Dictionnaire de Trévoux/1re édition, 1704/Absynthe ou absinte

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Jésuites de Trévoux
Trévoux (1-1p. 11).

ABSYNTHE, ou ABSINTE. s. m. & f. Absinthium, selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Fr. le fait féminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. C’est une plante médécinale. Il y en a de quatre sortes : Le santonique, le marin, le vulgaire ou grand Pontique, & le petit. L’absynthe commune a une tige fort branchuë, des feuilles blanches et fort découpées, comme l’artemisia ; ses fleurs dorées & petites. Sa graine est ronde, & disposee comme une grappe de raisin. Sa racine est fort esparpillée. Cette absynthe vulgaire est plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croyent que c’est la barbotine, qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’auronne femelle. Il y a une seconde espece d’absynthe qu’on appelle petite aluyne, qui est semblable à la petite auronne étant toute encassée de petite graine fort amere, qu’on appelle en Latin absinthium marinum, ou Scriphium. L’absynthe santonique est la troisieme espèce, qui est semblable à l’alcine, mais qui est moins chargée de graine que l’autre. On fait du vin d’absinthe, & de l’eau d’absinthe. L’absinthe est une herbe odiférante, très-amère, astringente & corroborative : c’est pourquoy l’on s’en sert pour fortifier les viscères affoiblis. Outre son amertume, la nitrosité dont elle participe, fait qu’elle purge la matiére bilieuse contenuë au ventricule & au foye. Elle tuë les vers même en l’appliquant exterieurement. L’absinthe attenuë, & déterge. Elle est apéritive & provoque les urines & les suëurs, & tout cela avec quelque astriction. On ne se sert que des feuilles, & des sommites de cette plante. Vin d’Absinthe, vinum absynthites.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. D’autres le font venir d’ἅψισθον, indelectabile, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable. Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe sans y.