Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CENTRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 363-365).
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☞ CENTRE. s. m. Terme de Géométrie. C’est dans un sens général, un point également éloigné des extrémités d’une ligne, d’une figure, d’un corps ; ou le milieu d’une ligne, ou un plan par lequel un corps est divisé en deux parties égales. Centrum.

☞ Le centre d’un cercle est le point du milieu du cercle situé de façon que toutes les lignes tirées de là à la circonférence sont égales.

On appelle centre apparent, le point qui représente le centre d’un cercle ; & centre véritable, celui qui a servi de centre pour décrire la représentation d’un grand ou d’un petit cercle de la sphère. L’angle du centre est double de celui de la circonférence ; c’est-à-dire, que l’angle qui est fait de deux lignes qui sont tirées du centre sur un arc de cercle, est double de l’angle que font deux lignes tirées des extrémités d’un même arc, qui aboutissent à la circonférence. Euclide, Liv. III.

On appelle aussi centre dans les autres figures curvilignes, les points où se ramassent les rayons réfléchis. Le centre de la parabole est le point où se réfléchissent les rayons ou le point brûlant. On l’appelle autrement le foyer. Focus. L’ellipse a deux centres, d’où les rayons & les sons se rcfléchissent de l’un à l’autre.

Centre se dit aussi dans les figures polygones, du point où se coupent leurs diagonales, quoiqu’il ne soit pas également éloigné des extrémités, comme dans les carrés longs, les trapèzes, hexagones, &c. En Gnomonique, on appelle centre diviseur, un point dans le plan du cadran qui représente le centre du monde, & qui sert pour diviser en degrés la représentation d’un grand cercle de la sphère.

Centre de figure ou de grandeur. C’est un point par lequel un corps quelconque est divisé en deux parties égales, c’est-à-dire, en deux parties qui occupent chacune un espace égal.

Centre de gravité. C’est un point par lequel un corps quelconque est divisé en deux parties aussi pesantes l’une que l’autre. Un corps suspendu par son centre de gravité demeure dans un parfait équilibre. La gravité totale d’un corps peut être conçue, réunie à son centre de gravité. Aussi les Physiciens accoutumés à prendre le centre de gravité pour le corps grave, supposent les vérités suivantes, comme autant de principes certains.

☞ 1o. La ligne de direction des corps graves sublunaires, est une ligne droite tirée de leur centre de gravité au centre de la terre.

☞ 2o. Lorsqu’un corps grave descend, son centre de gravité descend avec lui.

☞ 3o. Un corps grave qui descend librement, ne quitte jamais sa ligne de direction.

☞ 4o. Le centre de gravité des corps sublunaires tend toujours à s’approcher du centre de la terre : & par conséquent, toutes les fois que le centre de gravité s’écarte du centre de la terre, le corps est regardé comme étant dans un mouvement violent.

☞ 5o. Un corps grave ne peut pas tomber lorsque la ligne de direction passe par sa base ; mais il tombe nécessairement, lorsque la ligne de direction passe hors de sa base.

☞ 6o. Les hommes & les animaux ont leur centre de gravité vers le milieu de leur corps. Ces principes fournissent l’explication de problêmes amusans.

☞ Si les porte-faix & tous ceux dont le dos est chargé d’un poids considérable, ne se courboient pas en avant ; si les personnes qui ont beaucoup d’embonpoint, ou qui portent pardevant un pésant fardeau, ne se courboient pas en arrière ; si ceux qui en faisant la révérence inclinent la partie supérieure du corps & panchent la tête, n’avançoient pas un pié ; si quelqu’un vouloit tenir les piés appuyés contre une muraille, & ramasser quelque chose à terre ; tous ces gens-là feroient des chûtes aussi ridicules que dangereuses, parce que leur ligne été direction ne passeroit pas par leur base.

☞ Par les mêmes principes, on explique facilement pourquoi, sans une adresse très-grande, on ne sauroit marcher, ou sur une corde ou sur une planche très-étroite, parce qu’il est alors très-aisé que la ligne de direction passe hors de la base.

