un édifice eſt trop large relativement à ſa hauteur, il eſt certain que la largeur fera une impreſſion ſur la vue, plus grande que celle qui proviendra de la hauteur. Dès lors on ne fera occupé que de cette largeur, & on ne ſaiſira point du même coup d’œil l’enſemble de l’édifice. Cet organe étant affecté différemment, éprouvera un certain embarras, une certaine diſſonance d’impreſſion, effet d’un objet deſagréable. M. Briſeux paroît entrer dans cette vûe lorſqu’il dit, « qu’il eſt certain que la proportion qu’on remarque entre deux objets étant le réſultat de la comparaiſon que l’on en fait, plus elle eſt aidée à faire, plus l’eſprit s’y délecte ; & par une oppoſition toute naturelle, tous nombres dont les rapports ſont difficiles à découvrir, jettent dans quelqu’embarras, & par conſéquent ne doivent pas être admis dans l’Architecture » (Traité du Beau eſſentiel, p. 39.). Mais quels ſont-ils, ces nombres ? Nous croyons que c’eſt encore une découverte à faire, & nous ne voyons pas que les recherches qu’on a faites ſur la beauté de l’Architecture dans un ouvrage moderne, ayent rien fixé à cet égard. Ce ſont toujours des idées vagues, générales & tout-à-fait arbitraires. (Voyez l’Architecture Françoiſe, tom. I. pag. 60.)

3. La néceſſité, mère de tous les arts, a donné naiſſance à l’Architecture. Vitruve nous a tranſmis la figure des premières habitations, & nous les avons décrites nous-mêmes dans un ouvrage trop analogue à celui-ci, & par la forme & par le fond, pour ne pas y renvoyer le lecteur. (Voyez le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, article Architect. Civile.)

Nous laiſſerons là les premiers progrès de cet Art, & nous nous arrêterons à ſon renouvellement, à la naiſſance de l’Architecture proprement dite.

Quoiqu’on attribue aux Egyptiens l’invention des premiers bâtimens ſymmétriques & proportionnés, nous regardons les Grecs comme les premiers Architectes, eux à qui l’on doit les premières proportions de l’Architecture. C’eſt du moins ce qu’on peut inférer des Ordres Dorique, Ionique, & Corinthien, que nous tenons d’eux. Les Romains ajoutèrent à ces Ordres le Toſcan & le compoſite, & cultivèrent l’Architecture avec tant d’ardeur, qu’elle parvint, ſous le règne d’Auguſte, à un aſſez haut degré de perfection. Elle fut négligée ſous Tibere, ſucceſſeur d’Auguſte, languit ſous Néron, & reprit vigueur ſous Trajan. Ce fut ſous ſon regne qu’Apollodore éleva cette fameuſe colonne, qui porte encore aujourd’hui dans Rome le nom de cet Empereur. L’Architecture fut encore protégée par Alexandre Severe. Mais la chûte de l’Empire d’Orient la plongea dans l’oubli dont elle ne put ſe relever qu’au bout de pluſieurs ſiécles. Pendant ces tems barbares, les Viſigots détruiſirent les plus beaux monumens de l’antiquité, & pour comble de calamité, le petit nombre de ceux qui la profeſſoient, négligerent abſolument toutes les régles dans la conſtruction des édifices. Cette nouvelle maniere de bâtir fut appelée Architecture Gothique. Elle ſubſiſta juſques à Charlemagne, qui entreprit de rétablir l’ancienne. Une ſi belle entrepriſe réveilla tous les amateurs des beaux Arts. Encouragés par Hugues Capet, qui avoit beaucoup de goût pour l’Architecture, les François s’y appliquerent, & y firent quelques progrès. Ces progrès acquirent de nouveaux accroiſſemens ſous le Roi Robert, fils & ſucceſſeur de Hugues Capet, digne héritier des inclinations heureuſes de ſon père. Ainſi l’Architecture changea de face, ſans acquérir néanmoins un degré aſſez marqué de perfection. Comme l’Architecture Gothique étoit peſante & groſſiere (voyez ci-après Architecture Gothique), par un excès contraire, l’Architecture Françoiſe devint trop légère, trop délicate & trop chargée d’ornemens, qui bien loin de décorer un édifice ne ſervoient qu’à y apporter de la confuſion. Enfin ce n’eſt gueres qu’aux deux derniers ſiécles, que les Architectes François & Italiens ont ouvert les yeux ſur ces défauts, & qu’ils ont reconnu que la ſimplicité & les ſages proportions de l’Architecture Antique conſtituoient la beauté d’un bâtiment.

Telle eſt l’hiſtoire abrégée de l’Architecture. Nous allons en donner encore quelques détails dans les articles compris ſous les dénominations particulières qu’on donne aux branches de l’Architecture générale. Avertirons auparavant qu’on trouve chez le Libraire qui vend cet ouvrage, les meilleurs Livres d’Architecture, pour nous diſpenſer de les faire connoître.

Architecture ancienne. C’eſt la Grecque moderne, qui diffère de l’Antique par les proportions peſantes de ſa conſtruction, & par le mauvais goût de ſes ornemens & profils. Outre ces défauts, les bâtimens conſtruits ſelon cette Architecture ſont mal éclairés, comme on peut le remarquer à l’Egliſe de Saint-Marc de Veniſe, & à Sainte-Sophie de Conſtantinople, bâtie par des Grecs & des Arméniens. Auſſi tire-t-elle ſon origine de l’Empire d’Orient, où l’on bâtit aujourd’hui de cette maniere, à en juger par la Solimanie, la Validée, & autres Moſquées conſtruites à Conſtantinople (On trouve la repréſentation de ces Bâtimens dans l’Architecture hiſtorique de Fiſcher.)

Architecture antique. C’eſt ici la plus belle Architecture, parce que dans aucune on ne trouve une ſi juſte harmonie de proportions, un ſi bon goût dans les profils, tant de richeſſe dans les ornemens, & une application ſi convenable, enfin cette grande maniere qui s’étend ſur le tout comme ſur les parties. Cette Architecture a été inventée par les Grecs, & elle a été perfectionnée par les Romains. Elle a ſubſiſté chez les Romains juſques à la décadence de leur Empire, & elle a ſuccédé chez nous à la Gothique depuis deux ſiécles.

Architecture de treillage. C’eſt une Architecture qu’on pratique dans les jardins, aux berceaux, portiques, cabinets de treillage, revêtemens de mur, &c. (Voyez ces mots.) Les ouvriers l’appellent Architecture de Saint Fiacre. Elle eſt établie ſur un bâtis de Serrurerie, qu’on nomme Carcaſſe. Cette carcaſſe eſt compoſée de barreaux montans, ou piliers de fer, qui portent de fond ſur des dés de pierre où ils ſont ſcellés & entretenus par des traverſes attachées avec des clavettes, & par-deſſus avec des barres & bandes de fer droites ou courbes, pour former des arcs ; le tout eſt recouvert par-devant de pilaſtres montans, panneaux, corniches, importes & autres ornemens d’Architecture à jour, faits d’échalats & bois de boiſſeau contourné. On met deſſus ces treillages des amortiſſemens, comme vaſes, corbeilles de fleurs, faits de ces mêmes bois avec ſculpture, & l’on en couvre les dômes de pluſieurs manieres, au milieu deſquels on met une lanterne. Enfin on peint le tout en verd à l’huile à trois couches.

Architecture en perſpective. Architecture dont les membres ſont de différens modules & de diverſes meſures, & qui diminuent à proportion de l’éloignement, pour faire paraître un lieu plus grand. Telle eſt en général l’Architecture qu’on pratique aux théâtres. Tel eſt encore l’eſcalier Pontifical du Vatican, bâti ſous le Pape Alexandre VII par le Cavalier Bernin.

On appelle auſſi Architecture en perſpective ; celle qui eſt un peu de bas-relief, & qui ſe pratique ou pour quelque raccordement, comme les deux petites arcades des aîles du veſtibule du Palais Farnèſe, raccordées avec celles de l’Ordre Dorique du portique de la cour, ou pour en faire un fond de quelque ſujet de Sculpture, comme les deux tribunes feintes de la Chapelle de Cornaro à l’Egliſe de Sainte-Marie de la Victoire à Rome.

Architecture feinte. C’eſt une Architecture, en peinture, qui fait paroître les ſaillies, mit en griſaille ou colorée de divers marbres & métaux, comme on le pratique en Italie aux façades des Palais, & particulièrement ſur la côte de Gênes. Telle eſt auſſi l’Architecture des Pavillons de Marli. On fait cette peinture à freſque ſur les murs enduits, & à l’huile ſur ceux de pierre.

On comprend auſſi ſous le nom d’Architecture feinte, les perſpectives peintes. contre les pignons des murs mitoyens, comme celle des Hôtels de Fieubet, de S. Pouanges, &c. peintes par M. Rouſſeau.

On appelle encore Architecture feinte, celle qui eſt établie ſur un bâti de charpente légère, & faite de toiles peintes ſur des chaſſis formés de tringles ; en-ſorte que les corps, colonnes, pilaſtres & autres ſaillies paroiſſent de relief. Les corniches ſont quelquefois même réelles, & on fait ordinairement les baſes, chapiteaux, maques, trophées, &c. de carton moulé. On conſtruit ſur un manequin d’oſier les figures qui accompagnent cette ſorte d’Architecture. On moule enſuite de plâtre les parties de ces figures, & on trempe leurs draperies de toile dans du plâtre clair. Enfin on peint le tout en couleur de divers marbres & métaux.

L’Architecture feinte ſert aux décorations des Théâtres, Arcs de triomphe, Entrées publiques, Feux d’artifice, Fêtes, Pompes funèbres, Catafalques, &c.

Architecture gothique. C’eſt une Architecture qui, quoiqu’éloignée des proportions antiques, & ſans correction de profils, ni bon goût dans ſes ornemens chimériques, a toutefois beaucoup de ſolidité & de merveilleux, à cauſe de l’artifice de ſon travail, comme on le peut aux Egliſes Métropolitaines & Cathédrales de Paris, de Reims, de Chartres, de Straſbourg, &c. Cette Architecture eſt originaire du Nord, d’où les Goths l’ont introduite premièrement en Allemagne, & enſuite dans les autres parties de l’Europe. Les ouvriers l’appellent Architecture moderne.

Architecture moreſque. Maniere de bâtir avec auſſi peu de deſſein que dans l’Architecture Gothique, à laquelle elle a quelque rapport par la délicateſſe de ſes portiques & galeries, mais dont les dehors ſont percés de petits jours, autant pour la fraîcheur que pour la ſûreté ; & les dedans au contraire fort ouverts & décorés de compartimens de carreaux de diverſes couleurs, avec des Moreſques & Arabeſques, C’eſt de cette Architecture qu’on a tiré les loges, balcons, perrons & autres parties ſaillantes au-delà des murs de face. Les plus beaux édifices de cette eſpece ſont les palais des Cherifs à Maroc en Afrique, & quelques-uns de Grenade en Eſpagne, que les Mores y ont bâti lorſqu’ils en étoient les maîtres.

ARCHITECTURE HYDRAULIQUE, ſ. f. L’art de bâtir dans l’eau, & d’en rendre l’uſage plus aiſé & plus commode. Elle a pour objet principal la conſtruction des ponts, chauffées, quais, digues, aqueducs, écluſes, moulins, &c. (Voyez Pont, Chauſſée, Quai, Digues, Aqueduc, Ecluſe, Moulin, &c.) On y traite encore du cours naturel & artificiel de l’eau, tant pour rendre les eaux navigables, que pour les conduire aux différens endroits où elles ſont néceſſaires. (V. Amaſſer, Ajutage, Canal.) MM. Belidor, (Architecture hydraulique, 4 vol. in-4o.) Gautier, (Traité des Ponts, Chauſſées, &c.) Leopold, (Theatrum Pontificale, & Theatrum machinale) Stevin, (Fortification par Ecluſes,) &c. ont écrit particulièrement ſur l’Architecture hydraulique.

ARCHITRAVE, f. m. C’eſt le nom de la principale poutre ou poitrail, qui porte horizontalement ſur des colonnes, & qui fait la première partie de l’entablement. Comme les Anciens donnoient peu d’eſpace à leur entre-colonnement, leur Architrave étoit d’une ſeule piéce qu’ils nommoient Sommier ; comme on le voit à la plupart des bâtimens antiques. Les Architectes modernes ayant mis en uſage les colonnes accouplées, ont donné plus d’eſpace à leur entablement ; ce qui les a obligé de faire l’Architrave de pluſieurs claveaux, tels qu’on le remarque au grand & petit entre-colonnement du périſtile du Louvre, au Val-de-Grace, aux Invalides, &c.

L’Architrave eſt différent ſuivant les Ordres. Au Toſcan, il n’a qu’une bande couronnée d’un filet. Il a deux faces aux Ordres Dorique & compoſite, & trois à l’Ionique & au Corinthien. Ce mot eſt compoſé de deux mots grecs Archos & Trabs ; dont le premier ſignifie principal, & le ſecond poutre. On nomme auſſi l’Architrave Epiſtyle, terme tiré du latin Epiſtilium, fait du grec Epi ſur, & Stylos colonne. On diſtingue deux ſortes d’Architraves, un coupé & l’autre mutilé, qu’on définit de la maniere ſuivante.

Architrave coupé. C’eſt celui qui eſt interrompu dans une décoration, pour faciliter l’exhauſſement des croiſées, l’entablement étant d’une grande hauteur, comme à l’Ordre Compoſite de la grande galerie du Louvre.

Architrave mutilé. On appelle ainſi un Architrave dont la ſaillie eſt retranchée, & qui eſt araſé avec la friſe, pour recevoir une inſcription, comme au Temple de la Concorde à Rome, & au Porche de la Sorbonne à Paris.

ARCHIVOLTE, ſ. m. Ce mot dérivé du latin arcus volutus, arc contourné, ſignifie un bandeau orné de moulures, qui régne à la tête des vouſſoirs d’une arcade, & qui porte ſur les impoſtes. Il a une ſimple face à l’Ordre Toſcan, deux faces couronnées au Dorique, & à l’Ionique, & les mêmes moulures que l’architrave dans le Corinthien & le Compoſite. On diſtingue deux ſortes d’Archivolte, un qu’on nomme Archivolte retourné, & l’autre Archivolte ruſtique. (Voyez les articles ſuivans.)

Archivolte retourné. C’eſt celui dont le bandeau ne finit pas, mais qui retournant ſur l’impoſte, ſe joint ſur un autre bandeau, comme on le voit aux Ecuries du Roi à Verſailles.

Archivolte ruſtique. On appelle ainſi un Archivolte, dont les moulures ſont interrompues par une clef & des boſſages ſimples & ruſtiques ; enſorte que de deux vouſſoirs l’un eſt en boſſage. (Voyez Boſſage.)

ARDOISE, ſ. f. Pierre d’un bleu noirâtre qui ſe débite par feuillets, pour ſervir à la couverture des bâtimens. Cette pierre ſe trouve à une grande profondeur dans la terre ; mais elle n’eſt ordinairement qu’une eſpece d’argille, & elle acquiert ſa dureté a l’expoſition de l’air. Ce n’eſt pas qu’en creuſant beaucoup on ne trouve quelquefois de l’Ardoiſe dure & ſéche. Elle eſt diſpoſée alors par bancs, dans leſquels il y a des fentes qui ſe trouvent ſi près les unes des autres, que les lames qu’elles forment ont très-peu d’épaiſſeur. C’eſt par ces fentes qu’on les diviſe lorſqu’on les deſtine à ſervir de couverture aux bâtimens.

Les Anciens ne connoiſſoient pas l’Ardoiſe, du moins ignoroient-ils l’uſage qu’on en pouvoit faire pour les couvertures ; car il paroît qu’on s’en ſervoit comme de moilons pour la conſtruction des murs. C’eſt ce que prouvent la plupart des murs d’Angers, qui ſont bâtis de blocs d’Ardoiſe. Il eſt vrai que cette pierre eſt ſi abondante aux environs de cette ville qu’elle a dû être préférée à toute autre. On trouve là les plus fameuſes carrières d’Ardoiſe, & c’eſt de la province d’Anjou que s’en fait le plus grand commerce pour ce royaume & pour les pays étrangers. On y diſtingue quatre eſpéces d’Ardoiſieres ou Pierrerieres. La première s’appelle la grande quarrée forte, dont le millier fait environ cinq toiſes ; la ſeconde la grande quarrée fine, dont le millier fait cinq toiſes & demie ; la troiſiéme la petite fine, dont le millier fait trois toiſes ; enfin on nomme la quatrième la Cartelle. On l’employé ſur les dômes. Le millier de cette Ardoiſe fait environ deux toiſes & demie. De ces différentes ſortes d’Ardoiſes ; la plus noire, la plus luiſante & la plus ferme eſt la meilleure.

On a découvert à quelques lieues de Charleville de l’Ardoiſe auſſi belle & auſſi bonne que celle d’Anjou, quoiqu’elle n’ait pas une couleur auſſi bleue & auſſi noire. Il y a encore des Ardoiſieres à Murat & à Prunet en Auvergne, auprès de la petite ville de Fumai en Flandre, à la côte de Gènes, & en Angleterre, d’Ardoiſe bleue & d’Ardoiſe griſe.

Suivant M. Du Vergy, qui a travaillé au Dictionnoire étymologique de la Langue françoiſe, les premières Ardoiſes ont été tirées du pays d’Ardes en Irlande, & c’eſt de ce pays, qu’on nomme en latin Ardeſia, que cette pierre fut tranſportée dans toute l’Europe. On diſtingue l’Ardoiſe de la maniere qui ſuit :

Ardoiſe cartelete. C’eſt le nom de la plus petite Ardoiſe, & qu’on taille quelque-fois pour les dômes, comme on en voit à celui de la Sorbonne.

Ardoiſe dure. Ardoiſe dont on fait des carreaux & des tables. On tire cette Ardoiſe des côtes de Gènes, & les Italiens s’en ſervent comme d’une planche ſur laquelle ils peignent.

Ardoiſe fine. On appelle ainſi une Ardoiſe qui eſt mince ; comme on donne le nom d’Ardoiſe forte à une Ardoiſe dont l’épaiſſeur eſt double de l’Ardoiſe fine.

Ardoiſe groſſe ou rouge, ou plûtôt rouſſe noire. C’eſt l’Ardoiſe la plus commune.

ARENE, ſ. f. Partie de l’amphithéâtre des Romains. C’étoit le champ du milieu, ſablé, où combattoient les Gladiateurs. Quelquefois le mot d’Arene ſe prend pour l’amphithéâtre entier. (Voyez Amphithéâtre.)

ARENER ou S’ARENER, v. act. C’eſt s’affaiſſer extraordinairement. Un bâtiment s’arene ou par ſa trop grande charge, ou par le défaut de conſtruction.

AREOSTYLE ou ARÆOSTYLE, ſ. m. Ce mot dérivé de deux autres mots grecs, araios rare, & ſtylos colonne, ſignifie, ſelon Vitruve, la plus grande diſtance qui peut être entre les colonnes ; ſçavoir, huit modules ou quatre diamètres.

AREOSYSTILE ou ARÆOSYSTILE, C’eſt, ſelon Vitruve, une diſpoſition de colonnes, dont les eſpaces ſont ſyſtiles & areoſtyles.

ARESTE, ſ. f. C’eſt l’angle vif d’une pierre, d’une piéce de bois, d’une barre de fer, &c. Ainſi on dit que du bois eſt à vive areſte, lorſqu’il eſt bien avivé. (Voyez Aviver.)

On appelle Voûte à areſte, lorſque les ſurfaces concaves d’une voûte, compoſée de pluſieurs portions de berceau, ſe rencontrent en angle ſaillant.

Areſte de lunette. C’eſt l’angle où une lunette ſe croiſe avec un berceau.

ARESTIER, ſ. m. Ou, ſelon les ouvriers, Ereſtier. C’eſt une piéce de bois délardée, qui forme l’areſte ou l’angle d’un comble en croupe ou en pavillon, & ſur laquelle ſont attachés les empanons. (Voyez Chevrons en croupe.)

Areſtier de plomb. C’eſt un bout de table de plomb au bas de l’Areſtier de la croupe d’un comble couvert d’Ardoiſe. Dans les grands bâtimens ſur les combles en dôme, ces Areſtiers revêtent toute l’encoignure, & ſont faits de diverſes figures ou en maniere de pilaſtre, comme au château de Clagny ; ou en maniere de chaîne de boſſages ou pierres de refend, comme on en voit aux gros pavillons du Louvre.

ARESTIERES, ſ. f. pl. Ce ſont les cueuillies de plâtre que les Couvreurs mettent aux angles de la croupe d’un comble couvert de tuile. On en met auſſi de plomb, mais elles doivent être au moins d’une ligne d’épaiſſeur.

ARMATURE, ſ. f. On entend par ce mot les barres, clefs, boulons, étriers & autres liens de fer qui ſervent à retenir un grand aſſemblage de charpente, & à fortifier une poutre éclatée. C’eſt ce qu’on appelle armer une poutre.

Armature. Les Italiens donnent ce nom à un ceintre de voute ou d’arcade.

ARMES ou ARMOIRIES, ſ. m. pl. Ornement de Sculpture qu’on met aux endroits les plus apparens d’un édifice, pour déſigner celui qui l’a fait bâtir. On diſtribue des piéces de blaſon dans divers membres, comme dans les métopes, clefs d’arcade, caiſſes de compartiment, de voûte, &c. pour y ſervir d’attributs.

ARMILLES. Voyez Annelets.

ARRACHEMENT, ſ. m. C’eſt une opération qui conſiſte à arracher des pierres, & à en laiſſer alternativement pour faire liaiſon avec un mur qu’on veut joindre à un autre.

On nomme auſſi Arrachemens, les premières retombées d’une voûte enclavées dans le mur.

ARRÊT, ſ. m. Terme de Jardinage. C’eſt un obſtacle que l’on met aux eaux pour les détourner & les faire couler. La Quintinie conſeille de faire d’eſpace en eſpace de petits Arrêts dans les allées, pour détourner les eaux des grandes pluyes dans les quarrés voiſins. On conſtruit ces Arrêts avec des ais mis en terre au travers des allées, & n’excédant que de deux ou trois pouces la ſuperficie de ces allées. Lorſque ces Arrêts ne ſuffiſent pas, on doit ménager une ſortie pour la décharge de ces eaux. Et dans le cas où le voiſinage ne permet pas cette ſortie, on doit faire un grand puiſard rempli de pierres ſéches, dans lequel toutes ces eaux viennent ſe perdre.

ARRÊTER, v. act. Ce mot s'entend de pluſieurs manieres dans l’art de bâtir. Arrêter une pierre, c’eſt l’aſſurer à demeure. Arrêter des ſolives, c’eſt en maçonner les ſolins. Arrêter de la Menuiſerie, c’eſt attacher des pattes & des crampons pour la retenir. Et Arrêter un arbuſte, une paliſſade de charmille, &c. c’eſt les tailler à une certaine hauteur.

Arrêter ſignifie encore ſceller en plâtre, en ciment, en plomb, &c.

ARRIERE-BEC D’UNE PILE. Terme des Ponts & Chauſſées. C’eſt la partie de la pile qui eſt ſous le pont du côté d’aval. (Voyez Amont.)

ARRIERE-BOUTIQUE. Voyez Magaſin de Marchands.

ARRIERE-CHOEUR. Voyez Choeur.

ARRIERE-CORPS. Voyez Avant-corps.

ARRIERE-COUR, ſ. f. C’eſt une petite cour, qui, dans un corps de Bâtiment, ſert à éclairer les moindres appartemens, garde-robes, eſcaliers de dégagement, &c. Vitruve appelle les Arrière-cours, Meſaulæ.

ARRIERE-VOUSSURE. C’eſt derrière le tableau d’une porte ou d’une croiſée, une voûte qui ſert pour en décharger la plate-bande ; couvrir l’embraſure & donner plus de jour.

Arriere-vouſſure de Marſeille. C’eſt une Arriere-vouſſure qui eſt ceintrée par-devant & bombée par derriere, & qui ſert pour faciliter l’ouverture des ventaux ceintrés d’une porte ronde. Elle eſt ainſi appellé, parce que la première de cette eſpece a été faite à une des portes de la ville de Marſeille.

Arriere-vouſſure de Montpellier. Arriere-vouſſure qui eſt droite par ſon profil.

Arriere-vouſſure de Saint Antoine. On donne ce nom à une Arriere-vouſſure qui eſt en plein ceintre par derrière, & bombée par ſon profil. Elle eſt ainſi appellée parce que celle de la porte S. Antoine à Paris, bâtie par Clément Metezeau, eſt la première en ce genre qui ait été faite.

ARROSAGE, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt l’art de conduire les eaux pour arroſer un terrein. On en doit les premières idées aux Egyptiens qui faiſoient des canaux pour répandre les eaux du Nil dans les endroits les plus éloignés. A cette fin, ils employoient deux moyens, celui des canaux, lorſque la pente du terrein pouvoit le permettre, & celui des machines pour élever les eaux dans les lieux plus élevés. On dit que ce fut pour faciliter cette opération qu’Archimede inventa la vis qui porte ſon nom, dans un voyage qu’il fit en Égypte. Les Italiens ont auſſi appris des Egyptiens à arroſer leurs campagnes, & ils ont été imités par les habitans du Dauphiné, de Provence & du Rouſſillon. (Voyez Canal.)

ARROSEMENT, ſ. m. Terme de Jardinage. C’eſt l’action d’arroſer. lorſqu’on a dans un jardin, la décharge de quelques fontaines, ou des fontaines conduites exprès, ou un canal voiſin, ou un petit réſervoir bien fourni & bien entretenu par des tuyaux & des cuvettes diſtribuées en pluſieurs quarrés, rien n’eſt plus aiſé à faire qu’un Arroſement. Mais ſi l’on n’a que des puits, il faut avoir recours à des machines. Quand le puits n’eſt pas profond, une roue, armée d’augets, ſuffit pour, apporter l’eau dans une grande auge de pierre. On ſe ſert ordinairement de pompes dans une grande profondeur, ou d’une eſpece de machine qu’on appelle Ouvrage à ſceaux. (Voyez ce terme.)

ARROSOIR, ſ. m. Terme de Jardinage. Vaſe de fer-blanc, de terre, & mieux encore de cuivre, dont on ſe ſert pour arroſer les arbres & les fleurs d’un jardin. Il contient environ un ſceau d’eau, & a la forme d’une cruche avec une anſe & un goulot qui ſe termine par une eſpéce de pomme, percée de pluſieurs trous, par où l’eau s’écoule & ſe diſtribue en pluſieurs menus filets & en forme de pluye.

Ce n’eſt pas là le ſeul modèle d’un Arroſoir. Il y en a un autre dont le fond eſt percé de pluſieurs trous, & dont la partie ſupérieure eſt un cou allongé au haut duquel eſt un petit trou. On emplit d’eau cet Arroſoir en l’enfonçant dans l’eau, ſans boucher le trou d’en haut. Lorſqu’il eſt plein, on bouche ce trou, & on le retire de l’eau, ſans craindre qu’il répande ; car ce trou étant bouché, le vuide que l’eau laiſſeroit après elle en tombant n’étant point rempli par l’air ſupérieur, eſt occupé néceſſairement par l’eau même ſur laquelle l’air agit alors par la partie inférieure de l’Arroſoir. Il eſt inutile de dire qu’il faut lever le pouce qui bouchoit le trou quand on veut arroſer ; c’eſt une conſéquence qui ſuit du raiſonnement précédent.

ASPECT, ſ. m. C’eſt le point de vûe d’un bâtiment, qui eſt beau lorſqu’il paroît d’une belle ordonnance à ceux qui le regardent à une diſtance convenable. On dit auſſi qu’un édifice eſt ſitué dans un bel Aſpect, lorſque du pied de l’édifice on découvre une vue riante & fertile, telle que celle du Château neuf de Saint-Germain en Laye, de Marly, de Meudon, &c.

ASSEMBLAGE, ſ. m. L’art de réunir les parties avec le tout, tant par rapport à la décoration extérieure qu’à l’intérieure. Cet art ſe manifeſte principalement dans l’Aſſemblage des Ordres. Lorſqu’on décore un grand édifice, on place des Ordres les uns ſur les autres, en obſervant que les Ordres les plus forts portent les plus foibles ; que ceux-ci ſoient toujours plus délicats que ceux-là. Ainſi il faut que l’Ordre Toſcan ſoit ſous l’Ordre Dorique, le Dorique ſous l’Ionique, l’Ionique ſous le Corinthien, & le Corinthien ſous le Compoſite ; enſorte que les axes des colonnes ſe rencontrent toujours en même aplomb. Si les colonnes ſont entièrement iſolées, & qu’elles ſoient chargées de tout le poids de l’entablement, Vitruve veut que celles du ſecond Ordre ſoient toujours un quart moindre en groſſeur que celles du premier, & celles du troiſiéme un quart moindre que celles du ſecond. Cette régle, quoique fondée ſur le principe ſi naturel que nous venons de preſcrire, eſt cependant blâmée par Scamozzi. Son ſentiment eſt que la groſſeur du pied de la colonne ſupérieure doit être la même que celle du haut de la colonne inférieure ; parce que, ſelon lui, la diminution des Ordres en montant devient alors plus naturelle. Serlio donne encore une autre régle : c’eſt que l’Ordre ſupérieur ſoit toujours les trois quarts de celui ſur lequel il po-ſe immédiatement, excepté aux édifices qui ont un ruſtique nud pour première ordonnance. Car les deux Ordres doivent être égaux dans ce cas, afin que les Ordres ſupérieurs ne paroiſſent pas trop petits, & que le ruſtique ne ſoit pas trop élevé à proportion du reſte. (Voyez Ouvrage ruſtique.)

Enfin M. Belidor, après avoir examiné avec ſoin ces différens ſentimens, a cru qu’on devoit préférer la régle de Scamozzi à toutes les autres, & voici ce qu’il preſcrit à cet égard, & ſur quoi il fonde ſa préférence. « Lorſqu’on voudra mettre deux Ordres l’un ſur l’autre, il faut, dit-il, après avoir déterminé la diminution de la colonne de l’Ordre inférieur, ſe ſervir du demi-diamètre du haut du fuſt pour le module qui doit régler l’ordonnance ſupérieure ; par exemple, voulant mettre le Corinthien ſur l’Ionique, ayant vu dans le troiſiéme chapitre (M. Belidor renvoye ici à la Science des Ingénieurs, liv. v. ch. 3.) que la colonne Ionique, ſelon Vignole, devoit diminuer par le haut de trois parties de chaque côté ; enſorte que le diamètre du ſommet du fuſt ſoit réduit à un module 12 parties, il faut faire une ligne égale à la moitié de cette quantité, c’eſt-à-dire qui vaille 15 parties, & s’en ſervir pour le module qui doit régler l’Ordre Corinthien, après toutefois qu’on l’aura diviſé en 18 parties égales, afin de ſe conformer aux meſures dont Vignole ſe ſert pour cet Ordre. De même voulant mettre un troiſiéme Ordre ſur les deux précédents, c’eſt-à-dire le compoſite ſur le Corinthien, l’on verra que la Corinthienne devant diminuer de façon que le diamètre qui eſt de 18 parties par le bas, ſoit réduit à 15 par le haut, on ſe ſervira encore de ce demi-diamètre réduit pour le module qui doit régler la troiſiéme ordonnance. » (Voyez la Science des Ingénieurs, liv. v. ch. 11.)

Cette régle de M. Belidor n’eſt pas aſſez générale pour qu’on doive toujours s’y conformer ; il y a bien des cas où il eſt permis de s’en écarter. M. Belidor explique ces cas, fait voir les modifications qu’on doit apporter à ſa régle, & juſtifie par-tout ſon choix pour Scamozzi. (Voyez l’ouvrage ci-devant cité, liv. v. pag. 62.) Nous applaudiſſons volontiers, (& nous croyons le faire avec juſtice) aux préceptes que preſcrit ce ſçavant homme (M. Belidor) pour l’Aſſemblage des Ordres. Mais nous aurions ſouhaité que ces préceptes fuſſent immédiatement déduits des régles de la perſpective ; ſcience qui, d’un point de vûe d’un bâtiment donné, peut ſeule déterminer les dimenſions que doivent avoir les Ordres pour que leur diminution en montant ſoit convenablement proportionnée (Voyez l’article Perſpective, dans le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, tom. II.). Peut-être auſſi y a-t-il ici un peu de l’arbitraire ; car, comme nous l’avons dit à l’article Architecture, la beauté eſſentielle de cet art n’eſt point déterminée. (Voyez cet article.)

Aſſemblage. Terme de Charpenterie & de Menuiſerie. C’eſt l’art d’aſſembler & de joindre pluſieurs morceaux de bois enſemble : ce qui ſe fait en différentes manieres. Nous allons expliquer ces manieres d’aſſembler, en commençant par la Charpenterie. Nous dirons auparavant qu’on trouve toutes les pratiques des Aſſemblages dans le Traité de la Charpenterie de Mathurin Jouſſe, & dans le Traité de la Charpenterie & des Bois de toute eſpéce, par M. Meſange. (Ces deux Ouvrages ſe trouvent chez Jombert.)

Aſſemblages en Charpenterie.

Aſſemblage a clef. C’eſt un Aſſemblage qu’on fait pour joindre deux plate-formes de comble, ou deux moiſes de fil de pieux, par une mortaiſe dans chaque piéce, pour recevoir un tenon à deux bouts, appellé clef.

Aſſemblage en cremaillere. Aſſemblage qu’on fait par entailles en maniere de dents de la demi-épaiſſeur du bois, qui s’encaſtrent les unes dans les autres pour joindre bout à bout deux piéces de bois, parce qu’une ſeule ne porte pas aſſez en longueur. Cet Aſſemblage eſt pour les grands entraits & tirants. (Voyez Entrait & Tirant.)

Aſſemblage en épi. Voyez Épi.

Aſſemblage en triangle. C’eſt un Aſſemblage néceſſaire pour entrer deux fortes piéces de bois à plomb. On le fait avec deux tenons triangulaires à bois de fil de pareille longueur, qui s’encaſtrent dans deux autres ſemblables, enſorte que les joints n’en paroiſſent qu’aux arêtes.

Aſſemblage par embrevement. Eſpéce d’entaille en maniere de hoche, qui reçoit le bout démaigri d’une piéce de bois ſans tenons ni mortaiſes. On fait cet Aſſemblage par deux tenons frottans, poſés en décharge dans leurs mortaiſes.

Aſſemblage par entaille. On fait cet Aſſemblage pour joindre bout à bout (ou en retour d’équerre) deux piéces de bois par deux entailles de leur demi-épaiſſeur, qui ſont enſuite retenues avec des chevilles ou liens de fer. On fait auſſi, pour le même Aſſemblage, des entailles à queue d’aronde ou en triangle à bois de fil.

Aſſemblage par tenon et mortaiſe. On fait cet Aſſemblage par une entaille appellée Mortaiſe, (voyez ce terme) laquelle a d’ouverture la largeur d’un tiers de la piéce de bois, pour recevoir l’about ou le tenon d’une autre piéce, taillé de juſte groſſeur pour la mortaiſe qu’il doit remplir, & dans laquelle il eſt enſuite retenu par une ou deux chevilles.

Aſſemblage a bouement. Cet Aſſemblage eſt le même que l’Aſſemblage quarré, avec cette ſeule différence que la moulure qu’il porte à ſon parement, eſt coupée en onglet. (Voyez ci-après Aſſemblage quarré.)

Aſſemblage a clef. Aſſemblage qu’on fait pour joindre deux ais dans un panneau par des clefs ou tenons perdus de bois de fil à mortaiſe à chaque côté, collés & chevillés.

Aſſemblage a queue d’aronde ou d’ironde. C’eſt un Aſſemblage à bois de fil par entaille, pour joindre deux ais bout à bout.

Aſſemblage a queue percée. On fait cet Aſſemblage par tenons à queue d’aronde, qui entrent dans des mortaiſes, pour aſſembler deux ais quarrément, & en rétour d’équerre.

Aſſemblage a queue perdue. Cet Aſſemblage ne diffère de la queue percée qu’en ce que ſes tenons ſont caches par un recouvrement à bois de fil & en onglet.

Aſſemblage en adent. Les Menuiſiers appellent cet Aſſemblage, Grain d’orge. Il ſert à joindre deux ais par leur épaiſſeur. On le fait par une languette triangulaire, qui entre dans une rainure en onglet. On ſe ſervoit autrefois de cet Aſſemblage pour joindre les petits ais de merrain (voyez Merrain) dont on plafonnoit les vieilles Egliſes.

Aſſemblage en fauſſe coupe. C’eſt un Aſſemblage qui étant en onglet & hors d’équerre, forme un angle obtus ou aigu.

Aſſemblage en onglet, ou plutôt en anglet. Aſſemblage qui ſe fait en diagonale ſur la largeur du bois, & qu’on retient par tenon & mortaiſe.

Aſſemblage quarré. C’eſt un Aſſemblage qu’on fait quarrément par entailles de la demi-épaiſſeur du bois, ou à tenon & mortaiſe.

ASSEOIR, v. act. C’eſt poſer de niveau & à demeure, les premieres pierres des fondations, le carreau, le pavé, &c.

ASSIETTE, ſ. f. Ce terme a deux ſignifications. D’abord on entend par là la poſition d’une choſe peſante ſur une autre pour la rendre ferme & ſolide ; comme lorſqu’on dit que le fondement doit avoir plus d’Aſſiette que le mur qu’on élevé deſſus. En ſecond lieu, le mot Aſſiette exprime encore la place & le terrein ſur lequel un bâtiment eſt conſtruit. Une maiſon eſt en belle Aſſiette pour la vûe, lorſqu’elle eſt à mi-côte.

ASSISE, ſ. f. C’eſt Ainſi qu’on déſigne en Maçonnerie un rang de pierres poſées de niveau ou en rampant, qui eſt continu ou interrompu par les ouvertures des portes & des croiſées. C’eſt ce que Vitruve nomme Corium.

Aſſiſe de parpain. C’eſt une Aſſiſe dont les pierres traverſent l’épaiſſeur du mur, comme les Aſſiſes qu’on met ſur les murs d’échiffre, les cloiſons & pans de bois au rez de chauſſée. (Voyez Echiffre.)

Aſſiſe de pierre dure. Aſſiſe qui ſe met ſur les fondemens d’un mur de Maçonnerie, où il n’en faut qu’une, deux ou trois, juſques à hauteur de retraite.

ASTRAGALE, ſ. m. Ce mot dérivé du grec Aſtragalos, l’os du talon, ſignifie une petite moulure ronde qui entoure le haut du fuſt d’une colonne. Quand cette moulure eſt ailleurs, & qu’on y taille des grains ronds ou oblongs comme des perles & des olives, on l’appelle Baguette. On unit l’Aſtragale avec le fuſt de la colonne par un congé, qui eſt un quart de cercle concave, accompagné d’un membre quarré, dont l’uſage eſt d’aſſurer, par ſes angles droits, la ſolidité, le tranſport et la poſe du chapiteau et de la colonne.

Aſtragale leſbien. Les Commentateurs de Vitruve ſont de différente opinion ſur le profil de cette moulure. Baldus croit que c’eſt un ove et Barbaro un cavet ; mais M. Perrault prétend, avec plus de raiſon, que c’eſt un petit talon. (Voyez ſes notes ſur Vitruve, liv. iv. ch. 6.)

ATLANTES, ſ. f. pl. On donne ce nom à des figures ou demi-figures humaines, qui tiennent lieu de colonnes ou de pilaſtres pour ſoutenir un entablement. (Voyez Cariatides.)

ATRE, ſ. m. C’eſt le ſol & le bas de la cheminée qui eſt entre les jambages, le contre-cœur & le foyer, & où l’on fait le feu. L’Atre ne doit point poſer ſur des poutres ou ſolives, quoiqu’avec recouvrement, ſuivant l’Ordonnance de Police du 16 Janvier 1671, qui ordonne même la démolition de ceux qui ſe trouveront conſtruits ainſi, pour être rétablis avec enchevetrures & barres de trémie, & chevilles de fer. Les dimenſions d’un Atre ſont de quatre pieds au moins d’ouverture & de trois de profondeur, depuis le mur juſques au chevêtre qui porte les ſolives.

ATTELIER, ſ. m. C’eſt en général le nom qu’on donne à un lieu où les Artiſtes travaillent. Quelques Auteurs écrivent Hatelier ; parce que les Ouvriers étant ſous les yeux du Maître, ſe hâtent à travailler.

Lorſqu’un homme eſt intelligent dans l’exécution de l’ouvrage, on dit qu’il entend l’Attelier.

Attelier public. Lieu où l’on travaille à tranſporter des terres, ou à conſtruire & réparer des murs, quais, chauſſées & autres ouvrages publics, autant pour l’utilité & l’embelliſſement d’une ville, que pour occuper pendant la paix les pauvres qui n’ont point d’emploi, comme il a été fixé à Paris pour élever & régaler une partie des remparts de cette ville, où l’on a planté des arbres. Le Pape Alexandre VII. ne fit bâtir pluſieurs édifices publics, que dans l’intention d’occuper la plupart des pauvres de l’Etat Eccléſiaſtique, & du tems même qu’on élevoit la colonnade de Saint Pierre du Vatican. C’eſt pourquoi il contraignit les vagabonds & gens ſans aveu, d’y travailler, ſous peine de banniſſement.

ATTENTE. Voyez Pierre & Table d’attente.

ATTICURGUE. Voyez Baſe & Porte Attique.

ATTIQUE, ſ. m. Etage peu élevé, qui termine la partie ſupérieure d’une façade. Cet étage eſt imité des bâtimens d’Athènes où il ne paroiſſoit point de toits, & c’eſt de là qu’il prend ſon nom Attique. On le décore d’un Ordre d’Architecture, qui n’a rien de commun avec la proportion des cinq eſpéces d’ordonnances Toſcane, Dorique, Ionique, Corinthienne & Compoſite, mais qui a cependant quelque-rapport avec le genre d’Architecture qui le reçoit : c’eſt-à-dire que chacun des cinq Ordres ayant ſa proportion particulière qui exprime le genre ruſtique, ſolide, moyen, délicat & compoſé, l’Ordre Attique doit emprunter de chacun de ces Ordres le caractère qui lui convient, ſelon qu’il eſt placé ſur l’un d’eux, & n’avoir avec cela que cinq diamètres au moins, ou ſix diamètres au plus. Au reſte, il doit être décoré conformément à la richeſſe de la façade du bâtiment.

Nous devons avertir que la proportion que nous venons de preſcrire à l’Ordre Attique n’eſt pas abſolument adoptée de tous les Architectes ; que les uns ne lui donnent que les deux tiers de l’Ordre qui le ſoutient ; les autres ne lui en donnent que la moitié, & toutes ces proportions varieront encore, tant qu’elles ne feront point déterminées par les régies de l’Optique, & d’un point de vûe donné.

Voici ce qu’on obſerve exactement dans un Attique. 1°. On n’employe jamais cet Ordre en colonne, étant trop raccourci pour ſupporter cet ornement : 2°. quand il ſe trouve des colonnes dans l’ordonnance d’un Bâtiment que l’on veut couronner d’un Attique, on recule ce dernier Ordre à plomb des pilaſtres de deſſous, & on place des figures ſur le devant, comme à Verſailles, à Saint-Cloud, à Clagny, &c. : 3°. les croiſées que l’on pratique dans cet étage, doivent être quarrées, ou avoir tout au plus de différence en largeur & en hauteur comme quatre à cinq : 4°. enfin les baluſtrades, qui couronnent cet étage, ſe reſſentent toujours de ſa proportion raccourcie, & ont un cinquième de moins en hauteur que celles qui terminent un Ordre régulier. On pratique ſouvent des Attiques ſans Ordre, ſans baluſtrades & ſans croiſées, pour y mettre des inſcriptions ; comme ceux de la Porte Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Bernard à Paris, & la plûpart des Fontaines publiques.

Attique circulaire. C’eſt un exhauſſement en forme de piédeſtal rond, ſouvent percé de petites croiſées, comme au dôme de l’Egliſe de Jeſus des Arcades à Rome, & de Saint-Louis des Invalides à Paris.

Attique continu. Attique qui environne un bâtiment ſans interruption, & qui ſuit les corps & les retours des pavillons, comme à l’Hôtel royal des Invalides, & dans la cour neuve du Palais à Paris.

Attique de cheminée. C’eſt le revêtement de plâtre, de bois ou de marbre, depuis le chambranle juſques à la première corniche, & qui fait la gorge droite.

Attique de comble. On donne ce nom à tout petit étage ou piédeſtal de Maçonnerie ou de bois revêtu de plomb, qui ſert de garde-fou à une terraſſe ou plateforme, ou belveder, comme à quelques Palais d’Italie, & aux combles en dôme du Louvre à Paris.

Attique de placard. C’eſt la gorge, le panneau & la corniche qui compoſent le deſſus d’un placard.

Attique interpoſé. Nom d’un Attique qui eſt ſitué entre deux grands étages, quelquefois décorés de colonnes ou de pilaſtres, comme à la grande galerie du Louvre.

ATTRIBUTS, Terme de décoration. Ce ſont des ſymboles qui caractériſent les figures, ſtatues & autres ornemens qui décorent un édifice. L’aigle & la foudre ſont les Attributs de Jupiter ; le trident celui de Neptune, & le caducée celui de Mercure. Le bandeau, l’arc, le carquois caractériſent l’Amour. Une balance & une épée déſignent la Juſtice. L’olivier marque la paix. Et la palme ou le laurier ſont les Attributs de la victoire.

AVAL, Voyez Amont.

AVANCE, ſ. f. Ce mot ſignifie non ſeulement tout ce qui eſt porté par encorbellement au-delà d’un mur de face, comme étoient autrefois certains pans de bois ſur les rues publiques, mais encore tout coude qui anticipe ſur quelque rue, & qu’on retranche pour l’élargir & la rendre d’alignement.

On appelle auſſi Avances les ſaillies ſur rue, qui excédent le nud d’un mur de face, comme ſont les pas des portes, balcons, bornes, barrières, appuis de boutique, auvents & leurs plafonds, appuis & cages de croiſés. Toutes ces Avances payent au Voyer 3 liv. 12 ſols pour la premiere poſe, & 1 liv. 17 ſols 6 den. pour le rétabliſſement. Mais les Avances, qui ſe conſtruiſent avec le corps du Bâtiment, comme ſont les plinthes, entablemens, pilaſtres, couronnemens & autres ornemens de Maçonnerie, ne doivent rien au Voyer lorſqu’ils n’excèdent point l’alignement qu’il a donné.

AVANT-BEC, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt la pointe d’une pile de pont en forme d’éperon, qui ſert pour le ſoutenir & pour fendre l’eau. Le deſſus de l’Avant-bec eſt recouvert de dalles en glacis.

Avant-bec. On nomme ainſi les deux éperons qui avancent au-devant de la pile d’un pont. Leur plan eſt le plus ſouvent un triangle équilatéral, comme aux ponts de Paris, ou un triangle rectangle comme au pont antique de Rimini en Italie. Quelquefois ces éperons ſont ronds, comme au pont Saint-Ange à Rome. Il s’en trouve auſſi où l’Avant-bec d’amont eſt aigu pour réſiſter au fil de l’eau, & celui d’aval rond, comme au pont de Pontoiſe.

AVANT-CORPS, ſ. m. C’eſt dans la décoration des édifices, une partie en ſaillie, comme un pilaſtre, un montant, &c. & au contraire l’arriere-corps eſt la partie reculée qui ſert de fond.

On appelle auſſi Avant-corps, en Serrurerie, tous les morceaux qui excédent le nud de l’ouvrage, & qui forment ſaillie ſur ce nud. Les moulures forment Avant-corps, mais les rinceaux & autres ornemens ne ſont pas compris ſous ce nom.

AVANT-COUR ou ANTI-COUR, ſ. f. C’eſt une cour qui précede la principale cour d’une maiſon, comme celle des Miniſtres à Verſailles, & la première cour du Palais-Royal. Ces Avant-cours ſervent quelquefois à communiquer dans les baſſes-cours des cuiſines & écuries, qui ſont ſouvent aux deux côtés.

