Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHARGE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 453-456).
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☞ CHARGE. s. f. Ce mot se prend dans je ne sais combien d’acceptions différentes. Quelquefois il est employé dans la signification de fardeau, faix ; & pour l’ordinaire on fait ces trois mots synonymes, qui ne le sont pourtant que par l’idée générale qu’ils renferment. La charge est ce qu’on doit ou ce qu’on peut porter ; de là l’expression proverbiale qui dit que la charge d’un baudet n’est pas celle d’un éléphant. Onus. On dit de la charge qu’elle est forte. Cette charge est trop forte pour moi. Je ne sais pas pourquoi les Vocabulistes, qui avoient pourtant sous les yeux les remarques de M. l’Abbé Girard, s’avisent de dire charge lourde. C’est du fardeau qu’on dit qu’il est lourd ; parce que le fardeau est ce qu’on porte ; de même qu’on dit du faix qu’il accable, parce qu’il joint à l’idée de ce qu’on porte celle d’une certaine impression sur ce qui porte.

☞ Ce mot vient, dit-on, de carg qui en vieux langage bas-breton signifioit la même chose.

Charge, en terme de Maçonnerie, se dit de ce qui pese sur un mur, poutre, ou autre corps. On donne de la charge à une voûte à proportion que les arcboutans sont forts. Il faut étayer cette poutre, parce qu’elle porte une charge trop forte. Les Maçons appellent aussi charge de plancher, une certaine épaisseur que l’on met sur les solives & ais d’entrevoux, ou sur le hourdi d’un plancher, pour recevoir le carreau, ou aire de plâtre, qu’on y doit mettre.

On dit particulièrement, qu’il faut payer les charges d’un mur, quand un voisin éleve un mur mitoyen pour bâtir dessus : c’est indemniser le voisin de la nouvelle charge qu’on met sur le mur mitoyen, ce qui s’estime à raison de six toises l’une. Voyez l’art. 197 de la Coutume de Paris.

Charge, est aussi une certaine mesure d’un poids proportionné à la force de celui qui le porte. Ainsi on dit, une charge de cotrets, de fagots ; pour dire, 18 ou 20 cotrets ou fagots, que peut porter un Crocheteur. Une charge de charbon contient deux mines. Une charge de blé. La charge d’un mulet c’est 400 livres ; d’un chameau, c’est mille livres. Ce vaisseau a sa charge ; pour dire, il en a autant qu’il en peut porter. La charge des carraques de Portugal est de deux mille tonneaux, c’est à-dire, qu’elles portent quatre millions de livres pesant. Ce vaisseau n’a pas trouvé en ce port des marchandises pour sa charge, il en est sorti avec demi-charge. On appelle Vaisseaux de charge, ceux qui suivent une armée navale pour porter les munitions & les provisions.

Charge, se prend encore pour une certaine mesure ou quantité de choses qui sont dans le commerce. La charge de Marseille est composée du poids de trois cents livres. Celle d’Arles est du même poids. La charge de S. Gilles est de dix-huit à vingt pour cent plus grande que celle d’Arles. La charge de Tarascon est de deux pour cent plus foible que celle d’Arles. La charge de Toulon est composée de trois setiers du pays ; chaque setier contient une hémine & demie, & est égal à celui de Paris.

Charge, signifie aussi l’action de charger. Impositio oneris. Pour la navigation des rivières il y a trois jours de charge, ou de planche, & autant pour la décharge ; c’est-à-dire, pour donner le loisir aux Marchands de charger & de décharger.

Charge, en termes de l’art militaire, signifie le choc de deux armées qui en viennent aux mains. Pugna. On dit en ce sens la première, la seconde charge. La charge a été rude, vigoureuse. Sonner la charge. Bellicum canere, donner le signal du combat. Soutenir la charge. Retourner à la charge.

En ce sens on dit figurement, qu’on retourne à la charge, ☞ quand on fait une nouvelle tentative, quand on fait de nouveau la même demande qui a été déja refusée. Rem eamdem post repulsam denuò petere.

Charge est aussi une certaine mesure de poudre qu’on met dans les armes à feu pour leur faire faire leur effet. Pulveris ac globi tormento displodendo modus. La charge de canon est environ la troisième partie du poids de son boulet. La charge d’une mine est ordinairement un millier de poudre ; mais on la proportionne à la nature & au poids du terrain qu’il faut qu’elle enlève. On donne double charge aux canons pour les essayer.

Charge, se dit aussi des fournimens qui sont attachés aux bandoulières des Mousquetaires, qui servent à donner la charge à un mousquet. Pulveris ac plumbi areæ fistulæ displodendæ modus, pulveris pyriitheca. Ces fournimens ne sont autre chose que plusieurs petits étuis couverts de veau, dans chacun desquels les soldats renferment ce qu’il faut de poudre pour charger leurs armes à feu. Ouvrir la charge avec ses dents.

Charge, se dit figurément de tout ce qui ☞ donne lieu à l’exercice des facultés de l’ame, & dans ce sens, ainsi que dans le propre, il emporte avec lui une idée de contrainte. On le dit de tout ce qui est onéreux. Onus. L’action de l’esprit s’étouffe par trop d’étude ; c’est une charge qui l’accable. Mont. Il est mal-aisé de bien aimer ceux qui nous sont à charge. Vaug. Une vieille fille est à charge aux autres, & à elle-même. Le Grand Théodose refusa l’Empire, & l’on remarqua que ce n’étoit point par une vaine cérémonie, mais par une véritable sagesse, qui lui faisoit regarder cet honneur comme une charge difficile. Fléch.

C’est une charge bien pesante,
Qu’un fardeau de quatre-vingts ans. Quinaut.

Une tutelle est une charge, & non pas un avantage. Cette veuve a cinq enfans à sa charge ; c’est-à-dire, qu’elle est obligée de les nourrir, entretenir & avancer. Cet importun est à la charge de ses amis, c’est-à-dire, qu’il leur emprunte, & qu’il vit à leurs dépens. Une Abbaye régulière est un bénéfice à charge d’ames. Les secrets, soit les nôtres, soit ceux que l’on nous confie, peuvent encore porter le nom de charge, à cause de la peine que les indiscrets ont à les garder.

L’homme indiscret, dont la bouche imprudente,
Dépose d’un secret la charge trop pesante,
Voit bientôt son secret follement confié ;
Par d’indiscrets amis à d’autres publié. Vill.

Charge, se dit en ce sens des clauses & conditions qui sont stipulées par un acte ou contrat, ou qui sont naturellement attachées à la chose dont on traite. Lex, conditio. Il a vendu cette terre à la charge d’une telle servitude, à la charge de payer tels & tels créanciers, à la charge du réméré, eâ lege, eâ conditione. On donne tous les baux à la charge de cultiver & entretenir les lieux en bon père de famille. Il lui a fait ce plaisir à charge d’autant.

Charges d’un testament, sont des engagemens que le Testateur impose à l’héritier ou autre, à qui il fait quelque libéralité par son testament, comme s’il charge son héritier ou un légataire d’un usufruit, d’une servitude, ou d’une rente viagère en savent d’une tierce personne.

Charges de la Communauté, sont des dettes mobiliaires qui doivent être acquittées par la communauté des conjoints.

Charge, signifie aussi, pension, rente, redevance dont une chose est tenue envers une autre. Onus, impensa. Il a quitté le Bénéfice à cause de ses charges. Il doit une rente de cent setiers de blé, c’est une grosse charge. Il ne vaut pas cent écus, toutes charges faites. Cette redevance est une charge foncière. Les charges foncières sont les redevances qu’on a imposées après le cens, sur les héritages lorsqu’ils ont été aliénés. Census secundarius, census. Les charges foncières doivent être payées & supportées par celui qui possède l’héritage qui a été aliéné ; sinon il le doit abandonner. Loiseau.

Charge réelles, & redevances annuelles, sont des droits dus par les héritages, comme le cens, le surcens ou rente foncière, le champart ou autres, selon la disposition des coutumes, ou l’usage des lieux.

Charge, est encore un impôt, une levée de deniers pour fournir aux dépenses & aux nécessités de l’Etat, d’une Communauté. Tributum, vectigal. C’est au peuple à supporter les charges de l’Etat. Durant la guerre on est obligé de mettre de nouvelles charges, de nouvelles impositions. Les propriétaires des maisons sont obligés aux charges de ville, qui sont boues, lanternes, pauvres, logemens de soldats, fortifications, &c.

Charge, signifie encore ☞ figurement en matière criminelle, les preuves, les indices qui résultent des informations & autres pièces du procès contre un accusé. Dans ce sens il est employé au pluriel. Examiner les charges. On a porté les charges & informations au Greffe, c’est-à-dire, les actes qui contiennent la plainte de la partie, & les dépositions des témoins. On dit qu’un accusé prend droit par les charges, lorsqu’il est sur de son innocence ; qu’il n’y a point de preuve contre lui ; & qu’il s’en rapporte au dire des témoins, qu’il n’est point besoin de lui confronter. L’Ordonnance veut qu’on entende les témoins à charge & décharge, pour être contre l’accusé.

