Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAPTÊME

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(1p. 745-747).
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BAPTÊME. s. m. On ne prononce pas le p. Le premier des sacremens de l’église qu’on donne à celui qu’on veut faire chrétien. Baptismus, baptisma, prima christianæ religionis initiamenta. Le catéchisme romain définit le baptême, le sacrement de la régénération qui se confere avec de l’eau & des paroles de vie. On peut encore le définir le premier sacrement de la loi chrétienne, institué par Jésus-Christ, pour effacer le péché originel dans les enfans, & les péchés actuels dans les adultes qui le reçoivent, & pour nous faire membres de l’église chrétienne, enfans adoptifs de Dieu, & cohéritiers de Jésus-Christ. Le baptême se donne avec de l’eau au nom des trois Personnes de la Trinité. Toute eau naturelle est bonne pour le baptême. Tertullien, dans son Traité du baptême, dit qu’il n’y a point de différence d’être baptisé dans la mer, ou dans un étang, dans une rivière, ou une fontaine, une mare, un bassin, ni entre l’eau du Tibre, ou celle du Jourdain.

Tenir un enfans sur les fonts de baptême, c’est être son parrain ou sa marraine ; c’est-à-dire, celui ou celle qui lui impose le nom.

Quelques Théologiens ont crû que le baptême administré au nom de Jésus-Christ seul étoit valable ; mais ce sentiment est rejeté : le baptême au nom de Jésus-Christ, est le baptême que Jésus-Christ a institué, & qui comme les autres sacremens, tire sa vertu & son efficace des mérites de Jésus-Christ.

Avant la venue de Jésus-Christ, la cérémonie du baptême se pratiquoit déjà chez les Juifs, qui baptisoient leurs prosélytes, c’est-à-dire, ceux qui embrassoient leur religion. Voici ce que dit Léon de Modène, Rabbin de Venise, dans son Livre des Cérémonies é Coutumes des Juifs, part. 5, ch. 3. Celui qui veut se faire Juif, on le circoncit ; & quand il est guéri, on le baigne tout entier dans l’eau en présence des trois Rabbins qui l’ont examiné, après quoi il est censé Juif comme les autres.

On dit, la matière du baptême, la forme du baptême, le ministre du baptême. La matière du baptême, c’est ce qui fait l’ablution extérieure du corps de celui qu’on baptise. Il y a la matière prochaine & la matière éloignée du baptême. Celle-ci est la matière que l’on applique au corps de celui qu’on baptise, & c’est l’eau : celle-là est l’application de l’eau au corps de celui qu’on baptise ; application que se peut faire en plusieurs manières. Le baptême ne peut être donné qu’avec de l’eau ; c’est pourquoi le Pape Etienne II déclara excommunié un Prêtre qui avoit baptisé un enfant avec du vain, parce qu’il avoit péché contre les canons de l’Eglise. Le Pape Grégoire IX ayant été consulté par un Evêque de Norwège, si au défaut d’eau l’on ne pouvoit pas baptiser les enfans avec de la bière, il lui fit réponse que les paroles de Jésus-Christ étoient si expresses dans l’évangile : si quelqu’un ne renaît de l’eau, &c. que le baptême donné avec de la bière étoit nul.

