Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BANQUEROUTE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 743).

BANQUEROUTE. s. f. Faillite que font les Négocians qui manquent à payer leurs créanciers, par insolvabilité feinte ou véritable. On le dit dans un sens plus étendu, de l’abandon qu’un homme fait de tous ses biens à ses créanciers, faute de pouvoir les payer. Comme l’insolvabilité peut être vraie, ou feinte, on distingue deux sortes de banqueroutes ; banqueroute forcée, qui est causée par quelque accident, par des pertes qui ont rendu le débiteur insolvable. Argentariæ ob inopiam dissolutio. On l’appelle proprement faillite. Voyez ce mot.

Banqueroute volontaire, ou frauduleuse, est celle qui se fait avec fraude & maline, quand le banqueroutier s’enfuit & emporte le plus liquide de ses biens. On l’appelle simplement banqueroute. Creditorum per inopiæ speciem simulatam fraudatio. Beaucoup de Marchands s’enrichissent par des banqueroutes frauduleuses, en mettant leurs biens à couvert. Les banqueroutiers frauduleux encourent tout la rigueur des lois : elles prononcent la peine de mort contre eux, quand la fraude est bien justifiée, comme quand ils ont diverti leurs effets, supposé des créanciers, ou déclaré plus qu’il n’étoit dû aux véritables créanciers. Voyez l’Ordonnance de 1673.

Banqueroute, se dit dans une signification plus générale de tout abandon de biens que fait un homme devenu insolvable de quelque manière que ce soit. Il a fait tant de folles dépenses, il a essuyé tant de pertes, qu’il a été obligé de faire banqueroute.

☞ Dans le sens figuré, on le dit des manquemens de foi, de parole. Vous aviez promis d’être de notre partie, vous nous avez fait banqueroute.

☞ On dit aussi faire banqueroute à l’honneur, à son devoir, &c. Manquer à son honneur, à son devoir.

Iris n’a plus rien qui me touche :
J’au fait banqueroute à ses lois. Main.

Toute cela n’est bon que dans le style simple & familier.

Ce mot vient de l’italien banca rotta, banque rompue, ou plutôt banco rotto. Ce mot vient de ce que les Italiens autrefois faisoient le change en place publique, & qu’ils avoient des bancs où ils comptoient leur argent. Quand quelqu’un de ces Négocians avoit mal fait ses affaires, & qu’il ne revenoit plus à la place, on disoit que son ban étoit rompu, banco rotto ; d’où est venu en françois banqueroute, &c. & de-là banqueroutier, qui suit.