Dictionnaire de Trévoux/2e édition, 1721/Abbée

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1-1p. 10-11).
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peut fermer avec des pales ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coutume de Loris, Chap. X. Ce mot peut venir de baie, ouvèrture. Foramen.

AbBESSE : c’est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Abbatissa. Les Abbesses ont les mêmes droits sur leurs Religieuses, que les Abbez Réguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtuës de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise ; mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plutôt un privilége, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Jurisdiction comme Épiscopale, aussi-bien que quelques Abbez Réguliers qui sont exempts de la jurisdiction de leurs Evêques. Voyez Exemption. Autrefois les Abbesses étoient électives : aujourd’hui le Roi les nomme prèsque toutes : ce n’est pas en vèrtu du Concordat, car il n’y en est pas fait mention. François I & Henri II ont obtenu des Indults pour nommer les Abbesses. Aujourd’hui les Bulles que le Pape donne pour les Abbesses, portent, que le Roi a écrit en faveur de la Religieuse nommée, & que la plus grande partie de la Communauté a consenti à son élection. Cela se fait pour conserver une image de l’ancien usage. Pinson. Le P. Martene, dans son Traité des Rits de l’Eglise, dit que quelquefois les Abbesses ont entendu les confessions de leurs Religieuses : il le prouve par les actes de la vie de sainte Burgondofere. Il ajoûte que quelques Abbesses s’étant attribuées en cela plus d’autôrité qu’il ne convenoit, on avoit été obligé de réprimer leur vanité ou leur curiosité. On lit dans le Droit Oriental, que Marc, Patriarche d’Alexandrie, consulta Balsamon, pour savoir si un Evêque devoit accorder aux Abbesses la permission qu’elles demandoient, d’entendre les confessions de leurs Religieuses ; à quoi Balsamon répondit que non, quoique saint Basile, dans ses petites Régles, permît aux Abbesses d’entendre avec un Prêtre, les confessions de leurs Religieuses. Saint Césaire, Evêque d’Arles, a écrit une Régle pour le Monastère de Sainte Césaire sa sœur, où il y a de fort beaux Réglemens par rapport aux Abbesses. Elle se trouve dans Bollandus, Tome I. p. 730. & suiv. C’étoit une coûtume assez ordinaire dans la seconde race de nos Rois, de faire les filles des Rois Religieuses & Abbesses. P. Dan. Selon le Concile de Trente, Sess. 25. Chap. VII. les Abbesses doivent être éluës en présence de l’Evêque ou d’un autre tenant sa place, du Corps, s’il se peut, du Monastère, âgée de quarante ans, ou au moins de trente, ayant huit, ou au moins cinq années de Profession. Une même Abbesse ne peut régir deux Monastères. Les François fondèrent autrefois les Abbayes sans qu’il leur en coûtât beaucoup : on cédoit à des Moines autant de tèrres incultes qu’ils pouvoient en mettre en valeur. Ils travailloient à dessécher, à défricher, à bâtir, à planter, moins pour être plus à leur aise, que pour en soulager les pauvres. Ces lieux arides & déserts devinrent agréables & fertiles. Il y avoit des Abbez si riches, qu’ils pouvoient mettre une petite armée sur piéd : ce qui fit qu’on les invita aux assemblées du Champ de Mars, & aux Cours plénières. Le Gendre.

ABBEVILLE. Abbavilla, Abbatisvilla. Nom d’une ville de France, capitale du Comté de Ponthieu, dans la Picardie, situé sur la Somme, environ à cinq lieuës de son embouchure, patrie des deux Sansons, célébres Géographes. Son nom, qui signifie Maison de campagne de l’Abbé, lui vient de ce que ce n’étoit autrefois qu’une maison ou fèrme qui appartenoit à l’Abbé de S. Riquier. Hugues le Grand l’ôta aux Moines de cette Abbaye, dit Hariulphe, L. IV. c. XII. pour en faire un Château qui arrêtât les courses des Barbares : il en donna le commandement à Hugues son gendre, qui après la défaite & la mort du Comte de Boulogne, épousa la Comtesse Adelaja sa femme, prit le titre de Comte, qu’il laissa à sa postérité. Ce fut sous ces Comtes qu’Abbeville, de simple fèrme, devint une ville. L’Histoire Ecclésiastique d’Abbeville & de l’Archidiaconé de Ponthieu en François a été faite par le P. Ignace Jos. de Jésus-Maria, Carme Déchaussé. Il y a à la fin un Catalogue des Auteurs d’Abbeville & de l’Archidiaconé de Ponthieu. A Paris, 1646. in 4°. Les Mémoires de l’Académie des Sciences donnent à Abbeville pour longitude, 19. 30’. pour latitude, 50. 5’.