AVANT-LOGIS, s.m. C’étoit chez les Anciens le corps-de-logis de devant. Il y en avoit cinq eſpéces : le Toſcan, qui n’avoit point de colonnes, mais ſeulement un auvent, qui entouroit ſa cour ; le Tetraſtyle, qui avoit quatre colonnes chargées de cet auvent ; le Corinthien, qui étoit décore d’un périſtyle de cet Ordre dans tout le circuit de la cour ; le Teſtitudiné dont les portiques, avec arcade, étoient couverts de voûtes d’arête, ainſi que l’étage de deſſus, & le découvert dont la cour n’avoit ni portique, ni périſtyle, ni auvent en ſaillie. (Voyez l’Architecture de Vitruve, liv. VI. ch. 3.)

Palladio, (liv. II. ch. 6.) rapporte l’Avant-logis Corinthien, qu’il a bâti à la Charité de Veniſe, pour des Chanoines réguliers, où il a imité la diſpoſition de celui des Romains dont parle Vitruve.

AVANT-PIEU, ſ. m. Terme d’Architect. Hydr. Bout de poutrelle, qu’on met ſur la couronne d’un pieu, pour le tenir à plomb quand on le bat à la ſonnette.

On nomme auſſi Avant-pieu, en Jardinage, une eſpéce de cheville de fer pointue, qui ſert à faire des trous, pour planter des jalons, des piquets & des échalats de treillage, particulierement quand la terre eſt trop ferme, & couverte d’une aire de recoupes.

AVANTURINE, ſ. f. Terme de décoration. Pierre précieuſe d’un rouge brun ou de couleur jaunâtre ou olivâtre, ſemée d’une infinité de petits points d’or très-brillans, dont on fait de petites colonnes pour les tabernacles, cabinets de marqueterie, &c. On la contrefait en verre en y mêlant de la limaille de cuivre, qui fait l’effet des grains d’or.

On trouve en Provence une eſpéce d’Avanturine qui, étant caſſée, fait un ſable doré, & dont on peut ſe ſervir pour ſabler des compartimens de jardin.

AUBE, ſ. f. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt une petite planche attachée aux coyaux ſur la jante de la roue d’une machine hydraulique, qui étant expoſée au courant de l’eau, par le choc qu’elle en reçoit, fait tourner la roue à laquelle elle eſt attachée. On juge bien que l’eau ne peut donner un mouvement de rotation que ſon impulſion ne ſoit répétée ſur un aſſez grand nombre d’Aubes. Il eſt donc néceſſaire que les Aubes ſoient en quantité à une roue : mais cette quantité n’eſt point arbitraire ; & pour s’en aſſurer, il ſuffit de conſidérer l’uſage ou l’effet des Aubes.

Quand une Aube eſt entièrement plongée dans un courant, & qu’elle eſt perpendiculaire au fil de l’eau, (ſituation la plus avantageuſe pour qu’elle reçoive de la part de l’eau la plus grande impulſion poſſible) il faut que l’Aube qui doit ſuivre ſoit alors à la ſurface de l’eau, & prête à la toucher ſeulement ; car ſi elle y plongeoit, elle déroberoit à l’Aube précédente une partie du courant dont elle reçoit l’impulſion. Paſſé ce point perpendiculaire, la première Aube ſe dérobe au choc de l’eau, lequel choc diminue toujours plus à meſure que l’Aube devient plus oblique au fil du courant. Alors il eſt néceſſaire qu’une nouvelle force vienne ſe joindre à la plus grande que la première Aube a reçue, & qui décroît, afin que la perte de cette plus grande force ſoit réparée, & que le mouvement de la roue ne ſe ralentiſſe pas.

De là il ſuit que la ſeconde Aube doit être entièrement ſur la ſurface de l’eau, quand la première y eſt perpendiculaire ; enſorte que les deux Aubes faſſent un angle droit : ce qui détermine la ſituation reſpective des Aubes, & par conſéquent leur nombre, qui dépend des dimenſions du rayon de la roue & de celles qu’on donne aux Aubes.

Pour rendre la choſe ſenſible, ſuppoſons que la hauteur des Aubes ſoit égale au rayon de la roue. Lorſque la première ſera verticale au courant de l’eau, le centre de la roue ou de l’arbre qui la porte, ſera donc alors à la ſurface de cette même eau. Ainſi l’Aube qui doit la ſuivre devant faire un angle droit avec la première, en fera donc éloignée de 90 degrés. D’où il ſuit que des Aubes auſſi larges que le rayon de la roue à laquelle elles ſont attachées, ne peuvent être qu’au nombre de quatre.

Ce nombre ſera plus grand ſi cette largeur diminue, parce que la première Aube ſera dans ce cas entièrement plongée dans l’eau avant que le centre de la roue qui la porte ſoit à la ſurface du courant. Ce ſera un autre point qui ſe trouvera alors à la ſurface, & c’eſt a ce point qu’il faudra placer la ſeconde Aube.

On doit conclure de là, que les Aubes ſe multiplient d’autant plus ſur une roue, qu’elles ſont moins larges. C’eſt ſur ce principe que M. Picot a calculé la Table ſuivante, où l’on voit le nombre des Aubes, relativement à leur largeur, exprimé par les parties du rayon de la roue où elles doivent être attachées.

TABLE du nombre des Aubes qu’on doit attacher à une roue, leur largeur étant donnée & exprimée en parties du rayon de la roue, qu’on ſuppoſe de 1000 parties.

Largeur
des Aubes.
Nombre
des Aubes.
1000

. . . . . . .

4
691

. . . . . . .

5
500

. . . . . . .

6
377

. . . . . . .

7
293

. . . . . . .

8
234

. . . . . . .

9
191

. . . . . . .

10
159

. . . . . . .

11
134

. . . . . . .

12
114

. . . . . . .

13
99

. . . . . . .

14
86

. . . . . . .

15
76

. . . . . . .

16
67

. . . . . . .

17
61

. . . . . . .

18
54

. . . . . . .

19
49

. . . . . . .

20

Après une pareille diſpoſition, on penſeroit volontiers qu’une roue doit être mûe avec la plus grande vîteſſe poſſible, & ſur-tout qu’elle doit l’être uniformément. La première queſtion, qui paroît réſolue par les ſituations reſpectives bien déterminées des Aubes, ne l’eſt cependant point du tout. A l’égard de la vîteſſe uniforme, il ſemble qu’elle doit avoir lieu, dès que la roue a acquis tout le mouvement d’accélération qu’elle peut recevoir. En effet, dès que la première Aube eſt plongée entierement dans l’eau, elle reçoit le plus grand choc qu’elle peut recevoir de la part du courant. Elle quitte alors cette ſituation avantageuſe ; & comme elle ſe dérobe à l’impulſion, cette impulſion devient toujours moindre, & cela en raiſon des ſinus des angles d’incidence. Mais ſi la première Aube n’a plus la même force pour faire tourner la roue, cette diminution eſt juſtement compenſée par la ſeconde Aube qui ſe plonge dans l’eau, & dont la force s’accélère juſques à ſa ſituation verticale, en même proportion que la force de la première Aube diminue. Cela eſt bien évident. L’angle d’incidence de l’eau ſur celle-là augmente, comme il diminue ſur celle-ci, & tout ſe trouve compenſé. Il y a plus : N’eſt-il pas démontré qu’une machine mûe par le choc d’un fluide, accélère ſa vîteſſe juſques a un certain point, paſſé lequel l’impulſion n’agit plus que pour conſerver cette même vîteſſe, qui devient alors uniforme ?

Nous pourrions entrer dans un examen plus rigoureux. Mais ce raiſonnement doit ſuffire pour perſuader les perſonnes qui ſont peu verſées dans les Mathématiques, & ſervir de guide à celles qui peuvent y appliquer des démonſtrations. Reprenons donc la première queſtion, c’eſt-à-dire celle qui regarde la ſituation la plus avantageuſe des Aubes pour que la vîteſſe de leur roue ſoit la plus grande qu’il ſoit poſſible.

On a déjà remarque que l’Aube ne reçoit la plus grande impulſion que quand elle eſt perpendiculaire au fil de l’eau. Ce point paſſé, l’effort qu’elle reçoit diminue, & l’Aube n’eſt plus ſituée avantageuſement. Or on a dit : N’y auroit-il point une ſituation telle que l’impulſion de l’eau ſur l’Aube fût toujours conſtante ? En négligeant l’avantage de la ſituation verticale, ne gagneroit-on pas en faiſant faire à l’Aube un angle moins grand que 90 degrés avec le courant, mais qui étant toujours le même produisît un effort conſtant ; enſorte que la ſomme des chocs ſur l’Aube, pendant ſon enfoncement dans l’eau, ſurpaſſât alors la ſomme des efforts dans cette autre ſituation de l’Aube, qui produiroit une impulſion perpendiculaire ? Ces queſtions ont fourni une obſervation utile : C’eſt que les aîles d’un moulin à vent ne ſont point ſituées perpendiculairement à la direction du courant de l’air, & qu’il eſt démontré que l’angle le plus avantageux qu’elles puiſſent faire avec cette direction, eſt de 54 degrés 44 minutes. Voici le même cas : Les Aubes ſont expoſées au choc de l’eau, comme les ailes d’un moulin le ſont à celui du vent. Elles doivent donc avoir la même ſituation que les aîles d’un moulin. Il y a plus : l’expérience a fait voir, indépendamment des démonſtrations, que le gouvernail d’un vaiſſeau produiſoit la plus grande force, lorſqu’il faiſoit avec la quille un angle de 54 degrés 44 minutes. Or rien ne peut mieux repréſenter une Aube que la partie du gouvernail qui eſt plongée dans l’eau. Donc les Aubes doivent faire avec le rayon de la roue le même angle que font les ailes du moulin avec le rayon de l’arbre auquel elles ſont attachées.

Avertiſſons, avant que de finir, que ces régles peuvent ſouffrir des exceptions, & que la théorie des Aubes n’eſt pas rigoureuſement démontrée ; & aſſurons que, comme dans la pratique on ne doit point aſpirer à ce haut degré de juſteſſe, on peut en faire uſage avec confiance.

Les perſonnes qui ſe piquent d’exactitude, pourront examiner la choſe dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, années 1715 & 1729. On trouvera encore des vues nouvelles ſur ce ſujet de M. l’Abbé de Valernod, de la Société Royale de Lyon, dans les Mémoires pour l’Hiſtoire des Sciences & des Beaux-Arts, années 1749, 1750, &c. articles de l’Aſſemblée publique de la Société Royale de Lyon.

AUBIER ou AUBOUR, ſ. m. Ce mot, tiré du latin Alburnum, blanc, ſignifie le blanc du bois de chêne. Il eſt très ſujet à être piqué par les vers : auſſi ne l’employe-t-on que ſous l’eau & en pieux.

AUBRON ou AUBERON, Terme de Serrurerie. Eſpece de cramponet à-peu-près en fer à cheval, qui entre dans la tête ou palâtre d’une ſerrure à pene en bord, & qui reçoit les penes & gachettes de ladite ſerrure. On rive ce cramponet ſur une plaque de fer de même largeur & longueur que la tête du palâtre de la ſerrure, & on l’attache au couvercle du coffre.

AUDITOIRE, ſ. m. Voyez Barre d’Audience.

AVENUE, ſ. f. Grande allée d’arbres accompagnée de contre-allées qui ont ordinairement la moitié de ſa largeur. (Voyez Allée.) On la plante de différens arbres, ſuivant les terreins. Pour les endroits aquatiques, ce ſont les arbres de bois blanc, tels que le peuplier, le tremble, le bouleau, qu’on doit choiſir ; au lieu qu’on doit préférer l’orme & le chêne dans la terre graſſe ; & dans les terreins ſablonneux, les châtaigniers, noyers & autres arbres fruitiers.

Les Avenues ſont ordinairement plantées à l’arrivée d’une ville ou d’un château, comme l’Avenue de Vincennes près Paris.

Avenue en perſpective. C’eſt une Avenue qui eſt plus large par un bout que par un autre, ou pour donner une apparence de longueur, ou pour paroître parallèle en regardant par l’extrémité la plus étroite. (Voyez Allée.)

AUGE, ſ. f. C’eſt une cuve de pierre qui ſe met dans une cuiſine près du lavoir, & qui ſert près d’une écurie pour abreuver les chevaux.

Les Maçons appellent auſſi Auge une eſpéce de cuve de bois dans laquelle ils gâchent le plâtre, & mettent le mortier que les Manœuvres ou les Aides-maçons leur portent.

Auge. Terme d’Architecture hydraulique. Sorte de machine qui ſert à l’épuiſement des eaux. C’eſt un canal de bois ſuſpendu ordinairement par ſon milieu ſur un axe, autour duquel il peut ſe mouvoir. Une partie de ce canal répond à l’eau qu’on veut épuiſer, & l’autre partie aboutit à l’endroit où l’eau doit ſe vuider. Pour faire mouvoir cette machine, deux hommes ſe mettent dans l’eau ; ſaiſiſſent deux eſpéces de mains de bois qui font partie de l’Auge, & la baiſſent pour la faire plonger. Alors cette partie de l’Auge, ſur laquelle ils agiſſent immédiatement, ſe remplit d’eau. On la releve enſuite afin que de là l’eau paſſant à la partie qui eſt hors de l’eau, aille ſe vuider dans l’endroit où cette même partie aboutit. (Voyez la deſcription & la figure de cette machine, dans l’Architecture hydraulique de M. Belidor, tom. I. pag. 381.)

AUGET, ſ. m. C’eſt un plaquis de plâtre qui ſe fait le long des lambourdes dans un plancher, pour les entretenir enſemble & les recouvrir d’un parquet de Menuiſerie ou de planches.

Auget. C’eſt une truellée de plâtre appliquée au droit du joint ou au joint montant, faite en maniere de coquille, dans laquelle on fait paſſer le coulis de plâtre ou de mortier pour entrer dans ces joints.

AUGMENTATIONS, ſ. f. pl. Ce ſont, dans l’art de bâtir, des ouvrages faits au-delà de la convention du marché, dont le mémoire ſe paye le plus ſouvent par eſtimation des Experts.

AVIVER, C’eſt en Charpenterie couper le bois à vive arête ou à angle vif. Et en Sculpture, C’eſt nettoyer, grater & polir quelque figure de métal pour la rendre plus propre à être dorée, ſoudée, &c.

AUTEL, ſ. m. Ce mot dérivé du latin Altare, qui vient d’Altus haut, ſignifie une table d’une ſeule pierre quarrée longue, ſur laquelle on ſacrifie à une Divinité. Chez les Payens c’étoit une eſpece de piédeſtal quarré, rond ou triangulaire, orné de Sculpture de bas-reliefs & d’inſcriptions, ſur lequel on brûloir des victimes qu’on ſacrifioit aux Idoles. Les Romains avoient deux ſortes d’Autels. Les uns deſtinés à l’honneur des Dieux céleſtes & ſupérieurs, étoient exhauſſés & poſés ſur quelque édifice relevé. Les autres, ſur leſquels on ſacrifioit aux Dieux terreſtres, étoient poſés immédiatement ſur la ſuperficie de la terre. A l’égard des Dieux infernaux, que les Romains reconnoiſſoient encore, on faiſoit un trou, en terre où l’on égorgeoit les victimes.

Dans le Chriſtianiſme on a auſſi des Autels. Ce ſont des tables quarrées conſacrées à Dieu, élevées & ornées pour célébrer la Meſſe. Dans la primitive Egliſe les Autels, ſans parure & ſans pompe, n’étoient que de bois, parce qu’à cauſe des perſécutions que les Chrétiens eurent à ſouffrir alors, ils étoient obligés de les tranſporter ſouvent d’un lieu à un autre, & de changer les lieux des aſſemblées & des ſacrifices. Aujourd’hui l’Autel eſt fixe. La table qui le forme eſt quelquefois ſoutenue par une ſeule colonne, comme on le voit aux Chapelles ſoûterraines de Sainte-Cecile à Rome. Quelquefois auſſi elle eſt ſoutenue par quatre colonnes, comme l’Autel de Saint-Sebaſtien in Crypta Arenaria. Mais la forme la plus ordinaire des Autels eſt un corps de Maçonnerie orné de Sculpture, & figuré en conſole : ce qui les rend ſemblables à des tombeaux. Ils ſont ou appuyés contre un mur, ou iſolés. Ceux-ci ont ou un contre-retable, comme à la plupart des Egliſes cathédrales, ou un double parement, comme à Saint-Germain des Prez à Paris.

On appelle auſſi Autel iſolé, un Autel qui eſt ſous un baldaquin, comme l’Autel de Saint-Pierre à Rome.

AUVENT, ſ. m. C’eſt une avance faite de planches pour couvrir la montre d’une boutique. Les Auvents ſont ordinairement droits : on en fait cependant de bombés, de ceintrés & d’autres figures.

AXE, ſ. m. Mot tiré du latin Axis, eſſieu. C’eſt un corps qui paſſe par le centre d’un corps rond & cylindrique, comme d’une boule, d’une colonne, &c.

Axe de la Volute Ionique. Voyez Cathete.
B


BAC, ſ. m. Terme de Jardinage. C’eſt le nom d’un petit baſſin quarré ou rond, placé d’eſpace en eſpace dans les quarrés d’un potager, muni d’un robinet, pour arroſer, comme il y en a à Verſailles, à Sceaux, &c. dans chaque petit jardin.

BACQUET, ſ. m. Vaiſſeau de bois rond, ovale ou quarré, d’environ un pied & demi de diametre, & plus ou moins profond, fait de pluſieurs piéces ou douves ſerrées par des cerceaux de fer ou de bois, & deſtiné à contenir de l’eau ou des matieres fluides. Les Maçons s’en ſervent pour tranſporter le mortier au pied de l’engin, d’où on l’éleve ſur les échafauts, & les Carriers pour tirer le moilon & autres pierres, qu’ils ne peuvent brider avec le cable.

BADIGEON, ſ. m. C’eſt un enduit jaunâtre qu’on fait avec de la pierre de Saint-Leu, réduite en poudre, dont le Maçons ſe ſervent pour diſtinguer les naiſſances d’avec les panneaux ſur les enduits & ravallemens. Les Sculpteurs en font auſſi uſage pour cacher les défauts des pierres coquillieres, & les faire paroître d’une même couleur.

BADIGEONNER, v. act. C’eſt colorer avec du badigeon. (Voyez ce mot.)

BAGUETTE, ſ. f. Petite moulure ronde, moindre qu’un aſtragale, ſur laquelle on taille quelquefois des ornemens, comme des rubans, des feuilles de chêne, des bouquets de laurier, &c.

BAHU, ſ. m. C’eſt le profil bombé du chaperon d’un mur, de l’appui d’un quai, d’une terraſſe ou d’un foſſé.

Bahu. On dit, en terme de Jardinage, qu’une plate-bande, qu’une planche, ou qu’une couche de terre eſt en Bahu, lorſqu’elle eſt bombée ſur ſa largeur pour faciliter l’écoulement des eaux, & mieux élever les fleurs. Les plate-bandes ſe font aujourd’hui en dos-d’âne, c’eſt-à-dire en glacis à deux égouts.

BAIGNOIRE, ſ. f. Cuve de cuivre rouge de quatre pieds & demi de longueur ſur deux & demi de largeur, & ſur vingt-ſix pouces de hauteur, arrondie à ſes angles, & qu’on met dans la ſalle des bains, pour s’y baigner. Cette cuve eſt étamée en dedans pour empêcher le verd-de-gris, & décorée au dehors de peintures à l’huile. A la partie ſupérieure de la Baignoire, à l’endroit où l’on s’aſſeoit, ſont des linges piqués, des oreillers qui rendent plus douce la ſituation dans laquelle on ſe trouve alors. Il y a à l’autre extrémité deux robinets à droite & à gauche, l’un pour donner de l’eau chaude amenée de l’étuve, & l’autre pour diſtribuer l’eau froide qui vient du réſervoir. Enfin une bonde eſt pratiquée au fond de la Baignoire, ou pour renouveller l’eau pendant le tems qu’on eſt dans le bain, ou pour la vuider tout-à-fait. Elle communique pour cela à un tuyau de décharge, qui l’expulſe dans les baſſes-cours ou dans des puiſards.

Les Baignoires ſe placent dans des niches faites exprès dans la ſalle des bains, (Voyez Bain) & elles ſont couvertes d’un baldaquin ou impériale décoré de mouſſeline, toile de coton, toile peinte ou Perſe, comme on en voit au château de Saint-Cloud, de Sceaux, &c.

BAIN ou BOUIN. t. ind. On dit maçonner à Bain ou à Bouin de mortier, lorſqu’on poſe les pierres, qu’on jette les moilons & qu’on aſſied les pavés en plein mortier.

BAlNS, ſ. m. pl. Nom qu’on donne à un appartement deſtiné à ſe baigner. Il eſt compoſé d’une anti-chambre où ſe tiennent les domeſtiques pendant que le Maître ou la Maîtreſſe ſont au Bain, d’une ſalle où eſt placée la baignoire dans une niche, qui eſt décorée d’une impériale, (voyez Baignoire) d’une chambre à lit, pour s’y coucher au ſortir du Bain, d’un cabinet de toilette, & d’une étuve, pour chauffer l’eau & ſécher les linges. Il doit y avoir auſſi un petit jardin particulier, attenant cet appartement, afin que les perſonnes qui prennent le Bain pour cauſe d’indiſpoſition, puiſſent y faire de l’exercice ſans être vûes. On décore les bains avec des lambris, des peintures, des dorures & des glaces. On pave de marbre l’endroit où eſt la baignoire, & on lambriſſe le reſte du mur avec des carreaux de fayence. On peint ordinairement le plafond ſur un fond blanc ; & cette peinture comporte toutes les compoſitions groteſques, tels que les ornemens Arabeſques, les plantes Chinoiſes, les Magots, &c.

Ce ſont ici des Bains particuliers : il y en a auſſi de publics ; mais ces ſortes d’endroits ne ſont gueres deſtinés que pour le peuple. Ils font formés de grands bateaux, ſitués au milieu d’une rivière, faits de ſapin, & couverts d’une groſſe toile. Autour de ces bateaux appellés Touës, il y a de petites échelles attachées par des cordes, pour deſcendre dans un endroit de la rivière, où l’on trouve des pieux enfoncés d’eſpace en eſpace, qui ſoutiennent ceux qui prennent le Bain.

Les Bains publics n’étoient point autrefois ſi négligés. Les Anciens les regardoient comme des lieux d’importance ; & les plus fameux perſonnages depuis Mécene, à qui l’invention en eſt dûe, Néron, Veſpaſien, Tite, Domitien, Sévere, Gordien, Aurélien, Dioclétien, &c preſque tous les Empereurs qui vouloient gagner le cœur de leurs ſujets, ſacrifierent aux Bains publics le marbre le plus précieux, & y employèrent la plus belle Architecture. Ils venoient même s’y baigner avec le peuple. Ils en avoient fixé l’entrée à un très bas prix, pour que tout le monde pût profiter de cette commodité. Dans les réjouiſſances publiques, les Bains étoient gratuits ; & dans cette confuſion de perſonnes de l’un & l’autre ſexe, l’ordre étoit ſi bien réglé, que tout s’y paſſoit avec décence. Les deux ſexes étoient ſéparés. Les gens qui ſervoient dans chaque Bain, étoient du ſexe auquel le Bain étoit deſtiné. Enfin la pudeur y étoit obſervée juſques à ce ſcrupule, que les enfans pubères ne ſe baignoient jamais avec leur pere, ni les gendres avec leurs beaux-peres. Véritablement ce bon ordre ne dura pas longtems ; & les Bains devinrent dans la ſuite des lieux de volupté & de débauche. Nous ne nous arrêterons point ici à cet écart des Anciens ; ce n’eſt point là une tâche que nous ayons à remplir : mais nous allons faire connoître en peu de mots ces bâtimens publics des Anciens.

C’étoient de grands édifices qui avoient pluſieurs cours & pluſieurs appartemens, dont les principales pieces étoient les ſalles du Bain, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. Il y avoit au milieu de chaque ſalle un grand baſſin entouré de ſiéges & de portiques ; & à côté du Bain étoient des cuves d’où l’on tiroit de l’eau froide & de l’eau chaude pour compoſer la tiéde. Ces Bains étoient éclairés par en haut. Près de leurs ſalles il y avoit des étuves pour faire ſuer. (Voyez l’Architecture de Vitruve, liv. v. ch. 10.)

Les plus magnifiques Bains dont il reſte des fragmens, ſont ceux de Titus, de Paul Emile, & ceux de Dioclétien, où eſt à préſent le Monaſtere des Peres Chartreux à Rome, lequel eſt encore appelle Termini du nom Thermes, que les Romains donnoient à ces ſortes de Bains, & qu’ils avoient emprunté du grec Therme, qui ſignifie chaleur. Publius Victor, dans ſa Topographie de Rome, rapporte qu’il y avoir dans cette ville 856 Bains, tant publics que particuliers.

Ces Bains qu’on appelle artificiels, pour les diſtinguer d’autres Bains que nous allons définir, ces Bains, dis-je, ſont aujourd’hui fort en uſage chez les Levantins qui y deſtinent la partie la plus conſidérable de leur logement. Ils en ont auſſi de publics comme les Anciens.

Bains naturels. Ce ſont auprès des ſources d’eaux médicinales & minérales des bâtimens qui renferment des baſſins pour ſe baigner, comme les Bains de Pouzzoles & de Bayes dans le royaume de Naples, & ceux de Bourbon & de Vichi, &c. en France.

BAJOYERS, ſ. f. pl. Terme d’Architecture Hydraulique. Ce ſont les aîles de Maçonnerie qui revêtiſſent la chambre d’une écluſe, fermée aux deux bouts par des portes ou des vannes qu’on léve a l’aide des cables. (Voyez Ecluſe.) Il eſt d’abord très-important que ces aîles ayent des fondemens ſolides, parce que ſi elles s’affaiſſoient elles cauſeroient un grand dérangement dans les parties de l’écluſe. Auſſi leur parement doit ſe faire de la pierre de taille la plus dure. On en choiſit pour cela deux échantillons différens : l’un pour les boutiſſes qui ne doivent point avoir moins de trois pieds de queue, & l’autre pour les pannereſſes, auxquelles on donne depuis 20 juſqu’à 24 pouces de lit : les unes & les autres ayant 12, 15 à 18 pouces de hauteur, poſées alternativement une pannereſſe & une boutiſſe (ce ſont deux ſortes de pierre.) Les plus dures de ces pierres ſe réſervent pour les encoignures & les angles, & ſur-tout pour les endroits des jambages & battées des portes.

On n’a point encore bien déterminé la maniere de bâtir les Bajoyers. La méthode la plus ſuivie, eſt de poſer leur premiere aſſiſe ſur le plancher du radier, afin de l’enclaver dans la maçonnerie. Mais M. Belidor, dont la capacité ſur ces matières eſt très-connue, a fait voir que cette méthode ne vaut rien. Il lui ſubſtitue cette regle : c’eſt de poſer ſur les traverſines une plate-forme de grandes pierres dures d’une épaiſſeur uniforme de neuf à dix pouces, les plus longues qu’on pourra trouver, ayant au moins quatre pieds de largeur, qui eſt la dimenſion que preſcrit M. Belidor à cette plate-forme, afin qu’elle réponde à la longueur des boutiſſes. Il faut voir dans ſon Architecture hydraulique, tom. i. de la II. part. liv. i. ch. ii. toutes les vûes de cet habile homme, & tous les détails utiles dans leſquels il entre pour la conſtruction des Bajoyers. Afin de donner une idée de ſa maniere d’inſtruire, nous allons tranſcrire les regles qu’il preſcrit pour bien conſtruire le maſſif de ces aîles d’une écluſe ; ce que nous pouvons faire ſans figures. Et quelque court que ſoit, malgré cela, cet article, nous le croirons aſſez important, ſi nous avons fait ſentir la conſéquence de la conſtruction d’un bon Bajoyer, & combien méritent de conſidération les avis de M. Belidor. Nous terminerons donc cet article par ſes conſeils ſur la conſtruction des maſſifs, en avertiſſant auparavant que c’eſt dans les Bajoyers qu’on pratique des pertuis pour communiquer l’eau d’une écluſe des deux côtés, ſans être obligé d’ouvrir les portes. « A meſure que l’on éleve chaque aſſiſe de parement, il faut, (dit M. Belidor) bien garnir le derriere en maçonnerie de brique, toujours avec mortier de ciment, ſur l’épaiſſeur d’environ trois pieds ; le reſte peut ſe faire de moilon, de même que les maſſifs des contre-forts ; cette maçonnerie bien liée avec celle de la brique, dont on pourra encore, pour plus de ſolidité, faire des chaînes par intervalle dans toute l’étendue de l’ouvrage ; mais il en faut néceſſairement derrière le parement, pour empêcher que par la ſuite l’eau de la retenue ne pénetre dans l’épaiſſeur du mur, quand les joints viendront à ſe dégrader. » (Arch. Hydr. vol. i. de la ſeconde partie, pag. 215.)

Bajoyers. Terme des Ponts & Chauſſées. Ce ſont les bords d’une riviere près les culées d’un pont.

BALCON, ſ. m. Mot dérivé de l’Italien Balcone, avance. C’eſt une ſaillie au-delà du nud d’un mur, portée ſur des conſoles ou ſur des colonnes, & fermée par une baluſtrade de pierre ou de fer.

On appelle auſſi Balcon la baluſtrade même de fer, compoſée de baluſtres plats ou ronds, ou de panneaux avec friſes ſous l’appui, & pilaſtres de fer aux encoignures. Les grands Balcons ſont ceux qui portent en ſaillie, & qui ſont plus larges que les croiſées ; & les petits ceux qui ſont entre les tableaux des mêmes croiſées, & qui ſervent d’appui.

BALDAQUIN, ſ. m. On appelle ainſi un ornement d’Autel d’une Egliſe, qui conſiſte en un dais ou amortiſſement porté ſur des colonnes, comme celui de Saint-Pierre à Rome, ou comme celui du Val-de-Grace à Paris. Le mot Baldaquin ou Baldachin vient de l’Italien Baldacchino, qui ſignifie un dais.

BALEVRE, ſ. f. Mot dérivé du latin Biſlabra, qui a deux lèvres. C’eſt ce qui paſſe d’une pierre plus qu’une autre, près d’un joint dans la douelle d’une voûte ou dans le parement d’un mur, & qu’on retaille en ragréant. Balevre eſt auſſi un éclat près d’un joint, crevé parce qu’il étoit trop ſerré.

BALIVEAUX. Voyez Echasses.

BALUSTRADE, ſ. f. C’eſt la continuité d’une ou pluſieurs travées de baluſtres de marbre, de pierre, de fer ou de bois, qui ſervent de point d’appui, comme aux fenêtres, balcons, terraſſes, &c. ou de clôture, comme à quelques autels & aux lits des Souverains. Elle eſt compoſée d’un ſocle ou retraite, d’un dez & d’une tablette. Lorſqu’une Baluſtrade eſt deſtinée ſeulement à ſervir d’appui, on proportionne ſa hauteur à celle du coude ou hauteur d’appui. Si elle tient lieu de balcon ou d’appui évuidé à chaque étage d’un édifice, ou qu’elle ſerve de couronnement, comme au château de Verſailles, (il faut pour cela que les combles ne ſoient point apparens) ſa hauteur doit être le quart & un ſixiéme de l’Ordre qui la ſoutient, qui eſt la hauteur de l’entablement plus une ſixiéme partie. Cette meſure ſe diſtribue ainſi. On diviſe toute la hauteur de la Baluſtrade en neuf parties, dont on donne quatre au ſocle, quatre au dez, & une à la tablette. Et lorſque cette Baluſtrade doit ſervir d’appui, on éleve le ſol de l’étage preſque juſques à la retraite, afin de ſuppléer à la trop grande hauteur qu’a alors la Baluſtrade. Ceci eſt dit en général & ſans ſuppoſer aucune ordonnance particulière dans l’édifice : car s’il y a quelque Ordre, la Baluſtrade doit être proportionnée relativement à cet Ordre. Ainſi à l’Ordre Toſcan, la hauteur de Baluſtrade doit avoir deux diamètres du fuſt inférieur de la colonne ; deux diamètres & demi à l’Ordre Dorique ; deux diamètres & deux tiers à l’Ordre Ionique ; & un diamètre & cinq ſixiemes aux Ordres Coxinthien & Compoſite.

Nous avons dit que cette continuité de baluſtres ſert quelquefois d’amortiſſement, & nous devons ajouter qu’elle tient auſſi quelquefois lieu d’Attique. Mais dans ce cas les Baluſtrades doivent être maſſives ſans baluſtres, afin de leur donner un air de ſolidité qui réponde au reſte de l’ordonnance. Leur caractare doit être entièrement conforme à cette ordonnance ; nous voulons dire que leurs profils doivent ſe reſſentir du genre ruſtique, ſolide, moyen, délicat & compoſé, du bâtiment où elles ſont placées. Et lorſqu’il y a des baluſtres, ces baluſtres doivent être de l’Ordre qui décore l’édifice. (Voyez Balustre.)

Baluſtrade feinte. C’eſt une Baluſtrade où les baluſtres ſont taillés ou attachés de leur demi-épaiſſeur ſur un fond, comme on en voit à quelques appuis de croiſées.

BALUSTRE, ſ. m. Petite colonne ou pilaſtre orné de moulures, tourné en rond ou en quarré, qui ſert à remplir un appui à jour ſous une tablette. Elle a quatre parties : le piédouche, ſur quoi porte la poire ou la pance, qui eſt la ſeconde & la plus groſſe partie ; la troiſiéme partie qui eſt la plus étroite, ſe nomme col ; & elle eſt couronnée par un chapiteau, qui eſt la quatriéme. La proportion générale de ces parties eſt telle. Ayant diviſé toute la hauteur du Baluſtre en cinq parties, on en donne une pour le piédouche. On diviſe enſuite les quatre parties reſtantes en cinq, dont une eſt pour le chapiteau. Enfin ce qui reſte entre le piédouche & le chapiteau ſe diviſe encore en cinq parties, qui ſe diſtribuent en trois & en deux, trois pour la hauteur du col, & deux pour la pance ou le renflement.

Ces proportions ſont générales pour les cinq eſpeces de Baluſtres. Seulement les moulures doivent être en plus ou moins grande quantité, d’une expreſſion plus ou moins légere, ainſi que le galbe du col & de la pance, ſelon les Ordres auxquels ils ſont joints. Le Baluſtre Toſcan ſera donc le plus gros, le moins chargé de moulures, & le plus ſouvent quarré par ſon plan. Le Baluſtre Corinthien étant plus ſvelte, ſon diamètre ne ſera que du tiers de ſa hauteur. Et les autres Baluſtres Dorique, Ionique & Compoſite ſeront proportionnés relativement à leurs Ordres. Suppoſons par exemple qu’on ait diviſé la hauteur du Baluſtre en ſoixante parties, la groſſeur de la panſe du Baluſtre Toſcan en aura vingt-quatre ; celle du Dorique vingt-trois, celle de l’Ionique vingt-deux, & celle du Corinthien & du Compoſite vingt-un. Pour déterminer maintenant les autres parties des Baluſtres, on diviſe le diamètre de leur panſe en deux parties égales, dont on donne une à la groſſeur du col, du gorgerin du chapiteau & des ſcoties du piédouche. A l’égard de la largeur du plinthe de ces piédouches, elle a le même diametre que la panſe, & celui de l’abaque un cinquiéme moins que la largeur de la panſe.

La hauteur ordinaire des Baluſtres eſt depuis vingt juſques à vingt-quatre pouces, & leur intervalle dans une baluſtrade eſt tel qu’il n’y ait au plus entre deux poires que la largeur de leur col.

Le mot Baluſtre vient du latin Balauſtrum fait du grec Balauſtion nom de la fleur du grenadier ſauvage, à laquelle il reſſemble. Voici les diviſions particulières de cet article.

Baluſtres de bois. Baluſtres tournés ou faits à la main, qui ſont droits ou rampans, ſoit pour les galeries en dehors ou pour les eſcaliers.

Baluſtres de bronze. Ce ſont des Baluſtres qui ſont ou de feuilles de bronze ciſelés & à jour, ou fondus, réparés & maſſifs, comme les Baluſtres du grand eſcalier du château de Verſailles.

Baluſtre de chapiteau. Voyez Coussinet de chapiteau.

Baluſtres de fer. Nom des Baluſtres contournés de fer quarré ou de fer plat, & qui ſervent pour les balcons & les rampes d’eſcalier. On en fait auſſi de fer fondu, qui ſont plats & retenus dans des chaſſis de fer forgé.

Baluſtres de fermeture. On appelle ainſi les Baluſlres les plus rallongés en maniere de colonne en Baluſtre, & qui ſe font de bronze, de fer forgé ou fondu, ou enfin de bois pour les clôtures de chœur d’Egliſe ou de Chapelle.

Baluſtre de modillon. C’eſt le devant du petit enroulement qui eſt à la tête du modillon Corinthien.

Baluſtres entrelacés. Ce ſont des Baluſtres joints enſemble par quelque ornement, & taillés comme les entre-las (voyez ce mot) dans un même bloc de pierre ou de marbre.

Baluſtres. Terme de Serrurerie. Ce ſont de petites pieces de fer en forme de Baluſtres, qui tombent ſur l’entrée de la clef, & qui ſervent à la couvrir. On en fait auſſi uſage pour attacher les ſerrures.

BANC, ſ. m. C’eſt la hauteur des pierres parfaites dans les carrieres.

Banc de ciel. Nom qu’on donne au premier & au plus dur Banc qu’on trouve en fouillant une carriere, & qu’on laiſſe ſur des pilliers pour ſervir de ciel & de plafond à cette même carriere.

Banc d’Egliſe. C’eſt un ſiége de pluſieurs places pour une famille, fermé d’une cloiſon à hauteur d’appui. Ces ſortes de Bancs doivent être d’alignement & de pareille hauteur, autant pour la ſymmétrie que pour ménager la place qu’ils occupent, comme on l’a fait à l’Egliſe de Saint-Germain l’Auxerrois à Paris.

Banc de jardin. Banc qui ſe fait ordinairement de gazon, mais auſſi de bois, de pierre ou de marbre. On place les Bancs dans les niches ou renfoncemens en face des grandes allées & enfilades, dans les ſalles & galeries de boſquets, & dans les angles pour découvrir deux allées.

Banc de volée. C’eſt dans une carriere, le Banc qui tombe après avoir ſouchevé.

BANDE, ſ. f. C’eſt en Architecture le nom de tout membre plat en longueur ſur peu de hauteur. On le nomme auſſi Face du latin Faſcia, qui dans Vitruve ſignifie la même choſe.

Bandes d’architrave. Nom qu’on donne aux faces d’un architrave, dont la plus grande eſt au-deſſus & la plus petite au-deſſous. Cet arrangement n’eſt pas ſi important qu’on ne puiſſe abſolument le changer. Auſſi eſt il renverſé dans quelques édifices, comme l’arc d’Auguſte à Suze, celui de Céſar à Fano, d’un autre à Spolette, &c. la petite Bande étant au-deſſus, & la grande au-deſſous. Il y a des architraves ou ces Bandes ſont en talut.

Bande de carreaux. C’eſt un rang de carreaux petits ou grands, qui autrefois ſe faiſoit ſur un plancher, environ de trois pieds en trois pieds, entre les carreaux à ſix pans.

Bande de colonne. Eſpece de boſſage dont on orne le fuſt des colonnes ruſtiques & bandées, & qui eſt quelquefois ſimple, comme aux colonnes Toſcanes du Luxembourg ou pointillé ou vermiculé, comme à celles de la galerie du Louvre ; ou enfin taillé d’ornemens de peu de relief, différens dans chaque Bande, comme aux Ioniques des Tuileries, & au portail de Saint-Etienne du Mont à Paris. Ces Bandes ſont bordées d’un liſtel ou autre moulure.

Bandes. Terme de Serrurerie. Barres de fer plates & percées tout au long, qu’on attache contre une porte avec des clous rivés en dedans, ou avec un crampon qui paſſe par-deſſus le collet de la Bande, & qui, traverſant la porte, eſt rivé ſur le bois par l’autre côté.

Bandes de tremie. Ce ſont des barres de fer qui étant attachées ſur les deux ſolives d’enchevêtrure ſervent aux cheminées à porter l’âtre entre la muraille & le chevêtre. On donne auſſi ce nom aux Barres qui ſervent à porter les languettes qui ſéparent les tuyaux.

Bandes Flamandes. Nom de deux Barres de fer ſoudées l’une contre l’autre, & repliées en rond pour faire paſſer le gond. Après qu’elles ſont ſoudées on les ouvre & on les ſépare l’une de l’autre autant que la porte a d’épaiſſeur. Enſuite on les coupe quarrément pour les faire joindre des deux côtés contre la porte. On met quelquefois des feuillages ſur ces ſortes de Bandes.

BANDEAU, ſ. m. Plate-bande unie qu’on pratique autour des croiſées ou arcades d’un bâtiment où l’on veut éviter la dépenſe. C’eſt une ſorte de chambranle formé ſans moulures, & orné ſeulement quelquefois d’un quart de rond, d’un talon, ou d’une feuillure qu’on fait ſur l’arête du tableau de ces mêmes portes ou croiſées.

Bandeau. Terme de Menuiſerie. C’eſt une planche mince & étroite qui eſt alentour des lambris par le haut, & qui tient lieu de corniche, lorſqu’il n’y en a point.

BANDELETTE, ſ. f. Petite moulure qui a ordinairement autant de ſaillie que de hauteur. On la nomme filet ou liſteau, ſelon la place qu’elle occupe dans les corniches & autres membres d’Architecture. On connoît encore la Bandelette ſous le nom de Tenie, du latin Tænia, qui dans Vitruve a la même ſignification.

BANDER UN ARC, ou une Plate-bande, v. act. C’eſt en aſſembler les vouſſoirs & claveaux ſur les ceintres de charpente, & les fermer avec la clef.

BANQUETTE, ſ. f. C’eſt un petit chemin relevé pour les gens de pied le long d’un quai ou d’un port, & même d’une rue, à côté du chemin des charrois, comme les Banquettes du Cours à Rome, & celles des ponts ſans maiſons à Paris. Lorſque les Banquettes ne ſont que d’une aſſiſe, comme celles du Pont-Royal des Tuileries, on les nomme Tablettes. C’eſt une diſtinction moderne, & que ne connoiſſoient pas les Romains. Ils donnoient le nom général de Curſoria à toute ſorte de Banquettes. Celles des ponts étoient quelquefois couvertes comme autrefois à Rome celles du pont Adrien, aujourd’hui le Pont Saint-Ange.

Banquette eſt auſſi le nom d’un petit appui de croiſée de treize à quatorze pouces de haut, qui ſert à s’aſſeoir, & ſur lequel eſt poſé un appui de fer. On le fait excéder au dehors des façades, & on y employe la pierre dure.

Banquette. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt un ſentier conſtruit des deux côtés de la cuvette ou rigole d’un aqueduc où l’on peut marcher afin d’examiner ſi l’eau s’arrête ou ſe perd en quelque endroit. On donne ordinairement dix-huit pouces de large à ces ſortes de Banquettes.

Banquette. Terme de Jardinage. Nom qu’on donne à des paliſſades baſſes à hauteur d’appui, qui n’excèdent point en hauteur trois ou quatre pieds. Ces paliſſades ainſi ravalées ſervent dans les côtés des allées doubles, parce qu’elles n’interrompent point le coup d’œil entre la tige des arbres. On y laiſſe quelquefois d’eſpace en eſpace des boules échappées de la Banquette même.

BAPTISTERE, ſ. m. Lieu ou édifice dans lequel on conſerve l’eau pour baptiſer. C’étoit anciennement une petite Egliſe auprès d’une grande, où l’on adminiſtroit le Baptême, comme le Baptiſtere de S. Jean de Latran à Rome. M. Fleuri dit que cet édifice étoit ordinairement bâti en rond, ayant un enfoncement où l’on deſcendoit par quelques marches pour entrer dans l’eau (car c’étoit proprement un bain) ; qu’on ſe contenta enſuite d’une grande cuve de marbre ou de porphyre comme une baignoire ; & qu’enfin on le réduiſit à un baſſin ſemblable à celui des Fonts d’aujourd’hui. Le même Auteur (M. Fleuri) ajoute que le Baptiſtere étoit orné de peintures convenables à ce Sacrement, & meublé de pluſieurs vaſes d’or & d’argent pour garder les Saintes-Huiles, & pour verſer l’eau. Ceux-ci étoient ſouvent en forme d’agneaux & de cerfs, pour repréſenter par l’un l’Agneau Paſcal, & par le cerf pour marquer le deſir des ames qui cherchent Dieu, comme un cerf altéré cherche une fontaine, ſuivant l’expreſſion du Pſeaume XLI. On y voyoit l’image de Saint Jean-Baptiſte, & une colombe d’or ou d’argent ſuſpendue, pour caractériſer encore plus particulierement l’uſage du Baptiſtere. (Voyez les Mœurs des Chrétiens, tit. XXXVI.)

Aujourd’hui le Baptiſtere eſt une chapelle où ſont les Fonts Baptiſmaux, eſpéce de fontaine ou réſervoir qui contient les eaux dont on ſe ſert pour le Baptême ; & on donne le nom de Fonts Baptiſmaux à cette chapelle.

BAR, ſ. m. Eſpéce de civiere avec laquelle les Ouvriers-Maçons portent des pierres de peu de groſſeur.

BARAQUE ou HUTTE, ſ. f. Petite maiſon conſtruite de charpente, revêtue de planches de bateau, & couverte de doſſes, élevée près d’un grand attelier, pour la commodité des ouvriers, & pour ſervir quelquefois de magaſin pendant l’hyver, & de retraire pendant l’été.

BARBACANE, ſ. f. C’eſt une ouverture étroite & longue en hauteur, qu’on laiſſe aux murs qui ſoutiennent les terres pour donner de l’air & écouler les eaux. On la pratique lorſqu’on bâtit en des lieux ſujets à l’inondation. On la nomme auſſi Canoniere ou Ventouſe.

BARDEAU, ſ. m. Petit ais de merrain en forme de tuile ou de latte de dix ou douze pouces de long ſur ſix à ſept de large, dont on ſe ſert pour couvrir les bâtimens peu conſidérables, tels que les apentis, moulins, &c.

BARDER, v. act. C’eſt charger une pierre ſur un chariot, ſur un bar (voyez Bar) pour l’amener du chantier au pied du tas.

BARDEUR, ſ. m. On nomme ainſi les ouvriers qui tirent les pierres ſur un chariot, ou qui les portent ſur un bar du chantier au pied du tas.

BARRE, ſ. f. C’eſt le nom général de toute piéce de bois longue & mince, qui ſert a entretenir les ais d’une cloiſon, & à d’autres uſages. Ce mot vient, ſelon M. Ménage, du latin Barra, perche.

Barre d’appui. C’eſt dans une rampe d’eſcalier ou un balcon de fer, la Barre de fer applati ſur laquelle on s’appuye, & dont les arêtes doivent être rabatues.

Barre de croiſée. C’eſt le nom de toute Barre de bois ou de fer, qu’on met eu dedans ſur les volets & contre-vents de croiſée, & ſur les fermetures de boutique.

Barre de trémie. Voyez Bande de trémie.

Barres a queues. Ce ſont des Barres qui entrent dans les montans, comme celles des portes de granges qui ſont à bâtis, & dont les Barres ſont emmanchées à queue d’aronde dans les montans.

Barre d’Audience. C’eſt dans une chambre où l’on rend la Juſtice, l’enclos du parquet, fait d’une ſorte cloiſon de bois de chêne de trois à quatre pieds de hauteur, où les Avocats ſe rangent pour plaider les cauſes, comme à la Grand-Chambre du Parlement de Paris. On la nomme en quelques endroits Auditoire ; & c’eſt ce que les Anciens appelloient Cauſidica, ſelon Vitruve.