☞ On voit encore qu’un cheval qui galope doit lever en même temps un pié de devant & un de derrière ; qu’un vieillard courbé sous le poids des années doit se servir d’un bâton ; qu’un enfant qui sautille sur un pié, doit être extrémement sur ses gardes ; sans quoi leur ligne de direction passeroit hors de leur base ; le cheval s’abattroit, le vieillard, donneroit du nez en terre, & l’enfant payeroit sa sottise par une chûte inévitable.

Outre le centre de gravité, il y a en Méchanique plusieurs autres espèces de centres, comme celui d’agitation, de percussion, &c. selon les différentes circonstances que l’on considère, & c’est le point où les différentes puissances ont toute leur action commune réunie. Acad. des Sc. 1701, Hist. p. 109. Une verge chargée de deux poids, & mue parallèlement à elle-même, doit fraper un corps par le point d’équilibre, ou par son centre de gravité, pour le fraper avec le plus de force qu’il se puisse ; ce centre peut s’appeler aussi centre de percussion. Mais si la verge ne se meut pas parallèlement à elle-même, alors le centre de gravité n’est plus le centre de percussion Ib., p. 110.

Centre d’oscillation. C’est un point dans la ligne de suspension d’un pendule composé, tel que si toute la gravité du pendule s’y trouvoit ramassée, les oscillations s’y feroient dans le même temps qu’auparavant. Ce centre est plus haut que celui de la lentille en raison de la pésanteur de la verge. Tout le jeu du pendule s’explique par les principes qu’on vient d’exposer. Le pendule transporté à droite est-il abandonné à lui-même, la pésanteur fait descendre son centre de gravité dans la ligne de direction, c’est-à-dire, dans la ligne perpendiculaire à la surface de la terre. Arrivé à cette ligne, les degrés d’accélération qu’il a acquis en descendant lui font décrire à gauche un arc semblable à celui qu’il vient de parcourir à droite. Cet arc décrit la pésanteur, fait descendre le pendule dans la ligne perpendiculaire, & les degrés d’accélération le font remonter à droite par un arc semblable à celui par lequel il vient de descendre ; en sorte que ce mouvement seroit perpétuel, s’il se faisoit dans un espace parfaitement vide.

Centre de gravitation ou d’attraction. C’est le point vers lequel un corps, une comète, une planète, &c. est continuellement poussée ou attirée dans sa révolution par la force de la gravité. Il ne faut pas confondre le centre de gravité d’un corps particulier avec le centre de gravitation ; c’est-à-dire, avec le centre commun de gravité de plusieurs corps qui s’attirent mutuellement les uns les autres. Celui-là est toujours en dedans du corps grave : celui-ci se trouve communément hors des corps qui gravitent les uns sur les autres. Appliquez, par exemple, deux corps à un levier de la première espèce : mettez ces corps en équilibre : le point d’appui du levier sera le centre commun de gravité. En un mot, dans le systême de Newton, le centre commun de gravité de plusieurs corps qui s’attirent mutuellement n’est autre chose que le point où tous ces corps iroient se réunir, s’ils étoient abandonnés à leur force centripète. Le centre commun de gravité du systême solaire est donc le point du monde où les comètes & les planètes iroient se réunir avec le soleil, si tous ces corps étoient abandonnés à leur force attractive. Ce point ne sauroit se trouver ni hors du soleil, ni au centre même de cet astre. Il ne peut pas être hors du soleil, parce qu’alors les planètes & les comètes, au-lieu de tourner autour de cet astre, tourneroient autour de leur centre commun de gravité. Il ne sauroit non plus se trouver au centre même du soleil ; parce qu’alors il faudroit dire que le soleil attire tous les corps qui tournent autour de lui, & qu’il n’en est aucunement attiré. Ce centre de gravitation se trouve donc dans un point situé entre le centre & la circonférence du soleil. De combien de lieues ce point est-il enfoncé dans le soleil ? C’est à la plus subtile Géométrie à multiplier ses calculs pour le marquer avec précision. Les Physiciens moins scrupuleux dans leur marche, se contentent d’un à peu près. Par leurs supputations le centre de gravité du systême solaire doit se trouver dans le soleil même. Donc, quand même tous les corps qui tournent autour du soleil, se trouveroient sur la même ligne, & du même côté, ils ne devroient pas opérer sur le soleil un dérangement sensible.

