Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAPITRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 445-447).
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CHAPITRE. s. m. Ce mot désigne le corps des Chanoines. La Communauté des Ecclésiastiques d’une Eglise Cathédrale, ou Collégiale. Canonicorum Collegium. Le Chapitre n’a plus de part dans l’administration du Diocèse, pendant la vie de l’Evêque ; mais il succède à toute la Juridiction Episcopale pendant la vacance du Siège. Chaque Chapitre a ses droits & les privilèges particuliers : cela dépend de la possession. Le Chapitre peut conférer, pendant la vacance du Siège, les Bénéfices auquels l’Evêque & le Chapitre avoient droit de pourvoir conjointement ; mais il ne peut pourvoir à ceux qui sont à la nomination de l’Evêque seul ; il faut les réserver à l’Evêque futur. Pour les collations forcées, comme celles qui se font à la nomination des Patrons laïques, ou en vertu des indults, elles appartiennent au Chapitre, sede vacante. Fevret. Les Doyen, Chanoines & Chapitre d’un tel lieu, sont les qualités qu’on donne dans les procès à ces Communautés. L’Archevêque a reçu le Roi à la tête de son Chapitre. Ce Bénéfice est à la collation d’un tel Chapitre. La plupart des Chapitres d’Allemagne se sont rendus fameux, parce qu’on n’y reçoit que des Nobles de quatre races. Il n’y en a en France que trois de cette espèce, celui de S. Jean de Lyon, de S. Pierre de Mâcon & de S. Julien de Brioude. Dans celui de Lyon, il s’est trouvé en même temps un fils d’Empereur, neuf fils de Rois, & quatorze fils de Ducs, comme témoigne le Père Jean de S. Aubin dans l’Histoire de la ville de Lyon. Les noms de Chapitre & de Chanoines n’ont commencé à être en usage que vers le temps de Charlemagne, comme le prouve Marcellus Ancyranus dans le Traité qu’il a fait sur la Decrétale d’Honoré III, super specula de Magistris.

Chapitre, est aussi l’assemblée que tiennent les Chanoines, les Religieux & les Ordres Militaires pour délibérer de leurs affaires, & régler leur discipline. Canonicorum, Religiosorum, Ordinum Militarium conventus. Les Chapitres généraux de Cluni, de Ciseaux. Le Chapitre s’assemble au son de la cloche. Le Chapitre général de l’Ordre. Generalis totius Ordinis conventus. Ce Religieux a été blâmé, châtié en plein Chapitre. Les Chevaliers du S. Esprit ont tenu leur Chapitre un tel jour. Papias dit qu’on les a appelés Chapitres, quod capitula ibi legantur. Le nom de Chapitre autrefois ne convenoit proprement qu’aux Eglises Cathédrales.

J’ai maints Chapitres vûs,
Qui pour néant se sont ainsi tenus ;
Chapitres non de rats, mais Chapitres de Moines,
Voire Chapitres de Chanoines. La Font.

C’est l’Ordre de Citeaux qui a le premier établi des Chapitres généraux, que les autres ensuite ont imités. La fameuse Constitution qu’on nomme dans cet Ordre la carte de charité, qui fut faite en 1219, ordonne que tous les Abbés viendront au Chapitre général qui se tiendra tous les ans. Ce n’est pas cependant par cette carte de charité qu’ils ont été établis, car elle ne fut publiée qu’en 1124 dans le Chapitre général, & le premier s’étoit tenu en 1116, ainsi que nous l’apprend l’Histoire Latine de Citeaux par D. Manrique, à l’an 1116, ch. 1.

On appelle pain de Chapitre, le pain qu’on distribue chaque jour aux Chanoines dans quelques endroits. Panis triticens Canonicis distribui singulis diebus solitus. Il y a aussi une espèce de pain qu’on appelle pain de Chapitre.

Chapitre, se dit aussi de la salle ou du lieu où se tient cette assemblée des Chanoines, Religieux, ou Chevaliers. Locus conventibus habendis destinatus, capitulum, conciliabulum. Chez les Moines le Chapitre est ordinairement au milieu du cloître. Le Chapitre fait partie des lieux réguliers. Le Chapitre de Saint Lazare se tient présentement à S. Jacques de l’Hôpital.

Chapitre, est aussi une division d’un ouvrage, ou d’un livre, afin que les matières soient plus distinguées & moins confuses. Caput. Les anciens ne distinguoient point leurs livres par chapitres & par articles. C’est une grande commodité pour les Lecteurs de faire une table des chapitres. Cette autorité est tirée d’un tel chapitre de la Genèse. Papias dit que ce nom lui a été donné ex eo quòd sit alterius sententiæ caput, vel quòd capiat totam summam. S. Augustin a dit que les chapitres, qui sont le juste partage d’un livre, soulagent les Lecteurs, comme les hôtelleries soulagent les Voyageurs.

