Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CASPIEN

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 300-301).
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CASPIENS. Nom de peuple. Caspius, a. Les Caspiens étoient des Scythes, qui habitoient la côte méridionale de la mer qu’on appelle de leur nom, mer Caspienne, & qui étoient voisins des Hircaniens. Les Caspiens avoient la coutume barbare d’enfermer leurs parens quand ils avoient atteint l’âge de 70 ans, & de les laisser mourir de faim. Strab. Liv. XI. Valerius Flaccus, Liv. VI, v. 106, dit encore une chose singulière de ces peuples. C’est qu’ils avoient des chiens aguerris, & qui combattoient. avec leurs maîtres. Aussi leur rendoit-on après leur mort les mêmes honneurs qu’à leurs maîtres, les enterrant avec eux. Alex. ab Alexandr. L. III, c. 38. Juste Lipse, Centur. I, ad Belgas ep. 44. Elie Reusner, Art. Stratag. L. I, c. 15. Gasp. Fascius, Axiom. Bell. c. 94, parlent des Caspiens.

Caspien, enne. adj. Nom que son donne à différentes choses, ou lieux, qui appartenoient aux Caspiens, qui en étoient voisins.

Les montagnes Caspiennes, en latin montes Caspii, sont une longue chaîne de montagnes, qui s’étend fort loin du septentrion au midi, entre l’Arménie majeure & la mineure depuis la mer Caspienne jusqu’au mont Taurus. C’est des monts Caspiens, ou des montagnes Caspiennes, que les Turcs sortirent au milieu du VIIIe siècle, & qu’ils inondèrent l’Arménie en 755.

Les portes Caspiennes. Portæ Caspiæ. Le mont Taurus s’ouvre en trois endroits, où il laisse des chemins qui donnent entrée, l’un dans l’Arménie, l’autre dans la Cilicie, & le troisième dans la Médie. Outre cela il y avoit un passage de la Médie dans l’Albanie, à l’occident de la mer Caspienne, entre les hautes montagnes & cette mer. Quelques-uns ont pris ce col de montagnes pour les portes Caspiennes ; Maty est de ce nombre, & M. Corneille l’a copié. On s’y étoit trompé dès le temps de Pline. Il en avertit au C. II, de son VIe Livre, & dit que ce sont là les portes Caucasiennes, & non pas Caspiennes. Il est étonnant qu’après cela on s’y trompe encore aujourd’hui. Les portes Caspiennes ne sont point dans le mont Caucase, ni le passage qui conduit du pays des Caspiens dans l’Albanie ; c’est-à-dire, de la côte méridionale de la mer Caspienne à la septentrionale, en passant le long de la côte occidentale de la même mer. Les portes Caspiennes ne sont pas même dans les monts Caspiens ; elles sont dans le mont Taurus, & font la communication de l’Assyrie avec la Médie : c’étoit un passage fort étroit, long de huit mille pas ; il avoit été taillé dans le roc, & il n’y pouvoit passer qu’un chariot à la fois.

Ces portes Caspiennes étoient, selon Pline, sous le même parallèle que la Cappadoce, le mont Taurus, le mont Amanus, l’Issus, les portes de Cilicie, Tarse, l’Île de Chypre, l’île de Rhodes, &c. & par conséquent ce pourroit être le passage qui donne entrée dans l’Albanie. Ptolémée les place aussi beaucoup plus au midi que ce passage. Voyez sa cinquième planche ou table de l’Asie ; & Pline, Liv. VI, c. 11. 14 & 34. On les appelle quelquesfois les portes de Teflis.

La mer Caspienne, que quelques-uns appellent mer Caspie ; mais Caspienne est plus en usage, ou plutôt seul en usage. On la nomme aussi dans l’antiquité, la mer d’Hircanie ou Hircanienne. Pline dit, L. VI, c. 13, qu’elle s’appeloit Caspienne depuis Cyrus. On l’appelle aujourd’hui communément de ce nom, & on lui donne encore ceux de mer de Sala, de Bacha, de Kisan, de Tabaristan, &c. Mare Caspium ou Hircanum. Il semble cependant que c’étoit la partie orientale que l’on appeloit proprement mer d’Hircanie, & la partie occidentale Caspienne ; mais on ne garde point exactement cette distinction, & l’on a donné indifféremment ces deux noms à toute cette mer, à cause que les Hircaniens & les Caspiens habitoient les côtes méridionales & les pays voisins de cette mer ; les premiers du côté de l’orient, & les seconds à l’occident. D’autres disent qu’elle prit ces noms des montagnes Caspiennes, qui la resserroient du côté du couchant, & des montagnes Hircaniennes qui la bornoient au levant.

Quoi qu’il eh soit, c’est un grand lac qui n’a de communication sensible avec aucune mer, quoique Pline & les Anciens ne l’aient regardé que comme un golfe de l’Océan Scytique, ou qu’ils aient cru que cette mer avoit communication avec le Palus-Mæotide. Cependant toute l’Antiquité n’a pas pensé ainsi. Hérodote & Diodore de Sicile conviennent que la mer Caspienne n’est jointe à aucune mer. C’est sa vaste étendue qui lui a fait donner le nom de mer. Clitarque dit dans Pline qu’elle est aussi grande que le Pont-Euxin. Eratosthène lui donnoit cinq mille quatre cens stades du nord au midi ; c’est-à-dire, environ 225 lieues ; quatre mille huit cens stades, c’est-à-dire, 226 lieues dans un autre sens, & encore 1400 stades qui font environ 60 lieues. Nous ne savons pas au juste l’étendue de cette mer. On croit que l’opinion la plus probable est celle qui lui donne 260 lieues du levant au couchant, & environ 200 du nord au midi. Cela revient à ce que dit Eratosthène. Oléarius écrit que sa longueur depuis l’embouchure du Volga Jusqu’à Férabath dans la Province du Mesanderan, est de huit dégrés, qui font six vingts lieues d’Allemagne ; & sa largeur du levant au couchant, de six dégrés, qui font 90 lieues. Tout cela paroît copié d’après Pline.

Quinte-Curce a écrit, Liv. IV, c. 4, que les eaux de la mer Caspienne sont plus douces que celles des autres mers. Cela n’est pas vrai, excepté du côté de l’Hircanie, qu’elles ne sont en effet ni douces, ni salées. Hoffman a donc eu tort d’assurer absolument & généralement que les eaux de la mer Caspienne sont douces. Cette mer est extrêmement poissonneuse, & Quinte-Curce dit qu’elle nourrit des serpens d’une longueur prodigieuse. Il ne sort aucune rivière de cette mer ; & il y en entre un grand nombre & de très-grandes, comme le Volga, le Jaik, le Chefel, le Jehun & l’Araxe. On ne sait ce que deviennent toutes ces eaux. On conjecture qu’elles s’écoulent par des conduits souterrains, ou dans la mer Noire, ou dans le golfe Persique, ou au travers de la terre dans l’Océan de l’hémisphère opposé ; ou qu’elles vont sourdre en différens endroits de la terre pour faire des fleuves comme par exemple l’Euphrate, le Tigre, &c.