AbBOI, s. m. On disoit autrefois abay. Le cri d’un chien. Latratus. Ce mot est factice & formé sur le son des chiens qui crient, ou abboyent. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des mâtins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d’étrange autour de la maison. Au premier abboi que fait le limier, le loup sort de son liteau. Salin.

On dit provèrbialement, Tenir quelqu’un en Abboi ; pour dire, repaître de vaines espérances.

Aboi, se dit aussi de l’extrémité où est réduit le cèrf sur ses fins ; car alors on dit, qu’il est aux abbois, qu’il ne peut plus courir,


qu’il manque de force & de courage. Ultima cervi deficientis necessitas. On ne s’en sèrt dans ce sens qu’au pluriel.

Abboi, se dit figurément de l’homme, & signifie l’agonie, ou la dernière extrémité. Il est réduit aux abois ; c’est-à-dire, il se meurt. Animam agere, expirare. On dit aussi qu’une place est aux abois, lorsqu’elle ne peut plus tenir, & qu’elle est sur le point de se rendre ; qu’un procès est aux abois, quand il est presque jugé ou perdu ; qu’une fidélité est aux abois, lorsqu’elle est presque vaincuë, & qu’elle est prête à succomber. Extremæ, summæ angustiæ. On y voit tous les jours l’innocence aux abois. Boil.

AbBOYEMENT. s. m. Le cri du chien. Latratus. Les longs & affreux abboyemens des chiens ont troublé mon sommeil.

AbBOYER, ou abbayer. v. n. Qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens abboyent quand ils sentent des Larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien abboye les passans.

Le chien, qui de ses cris bat ces rives désertes,
Retint prêt d’abboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d’Orphée aux enfers. Ce mot vient du Latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin, qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en abboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la desirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare’. Cet avare, cet ambitieux, abboye après cette succession, après cette Charge. Ce chicaneur abboye toûjours après le bien d’autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, pourquoi m’abboye-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Abl. Cet homme est si méchant, que tout le monde abboye après lui. Un Satyrique abboye après les vices. C’est un médisant qui abboye tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat comme, un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu’aussi-tôt je n’abboye. Boil.

Je tiens qu’originairement abboyer & abbayer sont deux mots différens, qu’abboyer s’est dit seulement au propre du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abbayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer ou béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abbayer à la lune, pour dire, crier & pester inutilement contre une pèrsonne au-dessus de soi. On dit aussi, tout chien qui abboye ne mord pas ; pour dire, que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal.

AbBOYEUR. s. m. Latrator. Qui abboye. Un chien qui est un grand abboyeur est importun. On appelle abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboyent devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi singuliérement des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité : Voilà bien des abboyeurs. Il y a des abboyeurs à ses côtez. Abanc. Jamais bon chien n’abboye à faux ; pour dire qu’un homme sage ne menace pas sans raison, ou qu’un habile homme ne manque pas son coup.

AbBREUVER. v. act. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abbeuver, & par transposition de lettres l’on a dit abbreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abbreuvé. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abbreuver, signifie aussi, Humecter & imbiber d’eau. Humectare, imbuere. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d’eau. La terre est abbreuvée par les pluyes. Abbreuver les prez, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées. Les porositez des corps sont abbreuvées par des humeurs cruës, épaisses, froides.

Abbreuver, v. act. terme de Vernisseur. On dit dans ce sens, que la première couche de vernis ne se met que pour abbreuver le bois.

Abbreuver, Tèrme d’Agriculture, faire entrer l’eau dans un pré. Les prez ont besoin qu’on les abbreuve. Nos prez n’ont pas besoin d’être abbreuvez, à cause des pluies fréquentes qui les arrosent. Liger. Il semble qu’on ne le dit que des prez.

Abbreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas