Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAPELET

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 441-442).
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CHAPELET. s. m. Plusieurs grains qui servent à compter le nombre des Pater noster & des Ave Maria qu’on veut dire en l’honneur de Dieu & de la sainte Vierge. Globulorum sacrorum series ; Beatæ Virginis corona. On les appelle autrement patenôtres. Un rosaire est un chapelet de quinze dixaines d’Ave Maria. Beatæ Virginis rosarium. Il y a des chapelets de corail, de diamans, de calembouc, de bois de sainte Lucie, &c.

Ménage tient que ce mot vient de la ressemblance qu’il a avec un chapeau de roses, dont on a fait rosaire. Les Italiens disent corona. On l’a appelé aussi en italien & dans la basse latinité capellina. On trouve dans un procès de la vie d’Urbain V, fait au quatorzième siècle, & rapporté par le Pere Janning, Acta SS. Jun. t. V, p. 443. E. Capellatum reginale cum gemmis & Lapidibus pretiosis, pour signifier une couronne ornée de perles & de pierres précieuses.

M. Fleury, dans le Discours préliminaire de son XXe tome de l’Histoire Ecclésiastique, rapporte l’origine du chapelet aux Moines du onzième siècle. Il dit que quand on institua des Frères lais ou laïques dans ces Ordres Religieux, on leur prescrivit un certain nombre de Pater à chacune des heures canoniales : & afin qu’ils s’en pussent acquitter, ils portoient des grains enfilés, d’où, dit-il, sont venus les chapelets.

☞ Larrey, dans Edouard VI, p. 360, & Pierre Vitet, disent que l’usage en fut établi par Pierre l’hermite, personnage fameux dans l’Histoire des Croisades. Saint Dominique institua le rosaire de quinze dizaines de grains, dont on a diminué le nombre dans les chapelets ordinaires.

Il y a aussi un chapelet ou couronne de Notre Seigneur, de trente-trois grains, en l’honneur des trente-trois années de sa vie sur la terre. Le Pere Michel de Camaldule en fut l’Instituteur.

Enfiler des chapelets, c’est passer des grains dans un fil ou un cordon pour en faire des chapelets. Défiler un chapelet, c’est en tirer les grains du fil ou du cordon où ils étoient enfilés.

On dit figurément, enfiler & défiler des chapelets, pour, faire & défaite des affaires, les gâter, les troubler. Le Cardinal de Richelieu ne disoit-il pas, que six piés de terre, voulant parler des intrigues du cabinet, lui donnoient plus de peine, que tout le reste de l’Europe. Pourquoi cela ? sinon à cause des chapelets que l’on y enfile & défile continuellement. Masc. En cet endroit, il signifie les affaires que l’on fait & défait, les résolutions que l’on prend & que l’on change continuellement : c’est du style familier.

Les Orientaux ont aussi des espèces de chapelets qu’ils appellent chaînes, pour faire leurs prières, en disant le nom de quelqu’une des perfections de Dieu sur chaque grain. Le Grand-Mogol porte jusqu’à huit de ces chaînes ; les unes de perles, les autres de rubis, de diamans, de corail, &c.

Les Turcs ont aussi des chapelets sur lesquels ils récitent des prières. Le P. Jérôme Dandini, Jésuite, en parle de cette manière dans son Voyage du Mont Liban, c. XI. Les Turcs ont des chapelets qu’ils portent à leur main, ou pendus à leurs ceintures ; mais ils différent beaucoup des nôtres ; car les grains y sont tous d’une même grosseur, & ils n’ont point cette distinction que nous avons de dix en dix grains, quoiqu’ils les composent de six dixaines. Ils ont aussi une autre forme de chapelet qu’ils divisent en trois parties avec de petits fils, parce qu’il est plus grand que l’autre, contenant cent grains : ils n’emploient pas néanmoins plus de temps que nous à le réciter ; au contraire ils ont plutôt fait, parce qu’ils ne disent à chaque grain pour toute prière, que ces paroles, Louange à Dieu, ou celles-ci, Gloire à Dieu.

Comme ce Jésuite n’est pas tout-à-fait exact dans la description des chapelets des Turcs, M. Simon, qui a traduit ce Voyage d’italien en francois, a ajoûté cette remarque. Il est vrai que les grains de leurs chapelets ne sont pas inégaux à la façon des nôtres ; aussi ne récitent-ils pas dessus deux différences prières. Ils ont néanmoins quelque distinction dans leurs chapelets de cent grains : ils les divisent en trois parties, & ils disent sur une de ces parties trente-trois fois soubhan lallah, c’est à-dire, que Dieu est louable ? sur la seconde Ellamd lallah, gloire à Dieu ; & sur la troisième, Alla echer, Dieu est grand. Ces trois fois trente-trois fois ne faisant que quatre-vingt-dix-neuf, ils ont ajoûté une autre prière sur la tête du chapelet, pour faire le nombre de cent ; & c’est en quoi leurs chapelets sont semblables aux nôtres, parce qu’outre la couronne & le rond de leur chapelet, il y a encore au bout quelque chose qui tient la place de ce que nous appelons la croix du chapelet.