Dans la primitive Eglise, le baptême se faisoit par immersion, & même encore aujourd’hui dans toute l’Eglise orientale, il ne se fait point autrement : en effet, le mot grec βαπτιζειν, signifie plonger, comme Henri Etienne, Casaubon, & quelques autres personnes savantes dans la langue grecque, l’ont remarqué. Les Eglises d’Occident, qui ont changé cet ancien usage, ne l’ont fait que parce que c’est une chose de discipline, & qui ne regarde nullement l’essence du baptême. On ne peut pas même dire proprement que les Eglises d’Occident aient changé sur ce point ; car quoique communément on donnât dans les premiers siècles le baptême par immersion, cependant on reconnoissoit que cela n’étoit point nécessaire, qu’on le pouvoit donner par aspersion ; & on le donnoit en effet souvent ainsi ; par exemple, à tous ceux que l’on appeloit Cliniques, c’est-à-dire, qui étoient baptisés dans leur lit, étant dangereusement malades. Voyez S. Cyprien, Lett. à Magnus, où il prouve que l’aspersion suffit. En 754, l’assemblée que Pepin tint à Quiercy sur l’Oise, approuve le baptême donné en cas de nécessité par infusion, en versant de l’eau sur la tête avec une coquille, ou avec les mains ; ce qui montre que, quoiqu’on baptisât encore par immersion, on ne croyoit pas que cette manière de baptiser fût nécessaire, ou de l’essence du Sacrement. Les Protestant ont suivi en cela l’Eglise Romaine ; en sorte que dans tout l’Occident on ne donne plus le baptême que par infusion, en versant de l’eau sur la tête de l’enfant ; il en faut néanmoins excepter l’Eglise de Milan, qui marque dans son Rituel qu’on plongera trois fois dans l’eau la tête de l’enfant.

Pendant très-long-temps on a fait trois immersions, pour marquer les trois jours de la sépulture de Jésus-Christ, ou les trois personnes de la très-sainte Trinité, ainsi que S. Grégoire le dit dans sa Lettre à Léandre, qui est la 41e du I Livre ; & cet usage duroit encore en ce temps-là. On ne le regardoit pas cependant comme nécessaire, puisque ce Pere dit à ce S. Evêque qui le consultoit là-dessus, que puisque les Ariens plongent trois fois, il est d’avis que les Catholiques ne le fassent qu’une fois, de peur qu’il ne semble aux hérétiques que l’on divise, comme eux, la Divinité. Et il paroît que c’est par-là, & pour cette raison, que cet usage se changea dans la suite. Nous apprenons de la vie de S. Otton, Apôtre de Poméranie, de quelle manière ce Saint donnoit le baptême par immersion ; & l’on ne doit point douter que dans les autres Eglises, on ne prît des précautions semblables, pour empêcher que la pudeur ne fut blessée dans une si sainte cérémonie. Ce Saint avoit fait enfoncer dans la terre des cuves ou tonneaux, qui ne s’élevoient de terre que jusqu’à hauteur du genou : il y en avoit pour les femmes au côté gauche du baptistère, & du côté droit pour les hommes. Ces tonneaux étoient entourés de rideaux, qui en formoient autant de loges différentes. Lorsque le Catéchumène étoit descendu dans le tonneau qui étoit plein d’eau, le Prêtre levant doucement le rideau, lui plongeoit trois fois la tête dans l’eau, que l’on tenoit chaude en hiver. Martene.

Quelques-uns ont cru que le baptême par infusion avoit commencé à s’introduire par les pays froids. Il paroît qu’en Angleterre le baptême par infusion s’introduisoit fort au commencement du IXe siècle ; car le concile de Calchyt, ou Calchut, en 816, ordonne dans son IIe canon, que les Prêtres en baptisant ne répandront pas seulement l’eau sainte sur la tête des enfans, mais les plongeront toujours dans le bassin.

On trouve dans les Auteurs Ecclésiastiques beaucoup de cérémonies qui ne sont plus en usage, comme de donner à ceux qui étoient baptisés, du lait & du miel, ce qui se faisoit en Orient ; ou du vin & du lait, comme en Occident ; de leur laver les pieds, de leur donner la Sainte Eucharistie. Voyez Durand. On donnoit, dit Tertullien, du lait & du miel au baptême, pour apprendre aux Néophytes, que le Christianisme étoit une loi de douceur & de concorde.