Centre des corps pesans. C’est dans notre globe le même que le centre de la terre vers lequel tous les corps graves ont une espèce de tendance. Mais comme la terre n’est pas parfaitement sphérique, il n’y a point à la rigueur de centre des corps pesans. Cependant comme elle est à peu près de figure sphérique, il s’en faut peu que les corps pesans ne tendent tous vers un même point ; & dans le langage ordinaire, ce point est le centre de la terre.

Centre de conversion. Terme de Méchanique. C’est le point immobile sur lequel une chose tourne. Centrum conversionis. Voy. l’Ac. des Sc. 1700. p. 145 & s.

Centre de mouvement. Le point autour duquel se fait un mouvement circulaire. Centre de mouvement réciproque est la même chose.

Centre d’équilibre forcé, est le point où un corps est placé entre deux ressorts bandés, lesquels font un effort égal pour se dilater en directions opposées, & est par cela même retenu en équilibre, étant sollicité ou pressé de part & d’autre par deux forces égales & opposées. Le centre d’équilibre oisif est le point où un corps se trouve entre deux ressorts lâches ou débandés, en sorte qu’il demeure en équilibre, ou plutôt en repos par cela seul qu’il n’est point pressé ni d’un côté ni de l’autre.

Centre phonique. C’est le lieu où celui qui parle doit se placer dans les échos articulés qui répètent plusieurs syllabes.

Centre phonocamptique. C’est le lieu ou l’objet qui renvoie la voix dans un écho.

On appelle en termes de guerre, le centre du bastion, le point qui est au milieu de la gorge du bastion, où commence la ligne capitale, & qui est d’ordinaire à l’angle du polygone intérieur de la figure.

On appelle aussi le centre du bataillon, le milieu du bataillon, où on laisse quelquefois un grand carré vide, pour y conserver des drapeaux & du bagage. Ainsi on dit, vider ou carrer le centre du bataillon pour dire, selon l’ancienne méthode de former des bataillons, pratiquer un terrain de figure carrée dans le milieu des piquiers, afin que les Mousquetaires, les drapeaux & les bagages y puissent être à couvert, quand les troupes plus nombreuses attaquent le bataillon.

Centre oval. Terme d’Anatomie, Voyez Voute médullaire.

Centre tendineux. Terme d’Anatomie. C’est la partie dans laquelle les queues des muscles du diaphragme se rencontrent. Ce centre est troué vers sa droite pour donner passage à la veine-cave ; & vers sa gauche en arrière, sa partie charnue donne partage à l’œsophage, au tronc descendant de l’aorte au canal thorachique, & à la veine azygos entre ces deux piliers. Encyc.

Centre se dit dans le discours ordinaire, comme synonyme de milieu. C’est ainsi qu’on dit qu’un lieu est le centre d’une ville ; qu’une ville est le centre d’une Province, qu’une Province est le centre d’un Royaume.

Centre se dit par extension du lieu où chaque chose tend naturellement, comme au lieu de son repos. On dit en ce sens que chaque chûte tend à son centre.

☞ On dit figurément qu’un homme est dans son centre, pour dire qu’il est dans un endroit où il se trouve bien, où il a ses aises & ses commodités. On dit dans un sens contraire qu’il est hors de son centre. Un ivrogne au cabaret est dans son centre.

☞ On dit encore figurément qu’une ville est le centre du commerce, le centre des affaires ; pour dire que c’est l’endroit où le commerce est plus florissant, où se traitent la plupart des affaires. Paris est le centre des sciences, des beaux arts. Le centre du bon goût, de la politesse, &c.

☞ En Théologie, on dit que l’Eglise Romaine est le centre de l’unité, le centre de la communion des Fidèles sur la terre.

☞ On dit proverbialement, je voudrois être au centre de la terre ; c’est-à-dire, bien loin, ou bien caché.

Centre vient du latin centrum, formé de κέντρον, point, de κεντέειν, pungere.