Chapitres. (Les trois) Cette expression est si fameuse dans toutes nos Histoires Ecclésiastiques, & l’on en parle si souvent dans les disputes de ce temps, qu’il est à propos de l’expliquer. En 436, Théodoret, ami de Nestorius, condamné en 431 au Concile d’Ephèse, crut qu’un moyen sur de soutenir la doctrine & le parti de son ami, & d’accabler saint Cyrille, étoit de lui opposer Diodore de Tarse & Théodore de Mopsueste, qui étoient dans une grande réputation parmi les peuples. Dans ce dessein, il fit des extraits des ouvrages de ces deux Auteurs, dans lesquels ils disoient la même chose que Nestorius, & presque dans les mêmes termes. On fit un volume de ces extraits, dans lequel à chaque proposition des douze anathèmes de saint Cyrille, on opposoit un ou plusieurs chapitres des SS. Pères ; c’est ainsi qu’on appeloit Diodore & Théodore. En même temps Ibas, Prêtre d’Edesse, grand Nestorien & ami de Théodoret, écrivit à Maris, Evêque en Perse, dont il étoit ami, & avec lequel il entretenoit un commerce de lettres ; il lui écrivit, dis-je, une lettre par laquelle, après lui avoir dit que l’affaire de Nestorius étoit finie, & la paix rendue à l’Eglise, il lui faisoit entendre que c’étoit une intrigue de la Cour, qu’il avoit fallu céder au temps, & sacrifier Nestorius à la haine des grands, que la sévérité de sa morale avoir irrités contre lui ; que d’ailleurs, il avoit eu tort de ne pas éviter dans ses Sermons quelques termes nouveaux, dont il avoit usé. On mit cette lettre à la tête des extraits dont j’ai parlé, pour y servir comme de préface ; & après ces mêmes extraits, Théodoret ajouta deux écrits qu’il avoit composés, l’un devant le Concile d’Ephèse, & l’autre après, contre les anathèmes de saint Cyrille. Ce sont ces trois choses, la lettre d’Ibas, les ouvrages ou plutôt les extraits de Diodore & de Théodore, & les écrits de Théodoret contre les anathèmes de saint Cyrille, qu’on appela & qu’on appelle encore aujourd’hui les trois chapitres. Le P. Doucin prétend, dans son Histoire du Nestorianisme, L. III, p. 281, que pour parler plus exactement, il faut dire, les trois articles, au lieu des trois chapitres. Mais outre qu’on ne voit pas trop la différence, ni à quel égard il importe de dire articles, plutôt que chapitres, l’usage est de dire, les trois chapitres ; & en fait de langue, c’est à l’usage qu’il s’en faut tenir.

En 553, le Ve Concile général, qui est IIe de Constantinople, condamna dans sa VIIIe Conférence les trois Chapitres. Le Pape Vigile les condamna aussi. La dispute que le Pape Vigile eut avec l’Empereur Justinien pour les trois Chapitres, c’est-à-dire pour les trois personnes, de Théodore, d’Ibas & de Théodoret, & non pas pour la doctrine de la foi, dont il ne s’agissoit point, fut plus importante & plus aigre. Godeau. Il parle plus exactement encore un peu après, où il dit que dans cette question, il ne s’agissoit pas de la doctrine de l’Eglise, mais seulement des personnes de Théodore de Mopsueste, d’Ibas d’Edesse, & de Théodoret de Cyr, & du fait de leurs écrits. Ce qui montre que la question étoit de savoir si ces trois écrits étoient hérétiques ou non, & qu’on croyoit alors l’Eglise Juge infaillible de ces sortes de faits.

Chapitre, en termes de Palais, se dit seulement des différentes parties dans lesquelles un compte est divisé. Le chapitre de recette, de dépense, de reprise. Le premier article du chapitre de recette a été rayé.

Chapitre ou Capitule, en termes de Bréviaire, est un trait de l’Ecriture, qui se dit par l’Officiant en toutes les heures avant l’hymne, ou avant les répons des petites heures. Capitulum, lectio Breviarii. Saint Benoît appelle le chapitre de l’office, leçon, lectio ; quelques autres anciens Auteurs ecclésiastiques l’appellent collection, collectio, ou petite leçon, lectiuncula ou verset, petit verset, versiculus. Le vénérable Bède prétend que la coutume de réciter plusieurs fois le jour, c’est-à-dire, à toutes les parties de l’office divin, de petits chapitres de la sainte Ecriture, a été établie pour imiter les Israëlites, qui du temps d’Esdras lisoient quatre fois le jour quelque chose des livres de la Loi. Voyez le Cardinal Bona. Les capitules ou chapitres, se doivent chanter tout droit, avec une seule inflexion de la tierce mineure à la fin, conformément & selon l’usage universel de toutes les Eglises cathédrales, collégiales & considérables. Nivers.

Chapitre, se prend aussi, pour sujet, matière. Argumentum. Cette manière de parler & d’user du mot de chapitre est figurée ; mais elle est fort en usage. Chapitre en ce sens, s’exprime quelquefois par la proposition de avec l’ablatif, comme dans les deux premiers exemples suivans. Quand cet homme est sur le chapitre des cagots, il ne se peut taire. N’attaquez pas cet homme sur le Droit, il est plus fort que vous sur ce chapitre-là. Quelquefois on le supprime dans le latin, comme dans les exemples suivans. Ce goinfre entend bien le chapitre des sauces ; c’est-à-dire, il entend bien les sauces. Après qu’on eut parlé de plusieurs choses, enfin on en vint sur son chapitre, c’est-à-dire, à parler de lui, à l’examiner.

On dit proverbialement, qu’un homme n’a point de voix en chapitre ; pour dire, qu’il n’est d’aucune considération dans sa compagnie, dans sa famille. Quand la femme gouverne la maison, on dit, le mari n’a point de voix en chapitre, est sans crédit, sans autorité.