Quelques Auteurs ont cru que dans les premiers temps on ne baptisoit que les seuls adultes. Walafride Strabon dans son Livre {{lang|la|de rebus ecclesiasticis, ch. 26, a prétendu que c’étoit l’usage de la primitive Eglise. Louis Vivès, dans ses notres sur le i. liv de la Cité de Dieu, de S. Augustin, appuie ce sentiment. Mais le baptême des enfans est autorisé par toute l’ancinne tradition de l’Eglise depuis les Apôtre. Voyez ce que S. Cyprien dit sur cela d’un Concile d’Afrique, dans son épître ad Fidum. Le premier Concile de Milève, Can. 2 ; le second, Can. 3 ; le Concile d’Auxerre, Can. 18 ; celui de Girone tenu sous Hormisdas l’année 4e du roi Théodoric ; le Concile Général de vienne, sous Clément V ; le Concile de Trente, Sess. VII, Can. 13 ; l’Epitre de Siricus ad Himer. Tarrac ; celle d’Innocent I, au Concile de Milève ; Clementin. de summâ Trinitate, & fide Cath. Innocent III. Extra C. Majores de Baptismo ; S. Irénée, Liv. II, ch. 8. Origène, L. V, in cap. IV, epist. ad Roman. Le Livre de cœlesti hierarch. attribué à S. Denys, au dernier chapitre ; S. Grégoire de Nazianze, orat. in S. baptisma ; S. Jean Chrysostôme, ad Neophyt. S. Cyprien, ep. ad Fium ; S. Augustin, ep. ad Hieronymum, serm. 10, de verb. Dom. l. III, de peccatorum meritis, c. 1 & 26, L. IV. de bapt. c. 23 ; S. Jérôme, Dialog. III. contra Pelag. S. Ambroise, L. de Myst. Pasch. c. 5. L. I. de Vocat. Gent. c. 6. S. Grégoire le Grand, L. I. ép. 17.

La coutume d’imposer un nom au Baptême, & un nom de Saint, est très-ancienne. Grégoire de Tours rapporte que S. Herménégilde fut nommé Jean à son Baptême. Voyez Denys d’Alexandrie, L. VIII. c. 20. S. Jean Chrysostôme, hom. 12. sur la Ie ep. aux Corinth. Vicecomes de bapt. L. II, c. 15. de Hautessere sur Grég. de Tours, L. V, p. 201.

Le Baptême signifie en un sens figuré de grandes afflictions, comme quand Jésus-Christ dit aux fils de Zébédée, au ch. 10 de S. Marc, v. 38. Pouvez-vous boire le Calice que je dois boire, ou être baptisés du Baptême dont je dois être baptisé ? Jésus-Christ dit encore au chap. 12 de S. Luc. v. 50. Je doit être baptisé d’un Baptême, & combien me sens-je pressé jusqu’à ce qu’il s’accomplisse ? Il marque par cette expression métaphorique ses souffrances & sa mort. C’est aussi dans ce sens, qu’il faut entendre ces paroles du ch. XV. de la I. épitre aux Corith. Que feront ceux qui sont baptisés pour les morts, s’il est vrai que les morts ne ressuscitent point ?

Pour ce qui est de la forme du Baptême, ce sont les paroles que l’on prononce en appliquant l’eau au corps du baptisé. Jésus-Christ a prescrit cette forme en S. Math. chap. XXVIII. v. 19. Allez, enseignez toutes les nations, & baptisez-les au nom du Pere, & du Fils, & du S. Esprit. Elle est la même dans toutes les Eglises, soit d’Orient, soit d’Occident ; car ces paroles dont on se sert dans l’Eglise Romaine, Je te baptise au nom du Pere, &c. sont entièrement les mêmes que celles-ci, qui sont en usage chez les Grecs : N. serviteur de Dieu est baptisé au nom du Pere, &c. Les Grecs se servent de cette expression, parce qu’ils croient qu’il est plus modeste de s’exprimer en troisième personne. Plusieurs Théologiens ont prétendu que les Grecs ne disent pas baptisatur, c’est-à-dire, est baptisé, mais baptisetur, soit baptisé, en quoi ils se sont trompés.

