Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRANDON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 42).
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BRANDON. s. m. Flambeau de paille tortillée qui sert aux paysans à s’éclairer la nuit. Fax.

Ce mot est ancien dans la langue, & vient de l’allemand brandt, qui signifie, tison, incendie. Ménage. Il falloit dire, avec le P. Henschenius. Act. SS. April. Tom. III, p. 398, de l’allemand Branden, qui signifie ardere, brûler. On a dit brandos, branda, dans la basse latinité, pour signifier un flambeau, un tison. Ou plutôt brando, qui se trouve dans les loix Palatines de Jacques II, Roi de Majorque, tit. de illuminatione, & en beaucoup d’autres anciens monumens.

Le Dimanche des brandons, est le premier Dimanche de Carême. Il y a des Commissions de S. Louis & de Rodolphe Légat du S. Siége, pour terminer le différent entre l’Eglise & les habitans de Lyon, qui sont datées du Vendredi devant les brandons. Ce nom vient de ce que, par un reste d’Idolâtrie, quelques paysans mal instruits vont la nuit de ce jour-là avec des torches de paille, ou de bois de sapin allumées, parcourir les arbres de leurs jardins, & de leurs vergers, & les apostrophant les uns après les autres, ils les menacent, s’ils ne portent du fruit cette année, de les couper par le pied & de les brûler. C’est un reste de paganisme que les Idolâtres pratiquoient au mois de Février, qui en fut nommé Februarius à Februando, parce que, comme dit un ancien Auteur, les Payens, pendant douze jours de ce mois, qui étoit le dernier de leur année solaire, couroient les nuits avec des flambeaux allumés pour se purifier, & pour procurer le repos aux manes de leurs parens & de leurs amis ; ce que quelques paysans ont retenu pour les arbres ; peut-être parce qu’on le faisoit avant le commencement du Printems pour purger les arbres de chenilles, dont les œufs commencent à éclore aux premières chaleurs sans cette précaution, qui insensiblement a dégénéré en superstition. Menestr. Hist. de Lyon, p. 379. En plusieurs endroits il n’y a que les enfans qui portent des brandons, mais le soir seulement dans les rues, & sans aucune marque de superstition.

On donne aussi à Lyon le nom de brandons à des rameaux verts, que le peuple va querir tous les ans au fauxbourg de la Guillotiere, le premier Dimanche de Carême, & auxquels il attache des fruits, des gâteaux, des oublies, &c. & avec ces brandons il rentre dans la ville. C’est ce qui fait donner à ce Dimanche le nom de Dimanche des brandons. Menestr. C’est probablement un reste de la cérémonie que nous avons expliquée au mot A gui lan neuf.

☞ DANSE DES BRANDONS. Qui s’exécutoit dans plusieurs villes de France, le premier Dimanche de Carême, autour des feux qu’on allumoit dans les places publiques : d’où lui vient son nom. Ces danses ont été abolies par les Ordonnances des Rois, ainsi que les Balladoires, les Nocturnes & autres danses que l’on nommoit sacrées.

☞ Ce jour-là le peuple allumoit des feux, dansoit autour, & en portoit dans les rues & dans les Campagnes.

Brandon, signifie aussi, feu errant. C’est un feu passager pareil à ces brandons, qui errent à la faveur d’un vent qui les conduit. Voit. Il est vieux en ce sens.

On appelle, en termes de Palais, brandons & panonceaux, de la paille tortillée qu’on attache à la porte des héritages saisis avec les armes du Seigneur, pour montrer que les choses sont à vendre en Justice. Paleatus baculus symbolum tutelæ Principis. Les procès-verbaux des saisies réelles portent, que le Sergent a attaché aux portes des lieux, des brandons & panonceaux.

On le dit aussi de ces piques ou bâtons garnis de paille qu’on plante dans un champ, pour montrer que les fruits pendans par les racines sont saisis & arrêtés. Dans l’ancienne pratique on disoit aussi, brandonner ; pour dire, saisir. On met encore de la paille à la queue des chevaux qui sont à vendre, ou sur des meubles qu’on expose dans la rue.

☞ On appelle encore brandons en quelques endroits, les épines, branches, ou bouchons de paille que l’on met dans les champs, pour avertir que le chaume est réservé & retenu par celui qui jouit de la terre, sans quoi ce chaume seroit censé abandonné & pris par le premier venu.

Brandon, se dit encore des corps enflammés qui s’élevent d’une incendie. Le vent poussoit des brandons qui portoient partout l’incendie.

Brandons, se dit figurément en poësie des feux célestes, & du flambeau que porte l’amour. Faces.

Ainsi les célestes brandons
Versent sur son chef mille dons
En lignes perpendiculaires.

Desmarets, en ses Visionn.


Qu’est ceci, mon cher Cupidon ?
Quelque cœur de glace
Résiste-t-il à ton Brandon.

Il est vieux, & hors d’usage.

Brandon d’amour. Voyez Arrosoir, Coquillage.