Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARNATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 276-277).
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CARNATION. s. f. Terme de Peinture, ☞ qui se dit au simple de la couleur des chairs, & au figuré de l’art de les rendre. C’est la représentation de la chair d’une figure humaine d’un tableau par le coloris. Il s’étend à toutes les parties d’un tableau en général qui représentent de la chair, qui sont nues & sans draperie. Nuda corporis cutis nativis coloribus expressa. Le Titien & le Corrège en Italie, & Rubens & Van Dyk en Flandres, ont excellé dans les carnations. Il faut remarquer sur ce mot de carnation, qu’il ne se dit point de chaque partie d’une figure considérée en particulier. Ce seroit mal parler, par exemple, que de dire, ce bras, cette cuisse est d’une telle carnation ; mais l’on diroit cette figure est d’une belle carnation ; ce peintre excelle dans les carnations : & quand il s’agit d’une partie seulement, quelques-uns disent : ce bras, cette cuisse est bien de chair ; mais comme cette façon de parler, bien de chair, exprime le tendre & la mollesse des chairs en général, & se dit également des mollesses de chair exprimées dans un dessein, c’est-à-dire, de toutes les parties nues d’une figure simplement dessinée, quoi qu’il n’y soit pas question de la beauté des carnations, on lui a substitue celle de belle chair. Ainsi l’on dit aujourd’hui, ce bras est de belle chair, d’une belle chair, & non pas, bien de chair.

Mais en parlant des parties plus délicates & plus colorées, comme les joues & la bouche, il faut dire : ces joues, cette bouche, sont d’une belle carnation, et non pas de belle chair. Dict. de Peint. et d’Arch.

On le dit aussi en termes de Blason, des parties nues du corps peintes au naturel : & particulièrement du visage, des mains & des pieds. D’argent, à la tête de carnation.