BARREAU, ſ. m. Voyez Barre.

Barreau de fer. Nom qu’on donne à tout fer employé de ſa groſſeur.

Barreau montant de coſtiere. C’eſt le Barreau où une porte de fer eſt pendue ; & Barreau montant de battement, celui où la ſerrure eſt attachée.

BARRIERE, ſ. f. C’eſt le nom qu’on donne à Paris à un petit pavillon fait en maniere de boutique, où ſe tient un corps-de-garde compoſé de ſoldats du guet commandés par un Sergent, pour maintenir la police dans la ville.

Barriere de bois. Aſſemblage de piéces de bois debout & couchées, qui ſert de bornes ou de chaînes au-devant & dans les cours des Hôtels, Palais, &c.

Barriere d’écluſe. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt une eſpéce de porte d’écluſe qu’on ouvre & qu’on ferme avec un cabeſtan armé d’un pignon qui engrené dans une crémailliere ou la Barrière eſt attachée. Sans figure il eſt impoſſible d’entendre la conſtruction de cette porte. C’eſt pourquoi nous renvoyons à la deſcription qu’en a donnée M. Belidor dans ſon Architecture hydraulique, tom. III. pag. 410. planche 60.

BAS COTÉS ou AILES, ſ. f. pl. On appelle ainſi les galeries baſſes d’une Egliſe, d’une Baſilique, ou d’un Veſtibule.

BASCULE, ſ. f. On entend en général par ce mot une piece de bois ou de fer qui monte & deſcend, ſe hauſſe & ſe baiſſe par le moyen d’un eſſieu qui la traverſe dans ſa longueur. Ceci eſt aſſurément un terme de méchanique : mais l’uſage qu’on en fait en Serrurerie le ramene à notre objet ; & cette définition étoit néceſſaire pour qu’on comprît les articles ſuivans.

Baſcule a pignon. C’eſt une Baſcule ſemblable à la Baſcule de fermeture (voyez ci-après cet article), avec cette ſeule difference que les queues des verroux ſont droites & fendues de la quantité de la courſe ou du jeu des verroux ; & que les côtés de ces queues qui ſe regardent ſont à dents & à crémaillieres, & s’engrenent dans un pignon compris entre eux. On ouvre cette Baſcule avec un bouton rivé ſur la queue du verroux d’en bas. Lorſqu’on le leve, il fait tourner le pignon qui fait deſcendre le verroux d’en baut, & monter le verroux d’en bas.

Baſcule de fermeture. Baſcule qui ſert à fermer les portes des venteaux & des armoires. Elle eſt compoſée de deux verroux, l’un pour fermer en entrant dans la traverſe d’en haut, & l’autre pour fermer en entrant dans la traverſe d’en bas. Ces deux verroux ſont montés ſur platines. Leurs queues, qui viennent ſe joindre à la traverſe du milieu des venteaux, ſont coudées l’une d’un ſens, & l’autre d’un autre ſens, & percées d’un trou à l’extrémité du croiſſant. Deux eſtoquiaux, qu’on place à chaque bout d’un T, ſoutiennent ces extrémités. Ce T eſt ſur un eſtoquiau (pour l’intelligence de ceci voyez Estoquiau) rivé ſur une platine quarrée qui s’attache avec quatre vis ſur le venteau de la porte. De l’extrémité de ſes bras le T eſt percé d’un trou dans ſon milieu entre les eſtoquiaux.

On couvre cette Baſcule par la gâche encloiſonnée dans la ſerrure. Lorſqu’elle eſt poſée à une porte où il n’y a point de gâche, on polit la platine & on la fait à panache. Enfin l’eſtoquiau, qui porte la Baſcule, eſt à bouton plat aſſez large pour couvrir le T avec les deux bouts des croiſſants montés ſur les eſtoquiaux du bout des bras du T.

Baſcule de loquet. Piéce de fer d’environ deux pouces de long, percée d’un trou quarré long, & poſée au bout de la tige de la boucle du loquet. Cette tige excede l’épaiſſeur de la porte du côté où le battant eſt poſé, de l’épaiſſeur de la Baſcule qui eſt arrêtée par une goupille ou un écrou. Vient enſuite le battant du loquet, de maniere que la Baſcule a le plus gros de ſa queue du côté où la vis arrête le battant ſur la porte, afin que la tête du battant ait plus de poids pour retomber ſur le mentonnet. Cette même raiſon oblige de poſer la Baſcule à deux pouces de la vis qui tient la queue du battant ; enſorte qu’en levant à droite ou à gauche on fait lever le battant. Cela ſe fait plus aiſément lorſqu’on tourne le bouton & la boucle dans le même ſens que l’on tourne la clef d’une porte pour l’ouvrir ; & on trouve le battant plus rude quand on tourne en ſens contraire, parce que la vis qui tient la queue du battant ſert alors de point d’appui, & que le battant peſe d’autant plus que l’action de la Baſcule ſe fait ſur lui dans un point plus proche de cette vis.

BASE, ſ. f. On entend par ce mot (tiré du grec Baſis, appui ou ſoutien) en général tout corps qui en porte un autre avec empattement ; mais particulierement la partie inférieure de la colonne & du piédeſtal. On nomme auſſi la Baſe de la colonne ſpire, du latin ſpira, qui ſignifie une ligne qui ſerpente ; & c’eſt la figure de cette Baſe. Comme les colonnes, elle a ſes dimenſions & ſes ornemens particuliers.

Baſe de l’Ordre Toſcan. Dans la colonne, cette Baſe, qui n’a qu’un tore, comprend le filet du bas du fuſt de la colonne elle a la hauteur d’un demi-diametre ou d’un petit module & demi, & elle ſe diviſe en deux parties, dont une eſt pour le plinthe. L’autre partie étant diviſée en cinq parties, on en donne quatre au tore & une au filet. A l’égard de la Baſe du piédeſtal, elle eſt formée du ſocle & des moulures de la Baſe de la colonne.

Baſe Dorique. Suivant les Architectes modernes, la Baſe de la colonne de cet Ordre ne doit avoir qu’un aſtragale de plus que la Baſe Toſcane. Mais Vitruve ne donne point de Baſe à cette colonne, & il établit la différence entre l’Ordre Ionique & l’Ordre Dorique, en ce que celui ci n’a point de Baſe. C’eſt ainſi qu’on l’a pratiqué au théâtre de Marcellus. Cependant au Coliſée l’Ordre Dorique a une Baſe. Ainſi il y a trois ſentimens ſur la Baſe de la colonne de l’Ordre Dorique. Le premier, qui eſt de Vitruve, eſt que cette colonne n’a point de Baſe proprement dite, mais une ſorte de Baſe qu’il nomme Attique, & qui a un plinthe, un grand tore en bas, un petit en haut, & une ſcotie entre deux. Le ſecond ſentiment, fondé ſur l’autorité du Coliſée, eſt que l’Ordre Dorique doit avoir une Baſe ſans tore ni ſcotie, & faite ſeulement en maniere de doucine raccourcie & peu ſalliante entre l’orle du bas de la tige de la colonne & le grand tore. Le troiſiéme ſentiment eſt celui des modernes, qui admet à la colonne Dorique la Baſe que nous avons définie.

La Baſe du piédeſtal de cet Ordre a la quatriéme partie de tout le piédeſtal. On la diviſe en trois parties, & une de ces parties en ſept, dont on donne quatre a un tore qui eſt ſur le ſocle, trois à un cavet y compris ſon filet en-deſſous ; ce qui fait les trois moulures dont cette Baſe eſt compoſée, ſelon preſque tous les Architectes qui ſuivent aujourd’hui Vignole. Car Palladio lui donne un quatriéme membre, qui eſt un filet mis entre le tore & le filet du cavet ; & Scamozzi y met une doucine.

Baſe Ionique. Nous diſtinguerons ici, comme nous l’avons fait dans les autres articles, la Baſe de la colonne & celle du piédeſtal. La premiere eſt compoſée d’un gros tore ſur deux foibles ſcoties ſéparées par deux aſtragales qui ſe proportionnent ainſi : on diviſe toute la hauteur de la Baſe en trois, dont on en donne une au plinthe. Le reſte étant partagé en ſept parties, on en donne trois au tore qui eſt au haut de la Baſe. On partage encore en deux ce qui reſte de la Baſe, & on diviſe chacune de ces deux parties en dix autres, dont on donne deux à un filet qui eſt ſous le tore, cinq à une ſcotie, une à l’autre filet de la ſcotie, deux à un aſtragale qui eſt accompagné d’un autre aſtragale pareil, & d’une autre ſcotie auſſi pareille a la première, avec les mêmes filets, le grand filet étant ſur le plinthe. Ces proportions ſont de Vitruve, & elles ſont adoptées par les Architectes. (Voyez l’Ordonnance des cinq eſpéces de colonnes, ſeconde part. pag. 57.)

La Baſe du piédeſtal de l’Ordre Ionique eſt formée de quatre moulures : une doucine avec ſon filet, & un cavet avec ſon filet en-deſſous. Pour avoir les hauteurs de ces moulures, on diviſe le tiers de la Baſe en huit parties qu’on diſtribue ainſi : quatre à la doucine & une à ſon filet, deux au cavet & une à ſon filet.

Baſe Corinthienne. La Baſe de la colonne dans cet Ordre, a deux tores, deux aſtragales, & deux ſcoties. Quoique rien ne ſoit plus varié que les proportions que les anciens & les modernes Architectes donnent à cette Baſe, il ſemble que la proportion la plus approuvée eſt celle-ci. On donne au plinthe le quart du demi-diametre de la colonne qui fait la hauteur de toute la Baſe. La quatriéme partie de ce qui reſte eſt pour la hauteur du tore d’en-bas ; la quatriéme du reſtant eſt pour la hauteur du tore d’en-haut ; ce qui reſte encore eſt pour les aſtragales du milieu qui ont chacun la moitié de cette quatriéme partie ; le quart de ce qui reſte entre chaque tore & chaque aſtragale, eſt pour le gros filet de la ſcotie, lequel doit toucher à chaque tore ; enfin le quart de ce qui reſte eſt pour le petit filet qui doit toucher à l’aſtragale, & le dernier reſte eſt pour la ſcotie.

Un tore, une doucine avec ſon filet, & un talon avec ſon filet en-deſſous, forment la Baſe du piédeſtal dont ils ſont la quatriéme partie. Après avoir donné au ſocle de la Baſe les deux tiers de cette même baſe, on partage l’autre tiers en neuf parties, dont on donne deux & demie au tore, trois & demie à la doucine (la demie eſt pour le filet), deux & demie au talon, & une demie à ſon filet.

Baſe Compoſite. La Baſe de la colonne de cet Ordre ne diffère de la Baſe de la colonne Corinthienne, qu’en ce qu’elle a un aſtragale de moins. (Voyez ci-deſſus la Base Corinthienne.) A l’égard de la Baſe du piédeſtal, elle a d’abord le quart de la hauteur du piédeſtal, y compris le ſocle, & le tiers ſans le ſocle. Ses membres ſont un tore, un petit aſtragale, une doucine accompagnée de ſon filet, un gros aſtragale & un filet, faiſant un congé avec le nud du dé. On proportionne ainſi ces membres de la Baſe : on diviſe le congé, ſans le ſocle, en dix parties, dont on donne trois au tore, une au petit aſtragale, une demie au filet de la doucine, trois & demie à la doucine, une & demie au gros aſtragale, & une demie au filet qui fait le congé.

Baſe Attique ou Atticurge. C’eſt une Baſe qui a deux tores & une ſcotie, & qui convient aux colonnes Ionique & Compoſite. Cette Baſe eſt appellée Attique, parce que les Athéniens font les premiers qui l’ont miſe en uſage.

Baſe compoſée. Cette Baſe n’eſt point déterminée. La ſeule choſe qui peut la caractériſer eſt ſon profil qui eſt extraordinaire & fort différent de ceux des Ordres. Telle eſt la Baſe du grand Ordre compoſé de l’Egliſe de Saint-Jean de Latran à Rome, qui a été reſtaurée par le Cavalier Boromini.

Baſe continuée. Eſpéce de retraite ornée de quelque moulure, comme d’un tore ſupérieur avec ſon filet & adouciſſement, d’une Baſe de pilaſtre ou de colonne qui ſert de ceinture au pied d’un bâtiment ou d’un étage, ainſi qu’on en voit au dehors de l’Egliſe du Collège Romain.

Baſe mutilée. C’eſt une Baſe qui n’eſt profilée que par les côtés d’un pilaſtre, & qui n’a qu’une face par devant, comme on en voit à l’Hôtel de Longueville à Paris, rue Saint Thomas du Louvre, bâti par Clément Metezeau.

Baſe rudentée. Baſe dont les tores ſont taillés en maniere de cables. On voit quelques-unes de ces Baſes aux bâtimens antiques.

BASILIQUE, ſ. f. Mot dérivé du grec, qui ſignifie Maiſon Royale. C’étoit chez les Anciens une grande ſalle avec portiques, aîles, tribunes ou tribunal où les Rois rendoient eux-mêmes la juſtice. (Voyez Vitruve, liv. V. chap. I.) On a enſuite donné ce nom aux grandes ſalles des Cours ſouveraines où le peuple s’aſſemble, & où ſe tiennent les Marchands, comme celles du Palais à Paris. On appelle auſſi de ce nom les Egliſes de fondation royale, comme celles de Saint-Jean de Latran, & de Saint-Pierre du Vatican à Rome, fondées par l’Empereur Conſtantin. On comptoit autrefois ſept principales Baſiliques dans cette ville, Julia, Porcia, Siſimini, Sempronia, Caji, Lucii ; ainſi nommées de leur fondateur, & la Banque, appellée Baſilica argentariorum.

BAS-RELIEF, ſ. m. Terme de décoration. Ouvrage de Sculpture qui a peu de ſaillie, & qui eſt attaché ſur un fond. On y repréſente des hiſtoires, des ornemens, des rinceaux de feuillages, &c. comme on en voit dans les friſes. Lorſque dans les Bas-reliefs il y a des parties ſaillantes & détachées, on les nomme Demi-boſſes.

BASSE-COUR, ſ. f. C’eſt une Cour ſéparée de la Cour principale, & qui ſert pour les écuries, les caroſſes & les gens de livrée.

Baſſe-cour de campagne. C’eſt la Cour entourée de quelques logemens où l’on met tout l’attirail d’une maiſon de campagne, comme ſont les charrues, les beſtiaux, les volailles, les cuves, preſſoirs, &c. Les piéces qui compoſent une Baſſe-cour doivent être conſtruites ſuivant la qualité des revenus de la maiſon. Si ce revenu conſiſte en vins, il faut des celliers & des preſſoirs ; en bleds, des granges ; en foins, des greniers ; en beſtiaux & en moutons, des étables, des bergeries, & une laiterie. Mais quel que ſoit le revenu, une Baſſe-cour a toujours des écuries, des remiſes, des hangars, &c. & toutes ces piéces doivent tenir les unes aux autres, ou du moins n’être pas éloignées.

BASSIN, ſ. m. C’eſt dans un jardin un eſpace creuſé en terre, de figure ronde, ovale, quarrée, à pans, &c. revêtu de pierres, de pavé ou de plomb, & bordé de gazon, de pierre ou de marbre, qui fait l’ornement d’un jardin, ou qui ſert à arroſer. Ordinairement un jet d’eau s’élève au milieu du Baſſin ; & la hauteur de ce jet doit être proportionnée à ſon étendue. Cette étendue n’eſt point abſolument déterminée ; mais ſi elle paſſoit certaines limites, le nom de Baſſin ſe changerait en celui de Piéce d’eau, Canal, Vivier, Réſervoir. A l’égard de la profondeur des Baſſins, on leur donne depuis quinze pouces juſques à deux pieds & demi d’eau, à moins qu’ils ne doivent ſervir de réſervoir, ou qu’on n’y veuille nourrir des poiſſons, auquel cas on leur donne quatre ou cinq pieds de profondeur.

La qualité eſſentielle d’un Baſſin eſt de tenir l’eau, & cette qualité exige bien des précautions & des ſoins. Il faut que la matiere qui tapiſſe ſon fond réſiſte à cet élément, & qu’elle ſoit bien liée pour qu’elle ne laiſſe aucunes fentes ni crevaſſes par où l’eau puiſſe s’échapper. La glaiſe, le ciment & le plomb ſont fort propres pour cela ; & voici comment on les employe.

Baſſin de glaiſe. Lorſque la fouille du Baſſin eſt faite, & qu’on en a terminé & revêtu la forme de pierre ou de marbre, on fait un maſſif de pierre dans le fond. C’eſt ſur ce maſſif qu’on met un lit de glaiſe de dix pouces d’épaiſſeur que des ouvriers, appelles Glaiſeux, apprêtent en courroi, & qu’ils paîtriſſent. Cela fait, on met des planches deſſus cet enduit, en laiſſant néanmoins un eſpace ſans couverture, de dix huit pouces autour du mur de la terraſſe. Cet eſpace eſt deſtiné à ſervir d’aſſiette à un autre mur, qu’on nomme Mur de douve, épais de dix-ſept pouces ou environ. On remplit enſuite de glaiſe le vuide qui reſte entre les deux murs, & le Baſſin de glaiſe eſt conſtruit. Nous devons pourtant avertir de bâtir le mur de terraſſe avec du bon mortier de chaux & de ſable, ſi le Baſſin eſt conſtruit dans un endroit où il y a des arbres, pour empêcher les racines de percer dans le Baſſin.

Baſſin de ciment. Un pied neuf pouces de ciment au-delà de la trace du circuit du Baſſin, & autant dans le fond, ſuffiſent pour retenir l’eau. Ainſi lorſque la fouille eſt faite, on éleve un mur de moilon d’un pied d’épaiſſeur autour du Baſſin ; on en fait le maſſif du fond de même, & on enduit le tout d’une chemiſe de ciment de neuf pouces d’épaiſſeur. Il ne reſte qu’à frotter ce ciment d’huile ou de ſang de bœuf pendant quatre ou cinq jours de ſuite, & le Baſſin eſt fait.

Baſſin de plomb. On donne au mur de terraſſe de ce Baſſin & au maſſif, un pied & demi, & on bâtit ces murs avec du mortier tout de plâtre, parce que la chaux mine le plomb. On aſſure enſuite ſur le dernier mur & le maſſif, des tables de plomb qu’on joint l’une à l’autre avec la ſoudure.

De ces trois manieres de conſerver l’eau dans les Baſſins celle de glaiſe eſt la moins coûteuſe, elle eſt auſſi la moins durable. On conſerve encore l’eau avec de la terre franche & avec du bois goudronné ; mais ces deux moyens ne ſont pratiquables que dans des Baſſins de peu de conſéquence, & qu’on n’eſt pas jaloux de conſerver.

On place ordinairement les Baſſins à l’extrêmité ou dans le milieu d’un parterre. On en met auſſi dans un potager, dans une orangerie & dans les boſquets.

Il y a différentes ſortes de Baſſins qui vont faire le ſujet de pluſieurs articles.

Baſſin a baluſtrade. C’eſt un Baſſin dont le renfoncement, plus bas que le rez de chauſſée, eſt borde d’une baluſtrade de pierre, de marbre ou de bronze, comme la Fontaine des bains d’Apollon à Verſailles.

Baſſin a chaux. Vaiſſeau bordé de maçonnerie & plancheié de doſſes, ou maçonné de libages, dans lequel on détrempe la chaux.

Baſſin a rigole. Baſſin dont le bord de marbre ou de caillou a une rigole taillée, d’où ſort d’eſpace en eſpace un jet ou bouillon d’eau qui garnit ſa rigole, & forme une nape autour de la baluſtrade, comme à la fontaine du Rocher du Belveder à Rome.

Baſſin de bain. C’étoit dans une ſalle de bain, chez les Anciens, un enfoncement rectangle où l’on deſcendoit par des degrés pour ſe baigner. (Voyez Bains.)

Baſſin de décharge. C’eſt dans la partie la plus baſſe d’un jardin, une piéce d’eau ou canal dans lequel ſe déchargent toutes les eaux après le jeu des fontaines, jets, caſcades, &c. & d’où elles ſe rendent enſuite, par quelque ruiſſeau ou rigole, dans la plus prochaine rivière, comme la plus grande piece d’eau au bas de la caſcade de Sceaux proche Paris.

Baſſin de fontaine. C’eſt un Baſſin qui reçoit les eaux d’une fontaine. Il y en a de deux eſpeces ; des Baſſins à hauteur d’appui au-deſſus du rez de chauſſée d’une cour ou d’une place publique, & des Baſſins élevés ſur pluſieurs degrés, avec un profil riche de moulures, & de forme régulière, tels que ceux de la place Navone à Rome.

Baſſin de partage. C’eſt dans un canal fait artificiellement, l’endroit où eſt le ſommet de niveau de pente, & où les eaux ſe joignent pour la continuité du canal. Le repaire où ſe fait cette jonction eſt appelle le Point de partage.

Baſſin de Port de mer. C’eſt un eſpace bordé de gros murs de maçonnerie, où l’on tient les vaiſſeaux à flot. Il y a deux fortes de Baſſins de mer : les uns qu’on peut remplir & mettre à ſec à volonté, au moyen d’une écluſe qui en ferme l’entrée ; les autres qui ſont tout ouverts, &c dont le fond étant de vaſe molle, & remplit d’eau quand la mer monte (dans les endroits où il y a flux & reflux), &c ſe vuide quand elle deſcend.

Baſſin en coquille. Baſſin fait en conque ou coquille, & dont l’eau tombe par napes ou gargouilles, comme la fontaine de Paleſtrine à Rome.

Baſſin figuré. C’eſt un Baſſin dont le plan a pluſieurs corps ou retours droits, circulaires ou à pans, &c.

BASTION, ſ. m. C’eſt le nom qu’on donne à un pavillon couvert en terraſſe à l’encoignure d’un bâtiment, comme on en voit au château de Caprarole.

BATARDEAU, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. Eſpece de digue faite d’un double rang de pieux joints par des planches, entre leſquelles eſt un maſſif de terre, & qui défend l’entrée de l’eau dans un endroit où l’on veut fonder. On le conſtruit ainſi : après avoir enlevé la vaſe du fond, on plante deux files de pilots paralleles, placés à une diſtance proportionnée à la hauteur de l’eau, &c. entretenus avec des liernes & entretoiſes. On enfonce enſuite le long de ces pilots des files de palplanches, pour former une eſpece de coffre qu’on remplit de glaiſe ou d’autre terre liante.

Pour bien employer cette glaiſe on la réduit en petits monceaux, afin de la nettoyer de tout ſable & gravier. On l’arroſe enſuite, & on la laiſſe humecter ainſi une journée, paſſé laquelle on la bat & on la corroye ſur un plancher avec les pieds, cela forme une pâte dont on fait des eſpeces de pains que l’on jette au fond du Batardeau, ce qui fait ſortir l’eau à meſure qu’on le remplit. Enfin on bat la glaiſe, lit par lit, avec la demoiſelle, (voyez ce mot) juſques à ce qu’on ſoit parvenu au deſſus du niveau de l’eau extérieure, & plus haut encore, ſi c’eſt dans la mer, crainte que par ſon agitation elle n’entrât dedans le Batardeau.

Ce Batardeau eſt très ſolide, & réſiſte également aux vagues de la mer & au courant des fleuves. Mais lorſqu’on n’a point des eaux ſi redoutables à craindre, on peut conſtruire un Batardeau à moins de frais. Il ſuffit pour cela d’élever en tas de bonne terre franche forte & graſſe, de telle ſorte que ſon épaiſſeur au ſommet ſoit égale à la profondeur de l’eau, & que ſa largeur ſoit triple de cette épaiſſeur. A meſure que la terre eſt répandue ſur la baſe du Batardeau, on la bat avec la damoiſelle, lit par lit, d’un pied d’épaiſſeur, juſques à ce qu’elle ſoit réduite à huit pouces, en prenant bien garde de n’y pas mêler de faſcinage, roſeaux, cailloux, gravier, & en général aucunes terres ſablonneuſes ou graveleuſes qui peuvent donner paſſage à l’eau.

BATI, ſ. m. Terme de Menuiſerie. Aſſemblage de montans & de traverſes, qui renferment un ou pluſieurs panneaux.

BATIMENT, ſ. m. Nom général qu’on donne à tous les lieux propres à la demeure des Grands, des Particuliers, & à l’exercice de la Religion, comme auſſi aux portes publiques, aux arcs de triomphe, aux aqueducs, aux fontaines, &c. conſtruits tout de pierre, ou de pierre & de bois de charpente, & dans leſquels on employe le marbre, le bronze, le fer, le plomb & autres matieres. Trois parties caractériſent & conſtituent un Bâtiment ; la Conſtruction, la Diſtribution & la Décoration. La première a pour objet la connoiſſance de l’emploi & de la qualité des matériaux néceſſaires pour bâtir, & elle eſt ſans contredit la plus conſidérable. (Voyez Architecture, Construction, Maçonnerie, Charpenterie, Ardoise, Brique, Pierre, Marbre, &c.) La ſeconde conſiſte à diſtribuer les plans ſuivant la deſtination & l’uſage du Bâtiment (Voyez Distribution) ; & la troiſiéme partie, qui eſt la décoration, à donner de la proportion, de l’harmonie & de l’agrément aux parties d’un édifice ou Bâtiment, pour que réunies enſemble elles concourent à faire un beau tout. (Voyez Décoration.)

Après cette diviſion & ces renvois, nous n’avons plus rien à dire dans cet article général, & nous allons dans des articles particuliers faire connoître les Bâtimens en détail, en ſuivant toujours l’ordre alphabétique.

Batiment a l’Italienne. C’eſt un Bâtiment à un étage, ainſi nommé, parce qu’à l’imitation des Italiens on en cache le comble par des attiques ou baluſtrades ; de ſorte qu’il ſemble qu’il y ait des terraſſes au-deſſus. (Voyez Attique & Balustrade.) On s’eſt attaché à faire connoître ce Bâtiment avec tant de ſoin dans la dernière édition du Cours de d’Aviler, que nous croyons devoir y renvoyer le lecteur pour une plus grande connoiſſance de cette eſpece de Bâtiment. Car, nous devons le dire une fois pour toutes, ce Dictionnaire ſervant de ſuite au Cours d’Architecture de d’Aviler, lorſque quelque matiere, de nature à entrer dans notre Ouvrage, ſe trouve traitée dans ce Cours auſſi en grand qu’on peut le ſouhaiter, nous nous contentons de définir le terme qui en eſt l’objet, & de renvoyer exactement à ce Cours, qui ne doit faire qu’un ſeul & même Ouvrage avec ce Dictionnaire. (Voyez donc pour l’article préſent, les pages 211, 212, &c. de l’édition de 1750.)

Batiment d’échine. On appelle ainſi une maiſon ouverte dont on voit les planchers & les combles ſur des étayes & chevalemens, pour qu’il y ſoit refait un mur de face ou de pignon, ou quelqu’autre réparation ou raccordement.

Batiment de Marine. Ce ſont les lieux où l’on conſtruit les vaiſſeaux, & où l’on fait leurs équipages, comme ſont les ports, arſenaux, corderies, magaſins, formes, fonderies, &c. (V. ces art.) & les lieux où l’on tient les vaiſſeaux deſarmés à flot & en ſûreté, tels que ſont les ports, moles, darces, baſſins, &c. (Voyez ces mots.)

Sous le nom de Bâtimens de Marine on entend encore les hôtels dans leſquels on rend la juſtice de l’Amirauté, les maiſons de ſanté, les hôpitaux, &c.

Batiment engagé. C’eſt une maiſon entourée d’autres maiſons, qui ſans avoir face ſur aucune rue ni place publique, n’a communication avec le dehors que par un paſſage de ſervitude.

Batiment enterré. Bâtiment dont l’aire eſt plus baſſe que le rez de chauſſée d’une rue, d’une cour, ou d’un jardin, & dont les premières aſſiſes de pierre dure ſont cachées.

On appelle encore Bâtiment enterré, un Bâtiment qui eſt dominé par quelque hauteur d’une maiſon voiſine qui lui fait lunette, & dont il reçoit la décharge des eaux.

Batiment feint. C’eſt ſur un mur de clôture ou mitoyen, une décoration d’Architecture de pierre ou d’autre matiere, ſemblable à celle qui lui eſt reſpective, pour conſerver la ſymmétrie du circuit d’une cour ou d’un jardin, comme à l’hôtel de Beauvilliers, rue S. Avoye à Paris, où le Bâtiment n’a qu’une aîle. Cela ſe pratique encore aux Egliſes qui n’ont qu’un rang de chapelles, à l’oppoſite duquel on feint les mêmes clôtures & décorations de chapelles, comme à l’Egliſe des Carmélites du Fauxbourg S. Jaques, à Paris. Les ouvriers donnent le nom de Renard à ces ſortes de décorations, parce qu’elles trompent.

Batiment flanqué ou adoſſé. C’eſt un Bâtiment qui touche à quelque grand édifice, tels que ceux qui ſont mitoyens au Palais-Royal ou au Luxembourg, à Paris.

Batiment Hydraulique. C’eſt un Bâtiment deſtiné à contenir des machines pour élever les eaux, ſoit pour l’utilité publique, comme celui du Pont Nôtre-Dame à Paris, ſoit pour les embelliſſemens des Maiſons royales, tels que ſont les Bâtimens de la Samaritaine ſur le Pont-neuf à Paris, & de la Machine de Marly.

Batiment irrégulier. Bâtiment dont le plan n’eſt pas contenu dans des lignes égales ni parallèles, par quelque ſujétion ou accident de ſa ſituation, & dont les parties ne ſont pas relatives les unes aux autres dans ſon élévation.

Batiment iſolé. C’eſt un Bâtiment qui n’eſt attaché à aucun autre, & qui eſt entoure de rues & de places publiques, comme à Paris l’Hôtel royal des Invalides, & à Rome le Palais Farneſe.

Batiment particulier. On appelle ainſi un Bâtiment deſtiné a l’habitation d’un particulier, & proportionné à ſon état & à ſa condition. Tels font les Hôtels, les maiſons de Communauté, celles des Bourgeois, &c.

Batiment public. C’eſt un Bâtiment à l’uſage du public, comme les Temples, Egliſes, Hôpitaux, Sépultures, &c. pour la Religion ; les Palais où l’on rend la juſtice, les Hôtels de Ville, les Bourſes, les Banques, &c. pour les affaires ; les ponts, chauſſées, aqueducs, fontaines, &c. pour l’utilité ; & les arcs de triomphe, obeliſques, amphithéâtres, portiques, &c. pour la magnificence.

Batiment régulier. Bâtiment dont le plan eſt d’équerre, les côtés oppoſés égaux, & les parties diſpoſées avec ſymmétrie.

Batiment ruiné. C’eſt un Bâtiment qui, par ſucceſſion de tems, mauvais entretien, méchante fondation, conſtruction, ou mauvaiſe matiere, ou enfin par la déſolation de la guerre, eſt détruit en partie, & eſt tout à fait inhabitable.

Batiment ruſtique ou champêtre. On appelle ainſi les fermes, métairies, ménageries, &c. comme les moulins, baſſe-cours, granges, étables, &c.

BATIR, v. act. & neut. Ce terme pris en lui-même, & ſans le conſiderer comme exprimant un art, ce terme, dis-je, a trois ſignifications. Il déſigne tout à la fois & la dépenſe d’un Bâtiment, & l’invention du deſſein, & l’exécution. Ainſi on dit qu’un tel particulier a Bâti cet édifice, parce qu’il en a fait la dépenſe ; qu’un tel Architecte l’a Bâti, parce qu’il en a donné le deſſein, & qu’un Entrepreneur, un Maître Maçon Bâtit bien,. lorſque les bâtimens ſont conſtruits avec choix de bons matériaux, & avec le ſoin & la propreté que l’art demande. Nous entendons l’Art de Bâtir proprement dit. Ç’auroit été peut-être ici le lieu de preſcrire les régles de cet art : mais nous avons cru devoir les déduire aux articles Architecture & Batiment ; & après les renvois, que nous avons faits à ces articles, nous n’avons rien à ajouter à celui-ci. Nous nous contenterons de citer quatre Ouvrages où l’Art de Bâtir, tel que nous l’entendons ici, & que nous devons l’entendre, eſt bien développé : ce ſont les Livres ſuivans : l’Architecture Françoiſe de Savot, l’Architecture pratique de Bullet, le Cours d’Architecture de d’Aviler, & l’Architecture moderne, ou l’Art de bien Bâtir, pour toutes ſortes de perſonnes, tant pour les maiſons particulieres que pour les Palais, contenant cinq Traités : 1°. De la conſtruction & l’emploi des matériaux : 2°. De la diſtribution de toutes ſortes déplaces : 3°. De la maniere de faire les Devis : 4°. Du toiſé des Bâtimens, ſelon la coutume de Paris : 5°. Des us & coutumes & des rapports des Jurés Experts. Nous avons tranſcrit le titre en entier, parce qu’il comprend exactement les parties de l’Art de Bâtir, parties que nous développons aux articles déjà cités, & à ceux de Détail, Devis, & Toisé.

BATON, ſ. m. Voyez Tore.

BATTANS, ſ. m. pl. Ce ſont dans les portes & les croiſées de Menuiſerie, les principales pieces de bois en hauteur, où s’aſſemblent les traverſes.

On appelle auſſi Battans les ventaux des portes, et on dit une porte à deux Battans, lorſqu’elle s’ouvre en deux parties.

BATTE, ſ. f. Dans l’art de bâtir, c’eſt un morceau de bois fait en forme de maſſue d’Hercule, dont on ſe ſert pour battre le plâtre. Dans le Jardinage, la Batte, pour les gazons, eſt ſemblable à celle des Lavandieres, étant une eſpece de priſme avec un long manche. Et pour les allées on entend par le mot Batte, un inſtrument compoſé de longs manches poſés diagonalement ſur un gros billot de bois.

BATTELEMENT, ſ. m. C’eſt le dernier rang des tuiles doubles, par où un toît s’égoute dans un cheneau ou une gouttiere.

BATTEMENT, ſ. m. Tringle de bois, ou barre de fer plat, qui cache l’endroit où les ventaux d’une porte de bois ou de fer ſe joignent.

BATTRE LE PAVÉ, v. act. & n. C’eſt frapper deſſus le pavé pour l’enfoncer & le rendre de niveau, après qu’il a été poſé à ſec ſur le ſable.

Battre une allée. C’eſt après qu’une allée, eſt régalée, en affermir la terre avec la batte (voyez Batte) pour la recouvrir enſuite de ſable. On ne Bat qu’une volée ſur le ſable des allées ſimples, c’eſt-à-dire qu’une fois toute l’étendue de chaque allée. A l’égard de celles qui, pour être propres, ont une aire de recoupes, on les Bat à trois volées, pour réduire cette aire, d’environ douze pouces d’épaiſſeur, à neuf pouces, dont ſept & demi ſont de groſſes recoupes, & le deſſus d’un pouce & demi, de menues recoupes paſſées à la claye. On arroſe ſur chaque volée, & quand on met du ſalpêtre ſur ces recoupes, on les Bat à neuf volées comme pour un mail.

BAVETTE, ſ. f. Bande de plomb blanchi au devant d’un cheneau, ou au deſſous d’un bourſeau.

BAUGE, ſ. f. Mortier de terre franche, & de paille ou de foin, corroyé comme celui de chaux & de ſable, & dont on ſe ſert faute de meilleure liaiſon. Preſque toutes les chaumières ſont bâties avec ce mortier. On ſoutient ordinairement la Bauge avec de la charpente, qui eſt un aſſemblage de perches & de pieux lattés qui rempliſſent une eſpece de grillage fait de bâtons fourchus & de branches d’arbre. Cela s’appelle torchis, parce que les bâtons pointus reſſemblent à une torche. On unit la Bauge avec la truelle, & on blanchit le tout avec de la chaux. Pour que ce cloiſonnage, qui coûte peu, ſoit ſolide, il faut que les bâtons & rameaux qu’on enduit de Bauge (on les nomme paliſſons ou paluts) ne ſoient pas trop longs, afin que les pieux & perches qui forment la charpente, ſoient plus ſerrés ; que le bois qu’on employe ne ſoit point verd ; que les paliffons ſoient de chêne ; & enfin que la terre ſoit bien délayée, & qu’elle ſoit en une pâte ni molle ni dure.

BAYE, BÉE, (ſ. f.) ou JOUR. On entend par ces trois mots toutes fortes d’ouvertures percées dans les murs, comme des portes, des croiſées, & même des paſſages de cheminée. (Voyez Fenêtre & Vue.)

BEC, ſ. m. C’eſt le petit filet qu’on laiſſe au bord d’un larmier qui forme un canal, & qui fait la mouchette pendante. (Voyez Mouchette.)

BEC DE CORBIN, ſ. m. C’eſt une moulure qui ne differe du quart de rond que par ſa ſituation naturelle, qui eſt renverſée. Cet ornement, preſque abſolument négligé par les Anciens, eſt fort en uſage aujourd’hui.

On entend par Bec de Corbin, en Jardinage, un enroulement formé d’un trait de buis, en maniere de bec d’oiſeau, dans un parterre de broderie.

BÉCHEVET, ſ. m. Terme de Charpenterie. On exprime par ce mot une certaine maniere d’aſſembler des ſolives. Ainſi poſer des pieces de bois en Béchevet, c’eſt en mettre une couchée bout pour bout, & une autre dans un ſens contraire, afin que les deux enſemble puiſſent donner une largeur égale à chaque bout, ſuppoſé que les ſolives ſoient plus menues par un bout que par l’autre (ce qui arrive ordinairement), comme on le pratique aux linteaux des portes ou des croiſées.

BÉFROI, ſ. m. Eſpece de donjon élevé pour découvrir de loin, & où eſt ſuſpendue une cloche pour ſonner le tocſin, en cas d’allarme ou de joie publique.

Béfroi. Terme de Charpenterie. C’eſt un aſſemblage iſolé qui ſoutient les cloches dans le corps d’une tour ou dans la cage d’un clocher, & qui doit être revêtu de plomb, ou du moins peint à l’huile, lorſque, cette cage étant petite, il eſt trop expoſé à la pluye.

BELVEDER, ou mieux BELVEDERE, ſ. m. Mot Italien, qui ſignifie belle vûe, C’eſt un donjon ou pavillon élevé au deſſus d’un édifice. On donne auſſi le nom de Belvedere à un petit bâtiment ſitué à l’extrémité d’un jardin ou d’un parc, pour y prendre le frais & s’y mettre à couvert des injures du tems. Ce bâtiment eſt ordinairement compoſé ou d’un ſallon percé à jour, ou d’une ſeule piece, ou de pluſieurs pieces, comme veſtibules, ſallons, cabinets, chambres à coucher, & garderobe : mais dans ce troiſiéme cas, le bâtiment perd le nom de Belvédère, pour prendre celui de Trianon. (Voyez Trianon.) Les Architectes obſervent les préceptes ſuivans dans la conſtruction des Belvederes  : 1o. ils doivent être ſitués de telle ſorte qu’ils ſoient expoſés à pluſieurs points de vûe : 2o. leur décoration extérieure doit être ſimple & ruſtique : 3o. & leur décoration intérieure doit conſiſter en marbre ou pierre de liais, ſans lambris.

Belvedere. Terme de Jardinage. C’eſt une éminence en maniere de plate-forme revêtue d’un mur de terraſſe, ou ſoutenue d’un glacis de gazon, pour jouir dans un jardin d’une belle vûe, comme au jardin du Pape, au Vatican à Rome.

BENITIER, ſ. m. C’eſt un vaſe rond iſolé dans lequel on met l’eau bénite. Il eſt ordinairement de marbre, & porté ſur une eſpece de baluſtre, comme dans l’Egliſe des Grands-Auguſtins à Paris, ou taillé en maniere de coquille, & attaché à un pilier à l’entrée d’une Egliſe, comme à celle de Saint-Germain l’Auxerrois, à Paris.

BERCEAU, ſ. m. C’eſt une voûte en plein ceintre, qu’on pratique ordinairement aux caves, aux écuries, aux orangeries, & aux arches des ponts.

Berceau. Terme de Jardinage. Allée couverte naturellement ou artificiellement ; ce qui forme deux ſortes de Berceaux, l’un naturel & l’autre artificiel. Les premiers ſont faits de branches d’arbre entrelacées avec induſtrie, & ſoutenues par de gros treillages, cerceaux, perches, &c. Ces arbres ſont ordinairement des ormes femelles, & des tilleuls de Hollande, parce qu’ils ſe plient avec facilité, & qu’ils forment par le grand nombre de leurs rameaux un ombrage agréable. On garnit leur pied avec de la charmille, & on couvre ces Berceaux de vigne, de chevrefeuille, de couleuvrée ou de jaſmins communs.

Les Berceaux artificiels ſe font de treillage qu’on ſoutient par des montans, traverſes, cercles, arcboutans & barres de fer. On les forme avec des échalas de bois de chêne bien planés & bien dreſſés, dont on fait des mailles de dix en ſept pouces en quarré, qu’on lie avec du fil de fer. (Voyez encore Treillage.) On trouve des beaux modeles de Berceaux dans la Théorie & Pratique du Jardinage, première Partie, chapitre ſixiéme.

Berceau d’eau. C’eſt un Berceau forme par deux rangées de jets obliques qui ſe croiſent. On ſe promene ſous ce Berceau ſans ſe mouiller. Il y a à Verſailles des Berceaux d’eau dans le boſquet de l’étoile ou de la montagne.

BERGERIE, ſ. f. C’eſt une étable ou parc, où l’on tient les moutons dans une métairie. Elle doit être dans un lieu ſec, & avoir ſon aire un peu en pente. On la couvre d’un comble en pointe, ſoutenu par des piliers de pierre ou de bois, & on l’ouvre par les côtés comme un jeu de paume. Tout cela forme une eſpece de bâtiment aſſez léger, auquel il eſt à propos de faire un plancher, tant pour y mettre les fourrages que pour conſerver les brebis plus chaudement. Pour ſe procurer ce dernier avantage, la meilleure expoſition qu’on puiſſe donner à une Bergerie eſt celle du midi. Lorſqu’on a des brebis, dont la laine eſt fine & précieuſe, on fait l’aire de la Bergerie de planches, & on y pratique des trous pour ſervir d’écoulement aux eaux.

BERGES, ſ. f. pl. Terme des Ponts & Chauſſées. Ce ſont les bords ou levées des rivieres & des grands chemins, qui étant taillées dans quelques côtes font eſcarpées en contre-haut, ou dreſſées en contre-bas avec talut, pour empêcher l’éboulement des terres, & retenir les chauſſées faites de terre rapportée. La conſtruction des Berges pour les chemins eſt une choſe toute méchanique, & qui ne demande que de l’attention à bien affermir les terres, ou, ſuivant leur qualité, à leur planter des buiſſons, afin de les contenir par l’entrelacement de leurs racines. Les Berges des fleuves & des rivieres ſont de plus grande conſéquence, parce qu’elles ſont expoſées au courant de l’eau, qui travaille ſans ceſſe à les détruire. Auſſi ont-elles fait dans tous les tems le ſujet d’un travail important pour les Ingénieurs des Ponts & Chauſſées. Pour en déterminer la conſtruction, il faut connoître la vîteſſe du courant auquel elles ſont expoſées, & être inſtruit des écarts du fleuve même. La méchanique, proprement dite, s’applique alors à ces connoiſſances, & cette application dévoile deux régles fondamentales à la conſtruction des Berges. La premiere eſt : Que la force moyenne de l’eau ſur leur ſurface eſt exprimée par la moitié de la diagonale répondant à la plus grande profondeur. La ſeconde règle eſt telle : Les Berges dont la ſurface intérieure eſt inclinée, ne ſe reſſentent de la vîteſſe du fleuve, que par ce qu’elles ont d’horizontal ; ce qui eſt toujours exprimé par la ligne qui marque leur talut. On trouvera le développement de ces régles dans l’Architecture Hydraulique de M. Belidor, ſeconde Part. tom. 2. liv. IV. ch. 1.

BERME, ſ. f. C’eſt un chemin qu’on laiſſe entre une levée & le bord d’un canal, ou d’un foſſé, pour empêcher que les terres de la levée, venant à s’ébouler, ne le rempliſſent.

BÉTON, ſ. m. Sorte de mortier qu’on jette dans les fondemens, & qui ſe durcit extrêmement. Il ſe pétrifie dans la terre, & devient dur comme un roc. M. Belidor recommande beaucoup l’uſage du Béton dans les fondemens des ouvrages hydrauliques, & il explique avec ſoin comment on doit l’employer. (Voyez l’Architecture Hydraulique, tom. 2. de la ſeconde Part. liv. III. ch. X.)

Voici d’après lui la compoſition de ce mortier. On forme ſur un terrein bien uni & bien battu, une bordure circulaire compoſée de douze parties de pozzolane, de terraſſe de Hollande, ou de cendrée de Tournai, (Voyez Pozzolane & Mortier) ſur laquelle on met ſix parties de ſable bien grené & non terreux, & répandu également : on remplit l’intérieur de ce cercle de neuf parties de chaux vive, bien cuite & concaſſée avec une maſſe de fer, afin qu’elle s’éteigne plus vîte ; on y jette enſuite de l’eau, (on doit prendre de l’eau de mer pour les ouvrages maritimes) & on y mêle, comme en faiſant le mortier ordinaire, la terre qui ſert de bordure. Lorſque le tout eſt bien mêlé, on y jette treize parties de recoupes de pierres, & trois de mâchefer concaſſé, ou, à leur défaut, treize parties de recoupes & blocailles de pierre ou de cailloux, dont la groſſeur ne doit point ſurpaſſer celle d’un œuf de poule. On remue à force de bras toute cette compoſition pendant une heure, & on en forme des tas qu’on laiſſe ſécher pendant vingt-quatre heures en été, & durant trois ou quatre jours en hyver.

Ce mortier eſt ſi dur, que M. Milet de Monville ayant fait remplir de maçonnerie de Béton une caiſſe de vingt-ſept pieds cubes, & l’ayant plongée dans la mer, où elle reſta pendant deux mois, elle compoſa un corps ſi denſe qu’on trouva plus de difficulté à en ſéparer les parties, que celles d’un bloc de la meilleure pierre.

Il eſt parlé dans l’Architecture de Vitruve ; d’un mortier très-dur, compoſé de deux parties de Pozzolane, & d’une de chaux. (Voyez Pozzolane.)

BEUVEAU ou BUVEAU, ſ. m. Eſpece d’équerre mobile, dont un bras eſt bombé ſelon la douelle d’un arc ou d’une voûte, & l’autre droit ſelon le joint de coupe. Quelquefois auſſi un bras eſt bombé, & l’autre creuſé. Et il y en a encore dont les deux bras ſont creux en dedans. Cet inſtrument ſert à décrire, prendre toute ſorte d’angles, & à marquer l’inclinaiſon des plans. Il a encore pluſieurs uſages dans la coupe des pierres, comme on peut le voir dans les Traités du P. Derand, & de Deſargues, ſur cette matiere.

BIAIS, adj. Ce qui eſt de côté. C’eſt un défaut dans la conſtruction d’un bâtiment, qu’on ne peut éviter dans un mur de face ou mitoyen, à cauſe du coude que forment ſouvent les rues d’une ville ou d’un grand chemin, ou le terrein d’une maiſon voiſine. Ce terme ſe caractériſe, ſuivant les cas, de la maniere ſuivante.

Biais gras ou maigre. Le premier a lieu lorſque l’angle d’obliquité eſt obtus, & le ſecond lorſqu’il eſt aigu.

Biais par tête. Déviation d’un plan qui provient de ce que le mur de l’entrée d’une voûte, droite ou rampante, n’eſt pas d’équerre avec ceux qui portent la voûte.

Biais paſſé. On appelle ainſi la fermeture d’un arc ou d’une voûte ſur des piédroits de travers par leur plan, comme aux deux chapelles les plus proches du chœur dus Minimes de la Place Royale, à Paris.