M. Simon croit que ce chapelet des Mahométans tire son origine de Mea beracoth, ou cent bénédictions, que les Juifs sont obligés de réciter tous les jours, & qu’on trouve dans leurs Livres de prières. Les Juifs & les Mahométans, dit-il dans cette même note, ont cela de commun, qu’ils ne font presque rien sans prononcer quelque louange ou bénédiction ; mais comme les Mahométans ont réduit ces cent bénédictions à trois sortes d’actions de grâces, cela les a obligés d’inventer ce chapelet, divisé en trois, comme nous avons divisé les nôtres en dizaines, pour marquer le nombre des Pater & des Ave : outre qu’ils récitent le chapelet en particulier, ils ont des chantres qui le récitent tout haut dans leurs mosquées.

Chapelet de chevalerie, étoit autrefois une guirlande de roses qui arrêtoit les cheveux, & qui étoit fort usitée, & connue dans les vieux Romans sous le nom de chapelet.

Chapelet, en termes d’Hydraulique, ☞ se dit d’une pompe qui va par le moyen d’une chaîne sans fin, à laquelle sont attachés de suite plusieurs godets ou seaux, servant à élever les eaux, dessécher des marais, &c.

Chapelet en termes de Fonderie, morceau de fer rond & plat, avec trois tenons, qui se met à l’extrémité de l’ame d’une pièce de canon, lorsqu’on en fait le moule, pour assembler la pièce avec la culasse.

En terme de Chirurgie, chapelet est un rang de certaines pustules malignes qui viennent au front, & que l’on ne manque jamais de prendre pour un mauvais signe. Pustularum in fronte series.

Chapelet en termes de Manège, est une paire d’étrivieres garnies de leurs étriers, & ajustées au point du cavalier, qu’il attache au pommeau de la selle par une espèce de boucle de cuir qui les joint en haut. Cela lui épargne la peine de les alonger ou de les accourcir, quand il veut monter à cheval, ou en changer. Lora subicibus pedaneis instructa ad commodum equitantis.

Chapelet en termes d’Architecture, est un petit ornement ☞ en forme de petits grains sphériques ou elliptiques que l’on taille ordinairement sur les baguettes des architraves. Tæniola globulis incisa. Il y en a de plusieurs sortes, de fleurons, de grelots, d’olives, de patenôtres.

Chapelet, terme de Pêcheur. On appelle ainsi les balles de plomb que l’on met au bas de certains filets pour les faire aller au fond. Le haut de la seine demeure sur la surface de l’eau, sur les patenotres de liège. Le bas, appesanti par un long chapelet de plomb, gagne le fond de l’eau. Pluche.

Chapelet se dit plus particulièrement des balles de plomb qu’on met au bas de la circonférence du filet appelé épervier. Il représente en effet la couronne d’un chapelet.

Chapelet se dit aussi de cette verroterie ou rassade, dont il se fait un si grand commerce avec les Nègres de la Guinée, & les Sauvages de l’Amérique ; parce que ces grains de verre sont enfilés comme des chapelets, pour la facilité du négoce.

Chapelet. C’est encore un ouvrage de Serrurerie, qui est du nombre de ces sortes de pentures, que l’on appelle des fiches.

Les Marchands d’eau-de-vie appellent aussi le chapelet, une petite mousse blanche qui se forme en rond sur la surface de l’eau-de-vie, lorsqu’on la verse dans un verre. Ce cercle marque la bonté de cette liqueur,

Chapelet, machine d’Opéra. On appelle ainsi plusieurs petits chassis de formes différences, peints en nuages, & enfilés à des cordes les uns après les autres, qu’on descend & qu’on remonte par le moyen d’un contre-poids.

Chapelet, en termes de Fauconnerie, se dit pour chaperon.

Chapelet, en Jurisprudence coutumière, est une marque d’honneur & de distinction que les Seigneurs des Comtés & Baronnies ont droit de faire mettre aux fourches patibulaires de leurs Seigneuries. Vigier sur Angoumois, art. 1.

On dit en proverbe, lorsqu’il meurt coup sur coup plusieurs personnes d’une même famille, ou qu’elles se détachent d’une cabale, que le chapelet se défile. On dit quand quelqu’un est puni de quelque faute, qu’il n’a pas gagné cela en disant son chapelet.