Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APÉDEUTE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 402).

APÉDEUTE. s. m. Ignorant par défaut d’instruction, Ignarus. Ce mot, formé du grec ἀπαίδευτος, a été mis en françois par Rabelais, qui parle de l’île des Apédestes. Hors le style de Rabelais il n’est pas permis de se servir de ces sortes de termes. On dit aujourd’hui apédeute. Quiconque a aujourd’hui un peu de goût pour la lecture, a aisément l’esprit enrichi de plusieurs belles connoissances ; au lieu qu’auparavant ce n’étoit que par une étude pénible, & par un travail dégoûtant, qu’on pouvoit parvenir à n’être pas tout-à-fait illettré. De-là vient qu’autant qu’on se faisoit gloire autrefois de n’avoir aucunes lettres, autant il est honteux aujourd’hui d’être tout-à-fait apédeute : parce qu’il est très aisé d’acquérir quelque savoir, & que l’ignorance marque nécessairement, ou un entendement lourd & paresseux, ou un esprit léger, ou une éducation négligée,… Observation sur les écrits modernes. Il se forme une cabale d’apédeutes, qui ne pouvant se résoudre à une étude assidue de plusieurs années, ont entrepris de se faire un mérite de leur incapacité, de ridiculiser l’érudition, & de traiter la science de pédanterie… Huetiana. De l’α privatif, & de παιδεύω, erudio.