Biais. Terme de Jardinage. Sauver un Biais. C’eſt empêcher des alignemens irréguliers, & des formes bizarres dans un jardin. Dans les pieces couvertes, comme les boſquets, les berceaux, &c. une ligne droite, que forme une paliſſade, ſuffit pour redreſſer un Biais, qui ſe perd alors dans les quarrés. Dans les lieux découverts, tels que les parterres, les boulingrins, &c. le Biais paroît un peu plus ; mais s’il eſt difficile de le corriger, il ſe perd auſſi plus aiſément dans l’étendue, & on ne peut juger que par le plan de l’irrégularité du terrein. Dans les petits jardins on rejette le Biais ſur les platebandes, en régulariſant la piece du milieu ; & on redreſſe les plate-bandes par un trait de buis. Des liſieres de bois & des broſſailles couvrent les Biais des murs. Un banc placé dans un angle, ou un berceau, corrige le coude des allées qui ne peuvent s’aligner.

BIBLIOTHEQUE, ſ. f. Lieu en forme de grand cabinet ou de galerie, où des livres ſont rangés ſur des tablettes avec ordre & décoration. Telles ſont entr’autres les Bibliotheques du Vatican, à Rome, & du Roi, à Paris. On trouvera aux articles Appartement & Architecture, la place d’une Bibliotheque dans un édifice, & ſon expoſition. A l’égard de la décoration, elle comporte des buſtes, des globes, des ſpheres, placés à propos ; & on orne les tablettes avec des bandes de ſoye de différentes couleurs, ou avec des moulures. Ce ſont là les ſeules connoiſſances qui conviennent à cet ouvrage. Nous perdrions notre objet de vûe, ſi nous entrions dans tout l’hiſtorique que le mot Bibliotheque peut fournir, parce que c’eſt une choſe purement littéraire ; & l’Architecture eſt aſſez vaſte & aſſez riche par elle-même, ſans qu’elle ait beſoin d’ornemens étrangers pour la rendre recommandable. Contentons-nous donc de dire que le terme Bibliotheque eſt formé de deux mots grecs, Biblion & Tecke, qui ſignifient armoire à livres.

BIBLOQUET, ſ. m. Nom qu’on donne à tout petit quarré de pierre, qui ayant été ſcié d’un plus gros, reſte dans le chantier. On appelle encore Bibloquet, les moindres carreaux de pierre provenus de la démolition d’un vieux bâtiment.

BICOQ, ſ. m. C’eſt une piece de bois qu’on ajoute aux deux dont une chevre eſt compoſée. Le Bicoq ſert à ſoutenir un mur, lorſqu’on ne peut dreſſer les deux autres pieces de bois.

BIENSÉANCE, ſ. f. On appelle ainſi, après Vitruve, l’aſpect d’un édifice dont la décoration eſt approuvée, & l’ordonnance fondée ſur quelque autorité. C’eſt ce que les Architectes nomment convenance. (Voyez Convenance.)

BIEZ, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt un canal qui contient & conduit des eaux, pour les faire tomber ſur les roues d’un moulin.

BILLOT, ſ. m. C’eſt l’appui qu’on met ſous les pinces & leviers, lorſqu’on veut lever ou mouvoir quelque groſſe piece de bois. On donne auſſi le nom de Billot à un gros morceau de bois.

BINARD, ſ. m. Chariot fort à quatre roues, qui ſert pour porter de groſſes pierres, ou des blocs de marbre d’échantillon, & où les chevaux ſont attelés deux à deux.

BISCUITS, ſ. m. pl. Ce ſont des cailloux dans les pierres à chaux, qui reſtent dans le baſſin après qu’elle eſt détrempée.

BISEAU. Voyez Chanfrein.

BITUME, ſ. f. Terre graſſe qui tient de la nature du ſouffre, & qui ſert de mortier aux environs de Bagdat en Syrie. Il y en a de deux eſpeces : le Bitume dur ; qui ſe tire des carrieres, & le Bitume liquide. C’eſt de ce dernier que Semiramis fit liaiſonner les briques des murs de Babylone.

BLANC ET BLEU. Terme de décoration. Voyez Couleurs.

BLANCHIR, v. act. C’eſt en maçonnerie faire une ou pluſieurs couches de blanc à colle ſur un mur ſale, après y avoir paſſé un lait de chaux, pour rendre un lieu plus clair & plus propre. Dans les Pays-Bas on Blanchit tous les ans les façades des maiſons, pour les embellir ; & dans les pays chauds, on Blanchit l’intérieur des maiſons, pour conſerver les tableaux, & rendre les lieux plus frais.

Blanchir. Terme de Menuiſerie & de Serrurerie. C’eſt raboter le fil des planches avec la varlope, pour en ôter les traits de ſcie : ce qui les rend plus blanches ; & en Serrurerie, c’eſt limer le fer avec le gros carreau.

BLOC, ſ. m. C’eſt un gros quartier de pierre ou de marbre, qui n’a point été taillé. On appelle Bloc d’échantillon, celui qui étant commandé à la carriere, y eſt taillé de certaine forme & grandeur. Ce mot vient du mot Celtique Bloch, qui ſignifie tout.

Bloc. Faire en Bloc. C’eſt en maçonnerie conclure un marché ſans s’arrêter au détail des matériaux, & des journées des ouvriers.

BLOCAGES, ſ. m. pl. Ce ſont de menues pierres ou petits moilons, qu’on jette à bain de mortier pour garnir le dedans des murs, & fonder à pierres perdues. C’eſt ce que Vitruve appelle cœmenta, ainſi que toute pierre qu’on employe ſans l’équarrir.

BLOCHETS, ſ. m. pl. Petites pieces de bois qui portent des chevrons, & qui ſont entaillées ſur les plate-formes. On appelle Blochet d’arêtier, celui qui, poſé a l’encoignure d’une croupe, reçoit dans ſa mortaiſe le tenon du pied de l’arêtier ; & Blochet mordant, celui dont les tenons & entailles ſont à queue d’aronde.

BLOQUER, v. act. C’eſt dans la conſtruction, lever les murs de moilon d’une grande épaiſſeur, le long des tranchées, ſans les aligner au cordeau, comme on fait aux murs de pierre ſeche.

Bloquer ſignifie auſſi remplir les vuides de moilon & de mortier, ſans ordre, ainſi qu’on le pratique aux ouvrages fondés dans l’eau.

BOETES, ſ. f. pl. Terme de Charpenterie. Ce ſont des ais ou planches qui ſervent pour couvrir & revêtir des piéces de bois, ſoit poutres ou ſolives.

BOIS, ſ. m. Matiere tirée du corps des arbres, qui ſert à divers uſages dans les bâtimens. Le tems le plus propre à la coupe des Bois, eſt depuis le commencement de l’automne juſques au printems ; &, ſelon Vegece, un peu après la pleine lune, parce que dans ce tems là, dit-il, la ſeve ne montant point, le Bois ſe trouve dégagé d’une humidité crue & ſuperflue, cauſe générale de tous les vices qui ſe rencontrent dans les Bois. Theophraſte veut qu’on coupe le ſapin, le pin & le picea, lorſqu’ils ont jetté leurs premiers jettons, & le tilleul, l’érable, l’orme & le frêne, après les vendanges. M. Caron prétend au contraire que les arbres qui ne portent point de fruit, peuvent être coupés en tout tems, excepté le chêne qu’on doit couper, ſelon lui, en été, & l’orme, qui ne doit être abattu qu’après la chûte de ſes feuilles. À l’égard des arbres fruitiers, M. Caron penſe qu’on doit les couper lorſque leurs fruits ſont mûrs.

Selon Vitruve, la meilleure maniere de couper le Bois eſt de le cerner juſques à moitié du cœur de l’arbre, & de le laiſſer ainſi ſur pied. Palladio croit qu’il ſuffit de le cerner juſques au cœur. Ce dernier ſentiment ne doit pas être ſuivi, & on doit préférer celui de Vitruve, parce qu’en cernant l’arbre juſques à moitié du cœur, on laiſſe égouter une eau rouſſe qui forme cette méchante humidité dont nous avons parlé plus haut, ſource de tous les accidens fâcheux qui arrivent dans les Bois quand ils ſont employés.

Comme on ne ſçauroit être trop attentif à ſe procurer de bons Bois, M. de Buffon a fait pluſieurs expériences, pour le rendre plus fort & plus ſolide ; & il a trouvé qu’on devoit écorcer les arbres, & les laiſſer ainſi ſecher & mourir ſur pied avant que de les abattre. L’aubier, par exemple, devient par cette opération auſſi dur que le cœur de chêne. Il augmente conſidérablement de force & de denſité. Avec cela, les ſouches des arbres écorcés & ſechés ſur pied, ne laiſſent pas que de repouſſer & de reproduire des rejetions. (Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, année 1738.) Le même Auteur, M. de Buffon, a trouvé que la force du Bois eſt proportionnelle à ſa peſanteur ; de ſorte qu’une piece de même longueur & groſſeur, mais plus peſante qu’une autre piece, ſera auſſi plus forte à peu près en même raiſon. Cette règle ſert à comparer la force du Bois qui vient de différens pays, & de différens terreins. Ainſi dans un ouvrage de conſéquence, on peut au moyen d’une table, & en peſant les pieces, ou ſeulement les échantillons de ces pieces, on peut, dis-je, s’aſſurer de la force du Bois qu’on employe. Frappé de cet avantage, M. de Buffon a calculé des tables pour les pieces de quatre pouces d’équarriſſage, juſques à celles de huit pouces. Il a encore ajouté une table ſur la force & la reſiſtance des Bois, fondée ſur cette règle : La réſiſtance des Bois eſt comme la largeur de la piece multipliée par le quarré de ſa hauteur, en ſuppoſant la même longueur.

Le chêne eſt le meilleur de tous les Bois pour les bâtimens, tant ſur terre que dans l’eau, où il ne pourrit point. L’aune ſe conſerve encore dans l’eau. Le châtaignier eſt un bon Bois pour la charpente, pourvu qu’il ſoit à couvert. On peut abbatre le chêne depuis ſoixante ans juſques à deux cens ans ; parce qu’avant ſoixante il eſt trop jeune, & qu’il dépérit après deux cens.

Apres ces connoiſſances générales ſur le Bois ; nous devons entrer dans les détails particuliers, & conſiderer le Bois ſuivant ſes eſpeces, ſes façons & ſes défauts. Ce qui diviſera le reſte de cet article en trois parties, qui contiendront, par ordre alphabétique, les différentes ſortes de Bois.

Des Bois ſelon ſes eſpeces.

Bois de chêne ruſtique ou dur. C’eſt le Bois qui a le plus gros fil, & qu’on employe dans la Charpenterie.

Bois de chêne tendre. Bois qui eſt gras, c’eſt-à-dire moins poreux que le dur, & avec peu de fil. Il eſt propre pour la Menuiſerie & la Sculpture.

Bois de haute-futaye. Bois planté de grands arbres de tige, tels que ſont le chêne, le hêtre, le charme, le tilleul, le pin, &c. qu’on laiſſe croître ſans y rien couper, juſques à ce qu’ils approchent de leur retour. Quand un Bois occupe une grande étendue de pays, on l’appelle Forêt & on en tire le Bois à bâtir.

Bois de touche, ou marmentaux. On appelle ainſi les Bois qui contribuent, tant à la décoration des jardins, ſoit par boſquets ou bouquets, taillis ou haute-futaye, qu’à l’embelliſſement des villes, maiſons & châteaux, comme les cours, avenues, &c.

Bois dur & précieux. C’eſt ainſi qu’on caractériſe les différentes Ebenes, Bois de la Chine, de violette, de Calembourg, de cedre & autres, qu’on débite par feuilles pour les ouvrages de placage & de marqueterie, & qui reçoivent un poli fort luiſant.

Bois léger. C’eſt tout Bois blanc, tel que le ſapin, le tilleul, le tremble, &c. qui ſert a faire les cloiſons & les planchers, au défaut du chêne.

Bois raiſineux. On comprend ſous ce nom le ſapin, le piceas, & autres arbres qui portent de la raiſine. Ces Bois, employés dans les bâtimens, ſont ſujets aux araignées, comme on peut le remarquer au dortoir du couvent des Jacobins, rue Saint-Jacques à Paris, lequel eſt bâti de Bois de ſapin, depuis plus de quatre cens ans.

Bois ſain & net. Bois qui eſt ſans malandres, nœuds vicieux, fiſtules, gales, &c.

Du Bois ſelon ſes façons

Bois affoibli. Bois dont on a diminué conſidérablement de la forme d’équarriſſage, pour le rendre d’une figure droite, courbe ou rampante, & pour laiſſer des boſſages aux poinçons, aux poteaux des membrures, &c. Ces Bois ſe toiſent de la groſſeur de leur équarriſſage, pris au plus gros de leur boſſage.

Bois apparent. Bois, qui étant mis en œuvre dans les planchers, cloiſons ou pans de bois, n’eſt point recouvert de plâtre.

Bois bouge. C’eſt un Bois qui a du bombement, ou qui courbe en quelqu’endroit.

Bois corroyé. C’eſt, en Charpenterie, un Bois qui eſt repaſſé au rabot ; & en Menuiſerie, celui qui eſt applani à la varlope.

Bois de brin & de tige. Bois dont on a ſeulement ôté les quatre doſſes flaches pour l’équarrir, & qui ſert pour les combles, les poteaux ramiers, les pans de bois, & les ſolives des planchers.

Bois d’échantillon. On appelle ainſi les pieces de Bois de certaines groſſeurs & longueurs ordinaires, comme elles ſont dans les chantiers.

Bois d’équarriſſage. C’eſt un Bois qui eſt équarri au-deſſus de ſix pouces, & qui a différens noms, ſuivant ſes groſſeurs.

Bois de refend. C’eſt un Bois qui ſe refend par éclats pour faire du merrain, des lattes, des échalas, du Bois de boiſſeau pour les treillages, &c.

Bois de ſciage. Bois qui eſt propre à refendre, ou qui eſt débité à la ſcie en chevrons, membrures ou planches.

Bois en grume. Bois qui eſt ébranché, & dont la tige n’eſt pas équarrie. Il ſert de ſa groſſeur pour les pieux des palées & pilotis.

Bois flache. Bois qui peut être équarri ſans beaucoup de déchet, & dont les arêtes ne ſont pas vives. Les ouvriers appellent Cantibay, celui qui n’a du flache que d’un côté.

Bois gauche ou deverſé. Bois qui n’eſt pas droit par rapport à ſes angles & à ſes côtés.

Bois lavé. Bois dont on ôte tous les traits de la ſcie & rencontres avec la beſaiguë.

Bois méplat. Bois qui a beaucoup plus de largeur que d’épaiſſeur, comme les membrures de Menuiſerie.

Bois tortu. Bois qui n’eſt bon qu’à faire des courbes.

Bois vif. C’eſt un Bois dont les arêtes ſont bien vives & ſans flaches, & dont il ne reſte ni écorce, ni aubier.

Du Bois ſelon ſes défauts.

Bois blanc. Bois qui tient de la nature de l’aubier, & qui ſe corrompt facilement.

Bois carié ou vicié. Bois qui a des malandres & nœuds pourris.

Bois gelif. Bois qui a des gerſures ou fentes cauſées par la gelée.

Bois mort en pied. Bois qui eſt ſans ſubſtance, & qui n’eſt bon qu’à brûler.

Bois nouailleux. C’eſt un Bois qui eſt plein de nœuds, qui le rendent défectueux & ſujet à ſe caſſer aux endroits où il ſe trouve chargé, ou lorſqu’on le débite.

Bois noueux. C’eſt un Bois qui eſt plein de nœuds.

Bois qui ſe tourmente. Bois qui ſe déjette n’étant pas ſec lorſqu’on l’employe.

Bois rouge. Bois qui s’échauffe, & qui eſt ſujet à ſe pourrir.

Bois roulé. Bois dont les cernes ſont ſéparées, & qui ne faiſant pas corps, n’eſt pas bon à débiter.

Bois tranché. Bois dont les nœuds vicieux, ou les fils obliques, coupent la piece, & qui, à cauſe de ces défauts, ne peut pas réſiſter à la charge.

Bois vermoulu. Bois qui eſt piqué de vers.

BOISER, v. act. Terme de Menuiſerie. C’eſt couvrir les murs d’une chambre ou d’un appartement, d’ouvrages aſſemblés, moulés, ſculptés, &c. Les appartemens Boiſés ſont moins froids, moins humides, & plus ſains en tout tems.

BOISERIE, ſ. f. Ouvrage de Menuiſerie, où l’on employé le bois de chêne, de ſapin, ou autre bois, pour l’appliquer contre les murs d’un appartement. Le bois le plus propre à faire de belles Boiſeries, eſt le chêne de Dannemark, parce qu’il a moins de nœuds & de défauts que celui des pays plus chauds.

BOISSEAU DE POTERIE, ſ. m. C’eſt un corps rond & creux de terre cuite, fait en forme de Boiſſeau ſans fond, & qui étant emboité avec d’autres, forme la chauſſe d’une aiſance. Les Boiſſeaux de Poterie doivent être bien verniſſés ou plombés par-dedans, couverts de plâtre, & retenus par des gâches de fer de ſix pieds en ſix pieds.

BOMBÉ ou COURBÉ, adj. C’eſt ainſi qu’on caraſtériſe un arc, qui a environ ſoixante degrés.

BOMBEMENT, ſ. m. C’eſt la convexité, curvité ou renflement d’une ſolive, d’un arc, &c.

BOMBER, v. aſt. C’eſt faire un trait plus ou moins renflé.

BONBANC. Voyez Pierre de Bonbanc.

BONDE, ſ. f. Terme d’Architecture hydraulique. Eſpece de fermeture d’étang en forme de cone tronqué, que l’on poſe dans un trou, à l’endroit le plus creux de l’étang, pour le vuider à fond par une pierrée ou un aqueduc.

BORD DE BASSIN, ſ. m. C’eſt la tablette ou le profil de pierre ou de marbre, ou le cordon de gazon ou de rocaille qui poſe ſur le petit mur circulaire, quarré ou à pans, d’un baſſin d’eau.

BORDER UNE ALLÉE, v. act. Terme de Jardinage. C’eſt planter dans une allée une bordure de buis ou de fines herbes, comme thym, marjolaine, ſauge, &c. pour féparer la planche ou la plate-bande des carreaux d’avec l’allée.

BORDURE, ſ. f. C’eſt un profil en relief, rond ou ovale, le plus ſouvent ſculpté, peint ou doré, qui renferme quelque tableau, bas-relief, ou panneau de compartiment. On appelle cadres, les Bordures quarrées.

Bordure. Terme de Jardinage. C’eſt une bande de thym, de lavande ou de gazon, qui entoure les compartimens d’un parterre. Les Bordures des allées font ordinairement de buis.

Bordure de pavé. Nom qu’on donne aux deux rangs de pierre dure & ruſtique qui retiennent les dernières morces, & qui font les bords du pavé d’une chauſſée.

BORNE, ſ. f. Pierre qui ſert de terme & de limite à un héritage, ou qui marque l’étendue & les cenſives d’une Terre ſeigneuriale. Sur cette pierre ſont ordinairement les armes ou le chiffre du Seigneur. Les Arpenteurs plantent les Bornes aux encoignures des terres, & mettent des témoins au-deſſous, ou à certaine diſtance. (Voyez Témoin de Borne.) Cela ſe pratique dans les ouvrages publics, comme ſont les ponts. Le terme Borne eſt tiré du vieux mot françois, Boune, dérivé du grec Bthnos, qui ſignifie un monceau.

Borne de Batiment. Eſpece de cone de pierre dure, à hauteur d’appui, placée à l’encoignure ou au-devant d’un mur de face, pour le défendre des charrois. Ces Bornes ſont ou adoſſées au mur, ou iſolées ; & quand elles renferment une place au-devant d’un bâtiment, ſur une voye publique, elles déterminent la poſſeſſion de cette place, au Particulier qui les a fait planter, ſans quoi elle reſteroit au public.

Borne de cirque. Pierre en maniere de cone, qui ſervoit de but chez les Grecs, pour terminer la longueur de la ſtade, & qui regloit chez les Romains la courſe des chevaux dans les cirques & les hyppodromes : ce qu’ils nommoient meta.

Bornes de vitre. Pieces de verre hexagones barlongues, qui entrent dans les compartimens des vitres. Les unes ſont debout ; les autres couchées, & les troiſiémes accouplées.

BORNOYER, v. act. C’eſt d’un coup d’œil juger par trois ou pluſieurs jalons ou corps de la droiture d’une ligne, pour ériger un mur droit, ou pour planter des arbres d’alignement.

BOSEL. Voyez Tore.

BOSQUET, ſ. m. Terme de Jardinage. Petit bois qui fait partie de la décoration d’un jardin. On doit placer les Boſquets dans les endroits où ils n’ôtent point la vûe, & on peut leur donner toute ſorte de figures, telles que les étoiles, quinconces, cloîtres, ſalles vertes, galeries, labyrinthes, croix de S. André, pattes-d’oie, chapelets, guillochis, culs-de-ſacs, carrefours, cabinets, &c. Ces figures ſe varient ſuivant la place qu’un Boſquet doit occuper dans un jardin : cette place étant ſouvent déterminée, ſoit parce que dans tel endroit, quoiqu’irrégulier, il relevera mieux les pieces plates, comme les parterres, les boulingrins, &c. ou qu’il couvrira quelques vûes deſagréables. Il s’agit ici d’un Boſquet couvert, c’eſt-à-dire d’un bois proprement dit, que forment des rangées d’arbres. L’autre eſpece de Boſquet, qu’on nomme découvert, tient plus particulierement à la décoration d’un jardin. Ses allées ſont formées ordinairement par des tilleuls ou maroniers d’inde, accompagnés d’une petite paliſſade de charmille ou d’érable, d’environ trois pieds de haut. Il eſt coupé par différentes avenues qui aboutiſſent a une piece plate à pans, décorée à ſon milieu d’une piece d’eau & aux angles des avenues, de figures, vaſes, fontaines, & autres ornemens arbitraires, entre leſquels on place des bancs, & embellie d’ifs & d’arbriſſeaux plantés par ſymmétrie. A différens endroits de ce Boſquet, & cela ſelon ſa figure, on pratique des compartimens & tapis de gazon, avec un ſentier ratiſſé, de deux pieds de large, régnant par-tout entre les paliſſades & les pieces de gazon. On voit des Boſquets de différentes formes, & diverſement décorés, dans le parc de Verſailles.

BOSSAGE, ſ. m. C’eſt l’appareil de toutes les pierres poſées en place, où les moulures ne ſont point coupées, & où la Sculpture n’eſt point taillée. Boſſage eſt auſſi le nom de certaines pierres avancées, qu’on laiſſe au-deſſous des couſſinets d’un arc ou d’une voûte, & qui ſervent de corbeaux pour porter les ceintres ; ce qui évite de faire des trous de boulin. Enfin on déſigne encore par ce terme, certaines boſſes qu’on laiſſe aux tambours des colonnes de pluſieurs pieces, pour conſerver les arêtes de leurs joints de lit, que les brayers & autres cordages pourroient émouſſer, & pour en faciliter la poſe.

Boſſage a anglet. Boſſage qui étant chanfreiné, & joint à un autre de pareille maniere, forme un angle droit.

Boſſage a cavet. Boſſage dont la ſaillie eſt terminée par un cavet entre deux filets.

Boſſage a chanfrein. C’eſt un Boſſage dont l’arête eſt rabatue, & qui ne ſe joint pas avec un autre, mais qui laiſſe un petit canal de certaine largeur, tel qu’on en voit à la Place Dauphine, à Paris.

Boſſage a doucine. Boſſage dont l’arête rabatue eſt moulée d’une doucine.

Boſſage arrondi. C’eſt un Boſſage dont les arêtes ſont arrondies, comme aux bandes des colonnes ruſtiques du Luxembourg, à Paris.

Boſſage continu. Boſſage qui, dans l’étendue d’un mur de face, eſt continué ſans autre interruption que des chambranles ou corps où il va ſe terminer, comme aux écuries du Roi, à Verſailles.

Boſſage en liaiſon. Ce Boſſage repréſente les carreaux & les boutiſſes, & eſt ſéparé par des joints montans de pareille largeur & renfoncement que ceux de lit, comme au Palais de la Chancellerie à Rome.

Boſſage en pointe de diamant. Boſſage dont le parement a quatre glacis qui ſe terminent à un point lorſqu’il eſt quarré, & qui a une arête quand il eſt rectangle.

Boſſages mêlés. Ce ſont des Boſſages de deux différentes hauteurs, mêlés alternativement, & qui repréſentent les aſſiſes de haut & de bas appareil.

Boſſage quarderonné avec liſtel. Boſſage qui reſſemble à un panneau en ſaillie, bordé d’un quart de rond, & renfermé dans un liſtel, comme on en voit aux pilaſtres Toſcans de la grande galerie du Louvre.

Boſſage ravalé. C’eſt un Boſſage qui a une table fouillée en dedans d’une certaine profondeur, bordée d’un liſtel, & ſéparée d’un autre Boſſage par un canal quarré.

Boſſage ruſtique. Boſſage qui eſt arrondi, & dont les paremens paroiſſent bruts, ou pointillés également, tel qu’on en voit à Paris, au Louvre, en pluſieurs endroits.

Boſſage ruſtique vermiculé. C’eſt un Boſſage qui eſt pointillé en tortillis, comme à la Porte Saint-Martin, à Paris.

Boſſages ou Pierres de refend. Ce ſont les pierres qui ſemblent excéder le nud du mur, à cauſe que les joints de lit en ſont marqués par des renfoncemens ou canaux quarrés.

Boſſages. Terme de Charpenterie. Ce ſont de petites boſſes quarrées, qu’on laiſſe aux poinçons, arbres de grue, d’engin, &c. pour arrêter les moiſes.

BOSSE, ſ. f. C’eſt dans le parement d’une pierre un petit boſſage que l’ouvrier y laiſſe, pour marquer que la taille n’en eſt pas toiſée : il l’ôte après en ragréant.

Boſſe de pavé. C’eſt une petite éminence ſur le parement d’un revers ou d’une chauſſée de pavé, cauſée, ou parce que l’aire ou la forme n’en eſt pas affermie également, ou parce que la peſanteur du charroi a fait quelque flache.

Boſſe ronde, ou Ronde Boſſe. Terme de décoration. C’eſt en Sculpture un ouvrage dont les parties ont leur véritable rondeur, & ſont iſolées comme les figures. On appelle demi-Boſſe, un bas relief qui a des parties ſaillantes & détachées.

BOUCHE, ſ. f. C’eſt chez le Roi & les Princes un département compoſé de pluſieurs pieces, comme des cuiſines, offices, &c. où l’on apprête & où l’on donne les viandes des premières tables. On appelle en Cour, ce lieu, La Bouche du Roi.

Le terme Bouche, pris métaphoriquement, ſignifie encore l’ouverture ou l’entrée d’une carriere, d’un puits, d’un tuyau, &c.

Bouche de port. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt l’entrée d’un port, qui eſt ordinairement fermée par une chaîne portée d’eſpace en eſpace ſur des piles de pierre, pour empêcher le libre accès des vaiſſeaux étrangers, & tenir en ſûreté ceux qui ſont dans le port.

BOUCHERIE, ſ. f. Bâtiment public, formé d’une grande ſalle au rez de chauſſée, contenant pluſieurs étaux où l’on expoſe les groſſes viandes, pour être vendues en détail, comme la Boucherie du Marché-neuf, à Paris, bâtie ſous Charles IX par Philibert De Lorme.

On appelle auſſi Etal, une boutique où l’on vend de la groſſe viande.

BOUCLE, ſ. f. Gros anneau de fer ou de bronze, qui ſert à heurter à une porte cochere. Il y a de ces anneaux qui ſont fort riches, ornés de moulures & de ſculpture. On connoît mieux la Boucle ſous le nom de Heurtoir. (Voyez ce mot.)

Boucles. Petits ornemens en forme d’anneaux laſſés ſur une moulure ronde.

BOUCLIER, ſ. m. Terme de décoration. Ornement qui ſert pour les friſes, les trophées, &c. Les Boucliers ſont ordinairement ovales : ils ſont chargés de têtes ou gueules de gorgone, de lion, ou d’autres animaux. Ceux qu’on appelle navals ſont diſtingués par deux enroulemens.

BOUDIN. Voyez Tore.

BOUEMENT. Voyez Assemblage a Bouement.

BOUGE, ſ. m. Petit cabinet, placé ordinairement à côté d’une cheminée, (& dans ce cas, il y en a deux) où l’on enferme différentes choſes,

Bouge eſt auſſi une petite garde-robe où il n’y a place que pour un petit lit.

Bouge. Terme de Charpenterie. C’eſt ainſi qu’on déſigne une piece de bois qui courbe en quelque endroit.

BOUILLONS D’EAU, ſ. m. pl. Terme de Jardinage. Nom général qu’on donne à tous les jets d’eau qui s’élévent à peu de hauteur, en maniere de ſource vive. Ils ſervent pour garnir les caſcades, goulotes, rigoles, gargouilles, &c.

BOULANGERIE, ſ. f. C’eſt dans un Palais ou dans une maiſon de Communauté, le lieu où l’on fait le pain ; dans un arſenal de marine, le biſcuit ; & dans un chenil, le pain pour les chiens. Ce lieu, qui forme un bâtiment, eſt compoſé de pluſieurs pieces, comme fournil, (c’eſt endroit où font les fours) panneterie, pétrin, farinier & autres.

BOULE D’AMORTISSEMENT, ſ. m. C’eſt tout corps ſphérique qui termine quelque décoration, comme on en met à la pointe d’un clocher, ou ſur la lanterne d’un dôme, auquel elle eſt proportionnée. Cette ſphere doit avoir un grand diametre, afin qu’elle ſoit viſible ; & cette groſſeur doit être proportionnée à l’élévation du dôme ou du clocher. La Boule de Saint-Pierre de Rome, qui eſt de bronze, avec une armature de fer en dedans, faite avec beaucoup d’artifice, & qui eſt à ſoixante-ſept toiles de haut, a plus de huit pieds de diamètre.

On met auſſi des Boules au bas des rampes, & ſur des piédeſtaux, dans les jardins.

BOULIN, ſ. m. Petit trou ou logette qu’on diſpoſe autour d’un colombier, pour ſervir de nids aux pigeons, qui y pondent leurs œufs, & y couvent leurs petits. On fait ces Boulins de terre de brique, & même de bois.

BOULINGRIN, ſ. m. Eſpece de parterre compoſé de pieces de gazon, découpées avec bordure en glacis, & orné quelquefois d’arbres verds à ſes encoignures. Il y a deux ſortes de Boulingrins, de ſimples & de compoſés : le premier eſt formé tout de gazon, ſans avoir rien qui l’accompagne ; & le Boulingrin compoſé eſt coupé en compartimens, & orné d’ifs & d’arbriſſeaux, de grands arbres même, tels que les maronniers d’Inde ou les tilleuls de Hollande, quand il a une étendue conſidérable : ce dernier eſt ſuſceptible d’une belle décoration. On le garnit d’ifs, d’arbriſſeaux à fleurs, mis dans des caiſſes ou de grands pots de fayence ; on le diviſe par des ſentiers ſablés de différentes couleurs, & on conſtruit dans un renfoncement, un baſſin avec un jet & une piece d’eau plate.

Les Boulingrins ne conviennent qu’aux jardins d’une grande étendue. C’eſt une piece très-noble & très-agréable, ſur tout quand elle eſt bien placée. Sa figure renfoncée, couverte d’un beau gazon bien uni & bien verd, entourée le plus ſouvent de grands arbres, avec des arbriſſeaux pleins de fleurs, en font un ornement gracieux. Sa véritable place eſt dans un endroit découvert, afin qu’il ne cache point la vûe. On en met auſſi dans les boſquets ; & ils ſont d’un grand ſecours pour garnir un grand eſpace, qui doit être entièrement découvert. On trouve dans la Théorie & Pratique du Jardinage, des modeles de Boulingrins, repréſentés dans les Planches de la première Partie, ch. VII.

L’invention de ce parterre vient d’Angleterre, auſſi bien que ſon nom, qui a été fait de Boule, qui ſignifie rond, & de grin, pré ou gazon. L’un des plus beaux Boulingrins eſt celui du parc S. Cloud.

BOULINS, ſ. m. pl. Pieces de bois qu’on ſcelle dans les murs, ou qu’on ſerre dans les bayes avec des étréſillons, pour échafauder. On appelle Trous de Boulins, les trous qui reſtent des échafaudages. Vitruve les nomme columbaria, parce qu’ils ſont ſemblables à ceux où nichent les pigeons dans les colombiers. (Voyez Boulin.)

BOULON, ſ. m. Terme de Serrurerie. Groſſe cheville de fer avec une tête ronde ou quarrée, qui retient le limon d’un eſcalier, ou un tirant avec un poinçon, par le moyen d’une clavette qu’on met au bout.

BOULONNER, v. act. C’eſt arrêter un Boulon.

BOURIQUE, ſ. f. C’eſt une petite machine formée avec des ais, qui ſert aux Couvreurs quand ils travaillent ſur les couvertures. Elle s’accroche aux lattes, & on met l’ardoiſe deſſus, pour en prendre à meſure qu’on l’employe. (Voyez la figure de la Bourique dans les Principes d’Architecture de Felibien, Planche XXIV.)

BOURIQUET, ſ. m. Eſpece de civiere ſervant aux Maçons à élever les moilons & autres matieres dans les baquets. Felibien a repréſenté le Bouriquet dans la Planche XI. de ſes Principes d’Architecture, &c.

BOURSE, ſ. f. Voyez Change.

BOURSEAU, ſ. m. Moulure ronde qui règne dans les grands bâtimens au haut des toîts couverts d’ardoiſe. Il y a une bande de plomb au-deſſus du Bourſeau, qu’on nomme Bavette, Le petit membre rond qui eſt ſous la Bavette, & nomme Membron. Et on donne le nom d’Anuſure ou Baſque à la piece qui eſt au droit des arreſtieres, & ſous les épis ou amortiſſemens, parce qu’elle eſt compoſée en forme de baſque. (Voyez la Planche XXIII. des Principes d’Architecture de Felibien.)

BOUSIN, ſ. m. C’eſt le deſſus des pierres qui ſortent de la carriere, & qui eſt une eſpece de croute de terre, non pétrifiée : il tient du ſouchet, & on doit l’abattre entierement. On l’ôte en équarriſſant les pierres. Cela s’appelle Ebouſiner une pierre.

BOUTÉE. Voyez Buter.

BOUTIQUE, ſ. f. Salle ouverte au rez de chauſſée de la rue, qui ſert pour les Marchands & les Artiſans. Ce mot vient du latin Botheca, fait du latin Apothcca, magaſin.

BOUTISSE, ſ. f. C’eſt une pierre dont la plus grande longueur eſt dans le corps du mur. Elle eſt différente du quarreau, en ce qu’elle préſente moins de parement, & qu’elle a plus de queue.

BOUTON, ſ. m. Piece ronde de menus ouvrages de fer, qui ſert à tirer à ſoi un ventail de porte, pour la fermer. Il y en a de ſimples & de ciſelés ; les uns & les autres ſont avec roſettes.

BOUZIN. Voyez Bousin.

BRANCHES D’ARCS, ſ. f. pl. Nom qu’on donne à pluſieurs portions d’arcs, qui prennent naiſſance d’un ſeul ſommier.

Branches d’ogives. Ce ſont les arcs en diagonale des voûtes gothiques. Il y a de ces branches détachées des pendentifs de la douelle, qui en rachettent d’autres ſuſpendues, d’où pend quelque cul de lampe ou couronne. On voit un ouvrage de cette eſpece dans une chapelle derrière le Chœur de Saint-Gervais, à Paris.

BRANDI. Voyez Chevrons.

BRASSE, ſ. f. Meſure imitée de la longueur du bras, dont ſe ſervent des Architectes en quelques villes d’Italie, où elle tient lieu de pied, & qui eſt différente dans chacune de ces villes, comme on peut le voir par les Braſſes ſuivantes, rapportées au pied du Roi.

Braſſe de Bergame. Selon Scamozzi, cette meſure eſt de 19 pouces & demi, & ſelon M. Petit, elle eſt de 16 pouces, 8 points.

Braſſe de Boulogne. Meſure de 14 pouces, ſuivant Scamozzi.

Braſſe de Breſſe. Scamozzi fixe cette meſure à 17 pouces 7 lignes & 6 points ; & M. Petit lui donne 17 pouces 5. lignes 4 points.

Braſſe de Mantoue. Meſure de 17 pouces 4 lignes, ſuivant Scamozzi.

Braſſe de Parme. Meſure de 20 pouces 4 lignes.

Braſſe de Sienne. Meſure de 21 pouces 8 lignes 4 points.

Braſſe de Toſcane ou de Florence. Maggi fait cette meſure de 20 pouces 8 lignes 6 points ; Lorini, de 21 pouces 4 lignes & 6 points Scamozzi, de 22 pouces 8 lignes ; & M. Picard, de 21 pouces 4 lignes.

BRASSERIE, ſ. f. Grand bâtiment où l’on fait la bierre & le cidre, qui conſiſte en cours, puits, germoir, touraille, moulin, cellier, hangar, logement & écurie. Nous allons faire connoître ici deux de ces pieces, qui appartenant particulièrement à la Braſſerie, ne ſont point des termes généraux d’Architecture. Ces pieces ſont le Germoir, & la Touraille. A l’égard des autres, telles que les logement, hangar, cellier, moulin, &c. nous renvoyons aux articles compris ſous ces termes.

Du Germoir. C’eſt un lieu où l’on met germer l’orge & le houblon, qui ſont les grains dont on fait la bierre. Cet endroit eſt ou vouté, ou il ne forme ſeulement qu’une grande ſalle au rez de chauſſée. On y laiſſe le grain en tas & en mottes pendant vingt-quatre heures, après lequel tems on étend les mottes qu’on réduit de huit à neuf pouces d’épaiſſeur. Le grain reſte en cet état dans le Germoir, juſques à ce qu’il ait pouſſé un germe convenable ; & alors on le tire de là pour le porter dans la touraille.

De la Touraille. C’eſt ici une des pieces principales d’une Braſſerie. C’eſt l’endroit où eſt le fourneau, & la conſtruction de cet endroit demande la plus grande attention. Sa forme, à ſa partie ſupérieure, eſt une pyramide équilatérale creuſe, dont le ſommet eſt tronqué, & la baſe en haut. Le corps ou les faces ſont compoſés de pieces de bois aſſemblées, & revêtues en dedans d’une maçonnerie de brique faite ſur un lattis, tel que celui des plafonds. Et pour préſerver les bois d’une incendie preſqu’inévitable, la maçonnerie de brique eſt enduite de bonnes couches de plâtre. Du germoir, on porte le grain ſur le plancher de la Touraille, où on l’étend en forme de couche de cinq à ſix pouces d’épaiſſeur, & on allume le fourneau pour faire ſortir l’humidité du grain.

Le mot de Braſſerie vient du terme qui exprime l’action de l’ouvrage pour lequel ce bâtiment eſt deſtiné : c’eſt Braſſer ; faire à force de bras.

BRAYERS. Voyez Cables.

BRAYETTE. Voyez Tore corrompu.

BRECHE, ſ. f. Ouverture provenue à un mur par violence, malfaçon ou caducité, Ce mot vient de l’Allemand Brechen, qui ſignifie rompre.

Breche. Voyez Marbre de Breche.

BRETELER, v. act. C’eſt dreſſer le parement d’une pierre, ou regratter un mur avec un outil à dents, comme la laye, le rifflard, la ripe, &c.

BRINS DE FOUGERE. Voyez Pan de bois.

BRIQUE, ſ. f. Sorte de pierre factice de couleur rougeâtre, compoſée d’une terre graſſe pétrie, miſe en quarré long dans un moule de bois, & cuite au four, où elle acquiert de la dureté. Cette pierre ſe fabrique ainſi : on choiſit de la terre graſſe & fine, ſans pierres ni petits cailloux, dans laquelle on mêle du ſablon fin. On pétrit bien cette terre, & afin de la mieux lier, on y mêle ordinairement de la bourre & du poil de bœuf. Cette pâte faite, on la jette dans des moules, qui ſont des cadres de bois de la même dimenſion que celle qu’on veut donner à la Brique. On la laiſſe ainſi au ſoleil, dans un tems d’automne ou de printems ; & quand elle eſt à demi ſeche, on la taille, c’eſt-à-dire on enleve avec un couteau tout ce qui nuiroit à la régularité de la figure. Il ne reſte plus qu’à faire cuire la Brique dans un four, & elle eſt faite.

On ſe ſert de la Brique, tant pour conſtruire le dedans des murs qui doivent être incruſtés de pierre ou de marbre, qu’au dehors de ceux dont elle fait le parement des panneaux. On en couvre auſſi les planchers. (Voyez Carreau de plancher.)

Autrefois l’uſage de la Brique étoit plus étendu. Les premiers édifices de l’Aſie, à en juger par les ruines, étoient de Briques ſechées au ſoleil, ou cuites au feu, mêlées de roſeaux hachés, & cimentés de bitume. L’Ecriture ſainte nous apprend encore que la ville de Babylone fut bâtie de Briques par Nemrod. Nous ſçavons d’ailleurs que les murs dont Semiramis la fit enclorre, qui font la troiſiéme merveille du monde, ne furent bâtis que de ces matériaux. Fiſcher, dans ſon Eſſai d’Architect. hiſtor. Planche III. a décrit ces murs, & les a repréſentés dans une belle Planche. Et Tavernier, dans ſon Voyage du Levant, liv. II. ch. 7. nous a inſtruit de l’état du reſte de ces murs. Voici comme il s’exprime : « A l’endroit de la ſéparation du Tigre, nous vîmes, dit-il, comme l’enceinte d’une grande Ville... Il y a des reſtes de murailles ſi larges, qu’il y pourroit paſſer ſix carroſſes de front : elles ſont de Briques cuites au feu. Chaque Brique eſt de ſix pouces en quarré ſur trois pouces d’épaiſſeur. »

Il reſte encore dans l’Arménie, dans la Géorgie & dans la Perſe, pluſieurs anciens édifices bâtis de Briques. A Tauris, à Kom, à Teflis, à Erivan & ailleurs, les vieilles maiſons ſont de Briques. Ainſi parlent les Voyageurs. Et ſi l’on en croit les Hiſtoriens, la Brique acquerera encore plus de conſidération. Rome, dans ſon origine, & pendant les premiers ſiécles de ſa fondation, n’étoit qu’un amas informe de Briques & de torchis. Les Toſcans apprirent enſuite aux Romains la maniere de bâtir avec de groſſes pierres, maſſives & quarrées : mais vers les derniers tems de la République, ils revinrent à la Brique. Le Panthéon & les autres grands édifices en furent conſtruits. Sous Galien, on formoit les murs alternativement d’un rang de Brique, & d’un rang de pierre tendre & griſe. Les Romains ſe ſervirent d’abord de Briques crues. Les Orientaux les faiſoient cuire au ſoleil ; & les Grecs diſtinguoient trois ſortes de Briques : la première étoit de deux palmes ; la ſeconde de quatre, & la troiſiéme de cinq.

La meilleure Brique, qu’on ait aujourd’hui, eſt celle de Bourgogne. On la tire de Melun & de Corbeil. Sa qualité, pour qu’elle ſoit bonne, conſiſte à être bien cuite, ſonnante & colorée. Elle s’achete au millier : mais le prix n’en eſt pas fixe. (On a publié depuis peu un petit Ouvrage intitulé : Maniere de rendre les maiſons incombuſtibles, où l’on aſſigne un nouvel uſage à la Brique, dans les voûtes qu’on nomme Voûtes briquetées.)

On fait des demi-Briques pour ſervir de clauſoirs aux rangs de Briques poſées de plat dans les panneaux. La Brique de Paris eſt ordinairement de huit pouces de long ſur quatre de large, & deux d’épaiſſeur environ.

Voici le nom des différentes eſpeces de Briques, & leur définition.

Brique Crue. Brique faite de terre blanchâtre, comme la craye, & qu’on laiſſe ſecher. Vitruve veut qu’on la laiſſe ſecher cinq années avant que de l’employer. (Architect, de Vitruve, liv. VIII. ch. 3.) On en fait auſſi de terre graſſe, pétrie avec du foin haché ; & cette compoſition s’appelle Torchis.

Brique de chantignole ou demi-Brique. C’eſt une Brique qui n’a qu’un pouce d’épais, ſur la même grandeur que la Brique entiere, & qui ſert à paver entre des bordures de pierre, & à faire des âtres & des contre-cœurs de cheminée.

Briques de champ. Briques qui ſont poſées ſur le côté pour ſervir de pavé.

Briques en épi. Briques poſées diagonalement ſur le côté, en maniere de point de hongrie. C’eſt ainſi qu’elles ſont placées au pavé de Veniſe.

Briques en liaiſon. Briques poſées ſur le plat, enliées de leur moitié les unes avec es autres, & maçonnées avec plâtre ou mortier.

BRIQUETER, v. act. C’eſt contrefaire la brique ſur le plâtre, avec une impreſſion de couleur d’ocre rouge, & y marquer les joints avec un crochet. On Briquete auſſi en faiſant un enduit de plâtre, mêlé avec de l’ocre rouge, & (pendant qu’il eſt frais employé) en traçant les joints profondément, qu’on remplit avec du plâtre au ſas. On peut encore paſſer une couleur rouge ſur la brique même, & refaire les joints avec du plâtre.

BRIQUETERIE. Voyez Tuilerie.

BRISE, ſ. f. C’eſt une poutre poſée en baſcule ſur la tête d’un gros pieu ſur laquelle elle tourne, & qui ſert à appuyer par le haut les aiguilles d’un pertuis.

BRISE-COU, ſ. m. Terme vulgaire, pour exprimer un défaut dans un eſcalier, comme une marche plus ou moins haute que les autres, un giron plus ou moins large, un palier ou un quartier tournant trop étroit, une trop longue ſuite de marches à collet dans un eſcalier à quatre noyaux, &c.

BRISE-GLACE, ſ. m. Terme des Ponts & Chauſſées. C’eſt devant une palée de pont de bois, du côté d’amont, un rang de pieux en maniere d’avant-bec, leſquels étant d’inégale grandeur, (enſorte que le plus petit ſert d’éperon) ſont recouverts d’un chapeau poſé en rampant, pour briſer les glaces, & conſerver la palée, (Voyez le Traité des Ponts & Chauſſées, par M. Gautier, ch. XXVII.)

BRISIS, ſ. m. C’eſt l’angle que forme un comble briſé, c’eſt-à-dire la partie où vient ſe joindre le faux comble avec le vrai, comme font les combles à la manſarde.

BROCATELLE. Voyez Marbre de Brocatelle.

BRODERIE, ſ. f. Terme de Jardinage. C’eſt dans un parterre un ornement en Broderie, compoſé de rinceaux, de feuillages avec fleurons, fleurs, tigettes, culots, rouleaux de graines, &c. le tout formé par des traits de buis nain, qui renferment du mâche-fer au lieu de ſable, & de la brique battue pour colorer ces Broderies & les détacher du fond, qui eſt ordinairement couvert de ſable de rivière. Il y a des pieces de Broderie qui ſont interrompues par une plate-bande ou enroulement de fleurs, ou par un maſſif tournant de buis ou de gazon.

BRONZE, ſ. f. Terme de décoration. Métal formé d’un alliage de cuivre rouge & de cuivre jaune, dont on fond, en cire perdue, des figures, des bas reliefs & des ornemens.

BRONZE EN COULEUR. V. Couleurs.

BRUT, adj. Nom général qu’on donne à tout ce qui n’eſt point dégroſſi, comme de la pierre & du marbre au ſortir de la carriere.

BUANDERIE, ſ. f. Eſpece de ſalle au rez de chauſſée dans une maiſon de Communauté ou de campagne, avec un fourneau & des cuviers pour faire la leſſive.

BUCHER, ſ. m. Lieu obſcur dans l’étage ſoûterrein, ou au rez de chauſſée, où l’on enferme le bois. On donne auſſi ce nom aux hangars, qui ſervent au même uſage. Les Buchers s’appellent Fourrieres chez les Princes.

BUFFET ou BUFET, ſ. m. C’eſt dans un veſtibule, antichambre, ou ſalle à manger, une grande table avec des gradins en maniere de crédence, où l’on dreſſe les vaſes, les baſſins, les cryſtaux, autant pour le ſervice de la table que pour la magnificence. Le Buffet, que les Italiens nomment crédence, eſt ordinairement chez eux dans le grand ſallon, & renfermé dans une baluſtrade d’appui. Celui des Princes & des Cardinaux eſt ſous un dais d’étoffe. On trouve dans le Cours d’Architecture de d’Aviler, édition de 1750. pag. 383. un modele de décoration de Buffet.

Buffet d’eau. Terme de Jardinage. C’eſt dans un jardin une table de marbre ſur laquelle ſont élevés pluſieurs gradins en pyramide, avec des garnitures de vaſes de cuivre doré, dont le corps de chacun eſt formé par l’eau. Tels étoient les deux Buffets d’eau dans le boſquet du marais à Verſailles, & ceux de Trianon. Voyez Fontaine en Buffet.

Buffet d’orgue. Voyez Orgue.

BUREAU, ſ. m. Chambre ou l’on régle des comptes, & où l’on fait des payemens. C’eſt auſſi le lieu où les Marchands s’aſſemblent pour déliberer ſur les affaires qui regardent leur corps. On appelle encore ainſi l’endroit où s’aſſemblent les Directeurs des Hôpitaux & des Communautés. Enfin le terme Bureau eſt le nom des ſalles baſſes, près les portes des villes, où les Commis reçoivent les droits du Roi.

BUSC, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. Aſſemblage de charpente compoſé d’un ſeuil, des heurtoirs contre leſquels s’appuye le bas des portes d’une écluſe, avec un poinçon qui joint enſemble le ſeuil avec les heurtoirs, & quelques liens de bois, pour entretenir le tout. M. Belidor ; dans ſon Architecture hydraulique, tom. I. ſeconde Part. liv. I. ch. VIII. enſeigne la maniere de déterminer les pieces qui appartiennent au Buſc, & celles qui conviennent aux heurtoirs & aux poinçons. C’eſt un détail utile, qu’on ne peut taire entendre qu’avec la figure ſous les yeux.

On dit une porte buſquée, quand elle eſt revêtue de cet aſſemblage de charpente, & que les venteaux s’arcboutent réciproquement, s’ouvrent & ſe ferment à volonté pour l’écoulement des eaux & le paſſage des bateaux. (Voyez là-deſſus l’Ouvrage ci-devant cité de M. Belidor, même volume & même partie, ſect. III.)

BUSTE, ſ. m. Mot tiré de l’Italien Buſto, corſage. Terme de décoration. C’eſt la partie ſupérieure d’une figure ſans bras depuis la poitrine, poſée ſur un piédouche. Les Latins l’appelloient Herma du grec Hermès, Mercure ; parce que l’image de ce Dieu étoit ſouvent repréſentée de cette maniere chez les Athéniens.

BUTER, v. act. C’eſt par le moyen d’un arc ou pilier butant, contretenir ou empêcher la pouſſée d’un mur, ou l’écartement d’une voûte. On dit Butée ou Boutée, pour ſignifier l’effet de cet arc ou pilier Butant. (Voyez Culée.)

Buter un arbre. Terme de Jardinage, C’eſt lorſqu’un arbre a été planté, le contenir avec de la terre amaſſée autour de ſon pied, pour le ſoutenir juſques à ce que la terre ſe ſoit affaiſſée & affermie.

C


CABANE, ſ. f. Mot tiré du latin Capana ; qui ſignifie Chaumiere. C’eſt un petit lieu bâti avec de la bauge, (voyez ce mot) & couvert de chaume, pour mettre à la campagne les pauvres à l’abri des injures du tems. Les premières habitations des hommes n’étoient que des Cabanes. (Voyez Architecture.) On trouvera dans le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, article Architecture Civile, la deſcription de ces habitations, & dans la Planche indiquée dans cet article, leur figure.)

Cabane de berger. C’eſt une petite loge conſtruite de planches, que l’on fait aller d’un lieu à un autre par le moyen de quatre roulettes qui la ſoutiennent.

CABARET, ſ. m. Lieu où l’on vend du vin en détail. C’eſt une ſalle au rez de chauſſée de la rue, où il y a des ſiéges & des tables, pour y recevoir & y ſervir ceux qui y vont.

Cabaret. Nom d’un petit meuble, deſtiné autant pour décorer une chambre que pour le beſoin qu’on en a. C’eſt une petite table avec des bords, ornée de dorure, de vernis de la Chine, &c. ſur laquelle on met des coupes & des ſoucoupes, pour prendre du thé, du caffé, &c.

CABINET, ſ. m. Petite piece d’un appartement, conſacrée à l’étude. Cette piece doit être éloignée de tout bruit, & c’eſt à cette condition qu’on doit marquer ſa place. Si cet avantage n’eſt point abſolument déterminé par la diſpoſition du bâtiment, la place du Cabinet eſt après l’antichambre, avant la chambre à coucher ; parce que le matin étant le tems le plus propre à l’étude, on entre dans ſon Cabinet preſque au ſortir du lit. On y reçoit même les viſites. Et pendant ce tems, les domeſtiques entrent dans la chambre à coucher par des dégagemens, y font leur devoir ſans que perſonne les interrompe dans leur occupation, & la mettent en état d’y recevoir décemment compagnie. Cette piece doit être décorée avec beaucoup de ſimplicité, afin que rien ne puiſſe partager l’attention néceſſaire à l’étude.

Un Cabinet commode eſt ordinairement accompagné de trois petites pieces. L’une, qu’on appelle arriere-Cabinet, contient les livres, & ſert, pour ainſi dire, de Cabinet ſecret, c’eſt-à-dire qu’on y fait entrer les perſonnes qui ont quelque choſe de particulier à dire. La ſeconde piece eſt un Serre-papier. C’eſt là qu’on tient les titres, les contrats & l’argent. Enfin la troiſiéme piece eſt deſtinée à ſervir de garderobe, & à contenir des lieux à ſoupape. Dans ce dernier cas, cette piece doit communiquer avec la chambre à coucher, & avoir un dégagement pour les domeſtiques.

Les Dames donnent auſſi le nom de Cabinet au lieu où elles font leur toilette, ou leur oratoire, ou encore la méridienne.

Enfin on appelle Cabinet d’aiſance, le lieu où ſont placées les commodités, connues aujourd’hui ſous le nom de lieux à ſoupape.

Voilà les Cabinets proprement dits, & voici les Cabinets, particuliers avec leur dénomination.

Cabinet de glace. C’eſt un Cabinet dont le principal ornement conſiſte en un lambris de revêtement fait de miroirs, pour donner plus d’apparence & de grandeur au lieu, réfléchir & multiplier les objets, comme on en voit à Trianon & à Meudon.

Cabinet de Marqueterie. C’eſt une armoire en maniere de buffet, décorée d’Architecture avec colonnes, pilaſtres, termes & autres ornemens de bois de diverſes couleurs, de pierres de rapport, comme lapis, agathes, &c. & de métaux ſculptés & gravés en relief, laquelle ſert moins de meuble que d’ornement dans les beaux appartemens.

Cabinet ſecret. Sorte de Cabinet voûté dont la conſtruction de la voûte eſt telle que celui qui parle à une de ſes extrêmités eſt entendu à l’autre extrêmité. De ce genre de conſtruction étoient la priſon de Denis à Syracuſe, qui changeoit en un bruit conſidérable un ſimple chuchottement, & le claquement en un bruit très-violent ; l’aqueduc de Claude qui portoit la voix, à ce qu’on dit, juſques a ſeize milles, & divers autres rapportés par le P. Kirker dans ſa Phonurgie.

Les Hiſtoriens qui nous ont conſervé ces traits, diſent que le Cabinet de Denis étoit parabolique, & que Denis ayant l’oreille au foyer de la parabole, entendoit tout ce qu’on diſoit en bas : ce qui venoit de cette propriété de la parabole, que toute action qui s’exerce ſuivant des lignes parallèles à l’axe, ſe réfléchit au foyer. Il y a à l’Obſervatoire Royal, à Paris, un Cabinet ſecret. Et à Gloceſter à Londres, eſt une galerie dans laquelle deux perſonnes qui parlent bas peuvent s’entendre à la diſtance de vingt-cinq toiſes.

Cabinet de tableaux. Piece au bout d’une galerie ou d’un appartement, où l’on tient des tableaux de bons Peintres, rangés avec ſymmétrie & décoration, accompagnés de buſtes & figures de marbre & de bronze, & autres curioſités. Il y a quelquefois pluſieurs pieces de ſuite deſtinées au même uſage, qui toutes enſemble s’appellent Cabinet ou Galerie.

CABINET DE JARDIN, ſ. m. Terme de Jardinage. Petit bâtiment iſolé en maniere de pavillon de quelque forme agréable, & ouvert de tous côtés, qui ſert de retraite pour prendre le frais, comme les deux Cabinets de la fontaine des Bains d’Apollon à Verſailles, qui ſont de marbre, & enrichis d’ornemens de bronze doré.

Cabinet de treillage. Petit berceau quarré, rond, ou à pans, compoſé de barreaux de fer maillé, d’échalats, & couvert de chevrefeuille, jaſmin commun, &c.

Cabinet de verdure. Eſpece de berceau fait par l’entrelacement de branches d’arbre. (Voyez Berceau.)

CABLES, ſ. m. Nom général qu’on donne à tous les cordages dont on ſe ſert pour enlever & traîner des fardeaux. On diſtingue trois ſortes de Cables : les brayers, les haubans, & les vintaines. Les premiers ſervent pour lier les pierres, baquets à mortier, bouriquets à moilon, &c. Les ſeconds, pour retenir les engins & gruaux ; & on fait uſage des vintaines, qui ſont les moindres Cables, pour conduire les fardeaux en les montant, & pour les détourner des ſaillies & des échafauts. On dit bander un Cable, pour dire tirer un Cable. Ce mot vient du latin Capulum ou Caplum, fait du verbe capere, prendre.

CACHOT, ſ. m. Lieu ſouterrein où l’on enferme les malfaiteurs. (V. Prison.)

CADRAN, ſ. m. C’eſt la décoration extérieure d’une horloge, enrichie d’Architecture & de Sculpture, comme le Cadran du Palais à Paris, où il y a pour attributs la Loi avec la Juſtice, avec les armes de Henri III. Roi de France & de Pologne. Cet ouvrage eſt de Germain Pilon, Sculpteur.

CADRE, ſ. m. Terme de Menuiſerie. C’eſt la bordure d’un tableau, d’un bas-relief, ou d’un panneau de compartiment.

Cadre a double parement. C’eſt un profil ſemblable ou différent, devant ou derrière une porte à placard.

Cadre de Charpente. Aſſemblage quarré de quatre groſſes pieces de bois, qui fait l’ouverture de l’enfoncement d’une lanterne, pour donner du jour dans un ſallon, un eſcalier, &c. & qui ſert de chaiſe à un clocher, ou à un Attique de comble.

Cadre de Maçonnerie. Eſpece de bordure de pierre ou de plâtre traînée au calibre, laquelle, dans les compartimens des murs de face & les plafonds, renferme des tables, & dans les cheminées & deſſus de portes, des tableaux ou bas-reliefs.

Cadres de plafond. Ce ſont des renfoncemens cauſés par des intervalles quarrés des poutres dans les plafonds lambriſſés avec de la ſculpture, peinture & dorure. (Voyez Renfoncement de sofite.)

CAGE, ſ. f. Eſpace compris entre quatre murs, ou un ſeul circulaire, qui renferment un eſcalier ou quelque diviſion d’appartement.

Cage de clocher. C’eſt un aſſemblage de charpente, ordinairement revêtu de plomb, & compris depuis la chaiſe ſur laquelle il poſe, juſques à la baſe ou le rouet de la fléche d’un clocher.

Cage de croiſée. C’eſt le bâti de Menuiſerie qui porte en avance au-dehors de la fermeture d’une croiſée. Cette Cage ne doit avoir, ſelon l’ordonnance, que huit pouces de ſaillie.

Cage de moulin a vent. C’eſt un aſſemblage quarré de charpente en maniere de pavillon, revêtu d’ais & couvert de bardeau (voyez ce mot), lequel aſſemblage on fait tourner ſur un pivot poſé ſur un maſſif rond de maçonnerie, pour expoſer au vent les volans ou les aîles du moulin.

CAILLOU, ſ. m. Petite pierre dure, qu’on employe avec le ciment pour paver les aqueducs, grottes & fontaines ; & qui, étant ſciée & polie, ſert aux ouvrages de moſaïque & de rapport. Il y a des carrieres de Cailloux où les pierres forment de grandes maſſes diſpoſées en couches. Il y a auſſi dans différens pays, & particulièrement en Crau, territoire d’Arles en Provence, qui a quatre lieues de long, il y a, dis-je, des Cailloux en petite maſſe, & répandus en quantité, ſoit à la ſurface, ſoit dans l’intérieur de la terre.

Le mot Caillou vient du latin calculus, qui ſignifie la même choſe.

CAISSE, ſ. f. Terme tiré du latin capſa, coffre ou boîte. C’eſt dans l’intervalle des modillons du plafond de la corniche Corinthienne, un renfoncement quarré, qui renferme une roſe. Ce renfoncement, qu’on nomme auſſi panneau, eſt de diverſes figures dans les compartimens des voûtes & des plafonds.

Caiſſe de jardin. Vaiſſeau quarré de bois, où l’on met des orangers, grenadiers, jaſmins, lauriers-roſes, &c. Les petites Caiſſes ſe font de douves, les moyennes de merrain ou panneau, & les grandes d’une cage de chevrons, garnie de gros ais de chêne, avec équerres & liens de fer. Elles doivent être goudronnées intérieurement, & peintes en huile en dehors, autant pour les orner que pour les conſerver.

CALE, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt un maſſif de maçonnerie qui a la figure d’un coin formant un plan incliné, dont la baſe eſt de trente toiſes au environ de longueur, ſur quatre de largeur, ſeize pieds de hauteur & quatre d’épaiſſeur à l’extrémité, le tout établi en ſaillie au fond de la mer ſur un grillage ; enſorte que le ſommet de ce coin affleure le niveau des moyennes eaux. Ce maſſif ſert à lancer les vaiſſeaux à la mer. (Voyez Architecture Hydraulique, tom. IV. pag. 192.)

CALER, v. act. C’eſt, pour arrêter la poſe d’une pierre, mettre une Cale de bois, c’eſt-à-dire un morceau de bois mince, qui détermine la largeur du joint, afin de la ficher avec facilité. On ſe ſert quelquefois de Cales de cuivre pour poſer le marbre.

CALIBRE, ſ. m. Profil de bois, de tôle, ou de cuivre, chantourné intérieurement, pour traîner les corniches & cadres de plâtre & de ſtuc. On conçoit bien que ce chantournement intérieur n’eſt autre choſe qu’un deſſein découpé de différens membres d’Architecture, qu’on veut exécuter. Ce Calibre ſe monte ſur un morceau de bois qu’on appelle ſabot ; & ſur ce ſabot, à la partie du devant, qui ſe doit traîner ſur les régles, eſt pratiquée une rainure pour ſervir de guide au Calibre.

CALOTE, ſ. f. Renfoncement de plancher rond ou circulaire, en maniere de coupe courbe, formé par des courbes de charpente, lambriſſées de plâtre. On ſe ſert de la Calote pour diminuer l’exhauſſement d’un médiocre cabinet, d’une chapelle, d’une alcôve, &c. qui ſeroient trop élevés, par rapport aux autres pieces d’un appartement. On en fait auſſi au lieu de plafond aux eſcaliers.

CALQUER, v. act. Ce mot, dérivé de l’Italien calcare, contre-tirer, ſignifie, copier un deſſein trait pour trait ; ce qui le fait de deux manieres : l’une en frottant le deſſein par derriere, de ſanguine ou de pierre de mine, pour le tracer ſur un papier blanc (ſur lequel on applique le deſſein), avec une pointe qu’on paſſe ſur tous les traits, & qui s’impriment ainſi ſur le papier blanc : la ſeconde maniere de Calquer conſiſte à poſer le deſſein ſur un autre papier, & à copier les traits à travers une vitre expoſée au grand jour : ce qui rend le deſſein auſſi viſible ſur le papier blanc, que s’il y étoit véritablement tracé.

Lorſqu’on tire une contre-épreuve d’un deſſein, on poſe un papier blanc deſſus, & on le frotte avec quelque choſe de dur, comme le manche d’un canif, pour lui faire recevoir l’impreſſion : cela s’appelle Décalquer.

CALVAIRE, ſ. m. C’eſt, près une ville Catholique, une chapelle de dévotion élevée ſur un tertre, en mémoire du lieu où Jeſus-Chriſt fut crucifié proche de Jeruſalem, comme l’Egliſe du Mont-Valérien proche Paris, accompagnée de pluſieurs petites chapelles au dehors, dans chacune deſquelles ſont repréſentés en Sculpture les Myſtères de la Paſſion. Le mot de Calvaire vient du latin Calvarium, fait de Calvus, chauve ; parce que le haut de ce tertre étoit ſtérile, & deſtitué de verdure. C’eſt auſſi ce que ſignifie le mot hébreu Golgotha.

CAMAYEU, ſ. m. Terme de décoration. C’eſt une peinture d’une ſeule couleur, où les jours & les ombres ſont obſervés ſur un fond d’or ou d’azur, &c. Un Camaïeu en gris s’appelle Griſaille, & celui qui eſt peint en jaune, Cirage. Les plus riches Camaïeux font rehauſſés d’or ou de bronze, par hachures.

On croit que le mot Camaïeu vient du latin Cameus ; nom de toute pierre dont les couleurs naturelles augmentent le relief qu’on y taille, en les détachant du fond ; ou du grec Kamai, qui ſignifie bas ; parce qu’on y repréſente ordinairement des bas-reliefs. C’eſt ce que Pline appelle Monochroma.

CAMBRE ou CAMBRURE, ſ. f. Ce mot, tiré du latin Cameratus, courbé, ſignifie la courbure d’une piece de bois, ou du ceintre d’une voûte.

CAMBRÉ. Voyez Concave.

CAMBRER, v. act. C’eſt courber les membrures, planches & autres pieces de bois de menuiſerie, pour quelque ouvrage ceintré : ce qui ſe fait en les préſentant au feu, après les avoir ébauchées en dedans, & en les laiſſant quelque tems entretenues par des outils nommés Sergens.

CAMION, ſ. m. Eſpece de chariot à quatre roues, attelé de quatre chevaux, qui ſert à porter des pierres.

CAMP PRÉTORIEN, ſ. m. C’étoit chez les Romains une grande enceinte de bâtimens, qui renfermoit pluſieurs habitations pour loger les ſoldats de la garde, comme pourrait être aujourd’hui l’Hôtel des Mouſquetaires du Roi, à Paris.

CAMPANE, ſ. f. Mot dérivé du latin Campana, qui ſignifie cloche. C’eſt le corps des chapiteaux Corinthien & Compoſite, ainſi nommé parce qu’il reſſemble à une cloche renverſée. On l’appelle auſſi vaſe ou tambour, & le rebord, qui touche au tailloir, ſe nomme lèvre.

Campane. Terme de décoration. Ornement de Sculpture, en maniere de creſpine, d’où pendent des houppes en forme de clochettes, pour un dais d’autel, de thrône, de chaire à prêcher, &c. Telle eſt la Campane de bronze, qui pend à la corniche Compoſite du baldaquin de Saint Pierre à Rome.

Campane de comble. On appelle ainſi certains ornemens de plomb, chantournés & évuidés, qu’on met au bas du faîte & du briſis d’un comble, tels qu’on en voit de dorés au château de Verſailles.

CAMPANES. Voyez Goutes.

CAMPANILE, ſ. f. Petit clocher à jour en maniere de lanterne, tel qu’il y en a un à Sainte Agnès dans la place Navonne, à Rome.

CANAL, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. Lieu creuſé pour recevoir les eaux de la mer, d’une ou pluſieurs , rivieres d’un fleuve, &c. pour les conduire à différens endroits. Dans le premier cas, ce lieu s’appelle Canal de communication ; & dans le ſecond, Canal d’arroſage. Nous allons faire connoître ces deux Canaux dans deux articles ſéparés.

Canal d’arroſage. Cette invention, utile pour fertiliſer les terres, eſt dûe aux Egyptiens, qui conduiſoient ainſi les eaux du Nil dans les endroits les plus éloignés. Quand la ſituation du terrein qu’on vouloit arroſer étoit au-deſſous de l’eau, le Canal d’arroſage étoit un ſimple tuyau de conduite qui ſe diviſoit en différentes branches pour diſperſer ſon eau ſur pluſieurs endroits. Mais lorſque le terrein ſe trouvoit ſupérieur au lit de l’eau, les Egyptiens employoient des machines pour élever l’eau, & ſur-tout là vis d’Archimede, qu’on croit avoir été imaginée à cette fin, dans un voyage que ce grand Mathématicien fit en Égypte.

Les Italiens, les Provençaux, les Dauphinois, &c. profitant des lumieres des Egyptiens ſur les avantages des Canaux en ont conſtruit un grand nombre ; & on les regarde aujourd’hui comme la ſource des richeſſes d’un pays. En faveur de l’importance du ſujet, voici une idée de la conſtruction des Canaux d’arroſage.

Suppoſant qu’on ait un fleuve plus élevé que le terrein des campagnes qu’on veut arroſer, on leve d’abord exactement le plan de ce terrein, & on en prend le niveau. Dans ce nivellement, on marque les principaux points à demeure ſur les lieux mêmes par des repaires, qui ſervent à diriger le Canal. Ces deux opérations faites, on travaille à l’ouverture du Canal, dont on régle la pente, la largeur & la profondeur, ſuivant la rapidité de l’eau qu’il doit contenir, & l’uſage dont il doit être ; ce que le plan & le nivellement du lieu déterminent. Comme ce Canal doit avoir pluſieurs branches qui fourniſſent l’eau dans les rigoles d’arroſage, on lui fait ſuivre les coteaux, au moyen deſquels on en ſoutient la hauteur, en lui donnant une pente qui maintient toujours les eaux a une élévation plus grande que celle qu’a le fleuve, à meſure que le Canal s’éloigne de l’endroit de ſon ouverture. Ainſi, ſi le lit de ce fleuve avoit une ligne de pente par toiſe courante, & qu’on ne donnât que la moitié de cette pente au lit du Canal, ce lit devroit être, à la diſtance de deux cens toiſes, plus élevé de huit pouces quatre lignes que le niveau des eaux du fleuve, pris à la même diſtance. Pour faciliter l’application de cette régle & de cet exemple, diſons que les rivieres les plus rapides n’ont gueres dans leur cours uniforme que deux lignes par toiſe, ou ſeize pouces huit lignes par cent toiſes.

Nous avons dit que l’utilité des Canaux d’arroſage étoit très-grande, & nous n’en avons point donne de preuves, parce que nous croyons que la choſe eſt trop évidente pour avoir beſoin d’être appuyée. Cependant c’eſt un prodige ſi étonnant que celui qu’a fait en Provence un Canal d’arroſage, que nous ne croyons pas devoir le paſſer fous ſilence. Voici ce que c’eſt.

Entre Arles & Salon (en Provence) eſt une plaine qu’on nomme la Crau, qui a près de ſix lieues de long & environ trois lieues de large, & eſt ſi couverte de cailloux, qu’on n’y voit preſque point de terre. Cette plaine, inutile par elle-même, étoit ſur-tout fâcheuſe aux voyageurs, qui en la traverſant étoient brûlés dans l’été par l’ardeur du ſoleil, ſans pouvoir trouver un aſyle pour ſe mettre a l’ombre. Tout y reſpiroit la ſechereſſe & la ſtérilité, & rien n’étoit plus triſte que la vûe de cette plaine. Quelqu’un vit à regret un terrein ſi vaſte, inutile. Il l’examina ; & comme ce quelqu’un, nommé M. Adam de Crapone, gentilhomme Provençal, étoit un habile homme, il reconnut par des nivellemens, que la Durance, priſe près du village de la Roque, à ſix lieues au-deſſus de ſon embouchure dans le Rhône, étoit beaucoup ſupérieure à cette plaine. D’où il conclut qu’on pouvoit répandre en abondance l’eau ſur cette terre aride, & que le limon qu’elle y dépoſeroit, pourroit lui donner de la vie. Dans cette vûe, M. Crapone fit faire en 1558, un Canal qui porte aujourd’hui ſon nom, qu’il coupa par un grand nombre de rigoles tranſverſales. Ce fut alors que l’eau s’épancha ſur cette plaine, que M. Crapone vit avec admiration le fruit de ſon travail. Les bleds, la vigne, vinrent dans les endroits les plus favorables ; & ceux qu’on croyoit abſolument ſans reſſource, donnèrent & donnent par conſéquent aujourd’hui un herbe ſucculente, qui ſert de nourriture à un grand nombre de troupeaux. (M. Belidor a traité très-amplement & très-bien des Canaux d’arroſage, dans le tom. 2. ſeconde Partie de ſon Architecture Hydraulique, liv. IV. chap. 14.)

Canal de communication. C’eſt un Canal d’eau fait par artifice, le plus ſouvent avec des écluſes, & ſoutenu par des levées & turcies pour communiquer & abréger le chemin d’un lieu à un autre par le ſecours de la navigation. Le plus ancien Canal de communication que l’Hiſtoire nous ait tranſmis, eſt celui qui joignoit la mer Rouge à la Méditerranée : mais on ignore encore ſi ce Canal a jamais été navigable. M. Huet, Évêque d’Avranches, dans ſon Commentaire ſur la navigation du Roi Salomon, où il veut expliquer comment la flotte de ce Prince a pu paſſer de la mer Rouge dans la Méditerranée, pour ſe joindre à celle d’Hiram, Roi de Tyr, & aller enſemble à Ophir, pour y chercher de l’or ; M. Huet, dis-je, prétend que ce Canal avoit été percé & rendu praticable avant le régne de Seſoſtris ; que faute d’entretien, s’étant trouvé bouché dans la ſuite des tems, ce Prince entreprit d’y faire travailler de nouveau, & de le creuſer davantage ; que Ptolomée Philadelphe, y fit faire des eſpeces d’écluſes ou de digues, pour arrêter les eaux de la mer Rouge ; & que du tems de Strabon, la communication du Nil au golfe Arabique étoit libre aux vaiſſeaux marchands d’Alexandrie, & que de là ils pénétroient juſques dans les Indes. Mais M. Huet ne penſe pas que ce Canal ait été navigable pour les gros vaiſſeaux. Il ajoûte qu’il s’étendoit depuis la ville de Fuſtata, aujourd’hui le Grand-Caire, juſqu’à Clyſma, port ſur la mer Rouge. Cette entrepriſe de joindre la mer Rouge à la Méditerranée, a été tentée encore par Soliman, Empereur des Turcs, qui y employa ſans ſuccès 50000 hommes. Les Grecs & les Romains avoient projette un Canal de communication à travers l’Iſthme de Corinthe, qui joint la Morée & l’Achaïe, afin de paſſer ainſi la mer Ionienne de l’Archipel. Le Roi Démétrius, Jules Ceſar, Caligula & Neron, y firent des efforts inutiles. Sous le régne de ce dernier, Lucius Verus, un des Généraux de l’armée Romaine dans les Gaules, entreprit de joindre la Saône & la Moſelle par un Canal ; & de faire communiquer la Méditerranée & la mer d’Allemagne par le Rhône, la Saône, la Moſelle & le Rhin ; & il échoua dans ſon entrepriſe. Enfin, Charlemagne voulut joindre le Rhin & le Danube, afin d’établir une communication entre l’Océan & la mer Noire. Il employa à ce deſſein une multitude innombrable d’hommes ; mais différens obſtacles qui ſe ſuccéderent les uns aux autres, lui firent abandonner ſon projet.

Nous avons voulu rapporter toutes ces tentatives des Anciens, qui ont conſtruit des ouvrages hydrauliques ſi conſidérables, dont nous rendons compte dans ce Dictionnaire, pour faire voir que nous avons été plus loin qu’eux dans les Canaux de communication, & que nos idées auſſi hardies que les leurs, ayant été heureuſement exécutées, conſerveront à la poſtérité des monumens en ce genre plus grands encore, ou du moins plus utiles que tout ce que les Hiſtoriens nous ont tranſmis de la part des Romains. Nous allons prouver ce que nous avançons, & nous donnerons en même tems une idée d’un Canal de communication.

Il ſeroit peut-être à propos de commencer par les Canaux de Briare & d’Orléans (le premier a onze grandes lieues de long, & 41 écluſes, l’autre a 20 écluſes). Mais nous ne voulons point ſuſpendre l’attention du lecteur. Et quoique ces grands travaux prouvent déjà que nous avons ſurpaſſé les Anciens, nous voulons bien ne le pas faire valoir, & produire ſans préliminaire une huitiéme merveille du monde.

A ce trait, on comprend bien que c’eſt du Canal de Languedoc que nous voulons parler, Canal qui joint les deux mers, & qui projetté ſous François I. ſous Henri IV. & ſous Louis XIII. a été enfin entrepris & achevé ſous Louis le Grand. Un réſervoir de quatre mille pas de circonférence, & de quatre-vingt pieds de profondeur qui reçoit les eaux de la montagne noire, forme l’ouverture de ce Canal. Ces eaux deſcendent à Naurouſe dans un baſſin revêtu de pierre de taille, de deux cens toiſes de longueur, & de cent cinquante de largeur. Là elles ſe partagent & ſe diſtribuent à droite & à gauche dans un Canal de ſoixante & quatre lieues de long, où ſe jettent pluſieurs petites rivieres, ſoutenues d’eſpace en eſpace de cent quatre écluſes. De ces écluſes, huit, qui ſont proche de Beziers, forment une magnifique caſcade de cent cinquante-ſix toiſes de long ſur onze toiſes de pente ; & l’art avec lequel le Canal eſt conduit étonne l’imagination la plus vaſte & la plus hardie. Ici ce ſont des aqueducs & des ponts d’une hauteur incroyable, qui, entre leurs arches, donnent paſſage à d’autres rivieres. Ailleurs le roc eſt coupé tantôt à découvert, tantôt en voûte ſur la longueur de plus de mille pas. C’eſt ainſi que ce Canal ſe ſoutient depuis la Garonne où il commence, en traverſant deux fois l’Aude, & paſſant entre Agde & Beziers, juſques au grand lac de Tau, dont l’étendue atteint le port de Cette. Pour terminer cette deſcription, il faudroit peut-être expliquer le méchaniſme & le jeu des écluſes, afin de faire monter & deſcendre un bâtiment de mer d’une portion de Canal dans une autre : mais ce n’eſt pas là le ſeul défaut que nous reconnoiſſions dans notre deſcription. Ne pouvant faire uſage des figures, nous ſommes forcés de nous borner à donner une idée fort générale du Canal de Languedoc, plutôt qu’une deſcription même informe. (V. encore Sas.)

Canal. Terme de Jardinage. Piece d’eau fort longue, revêtue de gazon ou de pierre, qu’on pratique, ou pour l’ornement, ou pour la clôture d’un jardin. On met ordinairement dans cette piece d’eau des cignes & des poiſſons, tels que la perche, la tanche, le gardon & le brocheton : mais alors on la cure tous les dix ans.

Canal en caſcade. Terme de Jardinage. C’eſt un Canal interrompu par pluſieurs chûtes, qui ſuivent l’inégalité du terrein. Il y en a à Fontainebleau, à Marli, au château d’eau à Verſailles, & dans les jardins de Couvances.

Canal de larmier. C’eſt le plafond creuſé d’une corniche, qui fait la mouchette pendante.

Canal de volute. C’eſt dans la volute Ionique, la face des circonvolutions renfermée par un liſtel.

CANAUX, ſ. m. pl. Eſpeces de cannelures ſur une face ou ſous un larmier, qu’on nomme auſſi portiques, & qui ſont quelquefois remplies de roſeaux ou fleurons.

On entend encore par Canaux, les cavités droites ou torſes, dont on orne les tigettes des caulicoles d’un chapiteau.

Canaux de triglyphe. Voy. Triglyphe.

Canaux ſouterreins. Terme d’Architecture hydraulique. Ce ſont des aqueducs bâtis ſous terre, qui ſervent à conduire les eaux. (Voyez Aqueduc.)

CANDELABRE, ſ. m. Mot tiré du latin Candelabrum, chandelier. C’eſt une eſpece de vaſe fort élevé, en maniere de grand baluſtre, qu’on met pour amortiſſement à l’entour d’un dôme, ou dont on couronne le portail d’une Egliſe, tels qu’il y en a au Val-de-Grace, à la Sorbonne, aux Invalides, &c.

CANIVEAUX, ſ. m. pl. Ce ſont les plus gros pavés, qui étant aſſis alternativement avec les contre-jumelles, traverſent le milieu du ruiſſeau d’une rue, dans laquelle paſſent les charrois.

CANNE, ſ. f. meſure Romaine, compoſée de dix palmes, qui ſont ſix pieds, onze pouces de Roi.

CANNES. Eſpeces de grands roſeaux, dont on ſe ſert en Italie & au Levant, au lieu de doſſes, pour garnir les travées entre les ceintres, dans la conſtruction des voûtes.

CANNELER, v. act. C’eſt creuſer des cannelures aux fuſts des colonnes, pilaſtres, gaines de termes, conſoles, &c.

CANNELURES, ſ. f. pl. Ce ſont à l’entour du fuſt d’une colonne, des cavités à plomb, arrondies par les deux bouts. Le mot de Cannelures eſt dérivé du mot canal, auquel ces cavités ſont ſemblables, ou de celui de cannes ou roſeaux qui les rempliſſent. On les nomme auſſi ſtriures, du latin ſtriges, les plis d’une robe ; parce qu’elles imitent les plis droits des vêtemens.

Cannelures a côtes. Cannelures qui ſont ſéparées par des liſtels de certaine largeur, ornés quelquefois d’aſtragales ou baguettes aux côtés ou deſſus, comme on en voit aux deux colonnes du ſanctuaire de l’Egliſe de Sainte-Marie de la Rotonde, à Rome.

Cannelures avec rudentures. Ce ſont des Cannelures remplies de bâtons, de roſeaux ou de cables, juſques au tiers du fuſt de la colonne.

Cannelures a vive arête. Cannelures qui ne ſont point ſéparées par des côtes. Ces Cannelures font propres à l’Ordre Dorique.

Cannelures de gaîne, de terme, ou conſole. Cannelures plus étroites par le bas que par le haut.

Cannelures ornées. Cannelures qui ont dans la longueur du fuſt de la colonne, ou par intervalles, ou enfin depuis le tiers d’en bas, de petites branches ou bouquets de laurier, de lierre, de chêne, &c. ou fleurons & autres ornemens, qui ſortent le plus ſouvent des roſeaux.

Cannelures plates. Ce ſont des Cannelures faites en maniere de pans coupés, au nombre de ſeize, comme l’ébauche d’une colonne Dorique. On peut auſſi appeller Cannelures plates, celles qui font creuſées quarrément en maniere de petites faces ou demi-bâtons dans le tiers du bas d’un fuſt, comme aux pilaſtres Corinthiens du Val-de-Grace, à Paris.

Cannelures torſes. Cannelures qui tournent en vis ou ligne ſpirale à l’entour du fuſt d’une colonne.

CANONNIERE. Voyez Barbacane, & Voute en canonniere.

CANONS DE GOUTTIERE ou GODETS, ſ. m. pl. Ce ſont des bouts de tuyaux de cuivre ou de plomb, qui ſervent à jetter les eaux de pluye au-delà d’un chaineau & d’une cymaiſe, par les gargouilles.

CANTALABRE, ſ. m. Ce mot n’eſt uſité que parmi les ouvriers. Il ſignifie le chambranle ou bordure ſimple d’une porte ou d’une croiſée. On croit qu’il eſt tiré du mot grec Cota, autour, & du mot latin Labrum, lèvre ou bord.

CANTINE, ſ. f. C’eſt un lieu que le Roi accorde à une garniſon, pour y vendre du vin & de la bierre à un prix moindre que celui des cabarets. Ce lieu eſt compoſé de pluſieurs caves, & au rez de chauſſée d’une cuiſine, d’un garde manger, de trois ou quatre chambres pour donner à boire aux ſoldats, d’une ſalle pour les officiers, d’une écurie de douze ou quinze chevaux, & d’un couvert pour mettre le bois. Au-deſſus du rez de chauſſée il y a quelquefois une chambre où on loge les étrangers. (Voyez dans la Science des Ingénieurs de M. Belidor, liv. IV. ch. II. le plan de ce bâtiment.)

CANTONNÉ, adj. On dit qu’un bâtiment eſt Cantonné, quand ſon encoignure eſt ornée d’une colonne ou d’un pilaſtre angulaire, ou de chaînes en liaiſon de pierre de refend ou de boiſages, ou de quelqu’autre corps, qui excéde le nud du mur.

CAPITOLE, ſ. m. Bâtiment fameux ſur le Mont Capitolin à Rome, où s’aſſembloit le Sénat, & qui ſert aujourd’hui d’Hôtel de Ville pour les conſervateurs du peuple Romain. Il étoit compoſé de trois parties, d’un vaſte bâtiment ou temple conſacré à Jupiter, accompagné de chaque côté de deux ailes dédiées l’une à Junon, l’autre à Minerve. On y montoit par cent degrés. Le frontiſpice & les côtés étoient environnés de galeries ou portiques ; & tout l’intérieur, ainſi que l’extérieur de l’édifice, étoit extrêmement orné, principalement le Temple, où la ſtatue de Jupiter étoit placée avec la foudre, le ſceptre & la couronne d’or. Il y avoir encore dans le Capitole un Temple de Jupiter Gordien, un de Junon, & l’Hôtel de la Monnoye. Enfin on voyoit ſur la pente de la montagne le Temple de la Concorde, & pluſieurs autres conſacrés à différentes Divinités.

Ce bel édifice fut brûlé du tems de Sylla. Un nouvel incendie le conſuma ſous Vitellius, & Vespaſien le rétablit. Il fut encore une troiſiéme fois la proie des flammes, & Domitien le répara.

Il y avoit autrefois des Capitoles dans la plûpart des colonies de l’Empire Romain ; & celui qui étoit à Toulouſe, a même donne le nom de Capitouls à ſes Echevins.

Voici l’étymologie du mot Capitole, ſuivant Arnobe. En creuſant les fondemens de cet édifice, l’an de Rome 139, on trouva dans la terre une tête d’homme encore fraîche & ſaignante. Cet homme ſe nommoit Tolus. Or en prenant le mot latin de la tête de cet homme, caput, capitis, on en fit Capitole, quaſi à capite Toli.

CAPRICE, ſ. m. On appelle ainſi toute compoſition hors des régles ordinaires de l’Architecture, & d’un goût ſingulier & nouveau, comme font les ouvrages du Cavalier Boromini, & de quelques autres Architectes qui ont affecté de ſe diſtinguer.

CARAVANCERA. Voyez Hospice.

CARCASSE. Voyez Parquet.

CARDERONNER. V. Quarderonner.

CARREAU, ſ. m. C’eſt une pierre qui a plus de largeur au parement que de queue dans le mur, & qui eſt poſée alternativement avec la boutiſſe, pour faire liaiſon.

Carreau. Terme de menuiſerie. C’eſt un petit ais quarre de bois de chêne, dont on ſe ſert pour remplir la carcaſſe d’une feuille de parquet.

Carreau. Terme de Jardinage. Piece de terre quarrée ou figurée, qui fait partie d’un parterre. Elle eſt ordinairement bordée de buis nain, & garnie de fleurs ou de gazon.

Carreau de plancher, ſ. m. Terre moulée & cuite, de différente grandeur & épaiſſeur, dont on ſe ſert pour couvrir le ſol d’une ſalle, terraſſe, &c. ou d’un plancher. Le Quarré, grand de huit à dix pouces, ſert pour paver les jeux de paume & les terraſſes ; celui de ſix à ſept pouces, eſt pour les âtres. Le grand Carreau à ſix pans, de ſix à ſept pouces, ſert pour les ſalles & chambres. Ces ſortes de Carreaux étoient appellés Favi par les Anciens, du mot Favus, rayon de miel, auquel ils reſſemblent. Les Carreaux à trois pans ſe nommoient Trigonia, & les quarrés Quadrata & Teſſera.

Il y a auſſi du petit Carreau à huit pans de quatre ou cinq pouces, dont le compartiment eſt tel, qu’au milieu du quatre on en met diagonalement un plus petit, quatre & verniſſé.

Carreau de boſſage. Ce ſont les pierres de refend qui compoſent une chaîne de pierres.

Carreau de broderie. C’eſt un Carreau qui faiſant partie d’un parterre, renferme une broderie de traits de buis. Ces ſortes de Carreaux ne ſont plus en uſage.

Carreau de fayence ou de Hollande. Carreau de fayence qui a ordinairement quatre pouces en quarré, & qui ſert à faire des foyers & a revêtir les jambages de cheminées. On en fait uſage auſſi pour paver & revêtir les grottes, ſalles de bains, &c autres lieux frais.

Carreau de parquet. Voyez Carreau, terme de Menuiſerie.

Carreau de parterre. Voyez Carreau, terme de Jardinage.

Carreau de potager. C’eſt un Carreau qui fait partie d’un jardin potager, & qui eſt ſemé de légumes avec des bordures de fines herbes.

Carreau de verre. Piece de verre quarrée, miſe en plomb ou en bois.

Carreau verniſſé. Grand Carreau plombé, qu’on met dans les écuries ou dans les mangeoires des chevaux, pour les empêcher de lécher le mur. On fait auſſi des petits Carreaux verniſſés pour les compartimens.

CARREFOUR, ſ. m. C’eſt dans une ville l’endroit où deux rues ſe croiſent, & où pluſieurs aboutiſſent. Les Romains nommoient Trivium la rencontre de trois rues ; Quadrivium celle de quatre, &c. Le mot de Carrefour a la même ſignification pour les grands chemins, & pour les rues des carrieres. Il vient du latin Quatuor & Fores, c’eſt-à-dire quatre portes ou ſorties.

Carrefour. Terme de Jardinage. C’eſt la rencontre de quatre allées dans un bois : ce qui imite l’iſſue de quatre rues dans une ville, qu’on nomme auſſi Carrefour. Ces Carrefours ſe font circulaires ou quarrés : mais dans ce dernier cas, on en retranche les encoignures, ce qui les aggrandit conſidérablement, & leur donne plus de grace.

CARRELAGE, ſ. m. Nom général qu’on donne à tout ouvrage fait de carreau de terre cuite, de pierre, ou de marbre.

CARRELER, v. act. C’eſt paver de carreau avec du plâtre, mêlé de pouſſiere de recoupes de pierres.

CARRELEUR, ſ. m. Nom qu’on donne & au Maître qui entreprend le carrelage, & au Compagnon ou Ouvrier qui le poſe.

CARRIERE, ſ. f. Lieu creuſé ſous terre, d’où l’on tire la pierre pour bâtir, ou par un puits, comme aux environs de Paris, ou de plain pied le long de la côte d’une montagne, comme à Saint-Leu, Trocy, Mallet, &c. Les Carrieres d’où l’on tire le marbre, ſont appellées Marbrieres ; celles d’où l’on tire la pierre, Pierrieres, & celles d’ardoiſe, Ardoiſieres, & quelquefois Pierrieres, comme en Anjou. Le mot Carriere vient, ſelon M. Menage, du latin Quadraria ou Quadrataria, fait de Quadratus lapis ; pierre de taille.

Carriere de Manege. Eſpece d’allée longue & étroite, bordée de lices ou barrieres, & ſablée, qui ſert pour les courſes de bagues. Ce mot peut venir du latin currere, courir.

Dans les cirques anciens, on nommoit Carriere, le chemin que dévoient faire les biges & les quadriges, c’eſt-à-dire des chariots attelés de deux ou de quatre chevaux qu’on faiſoit courir à toute bride juſques aux bornes de la ſtade, pour remporter le prix.

CARRIERS, ſ. m. pl. C’eſt ainſi qu’on appelle les Marchands de pierre, & les Ouvriers qui la coupent & la tirent de la carriere.

CARTON, ſ. m. Contour chantourné ſur une feuille de carton ou de fer-blanc, pour tracer les profils des corniches, & pour lever les panneaux de deſſus l’épure.

Carton de peintre. Terme de décoration. C’eſt le deſſein qu’un Peintre fait ſur du fort papier, pour calquer le trait d’un tableau ſur un enduit frais, avant que de le peindre à freſque. C’eſt auſſi le deſſein coloré qui ſert pour travailler la moſaïque.

CARTOUCHE, ſ. m. Ornement de Sculpture de pierre, de marbre, de bois, de plâtre, &c. en maniere de table avec enroulemens, dans lequel on met des armoiries, une inſcription, ou des bas-reliefs, pour la décoration extérieure & intérieure des Egliſes. Ce mot vient de l’Italien Cartocio, qui ſignifie la même choſe.

On appelle petits Cartouches ou Cartels, ceux qui ſervent dans la décoration des friſes ou panneaux de menuiſerie, & généralement ceux qu’on employé dans les bordures des tableaux, aux couronnemens des deſſus de cheminées & aux pilaſtres.

Cartouche. Terme de Jardinage. Ornement régulier en forme de tableau avec des enroulemens, qui ſe répète ſouvent aux deux côtés ou aux quatre coins d’un parterre. Dans ce dernier cas, on remplit le milieu du parterre d’une coquille de gazon, ou d’un fleuron de broderie.

CARIATIDES, ſ. f. pl. Mot dérivé du grec Kariatides, peuple de Carie. Ce ſont des figures de femmes, ſans bras, vêtues décemment, qui ſervent à la place des colonnes, pour porter les entablemens, comme celles de la ſalle des Suiſſes, & du gros pavillon du Louvre. Telle eſt, ſelon Vitruve, l’origine de cette colonne. Dans une guerre entre les peuples de la Grèce & ceux de Perſe, les habitans de Carie, ville du Peloponeſe, prirent parti en faveur des Perſes ; & comme ceux-ci furent vaincus, ils furent enveloppés dans la défaite. Les Grecs vainqueurs des Perſes voulurent ſe venger des Cariens pour le ſecours qu’ils avoient donné à leurs ennemis. Ils les attaquerent, prirent leur ville, & paſſerent tous les hommes au fil de l’épée. Les femmes furent emmenées captives, ſans diſtinction d’état. Celles de la plus haute condition parurent même dans cet état humiliant, & confondues avec les autres. Enfin pour laiſſer à la poſtérité des marques de leur vengeance, les Architectes Grecs mirent au lieu de colonnes la figure des Cariennes ou Cariatides, dans les édifices publics, qui ſous le poids de l’entablement dont elles étoient chargées, rappelloient l’oppreſſion qu’elles avoient ſouffert pendant leur captivité. (Architecture de Vitruve, liv. I. chap. I.)

CASCADE, ſ. f. Mot tiré de l’Italien Caſcata, chûte. C’eſt une chûte d’eau naturelle, comme celle de Tivoli, Terni, &c. ou artificielle, par goulettes ou napes, comme celle de Verſailles. Il y en a encore en rampe douce, comme celle de Sceaux ; en buffet, comme à Trianon, & par chûte de perrons, comme celle de Saint-Cloud. Toutes ces Caſcades ſont artificielles. On les décore d’ornemens aquatiques, comme de glaçons, de rocailles, de congélations, de pétrifications, coquillages, feuilles d’eau, joncs & roſeaux imitant le naturel y dont on revêtit le parement & la bordure du baſſin. Ces ornemens ſont ordinairement des figures repréſentant des fleuves, des naïades, ou nymphes des eaux, des tritons, ſerpens, chevaux marins, dragons, dauphins, griffons & grenouilles, qui vomiſſent de l’eau.

La ſituation la plus convenable des Caſcades dans un jardin, eſt l’endroit où l’on a beaucoup d’eau & de pente. (On trouve la repréſentation de pluſieurs Caſcades dans la Planche 14. de la quatriéme Partie, ch. IX. de la Théorie & Pratique du Jardinage.)

CASSOLETTE, ſ. f. Eſpece de vaſe de Sculpture avec des flammes ou de la fumée, qui ſert d’amortiſſement. Il eſt ordinairement iſolé, comme au château de Marly, & quelquefois en bas-relief, comme au grand Autel de l’Egliſe des Petits-Pères, a Paris.

CATACOMBES, ſ. m. pl. Ce ſont à Rome des cimetieres ſoûterrains en maniere de grotes, comme celui qui eſt près l’Egliſe de Saint-Sebaſtien, où les Chrétiens le cachoient pendant la perſécution de la primitive Egliſe, & où ils enterraient les corps des Martyrs. Ces Catacombes ſont de la largeur de deux ou trois pieds, & de la hauteur de huit à dix, en forme d’allées ou de galeries, qui communiquent les unes, aux autres, & qui s’étendent ſouvent juſques à une lieue de Rome. Il n’y a ni maçonnerie, ni voûte, & la terre ſe ſoutient d’elle-même. C’eſt le long de ces terres, qui forment les murailles, qu’on rangeoit les corps morts en long les uns ſur les antres. On les enfermoit avec des tuiles fort larges & fort épaiſſes, & quelquefois avec des morceaux de marbre cimentés d’une matiere forte, que nous ne pourrions gueres imiter aujourd’hui. Le nom du mort eſt quelquefois gravé ſur les tuiles : mais on y voit plus ſouvent ce chiffre X P, qu’on interprète communément pro Chriſto.

Le mot Catacombe vient de l’Italien Catacombe, retraite ſoûterraine.

CATAFALQUE, ſ. m. Ce mot, tiré de l’Italien Catafalco, ſignifie échafaut ou élévation. C’eſt une décoration d’Architecture, Peinture & Sculpture, établie ſur un bâti de charpente, pour l’appareil d’une pompe funèbre dans une Egliſe.

CATHETE, ſ. f. Mot tiré du grec Kathetos, perpendiculaire. C’eſt la ligne qu’on ſuppoſe traverſer à plomb le milieu d’un corps cylindrique d’une colonne, ou d’un baluſtre, qu’on nomme autrement axe.

Cathete eſt auſſi, dans le chapiteau Ionique, une ligne perpendiculaire qui paſſe. par le milieu de l’œil de la volute.

CAVE, ſ. f. C’eſt un lieu voûté dans l’étage ſoûterrain, qui ſert à mettre du bois, du vin, de l’huile, &c. Il doit être préciſément au-deſſous de l’office, afin que l’Officier y puiſſe deſcendre commodément, & y veiller avec plus de facilité. Le mot Cave vient du latin Cavea, lieu creux.

Cave d’Egliſe. Lieu ſoûterrain dans une Egliſe, voûté & deſtiné aux ſépultures, comme la grande Cave de l’Egliſe de Saint-Sulpice, à Paris.

CAVEAU, ſ. m. Petite cave dans l’étage ſoûterrain. Voyez Cave.

Caveau d’Egliſe. C’eſt la ſépulture d’une famille ſous une chapelle particuliere, dans une Egliſe. M. Ciampini, dans ſon Traité de ſacris Edificiis, en parlant des dehors de l’Egliſe du Vatican, décrit le Caveau de Saint André, celui de Sainte Petronille, & les Caveaux de Saint Paul dans la voye d’Oſtie & de Saint Laurent.

CAVER, v. act. Terme de Vitrerie. C’eſt évuider un morceau de verre de couleur, pour y enchaſſer d’autres morceaux de verre de diverſes couleurs, qu’on retient avec du plomb de chef-d’œuvre. On Cave par le moyen du diamant & du greſoir, qu’on doit conduire avec adreſſe, de crainte de faire des langues & des étoiles qui caſſent la piece : mais cela ne ſe pratique que pour les expériences & chef-d’œuvres de Vitrerie.

CAVET, ſ. m. Mot dérivé du latin Cavus, creux. Moulure ronde en creux, qui fait l’effet contraire du quart de rond. Les Ouvriers l’appellent Gache, lorſqu’elle eſt dans la ſituation naturelle, & Gorge, quand elle eſt renverſée.

CAULICOLES, ſ. f. pl. Mot tiré du latin Caulis, tige d’herbe. Ce ſont de petites tiges qui ſemblent ſoutenir les huit volutes du chapiteau Corinthien.

CAZERNES, ſ. f. pl. Ce ſont, dans une Place de guerre, des logemens d’un étage, avec grenier au-deſſus, bâtis exprès pour les officiers & les ſoldats, & qui environnent preſque toujours la place d’armes. Il y a ordinairement deux lits dans chaque chambre, & trois ſoldats couchent dans le même lit.

CEINTRE, ſ. m. C’eſt la figure d’un arc, & de toute piece de bois courbe, qui ſert tant aux combles qu’aux planchers.

Ceintre rampant. Ceintre qui eſt tracé au ſimbleau par des points cherchés ſuivant le rampant d’un eſcalier ou d’un arcboutant.

Ceintre ſurbaiſſé. C’eſt un Ceintre dont le trait eſt une demi-ellipſe, & qui par conſéquent eſt plus bas que le demi-cercle.

Ceintre ſurmonté. Ceintre donc le centre eſt plus haut que le diamètre du demi-cercle.

CEINTRE DE CHARPENTE. C’eſt un aſſemblage de pieces de bois de charpente, ſur lequel on bande un arc ou une croiſée qu’on veut faire ceintrée, & dont pluſieurs eſpacées à égales diſtances, garnies de ſolives ou doſſes, ſervent à conſtruire une voûte. Le moindre Ceintre eſt compoſé d’un entrait qui lui ſert de baſe, d’un poinçon, de deux contre-fiches, de quatre autres pieces de bois ceintrées, ou de deux arbalétriers, ou de doſſes, ſur leſquelles on maçonne un Ceintre de moilon.

Le Ceintre de charpente s’appelle auſſi Armature, du latin Armatura, qui a la même ſignification.

CEINTRER, v. act. C’eſt établir les ceintres de charpente, pour commencer à bander les arcs. On dit auſſi Ceintrer pour arrondir plus ou moins un arc ou une voûte.

CEINTURE, ſ. f. C’eſt l’orle ou l’anneau du bas ou du haut d’une colonne. On nomme encore celui d’en haut Colarin ou Collier.

Ceinture ou Echarpe. C’eſt dans le chapiteau Ionique, l’ourlet du côté du profil ou baluſtre, ou le liſtel du parement de la volute, que Vitruve appelle Baltheus, un baudrier.

Ceinture de colonne. Nom qu’on donne à certains rangs de feuilles de refend de métal, poſées ſur un aſtragale en maniere de couronne, qui ſervent autant pour ſéparer ſur une colonne torſe, la partie cannelée d’avec celle qui eſt ornée, que pour cacher les. joints des jets d’une colonne de bronze, comme celles du baldaquin de Saint-Pierre de Rome, ou les tronçons d’une colonne de marbre, comme celles du Val-de-Grace, à Paris.

Ceinture de muraille. C’eſt une enceinte ou circuit de muraille, qui renferme un eſpace de terrein.

CELLIER, ſ. m. Lieu voûté dans l’étage ſoûterrain, ou un peu au-deſſous du rez de chauſſée, pour ſerrer la proviſion de vin.

CELLULE, ſ. f. Mot tiré du latin Cellula, petite chambre. C’eſt dans une Maiſon Religieuſe, une des chambres qui compoſent le dortoir ; & dans les Couvens des Chartreux & des Camaldules, un petit logement au rez de chauſſée, accompagné d’un Jardin.

On appelle encore Cellules les petites chambres ſéparées par des cloiſons, où logent les Cardinaux pendant le Conclave à Rome.

CÉNACLE, ſ. m. Mot tiré du latin Cœnaculum, lieu où l’on mange. C’étoit chez les Anciens une ſalle à manger. Elle étoit appellée Triclinium, lieu à trois lits, parce que comme les Anciens avoient coutume de manger couchés, il y avoit au milieu de cette ſalle une table quarrée longue ou rectangulaire, avec trois lits en maniere de larges formes au-devant de trois côtés, le quatriéme côté reſtant vuide à cauſe du jour & du ſervice. Ce lieu, chez les Grands, étoit dans le logement des étrangers pour leur donner à manger gratuitement. On voit à Rome, près de Saint-Jean de Latran, les reſtes d’un Triclinium ou Cénacle, orné de quelques moſaïques, que l’Empereur Conſtantin avoit fait bâtir pour y nourrir des pauvres.

CENOTAPHE. Voyez Tombeau.

CENT DE BOIS, ſ. m. C’eſt dans la meſure des bois de charpente en œuvre de différentes longueurs & groſſeurs, Cent fois la quantité de douze pieds de long ſur ſix pouces de gros, qui font Cent pieces de bois ; à quoi on les réduit pour eſtimer par Cent.

CERCE. Voyez Cherche.

CERCLE DE FER, ſ. m. C’eſt un lien de fer circulaire qu’on met au bout d’une piece de bois pour empêcher qu’elle ne s’éclate. On en met auſſi aux colonnes lorſqu’elles ſont caſſées, à cauſe du grand fardeau lorſqu’elles portent, & lorſqu’elles ſont poſées en délit, comme on en voit à quelques piliers ronds de l’Egliſe de Notre-Dame, à Mantes.

CHAINE, ſ. f. on ajoute de pierre. C’eſt dans la conſtruction des murs de moilon, une jambe de pierre élevée à plomb pour les entretenir. On appelle Chaîne d’encoignure, celle qui eſt au coin d’un pavillon ou d’un avant-corps.

Chaine d’Architecte. Meſure faite de pluſieurs morceaux de fil de laiton ou de fer, d’une certaine longueur, diviſée en toiſes marquées par des anneaux, dont on ſe ſert pour meſurer les hauteurs. Elle eſt plus ſûre que le cordeau, parce qu’elle n’eſt ſujette ni à s’étendre, ni à ſe racourcir.

Chaine de bronze (ou de fer). Eſpece de barriere faite de pluſieurs chaînes attachées à des bornes eſpacées également, qui ſert au-devant des portes & places de Palais, pour en empêcher l’entrée, comme au Palais Borgheſe à Rome.

Chaine de fer. C’eſt un aſſemblage de pluſieurs barres de fer liées bout à bout par clavettes ou crochets, qu’on met dans l’épaiſſeur des murs des bâtimens neufs pour les entretenir, ou à l’entour des vieux, ou de ceux qui menacent ruine, pour les retenir, comme il a été pratiqué à l’entour de Saint-Pierre de Rome. On nomme encore cet aſſemblage, Armature.

Chaine de port. Nom qu’on donne à pluſieurs Chaînes de fer, qu’on tend au devant d’un port pour en empêcher l’entrée. Quand la bouche en eſt grande, ces Chaînes portent ſur des piles d’eſpace en eſpace.

Chaine en liaiſon. On appelle ainſi certains boſſages ou refends, poſés en maniere de carreaux & boutiſſes d’eſpace en eſpace dans les murs, ou aux encoignures d’un bâtiment pour le cantonner.

CHAIRE DE PRÉDICATEUR, ſ. f. Siège élevé avec devanture & doſſier, ou lambris, orné d’Architecture & de Sculpture, de figure ronde, quarrée, ou à pans, de pierre, de marbre ou de fer, couvert d’un dais, & ſoutenu d’un cul-de-lampe, où l’on monte par une rampe courbe pour prêcher. Les Chaires des Egliſes de Saint-Etienne du Mont & de Saint-Euſtache, ſont les plus belles qu’il y ait à Paris.

CHAISE, ſ. f. Aſſemblage de charpenterie de quatre fortes pieces de bois, ſur lequel eſt poſée ou aſſiſe la cage d’un clocher, ou celle d’un moulin à vent.

Chaiſes de choeur. Voyez Formes d’Eglise.

CHALCIDIQUE ou CALCIDIQUE, ſ. f. Grande & magnifique ſalle qu’on ajoutoit anciennement aux Palais, & qu’on a pratiquée encore dans les ſiécles plus récents, ainſi qu’il paroît par les grandes ſalles du Palais à Paris, & de ceux de Vannes & de Bourges. L’uſage principal de ces ſalles eſt de remplir un trop long terrein deſtiné à bâtir. (Voyez l’Architecture de Vitruve, liv. I. ch. 5.)

Le mot Chalcidique vient, ou du latin Chalcidium dérivé du grec Chalkis, ville de Grece en Lycie, parce qu’on croit que les premieres ſalles de cette eſpece y avoient été bâties ; ou bien du grec Chalkos, airain, & Okios, maiſon ; ce qui a fait croire à Philander, que c’étoit dans ces ſalles qu’on frappoit la monnoye.

CHAMBRANLE, ſ. m. Bordure avec moulure autour d’une porte ou d’une cheminée. Elle a trois parties : les deux côtés qu’on appelle Montans, & le haut qu’on nomme Traverſe. Le Chambranle eſt différent ſelon les Ordres, c’eſt-à dire qu’on l’enrichit relativement à l’Ordre qui l’accompagne. Et quand il eſt ſimple & ſans moulures, on l’appelle Bandeau. On trouve dans le Cours d’Architecture de d’Aviler, pag. 191. Planches 58. a, & 583 b, des modeles de Chambranle.

Chambranle a croſſettes. Chambranle qui a des croſſettes ou orillons à ſes encoignures.

Chambranle a cru. Chambranle qui porte ſur l’aire du pavé, ou ſur un appui de croiſée ſans plinthe.

CHAMBRE, ſ. f. C’eſt la principale piece d’un appartement, & la plus néceſſaire de l’habitation, devant ſervir au repos. Cette derniere condition, qui caractériſe aujourd’hui une Chambre, n’étoit pas admiſe par les anciens Architectes. Ils nommoient indiſtinctement Chambre, toutes les pieces habitées par les Maîtres, à l’exception des veſtibules, des sallons, des périſtyles et des galeries. En nous conformant à notre définition générale du mot Chambre, nous diſtinguerons ſix ſortes de Chambres : Chambre à coucher, Chambre de parade, Chambre en eſtrade, Chambre en niche, Chambre en alcove, & Chambre en galetas. Nous allons faire connoître ces différentes Chambres, en ſuivant cet ordre.

Chambre à coucher. C’eſt celle où l’on couche, où le lit eſt iſolé & ſitué en face des croiſées, à moins qu’on ne ſoit obligé de le placer ailleurs par quelque ſujétion involontaire : ce qu’on doit éviter dans la diſtribution d’un bâtiment. Une Chambre à coucher doit être expoſée au midi ; & comme c’eſt le lieu le plus habité, ſa décoration ne ſçauroit être trop riche. Cette richeſſe ne conſiste point en une grande quantité d’ornemens. Un lambris avec glaces & tableaux bien diſtribués, forme la décoration la plus noble & la plus belle. La principale place d’une glace eſt entre les deux croiſées oppoſées au lit. Cette glace poſe ſur une table de marbre en conſole de bois doré. Chaque croiſée eſt à banquette, & garnie de leurs chaſſis de verre, & de leur guichet. Aux deux côtés des croiſées, dans les angles de la chambre, ſont des pilaſtres qui font ſymmétrie avec d’autres ſemblables en retour, & que nous ſuppoſons régner autour de la Chambre. La ſeconde place d’une glace eſt au côté oppoſé à la cheminée, au-deſſous de laquelle eſt une riche commode ; & les tableaux ſe diſtribuent ſur les portes, ou ſervent de couronnement des glaces. On décore auſſis les Chambres à coucher avec des tapiſſeries de ſoye à grands ramages, & cette décoration nous paroîtroit plus convenable & mieux aſſortie à la décoration du lit.

Chambre de parade. C’eſt la Chambre du bel étage, où ſont les plus riches meubles. Elle eſt habitée préférablement à toutes les autres ; & on y reçoit les viſites de cérémonie. La Dame du logis y fait même ſa toilette par diſtinction. Il y a au fond de cette Chambre un lit magnifiquement décoré ; mais il eſt ou dans une riche alcove, ou ſéparé par une baluſtrade. Cette Baluſtrade est formée par des baluſtres à hauteur d’appui, tous dorés, que terminent des colonnes cannelées de l’Ordre Corinthien, ſur leſquelles poſe un bel entablement. Un magnifique lambris avec des pilaſtres, peint en blanc, relevé en or, revêt les murs de la Chambre de parade. Ce lambris eſt couronné d’une riche corniche, ornée de conſoles, & dont les métopes ſont enrichis de bas-reliefs & de trophées. Des tableaux de choix, de grandes glaces, convenablement placés, un plafond peint avec goût, le tout ſoutenu par des meubles de prix, forment avec cela un enſemble qui captive l’admiration. Nous ne devons pas diſſimuler que le blanc dont nous peignons le lambris n’eſt pas approuvé de tous les Architectes, quoiqu’ils conviennent que le blanc, varié avec l’or, ſoit très-riche & très-grand. Ils ont des raiſons particulieres pour préférer la couleur de bois : mais ces raiſons ne valent point les avantages, tout compenſé, qu’offre la majeſté du blanc & de l’or. Nous en tenant à cette décoration, nous croyons que le fond de la baluſtrade où eſt le lit, doit être couvert d’une tapiſſerie de ſoye bleue, poſant ſur un lambris ; & que les rideaux du lit & les chaiſes s’aſſortiront très-bien avec le tout, étant bleus & blancs, avec des crépines d’or aux ſoubaſſemens. Nous parlons ſans doute ici pour les Grands ; parce que nous ſuppoſons qu’il faut etre tel pour avoir une Chambre de parade proprement dite.

Il nous reſte a preſcrire la forme de cette Chambre, qui peut être commune avec celle de la Chambre à coucher. Cette forme doit être telle : 1o. que la profondeur excede la largeur ; de maniere que depuis le lit la Chambre ſoit quarrée : 2o. les croiſées doivent être oppoſées au lit : 3o. les cheminées doivent être placées de maniere qu’elles marquent le milieu de la piece, & qu’elles foient ſituées du côté oppoſé à la principale entrée.

Chambre en eſtrade. Chambre où ſont pluſieurs gradins qui, élevent le lit, qui en occupent la moitié, & qui ſont ſéparé du reſte de la piece par une baluſtrade. Cette Chambre n’eft plus en uſage depuis le dernier ſiécle, parce que ces gradins interrompoient le niveau de la piece : ce qui produifoit un effet deſagréable.

Chambre en niche. C’eſt une Chambre au fond de laquelle eſt une eſpece de niche où l’on place le lit. Aux côtés de cette niche ſont deux degagemens que l’on ferme avec des portes, ſur lefquelles on met des glaces au lieu de tableaux, & qui donnant ainſi du jour aux dégagemens, évitent de faire des portes vitrées, qui produiſent toujours un mauvais effet. Les Chambres en niche ne conviennent que dans les petits appartemens adjacens à ceux de parade, ou au ſecond étage. On les décore avec des tapiſſeries avec bordures poſant ſur un lambris, & le fond du lit ſe tapiſſe de même. À moins que d’être obligé de faire ces niches par quelque ſujétion ou quelque grand avantage, on doit les éviter autant qu’il eſt poſſible, les Chambres en niche étant certainement d’un très-mauvais gout ; celles en alcove valent infiniment mieux.

Chambre en alcove. Chambre a coucher où il y a une alcove dans laquelle eſt placé le lit : elle ne differe des autre Chambres que par là. (Voyez Alcove.)

Chambre en galetas. Chambre pratiquée & lambriſſée dans le comble du bâtiment. Elle eſt deſtinée aux officiers de la maiſon, ou aux principaux domeſtiques.

Chambre Civile ou Criminelle. Salle avec tribunal, dans laquelle un Lieutenant civil ou criminel rend la juſtice.

Chambre de Communauté. C’eſt une ſalle où pluſieurs perſonnes de meme profeſſion s’aſſemblent pour traiter de leurs affaires. On la nomme auſſi Bureau.

Chambre de Port. C’eſt la partie du baſſin d’un port de mer, la plus retirée & la moins profonde, ou l’on tient les vaiſſeaux deſarmés & calfatés. On la nomme auſſi Darſine.

Chambre d’écluse. Eſpece de canal compris entre les deux portes d’une écluſe.

CHAMP, f. m. C’eſt l’eſpace qui reſte autour d’un cadre, ou le fond d’un ornement & d’un compartiment.

Champ. Voyez Poser de champ.

Champ. Ce mot qui vient du latin Campus, fignifioit chez les Romains une place publique, parce qu’on y faiſoit des combats & des jeux publics, comme étoient à Rome le Champ de Mars, le Champ de Flore, appellés encore aujourd’hui Campo Marſo, Campo di Fiore, &c.

Champs elisées ou éliséens. C’étoient chez les Payens les cimetieres ou ils enterroient ſéparément leurs morts dans des tombeaux de pierre, comme on en peut voir des reſtes dans les dehors de la ville d’Arles, en Provence, près les Minimes. Les Turcs imitent ces ſortes de cimetieres, n’enterrant jamais un corps ſur un autre ; & le grand nombre de ces tombeaux ainſi élevés, forme un aſpect ſemblable à celui d’une ville.

CHAMPIGNON, ſ, m. Eſpece de coupe renverſée, taillée écailles par-deſſus, qui ſert aux fontaines jailliſſantes à faire bouillonner l’eau d’un jet ou d’une gerbe en tombant, comme aux deux fontaines de la place de Saint Pierre, à Rome.

CHANCELLERIE, ſ. f C’eſt l’Hôtel où loge le Chancelier, & qui conſiſte en grandes ſalles d’audience & de conſeil, cabinets & bureaux, outre les pieces néceſſaires à l’habitation. On croit que le mot Chancellerie vient du latin Cancelli, treillis ou barreaux ; parce qu’anciennement le Chancelier faiſoit délivrer devant lui les expéditions au peuple à travers les barreaux d’une cloiſon à jour.

CHANDELIER D’EAU, ſ. m. C’eſt une fontaine dont le jet eſt élevé ſur un pied en maniere de gros baluſtre, qui porte un petit baſſin, comme un plateau de guéridon, dont l’eau retombe dans un autre baſſin plus grand au niveau des allées, ou avec un bord de marbre ou de pierre au-deſſus du ſable.

CHANFREIN, ſ. m. C’eſt le pan qui ſe fait par l’arête rabattue d’une pierre ou d’une piece de bois, & qu’on nomme communément Biſeau. Chanfreiner, c’eſt rabattre cette arête.

CHANGE, ſ. m. Edifice public qui conſiſte en un ou pluſieurs portiques au rez de chauſſée, avec ſalles & bureaux, où des Marchands & des Banquiers s’aſſemblent à certains jours, pour le commerce d’argent & de billets. On le nomme Place à Paris, Loge du Change à Lyon, & Bourſe à Londres, Anvers, & Amſterdam, où ce bâtiment eſt un des plus beaux de la ville.

CHANLATE, ſ. f. Petite piece de bois, comme une forte late de ſciage, qui ſert à ſoutenir les tuiles de l’égoût d’un comble.

CHANTEPLEURE, ſ. f. Eſpèce de barbacane ou ventouſe qu’on fait aux murs de clôture, conſtruits près de quelque eau courante, afin que pendant ſon débordement, elle puiſſe entrer dans le clos & en ſortir librement ; parce que ces murs étant foibles, ils ne pourroient lui reſiſter.

CHANTIER, ſ. m. Mot tiré du latin Canterius, magaſin à bois. C’eſt près d’une forêt l’eſpace où l’on équarrit & débite d’échantillon le bois en grume pour bâtir & dans une ville, c’eſt le lieu où un Marchand de bois tient le bois en ordre & en vente.

Chantier d’Attelier. C’eſt l’endroit où l’on décharge & où l’on taille la pierre près d’un bâtiment qu’on conſtruit. C’eſt auſſi le lieu où les Charpentiers taillent & aſſemblent le bois pour les ouvrages de charpenterie, tant chez eux que proche un attelier.

On appelle encore Chantier toute piece de bois qui ſert à en porter ou à en élever une autre, pour la tailler & la façonner.

CHANTIGNOLE, ſ. f. Petit corbeau de bois ſous un taſſeau, entaillé & chevillé ſous une forme de ferme, pour porter un cours de pannes.

Chantignole brique. Voyez Brique de Chantignole.

CHANTOURNER, v. act. C’eſt couper en dehors une piece de bois, de fer ou de plomb, ſuivant un profil ou deſſein, ou l’évuider en dedans.

CHAPE, ſ. f. Enduit ſur l’extrados d’une voûte ou lunette gothique, fait de bon mortier, & quelquefois de ciment.

CHAPEAU, ſ. m. C’eſt la derniere piece qui termine un pan de bois, & qui porte un chanfrein pour le contourner, & recevoir une corniche de plâtre.

Chapeau de file de pieux. Piece de bois attachée avec des chevilles de fer ſur les couronnes d’une file de pieux. (Pour l’intelligence de ceci, voyez File de pieux.)

Chapeau de lucarne. C’eſt une piece de bois qui fait la fermeture d’une lucarne, & qui eſt aſſemblée ſur les poteaux.

Chapeau d’escalier. Piece ſervant d’appui au haut d’un eſcalier de bois.

Chapeau d’étai. Piece de bois qu’on met au haut d’un étai ou d’une potence.

CHAPELET, ſ. m. Baguette taillée de petits grains ronds, comme d’olives, de grelots, de fleurons, de patenotres, &c.

CHAPELLE, ſ. f. Partie d’une Egliſe où eſt un Autel, deſtiné pour quelque dévotion particuliere, comme la Chapelle de la Sainte Vierge à Saint Euſtache, à Paris, &c. ou bien qui eſt fermé d’une clôture de fer ou de bois, & qui renferme les tombeaux de quelque famille, comme la Chapelle d’Orleans aux Céleſtins, & celle de la Vieuville aux Minimes, à Paris.

Chapelle de Chateau. C’eſt dans une Maiſon Royale ou un château, une petite Egliſe au rez de chauſſée, avec galeries hautes, & tribune pour la muſique. Ces Chapelles ſervent également pour le Prince & pour le peuple, comme celles de Verſailles, de Fontainebleau, &c. Il y a auſſi de ces Chapelles de fondation Royale, Seigneuriale, &c. à la campagne, qui ſont de petits bâtimens iſolés où l’on dit la Meſſe à de certaines Fêtes, tels qu’on en voit dans les forêts de Saint-Germain & de Fontainebleau.

Chapelle de Palais. C’eſt dans un Palais ou dans un Hôtel, une ſalle ou chambre avec un autel pris d’un appartement, pour entendre la Meſſe ſans ſortir. On proportionne la grandeur de cette Chapelle à l’étendue du bâtiment, au nombre des Maîtres & à celui des domeſtiques de ſorte qu’on pratique dans les grands Hôtels des tribunes pour les premiers, & des places particulieres pour les derniers. Sa conſtruction eſt ordinairement toute de pierre dure, ou de pierre de liais, & ſon ordonnance eſt compoſée de grandes parties. Sa décoration conſiſte en des ornemens diſtribués avec choix & ſans confuſion, & à obſerver la proportion & la ſimplicité, comme on l’a fort bien pratiqué à Meudon, à Clagny & à Sceaux. A l’égard de la décoration extérieure, elle doit être proportionnée au reſte de la maiſon, & avoir même quelque diſtinction, relative au Maître de l’Hôtel, comme celle du Palais du Luxembourg, qui eſt dans le pavillon en ſaillie de la face ſur le jardin. La Chapelle du château de Frêne en Brie, eſt une des plus belles Chapelles qu’il y ait. Elle eſt du deſſein de François Manſard.

CHAPERON, ſ. m. C’eſt la couverture d’un mur, qui a deux égoûts ou larmiers, lorſqu’il eſt de clôture ou mitoyen, & qu’il appartient à deux propriétaires : mais qui n’a qu’un égoût, dont la chûte eſt du côté de la propriété, quand il appartient à un ſeul propriétaire.

On appelle Chaperon en bahu, celui dont le contour eſt bombé. Cette ſorte de Chaperon eſt quelquefois faite de dalles de pierre, ou recouverte de plomb, d’ardoiſe ou de tuile.

CHAPERONNER, v. act. C’eſt faire un chaperon. (Voyez ce mot.)

CHAPITEAU, ſ. m. C’eſt la partie ſupérieure de la colonne qui porte immédiatement ſur le fuſt. Comme il y a autant de ſortes de colonnes que d’Ordres d’Architecture, il y a autant de différens Chapiteaux : le Chapiteau Toſcan, le Chapiteau Dorique, le Chapiteau Ionique, le Chapiteau Corinthien, & le Chapiteau Compoſite. Nous allons faire connoître ces Chapiteaux qui caractériſent mieux les Ordres qu’aucune autre partie de la colonne.

Chapiteau Toſcan. Chapiteau ſans moulures, dont la partie ſupérieure eſt quarée, & dont la hauteur eſt égale à celle de la baſe. Il a trois parties, qui ſont le tailloir ou l’abaque, l’échine, l’ove & la gorge & l’aſtragale qui eſt ſous l’échine avec ſon filet. Ces parties occupent chacune le tiers de toute la hauteur du Chapiteau. Ce tiers partagé en huit parties, forme la proportion des moulures : de ces huit parties, deux ſont pour l’aſtragale, une pour le filet au-deſſous, & le reſte pour la gorge. On règle la ſaillie du Chapiteau ſur l’orle d’en bas de la colonne qu’elle doit égaler, & qui eſt de huit cinquiémes & demi, à prendre du milieu de la colonne. L’aſtragale de deſſous l’échine, & celui du haut de la colonne, doivent cependant en avoir les ſept cinquiémes.

Selon Palladio, Serlio & Vitruve, le caractère du Chapiteau Toſcan eſt un tailloir ſimple ſans talon. Scamozzi & Vignole ſubſtituent un filet au talon ; & Philander fait le Chapiteau rond, en ſupprimant les coins du tailloir. De ſorte qu’on ignore encore, à en juger par cette diverſité de ſentimens, on ignore, dis-je, ce qui caractérise le Chapiteau Toſcan. M. Perrault, pour terminer toute diſcuſſion, & pour fixer le caractère de ce Chapiteau veut que le tailloir ſoit ſimple & ſans talon, & que ſous l’échine il n’y ait point les armilles qui ſont au Chapiteau Dorique, mais un aſtragale & un filet. C’eſt auſſi cet Auteur que nous avons ſuivi dans la proportion du Chapiteau Toſcan, proportion qu’on doit à Vitruve, & qui forme encore un ſujet de diſpute parmi les Architectes que nous venons de nommer. Car Philander prend l’aſtragale & le filet du haut de la colonne ſur la troiſiéme partie du Chapiteau, que Vitruve donne à la gorge & à l’aſtragale qui eſt ſous l’échine. Selon Serlio & Vignole, cette troiſiéme partie doit être pour la gorge, & le filet doit être pris ſous l’échine dans la ſeconde partie. Or Vitruve donne à l’échine cette ſeconde partie toute entiere. Enfin Palladio ſubſtituant un filet à l’aſtragale, laiſſe la troiſiéme partie à l’échine. Sur tout cela nous avons préféré les proportions de M. Perrault, que nous croyons les meilleures, & nous ne penſons pas être contredit par les Architectes habiles.

Chapiteau Dorique. Ce Chapiteau a un tailloir couronné d’un talon, & trois annelets ſous l’ove. Le tailloir, l’échine & la gorge ont chacun le tiers de toute la hauteur du Chapiteau, qui eſt le demi-diametre du bas de la colonne. C’eſt ſur la gorge qu’on prend l’aſtragale & le filet qui eſt ſous l’échine. Pour les proportions des moulures, ayant diviſé le Chapiteau en trois parties, on donne au tailloir le tiers d’une de ces trois, & les deux autres au talon. La partie, qui eſt entre le tailloir & la gorge, ſe diviſe encore en trois, dont deux ſont pour l’échine, & l’autre pour les annelets qui en occupent chacun le tiers.

A l’égard de la ſaillie du Chapiteau Dorique, c’eſt ſur les cinq parties du module qu’on la régle. On en prend d’abord trois pour la ſaillie de tout le Chapiteau, depuis le haut de la colonne. Les annelets occupent chacun le quart de la premiere de ces trois parties ; & la ſeconde termine l’échine. Enfin on diviſe la troiſiéme en quatre parties, dont la première eſt pour la ſaillie que la plate-bande du tailloir a ſur l’échine, & les trois autres réglent les parties du talon.

M. Perrault fait de la ſaillie une marque de caractère du Chapiteau Dorique, parce que cette ſaillie ſe préſente, dit-il, tout d’un coup à la vûe. Vitruve détermine cette ſaillie à 37 minutes ½ à prendre depuis le milieu du Chapiteau. Barbaro & Serlio ont adopté cette régle. Alberti & Cataneo ne lui donnent que 32 minutes ½, Bullant 40, Palladio 39, & Vignole & Viola 38. Scamozzi, Vignole, Alberti & Viola caractériſent encore plus particulierement ce Chapiteau avec des roſes ſur le coin du tailloir & dans la gorge.

Chapiteau Ionique. Un tailloir qui n’a qu’un talon avec ſon filet, une écorce qui produit les volutes, (nom qu’elle a de ſa reſſemblance à une écorce d’arbre qui ſe recoquille étant ſechée) & une échine ou ove, forment les parties de ce Chapiteau. On en prend la hauteur depuis le tailloir juſques à l’aſtragale, & cette hauteur a onze parties de douze qu’on donne au petit module, leſquelles onze parties ſe diſtribuent ainſi : trois au tailloir (deux au talon, une au filet), quatre à l’écorce, dont une eſt pour le rebord & quatre pour l’ove. M. Perrault, pour fixer les dimenſions de ce Chapiteau, donne 18 minutes à ſa hauteur, 16 à la hauteur de la volute, 23 ½ à ſa largeur, & il égale l’échine & l’écorce. Cette proportion, quoiqu’adoptée autrefois par Alberti & Scamozzi, n’eſt point reçue cependant par Palladio, Vignole, Barbaro, Bullant & De Lorme. Comme Vignole eſt aujourd’hui très ſuivi, nous allons faire connoître ces ſentimens, que nous n’aurions pas diſcutés ſi ce dernier Architecte & M. Perrault étoient d’accord ſur ce point. Nous diſons donc que la dimenſion approuvée par ces habiles gens eſt entre 22 minutes ⅔ de hauteur, & 21 ½. À l’égard de l’échine, les uns la font plus grande que l’écorce ; d’autres donnent à la hauteur de ce membre plus que n’en a le reſte du Chapiteau. Et des troiſiémes veulent que l’échine ſoit plus petite que l’écorce. Chacune de ces opinions a ſes partiſans. C’eſt encore une queſtion à décider que celle de la largeur de la volute du Chapiteau Ionique. On compte 24 minutes ½ au Coliée ; 26 ¼ au Théâtre de Marcellus ; 25 ¼ au Temple de la Fortune virile ; & toutes ces autorités tiennent les Architectes en ſuſpens. Tout cela prouve bien, comme nous l’avons dit à l’article Architecture, que les proportions de ce bel Art ne ſont point encore déterminées.

Chapiteau Corinthien. C’eſt le plus riche de tous les Chapiteaux. Il eſt orné de deux rangs de feuilles, de huit grandes & huit petites volutes. Les quatre faces de ſon tailloir ſont courbées & creuſées en dedans (cette courbure eſt ordinairement un arc de 60 degrés) & à chacune de ces faces eſt une roſe. Un rebord de vaſe y tient lieu d’oves & d’annelets. La hauteur de ce Chapiteau eſt de 3 modules ½. On la partage en ſept parties, dont on donne quatre d’en bas aux feuilles, deux au premier rang, & deux au ſecond. Les trois parties qui reſtent ſont pour les tiges, les volutes & le tailloir. Et le vuide qui eſt entre la volute & le coin du tailloir, eſt rempli par une petite feuille d’acanthe, qui ſe recourbe vers ce membre.

Les rangs de feuilles qui décorent le Chapiteau Corinthien ſe diſtribuent en trois étages. On refend en cinq parties ou en trois, les plus petites feuilles. Dans le premier cas on les nomme feuilles d’Olivier ; & feuilles de laurier, dans le ſecond. Celui-la eſt ſuivant le gout antique. Pluſieurs Architectes modernes, tel que Serlio, Barbaro, Cataneo, ſans s’arrêter à toutes ces diviſions, ſe contentent d’employer la feuille d’acanthe route ſimple, (voyez Acanthe) une herbe qui a donné naiſſance au Chapiteau Corinthien. Voici l’hiſtoire de cette découverte tirée de Vitruve.

Une jeune fille de Corinthe étant morte, ſa mère affligée de ſa perte, voulant lui donner un dernier témoignage d’amitié, fit mettre ſur ſon tombeau un panier de fleurs choiſies, que cette fille avoit beaucoup aimées. Pour conſerver ces fleurs plus long-tems, on les couvrit d’une tuile. Or le hazard voulut que ce panier fut placé ſur une racine d’acanthe, qui venant à végéter au printems, pouſſa des branches qui entourerent le panier, & après pluſieurs tours ſe recourberent ſous la tuile en forme de volutes. Cet ouvrage de la nature & du hazard, fut remarqué par un homme habile : c’est Callimaque ſurnommé l’ingénieux ; & cet artiſte célebre, perfectionnant cette idée, forma le Chapiteau Corinthien.

Chapiteau Compoſite. Ce Chapiteau a les deux rangs de feuilles du Corinthien, & les volutes de l’Ionique. Le fleuron du milieu du tailloir, qui est une roſe au Chapiteau Corinthien, est ici compoſé de petites feuilles, dont les unes ſe joignent au milieu, & les autres ſe détournent à côté. Et au lieu de caulicoles qui décorent l’autre Chapiteau, l’ornement de celui-ci conſiſte en de petits fleurons collés au vaſe du tambour, contournés vers le milieu de la face du Chapiteau, & finiſſant en une roſe. Palladio, Vignole & Scamozzi, vouloient qu’on rendît preſque ſolides les volutes de ce Chapiteau. Cependant on a reconnu que l’effet est beaucoup plus agréable, lorſque les volutes, bien loin de ſe toucher, ſont tellement dégagées que les replis de l’écroce tortillée qui les compoſe, laiſſe beaucoup de jour.

On détermine la hauteur du Chapiteau Compoſite, en donnant à cette hauteur le diametre du bas de la colonne, & un ſixiéme en ſus : ce qui donne ſept diviſions, dont on donne quatre aux feuilles. La ſixiéme partie de cet eſpace est pour la courbure de ces feuilles. Les trois autres ſixiémes qui reſtent des ſept, ſe partagent en huit parties qu’on diſtribue ainſi : ſix & demie à la volute qui poſe ſur le haut des feuilles du ſecond rang ; deux au tailloir ; une à l’eſpace qui eſt entre le tailloir & l’ove ; deux a l’ove, & une à l’aſtragale avec ſon filet. Dict. Mathém.

On trouve l’origine des Chapiteaux à l’article Colonne.

Chapiteau angulaire. C’eſt un Chapiteau qui porte un retour d’entablement à l’encoignure d’un avant-corps ou d’une façade.

Chapiteau Attique. Chapiteau qui a des feuilles de refend dans le gorgerin, comme on en voit dans la ſalle des Suiſſes au Louvre, Chapiteaux qui ont été faits par Jean Goujon, Sculpteur du Roi Henri II, & dans la cour du Val-de-Grace à Paris, du deſſein de Le Duc. Il y en a auſſi d’aſſez beaux au château de Meudon.

Chapiteau de balustre. C’eſt la partie ſurieure du baluſtre qui le couronne, & dont quelques-uns reſſemblent aux Chapiteaux des Ordres, comme à celui de l’Ionique.

Chapiteau de colonne. Chapiteau qui eſt rond par ſon plan.

Chapiteau de couronnement. C’eſt un amortiſſement. (Voyez ce mot.)

Chapiteau de lanterne. C’eſt la couverture qu’on met pour terminer une lanterne de dôme, & qui eſt de différente figure, comme en cloche, ainſi qu’à la Sorbonne en adouciſſement, comme au Val-de-Grace ; en dôme ou coupole, comme à l’Egliſe des Filles de Sainte-Marie, rue Saint-Antoine à Paris & même contourné en ſpirale, tel qu’eſt celui de l’Egliſe de Saint Leon de la Sapience, à Rome.

Chapiteau de moulin. C’eſt la couverture en forme de cone, qui tourne verticalement ſur la tour ronde d’un moulin, pour en expoſer les volans ou aîles au vent.

Chapiteau de niche. Eſpèce de petit dais au-deſſus d’une niche peu profonde, qui couvre une ſtatue portée ſur un cul-de-lampe en encorbellement. Il y a des Chapiteaux de niche décorés de petits Ordres & portiques, tels qu’aux Egliſes de Saint-Euſtache à Paris, & de Saint-Etienne du Mont. Dans l’Architecture gothique, ils ſont en manière de pyramides à jour, artiſtement travaillés, comme aux Egliſes de Milan & de Strasbourg.

Chapiteau de trigliphe. Plate-bande ſur le trigliphe, appellée Tænia par Vitruve. C’eſt auſſi quelquefois un trigliphe qui fait l’office de Chapiteau a un pilaſtre Dorique, comme on en voit à la porte de l’Hôtel de Condé, & Paris.

Chapiteau écrasé. Chapiteau qui eſt trop bas, parce qu’il eſt hors de la proportion antique, comme le Corinthien de Vitruve, qui n’a que deux modules en toute ſa hauteur, & qui a été imité à l’Hôtel d’Angoulême a Paris.

Chapiteau galbé. Chapiteau dont les feuilles ne ſont qu’ébauchées, comme les Chapiteaux Corinthiens du Coliſée.

Chapiteau mutilé. C’eſt un Chapiteau qui a moins de ſaillie d’un côté que d’autre, parce qu’il eſt trop près d’un corps ou d’un angle.

Chapiteau pilastre. Chapiteau qui eſt quarré par ſon plan, ou ſur une ligne droite.

Chapiteau plié. Chapiteau d’un pilaſtre qui eſt dans un angle rentrant, droit, ou obtus.

Chapiteau refendu. C’eſt un Chapiteau dont la ſculpture des feuilles eſt terminée.

Chapiteaux symboliques. Ce ſont des Chapiteaux ornés d’attributs de Divinités, comme les Chapiteaux antiques, qui ont des foudres & des aigles pour Jupiter ; des trophées pour Mars ; des lyres pour Apollon, &c. On appelle auſſi Chapiteaux ſymboliques, ceux qui portent des armes & deviſes d’une nation, d’une victoire, d’une dignité, &c.

CHAPITRE, ſ. m. Ceſt, dans un Couvent ou une Maiſon de Communauté, une grande ſalle avec des bancs, ou s’aſſemblent les Chanoines, Religieux, &c. pour traiter de leurs affaires.

CHARDONS, ſ. m. pl. Pointes de fer en maniere de dards, qu’on met ſur le haut d’une grille, ou ſur le chaperon d’un mur, pour empêcher de paſſer par-deſſus.

CHARGE DE PLANCHER, ſ. f. C’eſt la maçonnerie de certaine épaiſſeur, qu’on met ſur les ſolives & ais d’entrevoux, ou ſur le hourdi d’un plancher, pour recevoir l’aire de plâtre ou de carreau. On la nomme auſſi fauſſe-aire, lorſqu’elle doit être recouverte de quelque pavé ou parquet.

CHARGES, ſ. f. pl. C’eſt, ſelon la Coutume de Paris, (article 197.) l’obligation de payer & rembourſer par celui qui ſe loge & s’heberge ſur & contre le mur mitoyen de ſix toiſes l’une, de ce qu’il bâtit au-deſſus de dix pieds depuis le rez de chauſſée, & au-deſſous de quatre pieds dans la fondation. C’eſt-à-dire, que celui qui élevera, pour ſon utilité particuliere, au-deſſus d’un mur mitoyen de ſon voiſin, ſoit au droit de clôture, ou au-deſſus des endroits où le mur mitoyen ſépare les logemens, paye la ſixiéme partie de la valeur du rehauſſement. Et comme les murs mitoyens ne se refont pas toujours également chacun par moitié des propriétaires, les Charges ſe comptent ſelon la contribution que celui qui la reçoit y a faite : ſçavoir, le ſixiéme pour la moitié, le neuviéme pour le tiers, ainſi à proportion. Car ſi le mur avoit été entierement fait par celui qui hauſſe, il ne devroit aucune Charge ſuivant l’article 196. (On trouve ces articles avec des explications, dans l’Architecture moderne, ou l’Art de bâtir pour toutes ſortes de perſonnes ; à Paris, chez Jombert, rue Dauphine.)

CHARNIER, ſ. m. C’eſt un portique voûté en manière de cloître, qui renferme un cimetiere. C’eſt aussi une galerie fermée de vitres au rez de chauſſée proche d’une Egliſe Paroiſſiale, où l’on communie aux Fêtes solennelles. Le Charnier de cimetiere vient du latin Carnarium, qui dans Plaute a la même signification.

CHARPENTE, ſ. f. C’eſt l’assemblage de bois qui ſoutient la couverture d’un édifice. La Charpente de plusieurs Egliſes de France est de bois de châtaignier. (On trouvera la maniere de faire la Charpente des logis, des pavillons & autres édifices, dans le Traité de Charpenterie de Mathurin Jouſſe, p. 45. & suiv. édit. 1751.)

On entend aussi par Charpente, l’art d’aſſembler les bois pour faire un ouvrage de Charpente. (Voyez le Traité ci-deſſus cité.)

Charpente. Gros bois propre à la construction des greniers à foin, &c. Ce bois doit être proportionné à la charge qu’il doit porter. Quoique cette charge ne puiſſe pas ſe déterminer, voici cependant une table qui pouvant ſervir de régle fondamentale ſuppléera a un plus long discours. (Voyez encore Bois.)

Table des dimensions des bois de Charpente.
Groſſeur des Poutres, de trois pieds en trois pieds.
Longueur. Largeur. Hauteur.
12 pieds. 10 pouces. 12 pouces.
15 12 15
18 12 15
21 13 16
24 13 ½ 18
27 15 19
30 16 21
33 17 22
36 18 23
39 19 24
42 20 25
Groſſeur des Solives, de trois pieds en trois pieds.
Longueur. Largeur. Hauteur.
9 pieds. 4 pouces. 6 pouces.
12 5 7
15 6 8
18 7 9
21 8 10
24 9 11
27 10 12
30 11 13

(Voyez encore au mot Solive.)

CHARPENTER, v. act. C’eſt tailler un bois de charpente, pour le mettre en état d’être assemblé.

CHARPENTERIE, ſ. f. C’eſt l’art de tailler & d’assembler de groſſes pieces de bois, pour bâtir des maiſons & les couvrir, pour la construction des pans de bois, des combles, des planchers, &c. (Voyez ces mots.) Cet art eſt plus ancien que celui de la Maçonnerie, car les premieres maiſons furent de bois

CHARPENTIER, ſ. m. Nom qu’on donne au Maître qui entreprend & conduit les ouvrages de charpenterie, & aux ouvriers qui travaillent ſous lui, comme les Piqueurs de bois qui tracent les pieces, d’autres qui les taillent & les aſſemblent, & les Scieurs de long, qui les débitent.

CHARTREUSE, ſ. f. C’eſt le nom d’un couvent de l’Ordre de Saint Bruno, qui eſt un grand hermitage, dont l’avant-cour qui lui ſert d’entrée, eſt appellé Malgouverne, parce que les domeſtiques & les gens de dehors y mangent de la viande, & que les femmes ont la liberté d’y entrer, pour aller faire leurs prieres dans une chapelle. L’Egliſe qui eſt au dedans, conſiſte en un chœur des Peres, plus grand que celui des Freres, qui lui ſert de nef. D’un côté ſont pluſieurs chapelles particulieres, où les Peres diſent chacun la Meſſe à une même heure, & de l’autre un petit cloître fermé de vitres, qui eſt joint par un bout de corridor, à un grand cloître en maniere de portique, au milieu duquel eſt le cimetiere. Les cellules qui environnent ce cloître ſont au rez de chauſſée, & contigues, ayant chacune un jardin particulier avec ſa fontaine. Le chapitre & le réfectoire ſont en communauté. Le tout eſt enfermé d’un grand clos de murailles, avec baſſe-cour, & des lieux ſuffiſans pour les proviſions néceſſaires. Le nom de Chartreuſe vient d’un Deſert près de Grenoble ainſi appelle, que S. Hugues, Evêque de cette ville, donna à S. Bruno, pour y établir sa retraite & ſa régle (en 1086). C’eſt là que réſide le Général de l’Ordre.

CHASSE, ſ. f. Mot dérivé du latin Capſa, coffre. C’eſt un coffre en maniere de tombeau, le plus ſouvent d’Orfévrerie, pour renfermer les reliques d’un Saint. On faiſoit autrefois les Chaſſes comme de petites Egliſes gothiques, suivant cette maxime Chrétienne, que les Saints ayant été le Temple vivant du S. Eſprit, ils méritoient auſſi, après leur mort, que leurs oſſemens fuſſent renfermes dans la maison viſible de Dieu.

Chasse. C’eſt le nom qu’on donne à l’eſpace qu’on parcourt par un mouvement de vibration, en travaillant à un ouvrage. Ainsi on dit : une ſcie, pour ſcier du marbre, doit avoir depuis un pied juſques à dix-huit pouces de Chaſſe, c’eſt-à-dire cette longueur au-delà du bloc qui eſt à ſcier.

CHASSER, v. act. C’eſt pouſſer en frappant, comme lorſqu’on frappe avec coins & maillets pour joindre les aſſemblages de menuiſerie.

CHASSIS, ſ. m. C’eſt la partie mobile de la croiſée qui porte le verre.

Chaſſis a carreaux. Chaſſis qui eſt partagé par des croiſillons de petits bois, & garni de grands Carreaux de verre, en plomb ou en papier.

Chaſſis a coulisse. Chaſſis dont la moitié ſe double en la hauſſant ſur l’autre.

Chaſſis a fiches. Chaſſis qui s’ouvre comme les volets, & plûtôt en dedans qu’en dehors.

Chaſſis a panneaux. C’eſt un Chaſſis qui eſt rempli de carreaux ou de panneaux de bornes en plomb.

Chaſſis a pointe de diamant. Chaſſis dont les petits bois ſe croiſent à onglet.

Chaſſis de charpente. C’eſt un aſſemblage de madriers ou plate-formes, dont on entoure les grilles de charpente qui ſervent à aſſeoir la maçonnerie dans un terrein ſabloneux.

Chaſſis de fer. C’eſt le pourtour dormant qui reçoit le battement d’une porte de fer. C’eſt auſſi ce qui en retient les barres & traverſes des ventaux.

Chaſſis de jardin. Bâti de bois de chêne, peint de verd à l’huile, & garni de panneaux de vitres, qui a différens uſages. On diſpoſe deux ou plusieurs de ces Chaſſis, en maniere de comble à deux égoûts, qu’on bouche par chacune de ſes extrémites d’un panneau triangulaire ſur les couches, les plate-bandes de fleurs, & les pepinieres, pour garantir les plantes du froid, & faire avancer les fleurs & les fruits.

Chaſſis de pierre. Dale de pierre percée en rond ou quarrément, pour recevoir une autre dale en feuillure, qui ſert aux, aqueducs, regards, cloaques & pierrées, pour y travailler, & aux foſſes d’aiſance pour les vuider.

Chaſſis dormant. C’eſt en Menuiserie le bâti dans lequel eſt ferrée à demeure la fermeture mobile d’une baye, & qui eſt retenu avec des pattes dans la feuillure.

On appelle auſſi Chaſſis dormant, un Chaſſis qui ne s’ouvre point, étant ſcellé en plâtre, à cause d’un jour de coutume.

Chaſſis doubles ou contre-chaſſis. C’eſt un Chaſſis qui étant de verre ou de papier collé, eſt mis devant un Chaſſis ordinaire pendant l’hyver. On appelle auſſi Chaſſis doubles, ceux qui ſont de papier collé des deux côtés & calfeutrés, pour les ſerres & orangeries.

CHASTEAU ou CHATEAU, ſ. m. C’eſt la maiſon, l’hôtel d’un Seigneur, bâti en maniere de fortereſſe, avec foſſé & pont-levis. On appelle auſſi Château, une maiſon ſans défenſe où les foſſés ne ſervent que d’ornement. Tels ſont les Châteaux du Louvre, de Vincennes, à Paris, & Saint-Ange à Rome.

Chaſteau d’eau. C’eſt ou un pavillon différent du regard (voyez ce mot) en ce qu’il y a de plus un réſervoir & quelques façades d’Architecture enrichies de nappes d’eau, de caſcades, &c. comme celui de l’eau Pauline ſur le Mont Janicule à Rome, ou un corps de bâtiment, qui a une ſimple décoration de croiſées feintes, parce qu’il ne renferme que des réſervoirs, comme le Château d’eau à Verſailles.

Chaſteau de plaisance. C’eſt une maiſon de campagne bâtie magnifiquement, deſtinée aux plaiſirs d’un Souverain ou d’un Grand, comme le Château de Verſailles, le Château de Saint-Germain, le Château de Chambord, &c.

CHATAIGNIER, ſ. m. C’eſt l’arbre dont on tire la plus belle charpente. La vermine & les araignées ne s’y attachent point. Il ſert auſſi à faire des perches pour les treillages.

CHAUFFOIR, ſ.m. C’eſt dans une Maiſon religieuſe, ou autre Communauté, une ſalle avec une cheminée adoſſée ou iſolée au milieu, pour ſe chauffer en commun.

CHAUFOUR, ſ. m. C’eſt autant le lieu où l’on tient le bois & la pierre à chaux, que le four où on la cuit, & le magaſin couvert ou on la conſerve.

On nomme Chaufourniers les ouvriers qui font la chaux, & les Marchands qui la vendent.

CHAUSSE D’AISANCE, ſ. f. C’eſt le tuyau d’un privé, de plomb ou de pierre, & plus communément de boiſſeaux de poterie, percé en rond ou en quarré. (Voyez Aisance.) La Chauſſe d’aiſance doit avoir trois pouces d’iſolement contre un mur mitoyen.

CHAUSSÉE, ſ. f. C’eſt une élévation de terre ſoutenue de berges en talut, ou de files de pieux, ou de murs de maçonnerie, laquelle ſert de chemin à travers un marais, des eaux dormantes, comme un étang, &c. ou de digues aux eaux courantes, pour en empêcher les débordemens. Il eſt reglé qu’on employera dans les Chauſſées le pavé de grès le plus dur du pays où on les conſtruira, de ſept à huit pouces de gros en tout ſens net, après avoir été retaillé quarrément, & qu’on le poſera debout & de champ. Ainſi on doit les purger de tout le pavé tendre & de caillou, qui ne doit ſervir qu’entre les bordures. Et alors on doit choiſir les petits cailloux ſur le haut des Chauſſées, & le gros en bas & le long des bordures. C’eſt encore un réglement de raſſeoir leur pavé ſur une bonne forme de ſable du plus rude & graveleux, & au moins de ſix pouces d’épaiſſeur, & de n’employer des vieilles bordures, que les plus dures, & qui ayent au moins un pied de long, ſix pouces de large, & huit pouces d’épaiſſeur. (Voyez le Traité des Ponts &c. par M. Gautier, ch. XXXIV.) A l’égard du talut des berges d’une Chauſſée, voyez Berge.

Le mot Chauſſée vient, ſelon M. Ménage, du latin Calciata ou Calceata, dérivé de Calcare, marcher ou fouler aux pieds.

Chauſſée de pavé. C’eſt, dans une large rue, l’eſpace cambré qui eſt entre deux revers. C’eſt auſſi le nom d’un grand chemin avec bordure de pierres ruſtiques. Les Chauſſées des grands chemins doivent avoir au moins quinze pieds de large, ſuivant l’Ordonnance.

CHAUX, ſ. f. Pierre calcinée ou cuite dans un four, qui ſe détrempe avec de l’eau & du ſable pour faire le mortier. Les pierres les plus dures ſont les meilleures ; de sorte que la Chaux faite avec du marbre & des cailloux, est beaucoup plus graſſe & plus gommeuſe que celle qui eſt faite avec des pierres ordinaires. Il y a des Maçons qui eſtiment la Chaux faite de coquilles d’huître, pour bâtir proche la mer. On connoît le degré de cuiſſon de la pierre à Chaux par le poids, qui doit être le tiers de ce qu’elle étoit avant que d’etre expoſée au feu. On juge auſſi de cette cuiſſon, en la mouillant. Si elle jette une fumée épaiſſe, & qu’elle s’attache au rabot, forte de ſpatule avec laquelle on la remue, elle eſt bonne. En général, la bonne Chaux doit ſonner comme un morceau de terre bien cuite.

C’eſt une choſe qui mérite une grande attention, que celle de détremper la Chaux. Une trop grande quantité d’eau la noye, & par conſéquent en éteint la force ; une moindre la brûle, c’eſt-à-dire qu’elle ne fait que la diſſoudre & la réduire en cendres. La manière ordinaire de la détremper, conſiſte à mettre les pierres de Chaux dans un baſſin plat fait ſur la terre avec des pierres & du ſable, & à jetter d’abord un peu d’eau au-deſſus. A meſure que l’eau s’imbibe dans la Chaux, on y verſe de l’eau juſques a ce qu’elle ſoit toute fondue & bien détrempée, en la remuant toujours avec le rabot. Lorſqu’elle eſt bien détrempée, on la fait couler dans une foſſe faite exprès. C’eſt là qu’après avois pris conſiſtance, elle ſe conſerve ſous le ſable dont on la couvre.

Il y a encore d’autres manières de détremper la Chaux, qu’on préfère à celle-ci ; mais elles ne ſont point ſi expéditives, & demandent outre cela beaucoup plus d’attention. Les Curieux les trouveront dans l’Architecture moderne, ou l’Art de bâtir pour toutes ſortes de perſonnes, &c. chap. V.

Chaux éteinte ou fuſée. On appelle ainſi la Chaux détrempée, & qu’on conſerve dans la foſſe. (Voyez l’article ci-deſſus.) On appelle auſſi Chaux fuſée, celle qui n’a point été amortie ni détrempée, & qui s’étant d’elle-même réduite en poudre, n’est pas bonne a employer.

Chaux vive. C’eſt la Chaux qui bout dans le baſſin, lorſqu’on la détrempe.

CHEF-D’ŒUVRE, ſ. m. C’eſt un ouvrage de difficile exécution, pour être reçû Maître dans l’art de bâtir. Dans la Maçonnerie, c’eſt une pièce de trait, telle qu’une deſcente biaiſe & en talut, qui rachette un berceau ; dans la Charpenterie, la courbe rampante d’un eſcalier à vis bien dégauchie, ſuivant ſa cherche, dans la Serrurerie, une ferrure de coffre fort, ou quelque panneau de rampe d’eſcalier ; dans la Menuiſerie, une armoire ou un coffre à la moderne à fond de cuve ; dans la Couverture, une lucarne proprement raccordée en ſa fourchette, avec un comble ; dans la Plomberie, une cuvette à cul de lampe, ou un canon de goutiere, enrichi de moulures bien abouties ; dans la Vitrerie, un panneau de compartiment de verres, de couleur, cavés, encaſtrés, & aſſemblés avec du plomb de Chef-d’œuvre ; & enfin dans le Pavé, une roſe de petit pavé de grais, & de pierre à fuſil.

Tous ces Chef-d’œuvres ſont plus ou moins difficiles par rapport aux aſpirans, entre leſquels les fils de Maitre ont les plus faciles, & les compagnons, par conſéquent, les plus difficiles, mais particulièrement ceux qui n’ont pas fait d’apprentiſſage à Paris.

On entend encore par Chef-d’œuvre, un ouvrage excellent dans ſon eſpèce, & le plus beau qu’ait fait un Artiſan.

CHEMIN, ſ. m. Eſpace en longueur ſur une certaine largeur, qui ſert de paſſage pour aller d’un lieu à un autre. De tous les tems, ce paſſage a attiré l’attention des Etats policés. Les Romains qui ont toujours été grands dans toutes leurs entrepriſes, & qui ont connu l’avantage qu’il y avoit a avoir de beaux Chemins, ont fait des dépenſes incroyables pour les rendre ſpacieux, commodes & agréables. Les grands Chemins de leur Empire s’étendoient depuis les extrémites occidentales de l’Europe & de l’Afrique, juſques dans l’A ſie Mineure, leſquelles étoient de quinze à ſeize cens lieues, & ces grands Chemins parcouroient vingt-cinq fois cette longueur. On comptoit à Rome juſques à trente portes qui communiquoient à autant de grands Chemins pavés, & ou rien n’étoit épargné de ce qui pouvoit contribuer a la commodité des voyageurs. A en juger par la grandeur des pierres, l’égalité des lieux les plus raboteux, les vallons comblés, & les colonnes de marbre, poſés de mille en mille, rien n’égaloit la magnificence de ces Chemins. Ils étoient outre cela d’une ſolidité à toute épreuve. Pour connoitre les matériaux qui formoient cette ſolidité, Nicolas Bergier, après avoir fais pluſieurs recherches ſur ce ſujet dans ſon Traité des grands Chemins de l’Empire Romain, a trouvé qu’en géneral il y avoit 1o. une couche d’un pouce d’épais d’une eſpèce de mortier, ou de ciment, fait de ſable & de chaux : 2o. une couche de dix pouces d’epaiſſeur, de pierres larges & plates, qui formoit une ſorte de maçonnerie faite en bain de ciment très dur, où les pierres étoient poſées les unes ſur les autres : 3o. une autre couche de maçonnerie de huit pouces d’épaiſſeur, faite de pierres à peu près rondes, & mêlées avec des morceaux de brique, le tout lie ſi fortement, que le meilleur ouvrier ne pouvoit en rompre dans une heure que ce qu’il en pouvoit porter : 4o une autre couche d’une eſpèce de ciment blanchâtre, & très-dur, qui reſſembloit à de la craie gluante.

Cette découverte de M. Bergier s’accorde aſſez avec ce que Vitruve rapporte des paves de ſon temps. Il dit qu’on mettoit, 1o. une couche de cailloux poſé en bain de ciment ou de mortier : 2o. une maçonnerie faite avec des moilons caſſés, & la chaux battue avec la demoiſelle, ſur l’épaiſſeur au moins de neuf pouces : 3o. un ciment de ſix pouces d’épaiſſeur, fait avec deux tiers de brique pilée, & mêlée avec un tiers de chaux : 4o. enfin une dernière couche, qui étoit tantôt de pierres plates, à peu près comme nos dales, & tantôt de briques.

Nous n’avons pas aujourd’hui des Chemins ſi grands & ſi longs, & peut-être ſi ſolides que ceux des Romains ; mais il y a tout lieu de penſer que le nombre des nôtres eſt beaucoup plus grand. Et malgré leur quantité, le ſoin qu’on donne à leur entretien répond au moins aux attentions des Romains. Les grands Chemins de France, qui traversent les provinces, & qui font les grandes routes, où les poſtes du Royaume courent tous les jours, ſont, à l’exemple des Romains, tantôt pavés (lorſque le terrein n’eſt point aſſez ſolide) ; tantôt couverts de graviers pour en aſſurer l’aire, & pour la deſſécher ; tantôt ſoutenus & ſoulevés par des murs de ſoutenement, pour éviter les lieux bourbeux ; tantôt garnis de ponts, pour donner paſſage aux eaux qui les percent ; & enfin toujours compoſés ſuivant que la nature du terrein & la dispoſition des lieux le demandent. M. Gautier a fait un Traité de la conſtruction des grands Chemins. M. De la Piſe en traite auſſi dans ſon Hiſtoire d’Orange, pag. 35. Et Iſidore prétend que les Carthaginois ont les premiers pavé les grands Chemins, & qu’ils ont été ſuivis par les Romains. (Iſidor. Origin, liv. XV. ch. dernier.) Voici la diviſion des différentes eſpèces de Chemins, ſuivant l’ordre alphabétique.

Chemin aquatique On appelle ainſi tous les Chemins faits ſur les eaux courantes des fleuves & des torrens, comme les ponts & digues ; & ſur les eaux dormantes, comme les levées & chauſſées, à travers les marais & les étangs. On comprend auſſi ſous le nom de Chemin aquatique, les rivières navigables, & les canaux faits à la main, comme on en voit en Italie, en Flandre, en Hollande, & en France à Briare, dans le Languedoc, & à Orleans.

Chemin artificiel C’eſt un Chemin qu’on fait & force de bras, ſoit de terre rapportée ou de maçonnerie, & dont le travail a ſurmonté les difficultés qui s’oppoſoient & ſon exécution, comme ſont la plûpart des levées le long des rivières, des marais, des étangs, &c.

Chemin comblé Ceci a deux ſignifications. Ou c’eſt un Chemin qui eſt fait dans une vallée ou fondriere, pour regagner deux côtes de montagne ; ou un Chemin antique, que les décombres de quelque ville voisine ont couvert de certaine hauteur de matériaux, enſorte qu’en fouillant, on découvre l’aire de l’ancien pavé.

Chemin de carriere. C’eſt, ou le puits par où l’on deſcend dans une carriere pour la fouiller, ou l’ouverture qu’on fait à la côte d’une montagne, pour en tirer de la pierre ou du marbre.

Chemin de traverſe. Chemin qui communique à un grand Chemin. On appelle auſſi Chemin de traverſe, tout ſentier de détour plus court qu’une route ordinaire. Chemin double On appelloit ainſi chez les Romains un Chemin pour les charrois, à deux chauſſées, l’une pour aller, l’autre pour revenir, afin d’éviter la confuſion, leſquelles étoient ſéparées par une levée en maniere de banquette, de certaine largeur, pavée de briques de champ pour les gens à pied, avec bordures & tablettes de pierre dure, des montoirs à cheval d’eſpace en eſpace, & des colonnes milliaires pour marquer les diſtances. Le Cheminde Rome à Oſtie, appelle le Portuenſe, étoit de cette maniere.

Chemin droit C’eſt le Chemin le plus court, le plus à la ligne & de niveau qu’il eſt poſſible.

Chemin escarpé C’eſt un Chemin qui eſt fait ſur la côte d’une montagne, qui ne peut pas être droit, mais tortu avec des ſinuoſités, & qui eſt ſoutenu du côté du précipice par des levées de pierre ſèche, & quelquefois de maçonnerie en certains endroits ; comme ceux des Alpes, pour paſſer de France en Italie, & ceux des Pyrénées pour alter en Eſpagne.

Chemin fendu. C’eſt un Chemin qui eſt fait dans quelque bute ou montagne, dont on a ôté la ctère, comblé par le bas, & relevé les berges, pour le rendre plus doux. On entend encore par Chemin fendu un Chemin qui eſt taillé dans un rocher, dont on s’eſt ſervi du débris pour paver, comme il y en a en Provence & en Languedoc, que les Romains y ont fait en minant la roche par le moyen du fer & du vinaigre ; & comme on en voit dans les Alpes, que Charles Emmanuel II. Due de Savoye, a fait couper en 1670, entre Chambery & Turin, où la poudre à canon a été d’un grand ſecours pour parvenir à une entrepriſe ſi difficile.

Chemin ferme. Chemin dont le ſol eſt affermi par la terre battue, ou formé de cailloux, de roche ou de ſable, ou d’une aire de maçonnerie ; compoſée de chaux, de gravois, de briques & de teſſons de pots ; ou enfin qui eſt pavé de quartiers à roche, équarris ou à joints incertains, comme ſont la plûpart des Chemins antiques, & particulièrement ceux d’Appius & de Flaminus. (V. Pavé de pierre.)

Chemin ferré. Les Romains appelloient ainſi tout Chemin pavé de pierres extrêmement dures, ou parce que ces pierres reſſembloient au fer, ou plûtôt parce qu’elles réſiſtoient aux fers des chevaux & des charrois. On nomme encore aujourd’hui Chemin ferré celui dont le ſol eſt de roche vive, ou formé d’une aire de cailloux.

Chemin militaire. Les Romains donnoient ce nom aux grands Chemins par où paſſoient les armées.

Chemin naturel. C’eſt un Chemin qui eſt fréquenté par une longue ſucceſſion de tems, à cauſe de ſa diſpoſition, & qui ſubſiſte avec peu d’entretien.

Chemin particulier. Chemin fait pour la communication du château d’un Seigneur, à quelqu’autre maiſon, ou à un grand Chemin, toujours ſur ſes terres, comme la grande avenue de Meudon, près Paris.

Chemin public ou Grand Chemin. C’eſt tout Chemin droit ou traverſant, militaire ou royal.

Chemin rampant. Chemin qui a une pente ſenſible. Quand elle eſt de plus de ſept pouces par toiſe, les charrois ne le peuvent monter qu’avec beaucoup de peine.

Chemin retiré. Petit Chemin qui eſt à côté de celui des charrois, & qui ſert pour les gens de pied, comme les banquettes des quais & des ponts de pierre, & les bermes des foſſés & canaux faits par artifice.

Chemin royal. C’eſt le plus grand de tous les Chemins, ou la dépenſe & le travail ne doivent point être épargnés, nonobſtant les montagnes, vallées, fondrières, fleuves & autres difficultés, à cauſe de ſa ſituation, pour le rendre le plus court, le plus commode & le plus ſûr qu’il eſt poſſible.

Chemin terrestre. C’eſt un Chemin formé naturellement par la terre qui ſe trouve ſur le lieu, ou par des terres rapportées en maniere de levées, ſoutenues de berges en glacis, avec aire de gravois ou de pavés, comme une partie du Chemin de Paris à Sêve, près Paris.

CHEMINÉE, ſ. f. Lieu où l’on fait le feu dans les maiſons. Les parties de la Cheminée ſont l’âtre ou foyer, le contre-cœur, le manteau, les piédroits & le tuyau. L’âtre eſt l’endroit garni de briques ou de carreaux, ou l’on allume le feu. (Voyez Atre). Le contre-cœur eſt une plaque de fer poſée contre la muraille qui eſt auprès de l’âtre, pour la conſerver. (Voyez Contre-cœur) Le manteau eſt un tuyau de différentes formes, qui reçoit la fumée du feu qui eſt dans l’âtre. (Voyez Manteau & Hotte.) Les piédroits ſont deux maſſifs de maçonnerie, qui ſoutiennent le manteau, & le tuyau eſt un tuyau en effet, qui conduit la fumée juſques ſur les toîts. Ce tuyau eſt la partie principale de la Cheminée. M. Felibien veut qu’on le faſſe plus étroit en bas qu’en ſa partie ſupéieure, parce que le feu pouſſe plus aiſément, dit-il, la fumée en haut lorſqu’elle eſt reſſerrée en bas, & qu’en montant elle trouve plus d’eſpace pour ſe dégager & pour ſortir, ce qui empêche la ramie de ſe rabattre ſi facilement dans la chambre. Ce principe eſt bon, mais il ne faudroit pas en abuſer en étranglant le tuyau, dont la largeur doit être proportionnée à la grandeur de l’âtre, afin que la fumée qui part de toutes les parties du feu, ſi l’on peut s’exprimer ainſi, trouve un libre paſſage en montant, ſans quoi elle pourroit refluer dans la chambre. De là on doit conclure que les tuyaux de Cheminée qui ſe devoyent proche le manteau, ſont plus ſujets à fumer que les tuyaux droits, & par conſéquent ceux-ci font préférables aux autres. Cette raison n’eſt point une raison indifférente, & que toute autre, quelle qu’elle ſoit, doive balancer. Car c’eſt une choſe trop commune, trop incommode & trop négligée, que les Cheminées qui fument. Les Architectes & les Maçons, voulant tout ſacrifier à une diſtribution avantageuſe, & à la décoration extérieure d’une chambre, n’ont pas craint de dévoyer tantôt le tuyau proche du manteau, & tantôt de le faire trop étroit. Auſſi preſque toutes les Cheminées qu’ils font, fument ; & pour ſe garantir de cette fumée, on eſt obliglé de recourir à des gens qui ne ſont ni Maçons, ni Architectes, mais Fumiſtes. Or tout l’art de ces gens ſe réduit preſque à pratiquer des ventouſes, ou auprès de l’âtre, ou mieux dans la tablette de la Cheminée, ou enfin à couvrir la Cheminée par des demi-quarts de ſphère qui, mobiles & dirigés par une girouette, tournent toujours du côté du vent, & l’empêchent d’entrer dans le tuyau. De ces deux méthodes la première eſt ſans doute la plus ſûre, mais elle eſt auſſi la plus diſpendieuſe, & elle produit en même tems du froid. Perſuadé de ces raiſons, M. Gauger voulant perfectionner la ſeconde méthode, ſubſtitue aux demi-quarts de ſphere une eſpèce de baſcule, diſpoſée de maniere que la Cheminée ſoit toujours couverte par deſſus, & fermée du côté que vient le vent, par le moyen de deux fils d’archal, qui ſervent à l’abaiſſer ou à l’élever du côté qu’il eſt néceſſaire. Ce même Auteur, qui a écrit ſçavamment ſur le feu, a fait voir que les jambages ou piedroits ne doivent point tee paralleles, & que les manteaux des Cheminées ne doivent point être inclines, parce que ces diſpoſitions nuiſent à la réflexion de la chaleur dans la chambre. Pour favoriſer cette réflexion, l’augmenter même, le contre-cœur de la Cheminée doit former une courbe parabolique, & la tablette doit être horizontale. ( Voyez l’article Feu, dans le Dictionnaire univerſel de Mathématique & de Phyſique, où cette matiere eſt diſcutée.)

La décoration des Cheminées conſiſte en un chambranle & une tablette de marbre, (ou de pierre de liais) ſur laquelle poſe une glace avec bordure, accompagnée de deux bras charges de bougies, & couronnée d’un tableau juſques à la corniche du plafond. Ces bordures de la glace font ordinairement des palmiers, qu’on termine en haut en les croiſant l’un ſur l’autre, ou en les coupant avec le profil d’une bordure qui vient ſe terminer en enroulement. Au lieu de tableau, on couronne quelquefois la glace avec des trophées & autres ornemens de Sculpture. Cette décoration avec des glaces, qu’on doit à M. De Cotte, ne convient point à toutes les Cheminées. Dans les premières antichambres il eſt mieux de ſubſtituer de grands tableaux aux glaces. En général, la décoration des Cheminées doit être relative à celle de la chambre où on les place. On trouve des modules de Cheminée dans le Cours d’Architecture de d’Aviler, Edit. 1750. & dans le ſecond tome de la diſtribution des maiſons de plaiſance, & de la décoration des édifices en général, &c. Par M. Jacques-François Blondel.

Des Sçavans penſent que les Anciens ne connoiſſoient point les Cheminées, & qu’ils échauffoient leurs chambres avec des poêles, ou avec une eſpece de charbon de terre, qui brûloit ſans faire de fumée, & que Suetone appelle Miſeni carbones. D’autres Hiſtoriens croyent que les Anciens ſe ſervoient de Cheminées dans leur cuiſine. Mais Octavius Ferrarius veut que l’uſage des Cheminées fut abſolument univerſel dans les maiſons, tant pour faire la cuiſine que pour ſe chauffer. En effet Ariſtophane, dans une Comédie, introduit le vieillard Policleon, enfermé dans une chambre, d’où il tâche de ſe ſauver par la Cheminée. On lit encore dans Virgile,

Et jam ſumma procul villarum culmina fumant ;

Dans Horace,

Diſſolve frigus, ligna ſuper foce
Largè reponens.

Et dans les Lettres de Ciceron à Atticus : Camino luculento tibi utendum cenſeo. Il eſt vrai que les Anciens avoient des fourneaux pour échauffer leurs chambres, & qu’ils avoient auſſi des poêles ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne puſſent bien avoir auſſi des Cheminées : ce qui peut concilier les deux ſentimens.

Le mot de Cheminée vient du latin Caminus fait du grec Kaminos, qui a la même ſignification.

Cheminée adoſſée. C’eſt une Cheminée qui eſt poſée contre un mur, ou contre le tuyau d’une autre Cheminée.

Cheminée affleurée. Cheminée dont l’âtre & le tuyau ſont pris dans l’épaiſſeur du mur, & dont l’Architecture du manteau eſt en ſaillie, comme celle du Palais Farnèſe. Scamozzi la nomme Cheminée à la Romaine.

Cheminée a l’Angloiſe. Petite Cheminée à trois pans par ſon plan, & fermée en anſe de panier.

Cheminée angulaire. C’eſt une Cheminée dont le plan eſt circulaire, & qui eſt ſituée dans l’angle d’une chambre, comme on en voit en quelques villes du Nord.

Cheminée de cuiſine. C’eſt une Cheminée qui n’a qu’une hotte, le plus ſouvent ſans jambages.

Cheminée en hotte. Cheminée dont le manteau fort large par le bas, & en figure pyramidale, eſt porté en ſaillie par des courges & corbeaux de pierre, comme les Cheminées anciennes, & celle de la Grand-Chambre du Parlement de Paris.

Cheminée en ſaillie. C’eſt une Cheminée dont le contrecœur affleure le nud d’un mur, & dont le manteau eſt en dehors.

Cheminée iſolée. Cheminée placée au milieu d’un chauffoir, qui ne conſiſte qu’en une hotte ſoutenue en l’air par des ſoupentes de fer, ou portée par quatre colonnes, comme les Anciens le pratiquoient. Il y a une Cheminée de cette eſpece à Bayes, près de Naples.

On appelle encore Cheminée iſolée a celle qui, étant adoſſée contre une cloiſon, laiſſe un eſpace entre le contre-cœur & les poteaux, par crainte du feu.

CHENAL, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. C’eſt ainſi qu’on nomme la partie compriſe entre les laiſſes de haute & de baſſe mer, des vives eaux ordinaires. (Voyez l’Architecture hydraulique de M. Belidor, tom. 3. liv. ii. ch. ii.)

CHENIL, ſ. m. C’eſt un grand bâtiment qui confite en pluſieurs cours, ſalles & chambres, deſtiné à loger les officiers de la vénerie, les valets & leurs meutes de chiens de chaſſe, comme celui de Verſailles. Ceci eſt dit en général ; car le mot de Chenil eſt le nom particulier des ſalles baſſes où couchent les chiens, & il vient du latin Canile, dérivé de Canis, chien.

CHERCHE ou CERCHE, ſ. f. Ce terme dérivé de l’Italien Cerchio, ſignifie un cercle. C’eſt le trait d’un arc ſurbaiſſé ou rampant, ou de quelqu’autre figure, tracé par des points cherchés. On donne auſſi ce nom à la planche chantournée avec laquelle on la trace.

Cherche ralongée. C’eſt la ligne d’un plan circulaire, ralongée dans ſon élévation, comme par exemple, le rampant d’un eſcalier.

Cherche ſurbaiſſée. Cherche qui a moins d’élévation que la moitié de la baſe.

Cherche ſurhauſſée. Cherche qui a plus d’élévation que la moitié de ſa baſe, comme la plûpart des arcs gothiques.

CHERUBIN, ſ. m. Terme de décoration. C’eſt une tête d’enfant avec des ailes, qui ſert le plus ſouvent d’ornement aux clefs des arcs, dans les Egliſes.

CHESNEAU, ſ. m. Canal de plomb de dix-huit pouces de large ou environ, & de deux ou trois lignes d’épaiſſeur, qui porte ſur la corniche d’un bâtiment pour recevoir les eaux du comble, & les conduire par ſa pente dans un tuyau de deſcente, ou dans une gouttiere. C’eſt ce que M. Perrault croit être ſignifié par le mot de compluvium dans l’Architecture de Vitruve ; qu’il a traduite & commentée.

Cheſneau a bavette. C’eſt un Cheſneau qui eſt recouvert par le devant d’une bande de plomb blanchi, pour cacher les crochets.

CHEVALEMENT, ſ. m. Eſpece d’étaie, faite d’une ou de deux pièces de bois, couverte d’un chapeau ou tête, & poſée en arcboutant ſur une couche, qui ſert à retenir en l’air les encoignures, trumeaux, jambages, ſous-poutres, &c. pour faire des repriſes par ſous-œuvre.

CHEVALET, ſ. m. C’eſt l’aſſemblage de deux noulets ou linçoirs, ſous le faîte d’une lucarne.

Chevalets. Ce ſont les tréteaux qui ſervent pour échafauder, & pour ſcier de long.

CHEVET D’ÉGLISE, ſ. m. C’eſt la partie, le plus ſouvent circulaire, qui termine le chœur d’une Egliſe. Les Italiens l’appellent Tribuna. (Voyez encore Apſis.)

CHEVÊTRE, ſ. m. Pièce de bois d’un plancher, retenue par les ſolives d’enchevêtrure, pour en porter d’autres à tenon & à mortaiſe, & laiſſer une ouverture pour l’âtre & les tuyaux de cheminée, ou pour quelque petit eſcalier.

CHEVILLE, s, f. C’eſt un morceau de bois ou de fer de ſept à huit pouces de long, qui ſert à retenir quelques aſſemblages de charpente, pour attacher les ſolives & lambourdes aux poutres.

On entend encore par le terme Cheville ; la ſixiéme partie d’un échalas dans le toiſé des bois de charpente.

Cheville a quatre pointes. C’eſt une Cheville qu’on coupe en deux, pour mettre chaque morceau aux deux côtés d’une mortaiſe, dont le tenon n’eſt pas traverſé, & qu’on a oublié de percer.

Cheville barbue. C’eſt une Cheville de cinq à ſix pouces de long, dont le bout eſt édenté, afin qu’étant chaſſée à force dans le bois, on ne puiſſe jamais l’en tirer.

CHEVRE, ſ. f. Machine qui ſert, lorſqu’on bâtit, à enlever les fardeaux à plomb, comme les poutres ſur les tréteaux. Elle eſt compoſée de deux pièces de bois qui forment un triangle, & d’une troiſiéme pièce ſur laquelle ce triangle s’appuye. Au milieu des deux pièces de bois eſt un moulinet avec des leviers, autour duquel s’entortille une corde, qui de là va paſſer dans une poulie attachée au point où les trois pièces, qui forment la Chevre, aboutiſſent. On attache à cette partie de la corde le poids, & on l’éleve en tournant le moulinet, par le moyen des leviers. On trouve dans le Dict. univ. de Mathém. & de Phyſique, article Chevre, la figure & la théorie de cette machine.

CHEVRONS, ſ. m. pl. Pieces de bois de ſciage, de trois ou quatre pouces de gros, ſur leſquelles ſont attachées les lattes à tuile, ou ardoiſe, dont on ſe ſert pour les couvertures.

Chevrons ceintrés. Ce ſont des Chevrons qui ont courbés & aſſemblés dans les liernes d’un dôme.

Chevrons de croupe ou empanons. Chevrons qui ſont inégaux, & qui ſont attachés ſur les arêtiers de la croupe du comble.

Chevrons de ferme. Ce ſont les deux Chevrons encaſtrés par le bas ſur l’entrait, (voyez ce mot) & joints en haut par le bout au poinçon.

Chevrons de longpan. Chevrons qui ſont ſur le courant du faîte & des pannes de long-pan du comble.

Chevrons de remplage. Ce ſont les plus petits Chevrons d’un dôme, qui ne ſuivent pas dans les liernes, à cauſe que leur nombre diminue à meſure qu’ils approchent de la fermeture au pied de la lanterne.

CHIFFRE, ſ. m. Terme de décoration. Entrelacement de lettres fleuronnées en bas-relief, ou à jour, qui ſont ordinairement les lettres initiales du nom d’une perſonne, & qui ſert d’ornement dans l’Architecture, la Serrurerie, la Menuiſerie, & les parterres de buis.

CHIMERE, ſ. f. Terme de décoration. Monſtre fabuleux, qui a la tête & l’eſtomac d’un lion, le ventre d’une chèvre, & la queue d’un dragon. Il ſert, dans l’Architecture gothique, de gargouilles & de corbeaux. (Voyez Gargouilles & Corbeau.) Cet ornement, d’un très-mauvais goût, n’eſt aujourd’hui plus en uſage. Le mot Chimère vient du latin Chimara qui ſignifie la même choſe, & qui a été fait du grec Chimaira, chevre d’hyver.

CHŒUR, ſ. m. Mot dérivé du grec Choros, concert de Muſiciens. C’eſt la partie de l’Egliſe ſéparée de la nef, où l’on chante l’Office divin. On appelle arrière-Chœur, le Chœur d’un couvent, qui eſt derrière le grand Autel, & contenu dans le corps de l’Egliſe, ou ſéparé par un mur percé de quelques ouvertures, comme à pluſieurs Egliſes de l’Ordre de S. François.

Choeur de Monaſtere de filles. C’eſt une grande ſalle attachée au corps de l’Egliſe, & ſéparée par une grille, dans laquelle les Religieuſes chantent l’Office.

Choeur en tribune. Chœur qui étant ſéparé de l’Egliſe, eſt élevé au-deſſus du rez de chauſſée, derrière le grand Autel, comme aux PP. Barnabites ; ou qui eſt ſur la principale porte, & forme au-deſſous une eſpece de veſtibule, comme aux PP. Minimes de la Place Royale, à Paris.

CHUTE, ſ. f. C’eſt dans un jardin, le raccordement de deux terreins inégaux, qui ſe fait par des perrons, ou des gazons de glacis.

Chute d’eau. C’eſt la pente d’une conduite, depuis ſon réſervoir juſques à l’élancement d’un jet d’eau dans un baſſin.

Chute de feſtons et d’ornemens. Ce ſont des bouquets pendans, de fleurs ou de fruits, qu’on met dans des ravalemens de montans, pilaſtres & panneaux de compartiment.

CIBOIRE, ſ. m. C’eſt, ſelon les anciens Auteurs, un petit dais ou baldaquin porté ſur quatre colonnes, & formé d’une voûte d’ogive à quatre lunettes, dont on couvrait autrefois les autels, comme on en voit encore à l’Egliſe de Saint Jean de Latran, à Rome, & derrière l’autel de la Sainte Chapelle, à Paris, qui couvre le tréſor. De là vient que les Italiens appellent Ciborio un tabernacle iſolé, comme ceux des chapelles du S. Sacrement à S. Pierre du Vatican, & à Sainte Marie Majeure, à Rome.

CIEL DE CARRIERE, ſ. m. C’eſt le premier banc qui ſe trouve au-deſſous des terres en fouillant les carrières, & qui leur ſert de plafond dans la continuité, à meſure qu’on les fouille. On tire de ces Ciels une pierre ruſtique propre pour fonder.

CIERGES D’EAU, ſ. m. pl. Terme de Jardinage. Ce ſont pluſieurs jets d’eau ſur une même ligne, dans un baſſin long, à la tête d’un canal, d’une caſcade, & ailleurs. On les nomme grille d’eau, quand ils ſont fort près les uns des autres.

CIMAISE ou CYMAISE, ſ. f. Ce mot dérivé, ſelon Vitruve, du grec Kymotion, une onde, ſignifie une moulure ondée par ſon profil, qui eſt concave par le haut, & convexe par le bas. On donne auſſi à cette moulure le nom de Doucine, Gorge, ou Gueule droite ; mais celui de Cymaiſe lui convient mieux que les autres, parce que cette moulure eſt la dernière, & comme à la cîme d’une corniche.

Il y a des Auteurs qui écrivent Simaiſe, du latin Simus, camus ; fauſſe étymologie, puiſque la beauté de cette moulure eſt d’avoir la ſaillie égale à ſa hauteur.

Cimaiſe Toſcane. C’eſt un ove ou quart de rond.

Cimaiſe Dorique. C’eſt un cavet.

Cimaiſe Leſbienne. C’eſt un talon, ſelon Vitruve. (Voyez Talon.)

CIMENT, ſ. m. Mortier fait avec de la brique & de la tuile réduites en poudre, propre à lier les pierres dans un bâtiment, & ſur-tout à maintenir les ouvrages fondés dans l’eau. Pour avoir un bon Ciment, on mêle de la chaux vive bien broyée, avec des briques pilées, du verre, du charbon de pierre, du ſable bien lavé, de l’écaille de fer qui tombe ſous le marteau. Mais le meilleur Ciment eſt celui qu’on fait avec de la terre de pozzolane & le béton. (Voyez Pozzolane & Béton.) Le Ciment ſert particulièrement aux citernes & aux baſſins.

CIMENTER, v. act. C’eſt lier avec du Ciment, enduire avec du Ciment.

CIMETIERE, ſ. m. C’eſt une place entourée de murs ou de charniers, dans laquelle on enterre les morts, & où ſont quelques ſépultures ornées de croix, d’obeliſques, & autres monumens funéraires, comme celui des SS. Innocens, à Paris. On donnoit autrefois à ce terme une plus grande ſignification. Un Cimetiere étoit non ſeulement l’endroit où l’on enterroit les morts, mais encore toutes les terres qui environnoient les Egliſes paroiſſiales, & qui étoient contiguës aux vrais Cimetieres. C’eſt dans les Cimetieres qu’on a bâti les premières Egliſes, parce que les Martyrs y étant enterrés, ces lieux étoient déjà ſanctifiés. De là vient cette coutume de ne conſacrer aucun autel, ſans y mettre des reliques de Saints.

On écrivoit & on prononçoit autrefois Cemetiere, du latin Cœmeterium, fait du grec Koimeterion, lieu où l’on dort, ou lieu de ſépulture.

CINTRE. Voyez Ceintre.

CIRCONVOLUTIONS, ſ. f. pl. Ce ſont les tours de la ligne ſpirale de la volute Ionique, & de la colonne torſe. Ce mot vient du latin Circumvolvere, tourner à l’entour.

CIRCUIT, ſ. m. ou ENCEINTE, ſ. f. C’eſt le nom qu’on donne à une muraille qui environne un eſpace qui forme un clos.

CIRQUE, ſ. m. C’étoit chez les Grecs un lieu deſtiné pour un jeu public, & chez les Latins une grande place longue, ceintrée par une extrémité, & entourée de portiques, & de pluſieurs rangs de ſiéges par degrés. Il y avoit au milieu une eſpece de banquette avec des obéliſques, des ſtatues & des bornes à chaque bout. Ce lieu ſervoit pour les courſes des biges ou quadriges, c’eſt-à-dire des charriots attelés de deux & de quatre chevaux, & pour les diverſes chaſſes. Il y avoit juſques à dix Cirques à Rome. Le plus grand fut conſtruit par le vieux Tarquin. Il s’étendoit entre le mont Aventin, & le Palatin. Jules Ceſar l’augmenta encore ; de ſorte que, ſelon Pline, il avoit trois ſtades de long, & une de large. Cependant les Cirques d’Auguſte, de Flaminius & de Néron paſſent pour avoir été les plus magnifiques.

Le mot de Cirque vient du latin Circuſa fait du grec Kirkos, qui tous deux ſignifient la meme choſe.

CISELURE, ſ. f. C’eſt le petit bord qu’on fait avec le ciſeau à l’entour du parement d’une pierre dure, pour la dreſſer : ce qui s’appelle relever les ciſelures. Ce bord ſert auſſi à diſtinguer les compartimens ruſtiques, ſur les paremens de pierres dures.

Ciſelure. Terme de Serrurerie. Nom général qu’on donne à tout ouvrage de tôle ambouti au ciſeau.

CITERNE, ſ. f. Lieu ſouterrein & voûté, dont le fond eſt pavé, glaifé ou couvert de ſable, deſtiné à recevoir & à conſerver les eaux de pluie. Voici comment cette eſpece de cave ſe conſtruit.

On commence à déblayer les terres juſques à une profondeur convenable, pour y faire un maſſif de maçonnerie d’environ trois pieds d’épaiſſeur, & dirigé en pente de ſix pouces vers l’endroit où l’on doit puiſer l’eau. Après avoir bien arraſé cette maçonnerie, on la couvre d’un rang de briques poſées de plat, en mortier de ciment ; & ſur ce rang, on en met enſuite deux autres conſécutifs : ce qui finit la conſtruction du fond de la Cîterne.

Sur ce fond on éleve les murs de refend, & les piédroits des voûtes, auxquels on donne trois pieds d’épaiſſeur. C’eſt ſur ces piédroits qu’on poſe les ceintres, ſur leſquels on conſtruit une première voûte d’une brique d’épaiſſeur, faite de mortier de ciment, ayant auparavant parementé les murs du pourtour de briques poſées en mortier de ciment, ſur l’épaiſſeur de deux briques, d’une & demie alternativement, & le reſte de l’épaiſſeur de moilon. Une ſeconde & une troiſiéme voûte de moilon plat, ſuccedent à la première. Après cela on remplit de maçonnerie les reins de la voûte, ou berceau du milieu ; bien les pentes, & on y applique une chape de ciment qui couvre les trois voûtes. Enfin on fait un enduit ſur le pavé de la Cîterne, & ſur l’intérieur du mur du pourtour.

Si cette conſtruction demande bien des ſoins & de la dépenſe, elle eſt auſſi très-ſolide. On fait tous les jours des Cîternes à moins de frais, il eſt vrai ; mais elles ſont auſſi bientôt ruinées. On peut voir là-deſſus l’Architecture de Vitruve, liv. viii. La Science des Ingénieurs, de M. Belidor, liv. iv. & La manière de conſtruire les ouvrages hydrauliques, Ponts & Cîternes, de Sturmius.

A côté de la Cîterne eſt un petit lieu voûté, qu’on appelle Cîterneau, où l’eau s’épure avant que d’y entrer. On le conſtruit de la même manière que la Cîterne. Les Cîternes les plus eſtimées ſont celles de Charlemont, de Calais, & de Dunkerque. On y a obſervé la même conſtruction, à peu près, que nous venons de preſcrire. Mais la plus belle Cîterne eſt ſans contredit celle de Conſtantinople. Elle eſt ſoutenue par 224 colonnes. Ces colonnes, de deux pieds de diametre, ſont plantées circulairement, & en rayons qui tendent à celui qui eſt au centre. Elles ſont couvertes d’eau juſques à une diſtance de la voûte, qui ne permet le paſſage qu’à de petits bateaux. Fiſcher a repréſenté cette Cîterne dans ſon beau Livre intitulé, Eſſai d’Architecture hiſtorique, liv. iii. pl. v. On détermine la grandeur des Cîternes ſur la quantité d’eau qu’elles reçoivent chaque année. Voyez là-deſſus l’article Cîterne, dans le Dictionnaire univ. de Mathém. & de Phyſique.

Le mot de Cîterne eſt formé des deux mots, cis & terram, c’eſt-à-dire dans la terre.

CLAIRE-VOIE, ſ. f. C’eſt l’eſpacement trop large des ſolives d’un plancher, des poteaux d’une cloiſon, ou des chevrons d’un comble, qui n’eſt pas aſſez peuplé. Voyez Couverture a claire-voie.

CLAIRIERE, ſ. f. C’eſt dans un bois un eſpace garni d’arbres, plutôt ſur une hauteur que dans un fond.

CLAPET, ſ. m. Terme d’Architecture hydraulique. Eſpece de petite ſoupape plate, de fer ou de cuivre, que l’eau fait ouvrir ou fermer par le moyen d’une charniere, dans un tuyau de conduite, ou dans le corps d’une pompe.

CLASSES, ſ. f. pl. Ce ſont pluſieurs ſalles au rez de chauſſée de la cour d’un collège, garnies de bancs & de ſiéges, où l’on enſeigne ſéparément diverſes parties des Humanités & des Sciences.

CLAVEAU, ſ. m. C’eſt une des pierres en forme de coin, qui ſert à fermer une plate-bande.

Claveau a croſſettes. Claveau dont la tête retourne avec les aſſiſes de niveau, pour faire liaiſon.

CLAUSOIR, ſ. m. C’eſt le plus petit carreau ou boutiſſe, qui forme une aſſiſe dans un mur continu, ou entre deux piédroits.