Le ministre du Baptême, c’est celui qui donne, qui confère le Baptême, c’est-à-dire, qui fait l’application de l’eau au corps de celui qui est baptisé, en prononçant la forme. Les anciens Canons de l’Eglise ne donnent le droit de baptiser qu’aux Evêques seuls, puis aux Prêtres & aux Diacres par la permission des Evêques. C’est ce que nous apprenons aussi de Tertullien dans son Traité du Baptêle, & de S. Jérôme qui, dans son Dialogue contre les Lucifériens, dit que ni les Prêtres ni les Diacres n’ont le droit de baptiser que par l’ordre de l’Evêque. Inde venit ut fine Espicopijissione, neque Presbyter neque Diaconus jus habeant baptisandi. Le Diacre n’avoit ce pouvoir qu’en l’absence du Prêtre, & en cas de nécessité. Les Laïques même pouvoient baptiser dans le cas de nécessité, comme l’assurent Tertullien & S. Jérôme aux mêmes endroits. Si necessitas cogit, scimus etiam licere Laïcis baptisare. Tertullien ajoute même que le Laïque qui manque d’administrer ce Sacrement dans ce cas, est coupable de la perte d’un homme.

Il y a eu autrefois de grandes disputes sur le Baptême administré par les Hérétiques, savoir qu’il étoit valide. La tradition constante a toujours été, que le Baptême administré par les Hérétiques au nom de la Trinité étoit bon & valide, lorsqu’il est conféré par un Chrétie, quoiqu’il soit en péché mortel & lié par des censures. Les femmes même le peuvent conférer en cas de nécessité ; mais hors le cas de nécessité ce doit être un Prêtre. On se plaignit au Concile de Limoges en 1031, que l’on baptisoit dans le Monastère de S. Martial, à Paques & à la Pentecôte, ce que les Clercs de la Cathédrale soutenoient ne se devoir faire que chez eux. Mais on représenta que c’étoit un ancien privilége de S. Martial, & de quelques autres Monastères ; à la charge que ceux qui auroient été baptisés, seroient présentés le même jour devant l’Evêque pour la Confirmation. Fleury.

Le Concile de Rouen en 1072 ordonne au Prêtre de conférer le Baptême à jeu, revêtu d’une aube & d’une étole, hors les cas de nécessité.

Le Baptême a succédé à la Circoncision, en ce que le Baptême fait enfans de l’Eglise ceux qui le reçoivent, comme la Circoncision rendoit sujets de la Synagogue, ceux qui étoient circoncis ; & le Baptême depuis Jésus-Christ distingue les Chrétiens des Infidelles, comme la Circoncision distinguoit les enfans mâles descendus d’Abraham des autres hommes.

On distingue trois sortes de Baptême. Le Baptême d’eau, dont nous avons parlé ; le Baptême de sang & le Baptême de feu. Baptismus fluminis, Baptismus sanguinis, Baptismus flaminis.

Baptême de feu. C’est un acte de parfait amour de Dieu, lequel joint à un désir véritable de recevoir le Baptême, & une résolution de le recevoir en effet quand on le pourra, supplée au Baptême d’eau, & a les mêmes effets. On appelle ces actes Baptême de feu, Baptismus flaminis, c’est-à-dire, Baptême du S. Esprit, ou Baptême de charité, d’amour de Dieu, parce que le feu est le symbole de la charité, & qu’en cas de nécessité, cet acte d’amour parfait supplée au Baptême ; ensorte qu’un infidelle adulte qui étant dans ces dispositions seroit surpris de la mort, sans pouvoir recevoir le Baptême, seroit néanmoins justifié & sauvé. Mais ce qu’a dit Cajetan, qu’un pareil souhait dans les parens, (car on l’appelle aussi votum Baptismi, vœu, sougait du Baptême, résolution de le recevoir) que ce vœu, dis-je, avec quelque bénédiction ou oblation de l’enfant à Dieu, jointe à l’invocation de la Sainte Trinité, peut suffire dans le danger pour un enfant encore dans le sein de sa mere, est une erreur réfutée entre autres par Alphonse de Castro adv. hær. L. III, au mot Baptismus hær, 9. On appelle aussi ce Baptême de feu, Baptême de désir, baptismus in voto ; parce que la charité parfaite emporte toujours la résolution de garder tous les Commandemens & par conséquent celui qui oblige de recevoir le Baptême.

Baptême du Martyre, ou le Baptême de Sang. On appeloit ainsi le martyre des Catéchumènes, qui mouroient pour la cause de l’Evangile avant que d’être baptisés. On croyoit que le martyre leur tenoit lieu de Baptême. Les premiers Chrétiens faisoient profession de désirer avec ardeur le Baptême de sang.

Le Baptême est absolument nécessaire pour le salut ; & parce qu’on ne peut pas toujours le recevoir, il étoit de la bonté de Dieu de suppléer par quelque chose à l’impossibilité de recevoir un Sacrement si nécessaire ; ce qui se fait par le Baptême de sang, & par le Baptême de feu.

Cette distinction de ces trois Baptêmes, le Baptême d’eau, le Baptême de feu, & le Baptême de sang, s’est toujours faite dans l’Eglise. Il y a parmi les ouvrages de S. Cyprien, un Traité De baptismo hæreticorum, dont nous ne connoissons point l’Auteur ; c’est peut-être S. Etienne, ou quelqu’un des Papes suivans. Cet Auteur distingue d’abord le Baptême du S. Esprit, & le Baptême d’eau. Le Baptême du S. Esprit se trouve séparé, dit-il, du Baptême d’eau dans le Centenier Corneille, qui reçut le Saint-Esprit, avant que d’avoir reçu le Baptême d’eau. Le Baptême d’eau, continue-t-il, se trouve séparé dans les Apôtres, qui avoient été baptisés long-temps avant que de recevoir le S. Esprit ; ce qui n’empêche pas que l’un & l’autre ne doivent ordinairement être joints ; le Baptême d’eau ne serviroit de rien sans celui du S. Esprit. Ensuite il explique le Baptême de sang. Il supplée au Baptême d’eau pour les Catéchumènes, & remplit ce qui manquoit au Baptême des hérétiques convertis ; c’est-à-dire, la charité, la grâce. Ce ne sont pas, dit-il, deux Baptêmes différens, mais deux matières qui concourent à donner le même salut : on peut se passer de l’un des deux. Les Catéchumènes Martyrs se passent d’eau ; néanmoins s’ils ont quelque relâche, on leur donne le Baptême d’eau. Les Fideles baptisés régulièrement se passent du Baptême de sang, &c. voilà la Doctrine de l’Eglise expliquée dès les premiers siècles, comme on le fait encore aujourd’hui. Fleury.

Le Baptême confère la grâce, & efface le péché originel, & même les péchés actuels des Adultes qui les détestent ; & ils leur sont entièrement remit, & quant à la tâche, & quant à la peine ; outre cela il imprime un caractère, &nous fait enfans de Dieu & membres de l’Eglise, en nous donnant, par les mérites de Jésus-Christ, droit au ciel, qui est l’héritage du Pere céleste. Le caractère qu’il imprime, fait qu’il ne peut pas se réitérer, quand il est valide : quand il est douteux, on le réitère sous condition.

Le Baptême ne s’administroit autrefois dans l’Eglise qu’à Pâques & à la Pentecôte, hors les cas de nécessité, d’où vient qu’on ne fait encore la bénédiction solennelle de l’eau qu’en ces deux temps-là, & qu’on parle des nouveaux baptisés dans la prière du Canon de la Messe qui commence par ces paroles, hanc igitur oblationem, propre de ce temps-là. De Launoy a fait une dissertation sur l’ancienne manière de baptiser les Juifs & les Infidelles, où il montre que la discipline ancienne n’a pas été sur cela la même dans toutes les Eglises. Il en a fait une autre sur les temps de conférer le Baptême, dans laquelle il montre qu’à Rome, & d’abord en Afrique & en Gaule, on ne baptisoit qu’à Pâques & à la Pentecôte. Les Grecs, & dans la suite les Eglises d’Afrique & d’Espagne, baptisoient aussi le jour de l’Epiphanie. En Gaule on ajouta aussi le jour de S. Jean-Baptiste, excepté en quelques Eglises, où l’on ne baptisoit qu’à Pâques. En Angleterre & en Hibernie on administroit aussi le Baptême à Pâques, à la Pentecote, le jour de Noël, & celui de l’Epiphanie.

Dans l’ancienne Eglise les Catéchumènes ne s’empressoient point de recevoir le Baptême. S. Ambroise n’étoit pas même encore baptisé lorsqu’il fut élu Evêque de Milan. Les différens motifs étoient, pour les consciences tendres, qu’on ne pouvoit employer trop de temps pour s’y préparer : & pour les autres qui ne pouvoient se dégager du monde, ils se flattoient que les eaux salutaires du Baptême effaceroient toutes leurs fautes passées ; ainsi ils entassoient tous leurs péchés, dans l’espérance d’en être purgés à l’extrémité de leur vie dans les eaux du Baptême. Les Peres déclamèrent contre cette pieuse finesse, ensotre même qu’on passa dans un autre excès, & que par un zèle ridicule & mal instruit, on administra le Baptême pour le mort.

C’est une coutume en Allemagne de faire des présens d’argent, de vaisselle d’argent, & quelquefois même de fiefs, aux enfans qu’on leve dans le Baptême. Le droit d’Allemagne est qu’on garde ces présens pour les enfans, & que les peres n’ont ont que l’usage, jusqu’à ce que les enfans soient en âge d’en disposer. On a fait un petit traité sur cela, intitulé, de pecuniâ lustricâ.

Baptême, se dit aussi d’une cérémonie ecclésiastique qu’on fait sur les cloches, lorsqu’on leur impose un nom en les consacrant au service divin. On les lave dehors & dedans avec plusieurs bénédictions & prières. Cette cérémonie est fort ancienne, parce qu’Alcuin, disciple de Bede & Précepteur de Charlemagne, qui vivoit en l’an 770, en parle comme d’un chose qui étoit en usage il y avoit long-temps. Letaldus, Moine du Xe siècle, en parle aussi comme d’une coutume ancienne, mais qui n’étoit pas encore universelle.

Baptême, se dit quelquefois pour Christianisme, Religion chrétienne en général, parce qu’il en est la porte. Ainsi, oublier son baptême, c’est oublier la religion chrétienne, oublier qu’on est Chrétien, parce que c’est le baptême qui nous fait Chrétiens. Plusieurs Indiens nouvellement convertis, n’étant ni cultivés par des instructions salutaires, ni édifiés par de bons exemples, oublierent insensiblement leur baptême, & retournerent à leurs anciennes superstitions. Bouh. Vie de Saint Xavier, L. II, p. 73.

Ce mot est grec : Βάπτισμα, lotion, ablution, du verbe βάπτιζω, je lave.

Baptême, en termes de Marine, est une cérémonie profane dont usent tous les matelots envers ceux qui passent la première fois sous le Tropique, ou sous la Ligne, ou le Détroit. Lotio, lavatio. Il y en a quelques-uns qu’on baigne dans la mer, d’autres sur le vaisseau, d’autres à qui on fait essuer quantité de sceaux d’eau que jettent sur eux les matelots, quand ils traversent leurs rangs en allant d’un bout du vaisseau à l’autre. On les fait en même temps jurer de faire la même chose à ceux qui viendront après eux.

☞ Les Officiers & les passagers se rachetent d’une si ridicule cérémonie, en donnant quelque argent à l’équipage.

☞ Un vaisseau qui n’a point encore passé en Ligne y est soumis. Le Capitaine le rechete par quelques rafraîchissemens qu’il donne aux gens de l’équipage.