Charge, signifie souvent une dignité, un office qui donne pouvoir & autorité à quelqu’un sur un autre. Munus, dignitas, magistratus. Il y a des charges seulement utiles par les revenus, les émolumens qui y sont attachés ; & d’autres qui sont honorables par les fonctions & par le rang qu’elles donnent. Les charges de Chancelier, de Premier Président, sont les premières charges du Royaume. Il y a quatre principales sortes de charges : celles de la Maison du Roi ou des Princes, comme Grand Chambellan, Grand-Maître de la Garderobe, des Cérémonies : celles de l’armée, comme de Maréchal de Camp, Mestre de Camp, de Capitaine, d’Enseigne : celles de Robe, ou de judicature, comme de Conseiller, de Greffier : & celles de Finances, comme Intendant, Contrôleur, Trésorier, Receveur, & Payeur. On dit qu’un homme est en charge, pour signifier qu’il exerce une charge qu’il en fait actuellement les fonctions. Magistratum, munus exercere : qu’il est hors de charge, quand le temps de son exercice est expiré ; & cela se dit particulièrement des magistratures & des dignités électives, & non perpétuelles. Defunctus magistratu. On dit, exercer une charge en titre, quand on en a les provisions ; Exercere magistratum cum jure obtentisque ad eam rem tabulis, & par commission, lorsque la charge n’a point de titulaire, ou qu’il est interdit ou absent. Cum delegatâ potestate aliquo munere defungi, ou absentis aut mortui partes implere. On dit, être pourvu d’une charge en survivance, quand on a droit de l’exercer après la mort ou en l’absence du titulaire. Designari successorem alteris muneris. Il y a aussi des charges municipales, ou des charges de ville qu’on obtient par élection ; & des charges de Communautés.

La vénalité des charges, qui se pratique en France n’a été en usage dans aucune République, & ne trouve point d’exemple ailleurs. Il semble que les charges doivent être la récompense du mérite, & qu’on les doit proposer comme un prix qui serve d’aiguillon à la vertu, & qui anime au travail. On hasarde à remplir les charges de personnes incapables, en n’y admettant que ceux qui ont de quoi les acheter. C’est, disoit un Ancien, comme si dans un vaisseau on faisoit quelqu’un Pilote pour son argent.

L’argent seul au Palais peut faire un Magistrat. Boil.

Dans le temps de la République Romaine les charges étoient conférées par l’élection du peuple. Les Empereurs s’étant emparés du droit du peuple, nommoient seulement les Grands Officiers ; & ces Grands Officiers nommoient les Officiers inférieurs, qui dépendoient de leurs charges. Le même ordre fut observé en France. Le Roi par l’avis de son Conseil nommoit les premiers Officiers de la Chambre des Comptes & des Finances. Les Baillifs & les Sénéchaux étoient aussi pourvus directement par le Roi. Mais les Officiers inférieurs étoient choisis par les Comtes ou par les Ducs, & par les Officiers supérieurs. Jusqu’à François I, le Chancelier avoit droit de pourvoir à toutes les charges sans gages, ou dont les gages n’excédoient point vingt-cinq livres. Par une Ordonnance de Charles VI de l’an 1440, il y fut réglé que les Officiers du Parlement & autres de Justice, seroient nommés par le Parlement même, en présence du Chancelier ; & ceux des Finances par la Chambre des Comptes. Pendant que les Anglois occupoient la France, ils introduisirent la collation, la nommination arbitraire du Roi. Après qu’ils furent expulsés, l’on inventa sous Charles VIII un expédient entre la nommination absolue du Roi & l’élection ; c’est que le Parlement & la Chambre des Comptes nommeroient trois personnes, & que le Roi choisiroit celui qu’il lui plairoit de préférer. Ce partage équitable entre le Roi & les Sujets, a subsisté jusqu’à la vénalité des charges. Elle commença du temps de Louis XI, par le besoin d’aquitter les dettes de Charles VIII, son prédécesseur.

