Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANARD

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 201-202).
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☞ CANARD. s. m. Oiseau aquatique, dont la cane est la fémelle. Anas. Les canards, selon Belon, sont de deux espèces, les grands & les petits. On doit les distinguer ainsi en grands & en petits, & non pas en sauvages & en domestiques, puisque les canards domestiques sont venus originairement des œufs de canards sauvages.

Les canards sauvages gardent toujours la même couleur mais les privés sont de plusieurs façons. Les mâles sont plus gros que les femelles. Ils ont toujours quelques plumes au-dessus du croupion, qui est retroussé en rond. La femelle est grise, n’a pas les couleurs si vives, ni si belles que le mâle. Ils se nourrissent de racines de plantes aquatiques, de vers, & autres insectes qu’ils rencontrent dans les eaux, ou auprès des eaux. Scaliger écrit qu’ils mangent des animaux venimeux, comme les couleuvres, les crapauds, &c. Il y en a plusieurs espèces dont nous parlerons en leur place. Voyez au mot Cane.

Le canard domestique qu’on nourrit près des moulins est peu estimé, & on l’appelle bartoteur ; parce qu’il trempe toujours son bec dans la bourbe. Les canards sauvages volent en troupe l’hiver sur les étangs, & sentent la poudre de fort loin. On les appelle autrement oiseaux de rivière. La chair des uns & des autres est humide, visqueuse, phlegmatique, excrémenteuse, & on ne la digère pas aisément. La graille de canard ne laisse pas d’être bonne dans la Médecine. Elle amollit, digère & résout. On s’en sert particulièrement pour les douleurs, tant internes qu’externes de côté, des jointures, & dans une intempérie froide de nerfs.

Willougby dit, dans son Ornithologie, que le sang des canards pris tout chaud, combat toute sorte de venin ; peut-être est-ce pour cette raison que Mithridate en faisoit son ragoût, & qu’il le faisoit mêler avec tous les alimens qu’il prenoit. Archigenes, De Comp. Medic. Secund. loc. Lib. 5, cap. 4 compte les canards domestiques entre les viandes qui conviennent le mieux à l’estomac. Caton étoit de même sentiment ; &, si l’on en croit Plutarque, il en faisoit manger à ceux de sa famille qui étoient malades, & il se vantoit que par ce seul régime, il avoit toujours maintenu sa famille, ses domestiques & lui-même en santé.

Les canards sauvages sont beaucoup meilleurs au goût, & plus sains que les domestiques. Il n’y a cependant que l’estomac qui en est bon. On le coupe en petites tranches longues, que quelques uns appellent des aiguillettes. Les Anciens, par un goût fort différent du nôtre, y ajoutoient aussi la tête, comme il paroît dans Martial, Lib. XIII, epigr. 52.

Gesner dit qu’en Allemagne on ne voit aucun canard sauvage qu’en hiver, non plus qu’en France, & qu’au contraire il s’en trouve en Italie pendant toute l’année, principalement dans les Etats de Ferrare, de Venise, de Ravenne & de Mantoue, où il y a beaucoup d’eau. Gesner s’est trompé pour ce qui est de la France. Les rivières, les étangs en sont couverts dans cette saison. Le fait est constant pour plusieurs provinces, comme le Nivernois, le Gâtinois, le Berry, le Maine, &c.

On dit qu’il y en a une prodigieuse quantité à la Chine, & que les habitans ne les tuent & ne les challent point, parce qu’ils mangent toutes les mauvaises herbes des blés & du riz, sans toucher au bon grain. Voyez sur cet oiseau Pline, Liv. XXV. c. 2, Gesner, De Avibus, Lib. III. Aldrov. Ornithol. Liv. XIX, c. 19, & 24, Nonius de re Cibaria, Lib. II, c. 33. Voyez Cane.

Les plumes des canards servent à remplir les lits & les coussins, & sont plus fines & plus douces que celles d’oie.

Il y a une espèce de canard appelé Petit plongeon ou Coltée. Voyez Petit Plongeon.

Canard se dit aussi d’un chien qui a le poil épais & frisé, qui va à l’eau, & qu’on dresse à aller après les canes. Canis villi spissioris ac crispi. On les appelle aussi barbets.

On dit proverbialement, donner des canards à quelqu’un, pour dire, lui en faire accroire, ne lui pas tenir ce qu’on lui avoit promis, tromper son attente. Decipere, illudere aliquem.

On se sert des canards privés qu’on appelle en Normandie traîtres, pour prendre des canards sauvages : & on appelle figurément, canard privé, un homme aposté pour en attirer, pour en attraper d’autres. Acad. Fr,

Bois canard se dit des pièces de bois floté qui, au lieu de floter comme les autres, tombent au fond des ruisseaux. Tignum aquis immersum. Les Marchands ont quarante jours pour faire pécher leurs bois canards.