CLAYONNAGE, ſ. m. On dit faire un Clayonnage, quand on aſſure ſur des clayes faites de menues perches, la terre d’un gazon en glacis, qui pourrait crouler ou s’ébouler par le pied, ſans cette précaution.

CLEF, ſ. f. C’eſt la pierre du milieu qui ferme un arc, une plate-bande, ou une voûte. Elle eſt différente ſuivant les Ordres. Au Toſcan & au Dorique, ce n’eſt qu’une ſimple pierre en faillie ou en boſſage. A l’Ionique elle eſt taillée de nervures en manière de conſoles, avec enroulemens. Et au Corinthien & au Compoſite, la Clef eſt ou une conſole riche de Sculpture, avec enroulemens & feuillages, ou un maſque. Toutes ces eſpeces de Clefs ſe nomment auſſi Menſoles, de l’Italien Menſola, qui a la même ſignification.

Clef a croſſettes. C’eſt une Clef qui eſt potencée par en haut avec deux croſſettes, qui font liaiſon dans un cours d’aſſiſe.

Clef de poutre. C’eſt une courte barre de fer, dont on arme chaque bout d’une poutre, & qu’on ſcelle dans les murs où elle porte.

Clef en boſſage. C’eſt une Clef qui a plus de ſaillie que les claveaux ou vouſſoirs, & ſur laquelle on peut tailler de la Sculpture.

Clef paſſante. Clef qui traverſant l’architrave, & même la friſe, fait un boſſage qui en interrompt la continuité, comme on en voit aux portes du Palais Royal, à Paris.

Clef pendante & ſaillante. C’eſt la dernière pierre qui ferme un berceau de voûte, & qui excède le nud de la douelle dans ſa longueur.

Clef en Charpenterie. C’eſt la pièce de bois qui eſt arcboutée par deux décharges, pour fortifier une poutre.

Çlef en Menuiſerie. C’eſt un tenon qui entre dans deux mortaiſes, collé & chevillé, pour l’aſſemblage des panneaux.

Clef en Serrurerie. Clef à la main. Voyez Marché la clef a la main.

Clef de ſerrure. Pièce de menus ouvrages de fer, qui ſert à fermer & à ouvrir une porte. Ses parties ſont l’anneau, qu’on prend à la main, la tige qui forme la longueur de la Clef & le panneton qui entre dans la ſerrure. Il y a des Clefs fort riches, dont l’anneau eſt ciſelé avec divers ornemens.

CLIQUART. Voyez Pierre de Cliquart.

CLOAQUE, ſ. m. Egoût ou eſpece d’aqueduc, dans lequel s’écoulent les immondices d’une ville & d’une maiſon. Le nom d’aqueduc eſt le mot propre du Cloaque d’une ville. (Voyez Aqueduc.) Et celui d’égoût, celui d’une maiſon. (Voyez Egout.) On ne peut mettre un Cloaque proche d’une maiſon, ſans titre : car c’eſt une eſpece de ſervitude, & il eſt défendu d’en faire un contre la maiſon de ſon voiſin, ſans y conſtruire un contre mur.

CLOCHER, ſ. m. Bâtiment élevé, faiſant partie d’une Egliſe, où l’on ſuſpend les cloches. Il y a des Clochers quarrés, faits de pierre, en forme de tours, & qui poſent immédiatement ſur terre, comme les Clochers des Egliſes Métropolitaines de Paris, de Rheims, &c. & d’autres de charpente qui ſont ſur le comble de l’Egliſe, & alors on les appelle Aiguilles ou Fleches.

Le Clocher le plus célèbre eſt celui de Piſe, qui ſemble prêt à tomber, étant penché tout d’un côté. Cette inclinaiſon eſt ſi conſidérable, qu’on ne peut le voir ſans trembler. Or cette particularité a formé un problème parmi les Architectes, ſçavoir ſi cette conſtruction eſt naturelle ou non. Marius, dans ſon Traité des Cloches a rapporté que les uns attribuent cette inclinaiſon à un tremblement de terre, & que d’autres croyent que cela a été fait à deſſein ; ce qui lui paroît être confirmé par la ſituation de niveau des planchers, des portes & des fenêtres. Mais cet Auteur ne dit pas comment on a pu conſtruire ainſi un Clocher, & par quel moyen ce Clocher ſe ſoutient ainſi penché. Comme ce ſujet eſt tout mathématique, ce n’eſt point ici le lieu d’entrer là-deſſus dans un grand détail ; & nous ne devons nous arrêter qu’au principe qu’on a ſuivi pour conſtruire un Clocher dans cette ſituation, ſans aucun danger. Ce principe eſt : Que les corps inclinés, aſſis ſur un plan horizontal, ſe ſoutiennent lorſque la ligne de direction tombe en dedans de leur baſe. Voilà pourquoi le Clocher de Piſe ne tombe point, quoique ſon ſommet ſoit ſuſpendu ſi loin au deſſus de ſa baſe. (Voyez la démonſtration de ce principe dans le Cours de Phyſique expérimentale du Docteur Deſagulier tom. i. ſect. ii.)

Aux côtés des Clochers, il y a ordinairement des ouvertures, qu’on nomme Abavents ; & qui fervent a renvoyer le ſon des cloches.

Clocher de fond. Eſpece de tour qui porte de fond, qui eſt attachée au corps d’une Egliſe, & qui eſt couverte d’une aiguille, ou d’une flèche. On voit de ces ſortes de Clochers iſolés, & détachés de l’Egliſe, comme celui de Saint Marc de Veniſe, lequel eſt quarré. On les nomme auſſi Tour d’Egliſe. (Voyez ce mot, & l’article ci-deſſus.)

CLOCHETTES, ſ. f. pl. Voyez Goutes.

CLOISON, ſ. f. C’eſt un rang de poteaux eſpacés environ à quinze ou dix-huit pouces, ruinés, tamponnés, & remplis de panneaux de maçonnerie, pour partager les pièces d’un appartement, & pour porter les planchers. Il y a pluſieurs ſortes de Cloiſons, que nous allons définir dans des articles particuliers.

Cloiſon a jour. C’eſt une Cloiſon qui, depuis une certaine hauteur, eſt faite de barreaux de bois, quarrés ou tournés.

Cloiſon creuſe. Cloiſon dont l’intervalle entre les poteaux n’eſt point hourdé, plein & rempli de maçonnerie ; mais ſeulement couvert de lattes clouées à deux & trois lignes de diſtance l’une de l’autre, enſuite hourdée & garnie de plâtre. Cette Cloiſon ne ſe pratique que pour empêcher le bruit & pour en diminuer la charge, lorſqu’elle porte à faux ſur un plancher.

Cloiſon d’ais. C’eſt une Cloiſon qui eſt faite avec des ais de bateaux ou doſſes, & lambriſſée des deux côtés pour ménager la place & la charge. Quand on eſt obligé d’y faire des portes, les poteaux d’huiſſerie & les linteaux ſont de tiers-poteau ſur le plat ; & on laiſſe un peu de diſtance entre chaque ais, afin que le plâtre y tienne. (Voyez Tiers-poteau.)

Cloiſon de menuiſerie. Cloiſon qui eſt faite de planches à rainures & languettes, poſées en couliſſe, & dont on ſe ſert pour faire des retranchemens dans une grande pièce. On fait auſſi des Cloiſons d’aſſemblage.

Cloiſon de ſerrure. C’eſt une eſpece de boîte mince, qui renferme la garniture d’une ſerrure.

Cloiſon pleine. Cloiſon qui eſt à bois apparent, hourdée de plâtre & de plâtras, & enduite d’après les poteaux ruinés & tamponnés.

Cloiſon recouverte. C’eſt une Cloiſon lattée, contre-lattée, & enduite de plâtre, ou lambriſſée.

CLOISONNAGE. Voyez Pan de bois.

CLOITRE, ſ. m. Mot dérivé du latin Clauſtrum, lieu clos. C’eſt dans un Couvent un portique qui environne un jardin ou un cimetière. Celui des Chartreux à Rome, du deſſein de Michel-Ange, eſt un des plus réguliers par ſon Architecture ; & les Cloîtres des Chartreux à Paris, & de S. Michel in Boſco ; près de Bologne, ſont très-eſtimés par la beauté des peintures qui les décorent.

CLOTURE ou ENCLOS, ſ. f. Mur ou grille qui environne un eſpace en général, mais particulièrement un Monaſtere.

Cloture de choeur d’Eglise. C’eſt dans une Egliſe une fermeture à jour, qui ſépare le chœur d’avec les nefs & les bas-côtés. Il y en a qui ſont faites de menuiſerie avec ſculpture, comme l’Egliſe de S. Jacques de la Boucherie, ou de fer avec ornemens, leſquelles ſont à préſent le plus en uſage, comme celle de Saint Euſtache ; ou enfin de baluſtre de bronze, comme celle de Saint Germain l’Auxerrois. On en voit auſſi de pierre dure, en manière de petits portiques d’Architecture gothique. Telle eſt la Clôture de l’Egliſe de Notre Dame de Paris.

CLOUDS. Voyez Noeuds.

COCHES. Voyez Hoches.

COFFRE D’AUTEL, ſ. m. C’eſt dans un retable de menuiſerie, la table d’un Autel, avec l’armoire qui eſt au-deſſus.

Coffre de remplage. V. Maçonnerie.

COIN, ſ. m. Eſpece de dé coupé diagonalement, ſuivant le rampant d’un eſcalier, qui ſert à porter en bas des colonnes de niveau, & à racheter par en haut la pente de l’entablement qui ſoutient un berceau rampant, comme a l’eſcalier Pontifical du Vatican. Ces Coins ſont auſſi le même effet aux baluſtres ronds, qui ne ſont point inclinés ſuivant une rampe, comme à l’eſcalier du Palais Royal. On peut encore appeller Coins, par la même raiſon, les deux portions d’un tympan renfoncé, qui portent les corniches rampantes d’un fronton, comme on en voit au fronton ceintré du portail de l’Egliſe de S. Gervais, à Paris.

COLARIN. V. Ceinture & Gorgerin.

COLET DE MARCHE, ſ. m. C’eſt la partie la plus étroite par laquelle une marche tournante tient au noyau d’un eſcalier.

COLISEE, ſ. m. Amphithéâtre ovale, qui a été bâti à Rome par Veſpaſien, & qui fut élevé dans le lieu où étoit l’étang de la maiſon dorée de Néron. On y voyoit autrefois des ſtatues qui repréfentoient toutes les provinces de l’Empire, au milieu deſquelles étoit celle de Rome, tenant à la main une pomme d’or. On a appelle auſſi Coliſée un autre amphithéâtre de l’Empereur Sévere. On faiſoit dans ces Coliſées, des jeux & des combats d’hommes, & de bêtes féroces. (V. Amphitheatre.) Le tems & les guerres les ont ruinés. Il y en a cependant encore à Argos & à Corinthe.

Le nom de Coliſée vient du latin Coliſeum ; formé de Coloſſæum, à cauſe du Coloſſe de Néron, qui étoit à Rome proche du Coliſée.

COLLEGE, ſ. m. C’eſt un grand bâtiment où l’on enſeigne les Belles-Lettres & les Sciences, qui conſiſte en une ou pluſieurs cours, chapelles, claſſes & logemens, tant pour les Ecoliers que pour les Profeſſeurs. Le Collège des PP. Jeſuites à Rome, appelle le Collège Romain, bâti ſous le Pape Grégoire XIII. ſur le deſſein de Barthelemi Amanato, eſt un des plus conſidérables pour la beauté de ſon Architecture, comme celui de la Flèche en Anjou, eſt un des plus grands & des plus réguliers.

COLLIER, ſ. m. Terme de Charpenterie. Nom qu’on donne à deux pièces de bois, chacune de douze pouces de long, & de dix pouces de groſſeur, poſées au deſſus du pan de bois du premier étage d’un moulin, l’une devant, l’autre derrière, aſſemblées dans les poteaux corniers.

On appelle auſſi Colliers a deux pièces de bois aſſemblées au haut des poteaux corniers. Elles ont chacune quinze pieds de long, & huit ou neuf pouces de groſſeur.

Colliers de perle ou d’olives. Petits ornemens qui ſe mettent au deſſous des oves, & qu’on nomme autrement Patenotres,

Colliers. Terme d’Architecture hydraulique. Cercles de fer ou de bronze, qui ſervent à retenir le haut des montans des venteaux, qui compoſent les portes des écluſes. (Voyez là-deſſus l’Arch. Hydr. de M. Belidor, tom. iii. Pag. 163.)

COLOMBAGE. Voyez Pan de bois.

COLOMBE, ſ. f. Vieux terme qui ſignifie toute ſolive poſée debout dans les cloiſons & pans de bois, & dont on a fait colombage.

COLOMBIER, ſ. m. Eſpece de pavillon rond ou quarré, qui a des boulins ou des trous dans toute la hauteur, pour les pigeons qu’on y élevé. Ces boulins ne ſont autre choſe que de petites loges qui ſervent de nids aux pigeons, & qui entourent intérieurement les murs du Colombier : les uns ſont ronds, & les autres quarrés. Les premiers ſe font par le moyen de deux faîtières miſes l’une ſur l’autre ; les ſeconds, avec des pots de terre faits exprès. Leur grandeur ſe proportionne à celle de deux pigeons, qui doivent, mâle & femelle, s’y tenir debout. Le premier rang des nids par le bas, doit toujours être élevé de terre de quatre pieds, & au. devant de chaque nid, il eſt néceſſaire qu’il y ait une petite pierre plate qui ſorte du mur de trois ou quarre doigts, pour repoſer les pigeons lorſqu’ils entrent ou ſortent de leurs nids, ou lorſque le mauvais tems les oblige de reſter au Colombier. Pour éviter la dépenſe de ces nids, il y a des gens qui leur ſubſtituent des paniers d’oſier qu’ils attachent à la muraille, & dans leſquels les pigeons font leurs petits. Mais ces nids ne ſont point eſtimés par ceux qui connoiſſent les deſagrémens de ces paniers, ſoit par la malpropreté qui s’y attache, la pourriture à laquelle ils ſont expoſés, les vers qui s’y engendrent, &c.

De toutes les figures qu’on peut donner à un Colombier, la ronde eſt préférable toutes les fois que quelque condition de ſymmétrie, ou quelque ſujétion d’un bâtiment ne détermine pas une autre figure ; parce qu’elle eſt plus commode, en ce qu’on y met une échelle tournante. Quoiqu’il en ſoit cependant de cette figure, ſon plancher & ſa couverture doivent être bien joints, de manière que ni les vents ni les rats n’y puiſſent paſſer. Ses fondemens doivent être bons ; ſon aire bien battue & cimentée, parce que la fiente de pigeons mine les fondemens. Il eſt auſſi important de l’enduire de bon mortier, & de le bien blanchir extérieurement & intérieurement, la blancheur plaiſant aux pigeons, & les attirant même au Colombier.

Enfin autour de ce bâtiment, & en devant de ſa fenêtre, il eſt néceſſaire qu’il y ait des entablemens de pierre, ou d’ais, qui ayent une coudée de ſaillie, & où les pigeons puiſſent rouer, ſe repoſer, & prendre leur vol pour aller aux champs. A la fenêtre par où entrent & ſortent les pigeons, on met quelquefois une couliſſe un peu plus haute & plus large que la fenêtre : on la garnit de fer-blanc, bien attaché contre le mur, pour interdire l’approche aux rats. Il faut que cette couliſſe ſe hauſſe ſoir & matin, par le moyen d’un cordeau paſſe dans une poulie qu’on attache au deſſus de la fenêtre, & qui tombe au bas du bâtiment. Cela fait une ſujétion qui eſt bien rachetée par la ſureté où l’on tient ainſi les pigeons. Les fenêtres d’un Colombier doivent être expoſées au midi & la porte doit regarder celle de la maiſon, afin de voir ceux qui y entrent & qui en ſortent.

Lorſqu’un Colombier eſt iſolé, & qu’il porte de fond, (ce qu’on nomme Colombier en pied) il eſt réputé Seigneurial. Ce Colombier a des boulins depuis le ſommet juſques au rez de chauſſée. Les autres s’appellent des Volets, des Fuyes. On ne peut avoir de Colombier a ſi l’on n’a point un certain nombre d’arpens de terre, où les pigeons ſont ſenſés ſe nourrir.

COLONNADE, ſ. f. On appelle ainſi un périſtile de figure circulaire, comme celui du petit parc de Verſailles, qui a 32 colonnes d’Ordre Ionique, le tout de marbre ſolide, & ſans incruſtation.

Colonnade poliptyle. C’eſt une Colonnade dont le nombre des colonnes eſt ſi grand, qu’on ne les peut compter d’un ſeul aſpect, comme la Colonnade de la Place de Saint Pierre de Rome, qui a 184 colonnes d’Ordre Dorique, de plus de quatre pieds & demi de diametre , toutes par tambours de Tevertin.

Le mot de Poliptyle vient du grec Poliptylos ; qui a beaucoup de colonnes.

Colonnade de verdure. C’eſt une ſuite de colonnes faites avec des arbres & de la charmille à leur pied. L’orme eſt de tous les arbres le plus propre à cet uſage. On choiſit, dans une pépinière, des ormes mâles, hauts, menus & rameux le long de la tige, & on les plante ſans leur couper la tête, avec toutes leurs ramilles. Ces ramilles ſe conduiſent & s’élaguent dans la forme d’une colonne. On les dépouille de quatre ou cinq pieds de haut, pour les faire monter, & on garnie le bas de la colonne de charmille & d’ormeaux, pour figurer la baſe & le ſocle. Le chapiteau ſe forme & ſe taille ſur les branches de l’orme. Et pour la corniche & l’entablement, on ſe ſert de branches échappées de la paliſſade du fond, qu’on arrange ſur des perches traverſant d’un bout à l’autre, & portées par d’autres perches, ſur leſquelles on attache toutes les petites branches de l’orme deſtiné à former la colonne, en les contraignant avec de l’oſier à prendre le ſens que l’on veut. Dans le bas & tout le long des colonnes, on fait une petite banquette de charmille à la hauteur du piédeſtal. Enfin au deſſus de chaque colonne s’élève une boule ou vaſe compoſé de branches d’ormes, qui y ſert de très-bel ornement. (Voyez la Théorie & la Pratique du Jardinage, troiſiéme Partie, ch. iii.)

Il y a dans les jardins de Marly, au bas de la première terraſſe, en deſcendant du château, vers la grande pièce d’eau, une Colonnade de verdure ; elle eſt placée ſur une ligne droite. Ses colonnes ont environ dix pieds de haut, ſur trois de tour, y compris un pied de chaque bout pour les baies, chapiteaux & filets, qui y ſont marqués. Le piédeſtal de chaque colonne a un pied & demi, & la corniche un pied de haut. Et le tout eſt couronné de différens vaſes compoſés de petites branches artiſtement rangées, & taillées proprement.

COLONNE, ſ. f. Eſpece de pilier de figure ronde, compoſé d’une baſe, d’un fuſt & d’un chapiteau, & ſervant à porter l’entablement. La Colonne eſt différente ſuivant les Ordres ; & elle doit être conſidérée par rapport à ſa matière, à ſa forme, à ſa diſpoſition & à ſon uſage. Cette conſidération fera le ſujet de pluſieurs articles ſubordonnés chacun à cet ordre que nous venons d’indiquer. Mais avant que d’entrer dans ce détail, il eſt à propos de faire l’hiſtoire des Colonnes.

Les premières Colonnes furent de troncs d’arbres y dont on ſe ſervit pour ſoutenir les toîts des premières maiſons, ſelon le témoignage des plus célèbres Hiſtoriens, & particulièrement de M. Blondel; qui nous a tranſmis le modèle d’une de ces maiſons dans ſon Cours d’Architecture, tom. i. & qu’on trouve auſſi décrite dans le Dictionnaire univ. de Math, & de Phys. art. Architecture Civile. C’étoit là une idée de Colonnes, & non des Colonnes véritables. Auſſi les premiers Architectes qui voulurent en faire uſage dans les bâtimens, furent preſque obligés de les inventer. Des troncs d’arbres n’offroient aucune proportion, & c’étoient les proportions qui pouvoient ſeules caractériſer une Colonne. Après avoir cherché longtems ſans doute, un homme qui n’eſt point connu s’aviſa de régler la proportion de la Colonne ſur celle du corps d’un homme, relativement à ſon pied ; & ayant trouvé que la raiſon étoit comme 6 à 1, il fit la hauteur de la Colonne ſextuple de ſa groſſeur. C’eſt ainſi que furent proportionnées les Colonnes du Temple élevé par Dorus, en l’honneur de Junon, dans la ville d’Argos.

Le projet d’un Temple dédié à Diane a donna lieu à de nouvelles Colonnes. Les Architectes chargés de l’exécution de ce Temple, voulurent renchérir ſur le précédent, du côté de la délicateſſe & de l’élégance. Dans cette vue, la proportion du corps de l’homme, ſuivie dans les Colonnes du Temple de Dorus, parut trop mâle. Celle du corps de la femme en général, fut jugée plus convenable, & on la ſuivit. On fit donc la Colonne plus menue, en donnant à ſon diametre la huitiéme partie de ſa hauteur, au lieu de la ſixiéme. Mais ſi cette dimenſion faiſoit paroître la Colonne plus élégante, elle la rendoit auſſi trop ſvelte. Pour parer ce défaut, un Architecte s’aviſa de lui faire une tête, ou du moins une chevelure, qui remplît la partie ſupérieure. Des moulures furent donc imaginées pour imiter les boucles des cheveux. L’effet que cela produiſit plût ſi fort, qu’on eſſaya de décorer de même le pied des Colonnes. Enfin pour dernier trait d’imitation du corps des femmes, on fit des cannelures aux Colonnes, pour copier les plis de leurs robes. C’eſt aux Grecs qu’on doit toutes ces idées, qui ont produit trois ſortes de Colonnes : la Colonne Dorique, la Colonne Ionique ; & la Colonne Corinthienne, principalement caractériſée par ſon chapiteau (voyez Chapiteau). Les Romains ont enſuite inventé la Colonne Toſcane, & la Colonne Compoſite. La première n’eſt que la Dorique ſimplifiée, & rendue plus menue par le fuſt ; la Colonne Compoſite eſt un mélange de la Colonne Ionique, & de la Corinthienne. Nous allons faire connoître ces Colonnes a & développer tout cet ornement d’Architecture, ſuivant ſa matière, ſa conſtruction, ſa forme, &c. ainſi que nous l’avons déjà annoncé. Diſons auparavant que le mot de Colonne vient du latin Columna, qui eſt dérivé, ſelon Vitruve, de Columen, ſoutien.

De la Colonne, par rapport aux Ordres.

Colonne Тoſcane. Cette Colonne a ſept diametres de hauteur, y compris la baſe & le fuſt. Elle eſt la plus courte & la plus ſimple de toutes les Colonnes.

Colonne Dorique. Colonne qui a huit diametres, & dont le chapiteau & la baſe ſont un peu plus riches de moulures que ceux de la Colonne Toſcane.

Colonne Ionique. Cette Colonne a neuf diametres, & elle diffère des autres par ſon chapiteau qui a des volutes, & par ſa baſe qui lui eſt particulière.

Colonne Corinthienne. C’eſt la Colonne la plus riche, & la plus ſvelte. Elle a dix diametres, & ſon chapiteau eſt orné de deux rangs de feuilles, avec des caulicoles, d’où ſortent de petites volutes.

Colonne Compoſite. Colonne qui a dix diametres, & deux rangs de feuilles à ſon chapiteau, comme au chapiteau Corinthien, avec les volutes angulaires de l’Ionique.

De la Colonne, par rapport a la Matiere.

Colonne d’air. On appelle ainſi le vuide rond ou ovale d’un eſcalier à vis ſuſpendu, formé par le limon en hélice de les marches gironnées : c’eſt pourquoi un eſcalier de huit pieds de diametre, doit avoir une Colonne d’air de quinze à ſeize pouces, pour être d’une grande facilité.

Colonne d’eau. Colonne dont le fuſt eſt formé par un gros jet d’eau, qui ſortant de la baſe avec impétuoſité, va frapper dans le tambour du chapiteau, qui eſt creux, & en retombant fait l’effet d’une Colonne de cryftal liquide. On voit une pareille Colonne, mais petite, à la Quinta d’Aveiro ; près de Liſbonne en Portugal.

On appelle auſſi Colonne d’eau, en Architecture hydraulique, la quantité d’eau qui entre dans le tuyau montant d’une pompe. Ainſi on dit que la Machine de Marly, dont le tuyau montant a quatre pouces de diametre, donne une Colonne d’eau de cette groſſeur & de toute la hauteur du tuyau.

Colonne Diaphane. Nom général qu’on donne à toute Colonne de matière tranſparente, comme étoient celles de cryſtal du théâtre de Scaurus, dont parle Pline, & celles d’albâtre tranſparent, qui ſont dans l’Egliſe de Saint Marc, à Veniſe, au chevet du chœur d’en haut, & que rapporte Boiſſard dans ſa Topogr. de Rome.

Colonne fuſible. On comprend ſous ce nom les Colonnes, non feulement de divers métaux, & autres matières fuſibles, comme le verre, &c. mais auſſi celles de pierre, qu’on appelle fondues parce qu’on a cru autrefois que les Anciens avoient le ſecret de fondre les pierres. On a même voulu que les Colonnes Corinthiennes de la chapelle des Fonts Bapriſmaux de la Métropole d’Aix en Provence, & pluſieurs autres Colonnes, euſſent été jettées en fonte, comme des Colonnes de métal. Mais on eſt aujourd’hui plus ſçavant dans l’hiſtoire naturelle qu’on ne l’étoit autrefois, & on connoît a peu près la formation des pierres. Une choſe qui démontre aux yeux la fauſſeté de cette conjecture, c’eſt que ces Colonnes ſont d’une eſpece de granit, dont on a trouvé les carrières ſur les côtes du Rhône, depuis Thain juſques à Condrieu.

Colonne hydraulique. Colonne dont le fuſt paroît de cryftal, étant formé par des nappes d’eau qui tombent de ceintures de fer ou de bronze en manière de bandes, à égales diſtances, par le moyen d’un tuyau montant dans l’on milieu, comme aux pilaſtres à jour de l’arc de triomphe d’eau, à Verſailles.

On nomme auſſi Colonne hydraulique, celle du haut de laquelle ſort un jet, à qui le chapiteau ſert de coupe, d’où l’eau retombe par une rigole revêtue de gazons, qui tourne en ſpirale autour du fuſt,comme les Colonnes Ioniques de la caſcade de Belvedere ; à Freſcati & celles de la Vigne Matthei, à Rome.

Colonne métallique. On appelle ainſi toute Colonne frappée ou fondue, de fer ou de bronze, comme les quatre Corinthiennes antiques, de cuivre de Corinthe, qui ſont à l’Autel de la Croiſée de Saint Jean de Latran, à Rome.

Colonne moulée. C’eſt une Colonne qui eſt faite par impaſtation de gravier & de cailloux de diverſes couleurs, liés avec un ciment ou maſtic, qui durcit parfaitement, & reçoit le poli comme le marbre. C’eſt un ſecret qu’avoient les Anciens, à en juger par des Colonnes nouvellement découvertes près d’Alger, qui ſont apparemment des ruines de l’ancienne Julia Cæſarea, & ſur leſquelles on voit une inſcription en caractères antiques, dont les contours, les accens, & les fautes même ſont répétées ſur chaque fuſt : ce qui paroît une preuve inconteſtable que ces Colonnes ſont moulées.

Colonne précieuſe. C’eſt toute Colonne de pierre ou de marbre rare, comme les quatre du grand Autel de la chapelle Pauline à Sainte Marie Majeure, a Rome, qui font d’un jaſpe oriental. Les Colonnes de lapis, d’aventurine, d’ambre, &c. dont on décore les tabernacles & les cabinets de marqueterie, font auſſi des Colonnes précieuſes.

Colonne de rocaille. Colonne dont le noyau de tuf, de pierre ou de moilon, eſt revêtu de pétrifications & coquillages, par compartimens, comme on en voit à quelques grottes & fontaines.

Colonne de treillage. C’eſt une Colonne à jour, dont le fuſt eſt formé avec du fer & des échalats, & la baſe & le chapiteau de bois de boiſſeau, contourné ſelon leurs profils, & qui ſert à décorer les portiques de treillage, comme les Colonnes Ioniques de treillage qui font au dôme du jardin de Clagny, du deſſein de M. Le Nautre.

De la Colonne, par rapport a ſa conſtruction.

Colonne d’aſſemblage. Colonne formée de membrures de bois, aſſemblées, collées & chevillées, qui eſt creuſe, faite au tour, & le plus fou vent cannelée, comme les Colonnes de la plûpart des rétables d’Autel de menuiſerie.

Colonne incruſtée. C’eſt une Colonne faite de pluſieurs côtes ou tranches minces de marbre rare, maſtiquées ſur un noyau de pierre, de brique, ou de tuf. On incruſte les Colonnes, autant pour épargner la matière précieuſe, comme le jaſpe oriental, le lapis, l’agathe, &c. que pour en faire paroître des morceaux d’une grandeur extraordinaire par la propreté de leur incruſtation, qui, par le ſecours d’un maſtic de même couleur, rend les joints imperceptibles.

Colonne jumelée, ou gémelée. Colonne dont le fuſt eſt fait de trois côtés de pierre dure, poſés en délit (à l’imitation de trois gemelles de bois, qui fortifient le grand mât d’un vaiſſeau), & retenue par le bas avec des goujons, & par le haut avec des crampons de fer ou de bronze. Elle doit être cannelée, pour rendre les joints moins ſenſibles, comme les quatre Colonnes Corinthiennes d’un des côtés de la cour du château d’Ecouan, du deſſein de Jean Bulant.

Colonne de Maçonnerie. Colonne qui eſt faite de moilon bien giſſant, enduit de plâtre, ou de brique, par carreaux moulés en triangle, ou recouverte de ſtuc, comme on eh voit à Veniſe : ou enfin de brique apparente, ainſi qu’il y en a à l’orangerie du château de Lonné, près d’Alençon.

Colonne par tambours. Colonne dont le fuſt eſt fait de pluſieurs aſſiſes de pierre, ou blocs de marbre, plus bas que la largeur du diametre. C’eſt celle qu’Ulpian entend par Columna ſtructilis vel integra, qui eſt oppoſée à Columna ſolida vel integra, c’eſt-à-dire Colonne d’une ſeule pièce.

Colonne par tronçons. Colonne qui eſt faite de deux, trois ou quatre morceaux de pierre, ou de marbre, différens des tambours, parce qu’ils font plus hauts que la largeur du diametre de la Colonne ; ou formée de tronçons de bronze, chacun d’un jet, dont les joints font recouverts par des ceintures de feuilles, comme les Colonnes du baldaquin de Saint Pierre, à Rome.

Colonne variée. Colonne compoſée de diverſes matières, comme de marbre, de pierre, &c. diſpoſées par tambours de différentes hauteurs, & de diverſes couleurs, dont les plus bas ſervent de bandes ou de ceintures, qui excédent le nud du fuſt de pierre, qui eſt cannelé, ainſi que les Colonnes Ioniques du gros pavillon du château des Tuileries, du côte de la cour, les bandes de ces Colonnes étant de marbre, & les tambours de pierre. Les plus riches Colonnes variées ſont toutes de marbre de deux couleurs, l’une pour le fuſt, & l’autre pour les bandes.

On peut auſſi appeller Colonnes variées, toutes celles qui ont des ornemens poſtiches de bronze doré.

De la Colonne, par rapport a ſa forme.

Colonne en baluſtre. Eſpece de pilier rond, tourné en baluſtre ralongé, à deux poires, avec baſe & chapiteau, qui fait l’office de Colonne d’une manière gothique, & peu ſolide. Il y a des Colonnes en baluſtre dans la cour du château de Chantilly, & au meneau de, la croiſée du milieu de l’Hôtel de Ville de Toulon, du deſſein du Pujet, Architecte & Sculpteur.

On appelle auſſi Colonnes en baluſtre, les baluſtres de clôture dans les Egliſes.

Colonne bandée. Colonne qui a d’eſpace en eſpace des ceintures ou bandes, unies ou ſculptées, qui excédent le nud de ſon fuſt cannelé, comme les Colonnes Ioniques du château des Tuileries, & les Colonnes Compoſites du portail de Saint-Etienne du Mont, à Paris.

Colonne de bas-relief, C’eſt une Colonne qui ſert à l’Architecture d’un fond de Sculpture de demi-boſſe, comme on en voit à la chapelle de la famille des Cornaro ; faite par le Cavalier Bernin, à Sainte Marie de la Victoire, à Rome.

On peut auſſi appeller Colonne de bas-relief a toute Colonne qui a de la ſculpture ſur ſon fuſt.

Colonne cannelée ou ſtriée. Colonne qui a ſon fuſt orné de cannelures dans toute ſa hauteur, comme les Colonnes Corinthiennes du periſtyle du Louvre, ou dans les deux tiers d’en haut, comme les Colonnes Doriques du portail de S. Gervais, à Paris.

Colonne cannelée-ornée. Colonne qui a dans ſes cannelures des ornemens de feuillages & fleurons, qui les remplirent au tiers d’en bas, par intervalles, & quelquefois auſſi de petites branches ou bouquets de laurier, de chêne, d’olivier, de lierre, &c. comme on en voit à l’Ordre Ionique des Tuileries, & aux grands autels des Egliſes du S. Sepulchre, & des Petits Auguſtins du Fauxbourg S. Germain, à Paris. Cette forte de Colonne convient particulièrement aux ouvrages de menuiſerie.

Colonne cannelée rudentée, C’eſt une Colonne dont les cannelures font remplies de cables, de roſeaux, ou de bâtons, par le bas de ſon fuſt juſques au tiers, comme les Colonnes Ioniques du portail des Feuillans, rue Saint-Honoré, à Paris, du deſſein de François Manſard.

Colonne à cannelures torſes. Colonne dont le fuſt droit eſt entouré de cannelures à côtes, tournées en ligne ſpirale en forme de vis. Elle convient aux Ordres délicats ; & Palladio en rapporte de cette eſpece au Temple de Trevi, près Spolete, en Italie.

Colonne cylindrique. Colonne qui n’a ni renflement, ni diminution, comme les piliers gothiques.

Colonne coloſſale. C’eſt une Colonne qui eſt d’une ſi prodigieuſe grandeur, qu’elle ne peut entrer dans une ordonnance d’Architecture, & qui doit être iſolée au milieu de quelque Place, comme la Colonne Trajane, de proportion Dorique & de profil Toſcan, qui a de diametre douze pieds & un huitième, ſur cent pieds de haut, compris la baſe & le chapiteau ; le piédeſtal en a 18, & l’amortiſſement 16 ½, chargé d’une ſtatue de bronze, de Saint Pierre, de 13 pieds de haut : le tout faiſant 147 pieds antiques Romains du Capitole, qui reviennent à 134 pieds 3 pouces 9 lignes, de notre pied de Roi. Cette Colonne, qui fut bâtie par Apollodore, n’eſt compoſée que de 34 blocs de marbre blanc, avec l’amortiſſement, chaque tambour étant d’une pièce, ainſi que le chapiteau. La Colonne Autonine, auſſi de marbre blanc, eſt encore une Colonne coloſſale. Elle eſt inférieure, par la beauté de la Sculpture, à la Colonne Trajane, mais elle eſt plus grande. Sa hauteur eſt de 168 pieds juſques ſur le chapiteau, outre 7 pieds de ſon piédeſtal, qui ſe trouvent enterrés au-deſſous du rez de chauſſée : ce qui fait 175 pieds antiques Romains, qui valent 158 pieds 8 pouces 7 lignes, du pied de Roi. La troiſième Colonne coloſſale fameuſe eſt celle de Londres, qui n’eſt que de pierre : elle a 15 pieds de diametre, ſur 202 pieds Anglois de hauteur, qui reviennent à 189 pieds 4 pouces & demi de Roi, compriſſe piédeſtal & ramortiflement.

Colonne compoſée. C’eſt une Colonne donc la compoſition & les ornemens ſont extraordinaires, & ne laiſſent pas que d’avoir leur beauté, ſur-tout lorſqu’un habile Architecte y veut déployer ſon goût & ſon génie. Les Colonnes Corinthiennes du Temple de Salomon, rapportées par Villalpande, étoient de cette eſpece, & on en voit dans pluſieurs bâtimens du Cavalier Boromini.

Colonne coloritique. Colonne ornée de feuillages, ou de fleurs, tournés en ligne ſpirale à l’entour de ſon fuſt, ou par couronnes, ou par feſtons, comme les Anciens s’en ſervoient pour élever des ſtatues. Ces Colonnes conviennent aux arcs de triomphe pour les entrées publiques, & aux décorations de théâtre.

Colonne diminuée. Colonne qui eſt ſans renflement, & dont la diminution commence dès le pied de ſon fuſt, à l’imitation des arbres, comme la plûpart des Colonnes antiques de granit, & particulièrement les Colonnes Corinthiennes du porche du Panthéon.

Colonne en faiſceau. Gros pilier gothique, entouré de pluſieurs petites Colonnes ou perches iſolées, qui reçoivent les retombées des nervures des voûtes, comme il y en a aux bas-côtés de l’Egliſe de Notre-Dame, à Paris, où chacun de ces piliers, par tambours, eſt entouré de douze petites, Colonnes qui ont environ 8 pouces de diametre, ſur 20 pieds de hauteur, & qui ſont, la plûpart, d’une ſeule pierre.

Colonne feinte. C’eſt une Colonne en peinture ſur une toile tendue à plat ou en relief, ſur un chaſſis cylindrique qui imite le marbre, & dont la baſe & le chapiteau ſont dorés, ou en couleur de bronze. Ces ſortes de Colonnes ſervent aux décorations.

Colonne feuillée. Colonne dont le fuſt eſt taillé de feuilles de refend ou d’eau, qui ſe recouvrent en manière d’écaille, ou comme la tige de la Feuille d’un palmier. On en voit de la première eſpece au Temple de Trevi, près Spolette, en Italie, rapportée par Palladio. (Liv. iv. Ch. xxv.) Il y a auſſi deux anciennes Colonnes feuillées d’Ordre Corinthien, au portail de l’Egliſe de Notre-Dame, à Montpellier.

Colonne fuſelée. Colonne qui reſſemble à un fuſeau, parce que ſon renflement eſt trop ſenſible, & hors de la belle proportion, comme les Colonnes Corinthiennes du portail de l’Egliſe des Filles de Sainte-Marie, rue Saint-Antoine, à Paris.

Colonne gothique. C’eſt dans un bâtiment gothique tout pilier rond qui eſt trop court, ou trop menu pour ſa hauteur, ayant quelquefois juſques à vingt diametres, ſans diminution, ni renflement, & par conſéquent fort éloigné des proportions antiques, & qui eſt fait ſans régles.

Colonne grêle. Colonne qui eſt trop menue, & qui a plus de hauteur que l’Ordre qu’elle repréſente, comme les Colonnes d’Ordre Dorique de la porte de l’Abbaye de Sainte Geneviève, à Paris, qui ont neuf diametres de hauteur au lieu de huit qu’elles devroient avoir. On appelle auſſi Colonne grêle, une Colonne de la plus haute proportion.

Colonne hermetique. Eſpece de pilaſtre en manière de terme, qui au lieu de chapiteau a une tête d’homme. Cette Colonne eſt ainſi appellée, parce les Anciens y mettoient la tête de Mercure, nommé par les Grecs Hermes. On en voit deux, qui approchent de cette figure, & dont le fuſt eſt en gaine ronde, dans l’Egliſe de Saint Jean de Latran, à Paris, au tombeau de M. De Souvré, Grand-Prieur de France.

Colonne irréguliere. C’eſt une Colonne qui eſt non ſeulement hors des proportions des cinq Ordres, mais encore dont les ornemens du fuſt & du chapiteau ſont de mauvais goût, confus & mis ſans raiſon, comme on en voit à quelques Egliſes qui participent de l’Architecture gothique & de l’antique, telle qu’à Egliſe de Saint Euſtache, à Paris, & qui ont été bâties depuis le règne de Louis XI. juſques à celui de François I, ſous lequel l’Architecture antique a ſuccedé à la gothique. On voit de ces Colonnes irrégulieres dans pluſieurs Livres d’Architecture Anglois, Hollandois, & Allemands.

Colonne liſſe. Colonne dont le fuſt eſt uni, ſans cannelures & autres ornemens.

Colonne marine. C’eſt une Colonne qui eſt taillée de glaçons ou de coquillages par bandes en boſſages, ou continus, ſur la longueur de ſon fuſt ; ou bien par tronçons, en manière de manchons, ainſi qu’il y en a à la grotte du jardin du Luxembourg, à Paris.

Colonne maſſive. Colonne qui eſt trop courte, & qui a moins de hauteur que l’Ordre dont elle porte le chapiteau, comme les piliers des Egliſes gothiques. On comprend auſſi ſous ce nom les Colonnes Toſcanes & ruſtiques.

Colonne ovale. Colonne dont le fuſt eſt applati, ſon plan étant ovale, pour éviter la ſaillie, comme on en voit de l’Ordre Corinthien au portail de l’Egliſe des PP. de la Merci, a Paris : ce qui eſt néanmoins un abus en Architecture.

Colonne à pans. Colonne qui a pluſieurs faces, comme l’ébauche d’une Colonne Dorique, cannelée. Les Colonnes à pans, les plus régulières, en ont huit, ainſi que les Colonnes Doriques de la cour de l’Hôtel de Mazan, rue Dorée à Avignon, & une d’Ordre Corinthien, qui a été élevée ſur un piédeſtal dans la cour des Ecoles publiques de Bologne en Italie, à la mémoire du Cardinal Louis Ludoviſi, & qui porte une tète de Janus à deux viſages.

Colonne paſtorale. Colonne dont le fuſt eſt imité d’un tronc d’arbre avec écorce & nœuds, parce que les Colonnes tirent leur origine des troncs d’arbres qui ſervoient à la conſtruction des cabannes des premiers Pâtres, ou Bergers. Cette eſpece de Colonne, de proportion Toſcane, peut ſervir aux portes de parcs & de jardins, comme on en voit dans l’Architecture de Serlio. Elle convient auſſi aux décorations des ſcènes paſtorales.

Colonne renflée. Colonne qui a un renflement proportionné a la hauteur de ſon fuſt, comme on le pratique aujourd’hui. On ne voit preſque point de Colonnes renflées dans l’antiquité ; & les Colonnes de granit font diminuées dès le pied.

Colonne rudentée. C’eſt une Colonne qui a ſur le nud de ſon fuſt des rudentures de relief ; & chaque rudenture, qui fait l’effet contraire d’une cannelure, eſt accompagnée d’un petit liſtel à ſes côtés, comme les Colonnes Doriques du château de Maiſons, & les Colonnes Corinthiennes de la Paroiſſe de Barbantane, près d’Avignon. Les Ouvriers donnent à cette Colonne le nom de Colonne embaſtonnée.

Colonne ruſtique. Colonne qui a des boſſages unis, ruſtiqués ou piqués, ou qui eſt de proportion Toſcane, comme les Colonnes de la grotte de Meudon, du deſſein de Philibert De Lorme.

Colonne ſerpentine. On appelle ainſi une Colonne faite de trois ſerpens entortillés, dont les têtes ſervent de chapiteau. Il y a une Colonne de bronze de cette eſpece à Conſtantinople, dans la place appellée Atmeidam, qui étoit autrefois l’Hippodrome que Pierre Gilles rapporte dans ſes Voyages, ſous le nom de Delphique, parce qu’il croit qu’elle avoit ſervi à porter le trépied d’Apollon dans le Temple de Delphes. Elle eſt aujourd’hui appellee par le vulgaire, le Taliſman, ou la Colonne enchantée.

Colonne torſe. Colonne qui a ſon fuſt contourné en vis, avec ſix circonvolutions, & qui eſt ordinairement de proportion Corinthienne. Vignole eſt le premier qui a donné des régles pour la tracer.

Colonne torſe cannelée. Colonne dont les cannelures ſuivent le contour de ſon fuſt, en ligne ſpirale, dans toute ſa longueur, comme on en voit quelques-unes de porphyre & autre marbre dur.

Colonne torſe ornée. Colonne qui étant cannelée par le tiers d’en bas, a ſur le reſte de ſon fuſt des branchages, & autres ornemens, ainſi que les Colonnes de Saint Pierre de Rome, & du Val-de-Grace, à Paris. On appelle encore Colonne torſe cannelée, une Colonne qui étant toute de marbre, eſt enrichie de ſculpture depuis le bas juſques en haut, comme les Colonnes de marbre blanc de la même Egliſe de S. Pierre, & celle du tombeau d’Anne de Montmorenci, Connétable de France, dans la chapelle d’Orléans, aux Celeſtins, à Paris.

Colonne torſe évuidée. Colonne qui eſt faite de deux ou trois tiges grêles, tortillées enſemble, de manière qu’elles laiſſent un vuide au milieu, comme on en voit de bois à trois tiges à la clôture du chœur de l’Egliſe des Cordeliers de Nanci ; & de marbre, faites au tour, à des tabernacles, cabinets, & aux encoignure de quelques tombeaux & autels antiques, que l’on conſerve dans quelques galeries & cabinets des Curieux.

Colonne torſe, ornée & évuidée. Eſpece de Colonne torſe à jour, faite en manière de cep de vigne, qui étant ornée de feuillages, conſerve les proportions & le contour de la Colonne torſe, comme celles de la chapelle des PP. de la Miſſion, près Notre-Dame de Fourvieres, à Lyon. Cette Colonne peut s’employer avec ſuccès, étant faite de métal ; & elle devient auſſi ſupportable que le panier creux & à jour, qui a donné l’idée du chapiteau Corinthien.

Colonne torſe rudentée. Colonne torſe, dont le fuſt eſt couvert de rudentures en manière de cables menus & gros, qui tournent en vis, telles qu’on en voit à pluſieurs tombeaux antiques, & au portail du dôme de Milan.

De la Colonne, par rapport a ſa diſpoſition.

Colonne adoſſée ou engagée. C’eſt une Colonne qui tient au mur par le tiers ou le quart de ſon diametre.

Colonne angulaire. Colonne qui eſt iſolée à l’encoignure d’un porche, ou engagée au coin d’un bâtiment en retour d’équerre, Ou même qui flanque un angle


  1. Lexica contextat ; nam cætera, quid moror ? omnes
    Pœnarum facies hic labor unum habet.
  2. Voyez la Vie de M. d’Aviler dans ſon Cours d’Architecture, édition de 1750. pag. xxxvij.
  3. Nous ne croyons pas qu’on puiſſe exiger davantage d’un Dictionnaire d’art. Cependant, pour condeſcendre aux demandes qui nous ont été faites par quelques Architectes habiles, nous avons indiqué à chaque article la qualité du terme, ſubſtantif ou adjectif, ou verbe, avec ſon genre & ſon caractère. Ainſi après le mot de l’article, on trouvera tantôt ſ. m. ou ſ. f. ce qui ſignifie ſubſtantif maſculin, ou ſubſtantif féminin ; ou adj. c’eſt-à-dire adjectif ; ou enfin v. act. paſs. ou n. caractères qui indiquent un verbe actif, paſſif ou neutre. On ſçait que le mot ſubſtantif exprime un objet déterminé ; le mot adjectif, un objet vague, qui indique la qualité d’un objet, & que le mot verbe exprime l’action. ſi cette action eſt dans la puiſſance, c’eſt un verbe actif ; ſi elle eſt dans la choſe, c’eſt un verbe paſſif ; enfin le verbe neutre n’exprime point d’action.
  4. Voyez l’article Architecture, dans ce Dictionnaire.
  5. Pline, Hiſt. natur., liv. XIX. ch. 4.
  6. Pline, ibid., & Caſaubon, ad Suéton. Auguſt. ch. 72.
  7. Quid enim hoc opere innocentius vacantibus, aut quid plenius magna conſideatione prudentibus ? s. Auguſtin, de Genef. ad Litt. liv. VIII. ch. 9.