Au XIVe siècle, toutes les Charges de Judicature étoient censées vacantes par la mort du Roi. Louis XI, pour se concilier l’amitié des Officiers du Royaume, fit en leur faveur une Ordonnance, par laquelle il leur assuroit leurs Charges pour toute leur vie, déclarant qu’elles ne seroient jamais vacantes que par leur mort, ou en cas de forfaiture, ou par leur démission volontaire. P. Daniel, T. II, p. 1455. Louis XII rendit vénales les Charges qu’on appeloit Offices Royaux, qui n’étoient point de judicature. Id. T. II, p. 1671 & 1672. Ce fut en 1515, à l’occasion de la guerre d’Italie, que François I entreprenoit, que les Charges de judicature commencèrent à devenir vénales en France. A la vérité Louis XII, pressé par la nécessité de l’Etat, avoit déjà vendu quelques Offices ; mais c’étoit dans le dessein de remettre les choses sur l’ancien pié, dès qu’il auroit la paix ; & il avoit excepté de ce nombre les Magistratures de Justice : le Chancelier Duprat fut auteur de cette innovation. Voyez le P. Daniel dans François I, Tom. III, p. 8.

Je pourrois vous faire voir S. Augustin dans une sainte horreur des Charges, & regardant comme un fardeau redoutable ces dignités qu’on recherche avec une ambition séculière. Flech. Une téméraire jeunesse se jette d’ordinaire sans étude & sans connoissances dans les Charges de la Robe. Id. La principale chose qui soutient les hommes dans les grandes Charges, d’ailleurs si pénibles, c’est qu’ils sont sans cesse détournés de penser à eux. Pasc. Combien d’ames oisives qui n’apportent d’autres préparations à leurs Charges, que celle de les avoir desirées, pour satisfaire leur orgueil & honorer leur paresse ? Flec.

☞ Quoiqu’on donne indistinctement le nom de Charges à toutes sortes d’Offices, parce qu’en effet tout Office est une Charge, il ne faut pourtant pas confondre ces mots.

Charge est un nom général qui comprend d’autres emplois distingués des Offices, en ce qu’on les exerce sans provisions, & seulement pour un temps : au lieu que pour les Offices, il faut des lettres du Prince qui en assurent le titre aux Officiers pendant leur vie.

☞ Ainsi les Charges des Parlemens & des autres Compagnies supérieures, celles des Présidiaux, Bailliages & Sénéchaussées, sont des Offices ; au lieu que les Charges Municipales, comme d’Echevins, de Consuls, &c. ne sont pas des Offices, parce que ceux qui y sont appelés ne les exercent que pour un temps, & sans autre titre que celui de leur élection.

☞ Les Commissions que le Roi donne sont une autre espèce de charges : quoiqu’on ne leur en donne pas le nom, elles en ont en effet le caractère, qui est de revêtir d’un emploi public. Les Ambassadeurs, les Intendans des Provinces, les Chambres de Justice, &c. sont des Commissions, & sont à ceux que le Roi y appelle, une Charge pour exercer une fonction publique, sans titre d’office.

☞ Mais il y a cette différence entre ces Commissions & les Charges Municipales & autres semblables, que les Commissions sont pour un temps indéfini, & cessent quand il plaît au Roi de les révoquer ; au lieu que les Charges Municipales ont leur durée pour un temps réglé.

☞ Ainsi les Offices sont pour la vie, & ceux qui en sont pourvus ne peuvent être révoqués sans cause.

☞ Les Charges Municipales & autres sont pour un certain temps, après lequel leur emploi finit, & passe à une autre personne ; mais ceux qui en sont revêtus ne peuvent être révoqués ni destitués sans cause, pendant le temps que doit durer leur exercice.

☞ Enfin les Commissions sont pour un temps indéfini, tel qu’il plaît au Roi, de sorte que ceux qui en sont chargés, peuvent être révoqués en tout temps & sans aucune cause.

Charge, se dit quelquefois d’une commission verbale, ou sans titre ou passagère, quand on donne à quelqu’un le soin ou la garde de quelque chose. Provincia, negotium. On lui a donné la charge d’un tel recouvrement. Il a la charge de fournir des vivres, des logemens à ses troupes. Il n’est pas responsable du vol qui a été fait en cette maison, les meubles n’étoient point en sa charge. En ce sens ; on appelle une femme de charge, celle qui a le soin de la vaisselle d’argent, du linge, &c, dans une grande maison ; & dans les Communautés, un tel a la charge de la Sacristie, du Cellier, de l’Infirmerie, &c. C’est aussi en ce sens que l’on dit, un bénéfice à charge d’ames, tel qu’une Cure, parce que les ames des fidèles sont confiées au soin du Curé.

Charge, signifie encore mandement, procuration. Præscripta negotii gerendi auctoritas. Il a donné charge à son Commis de faire votre expédition. Un Procureur est sujet à désaveu, quand il a occupé, quand il a fait des offres sans charge, sans mandement spécial. Ce Banquier a donné charge à son correspondant d’acquitter une telle lettre de change.

Charge, se dit aussi du soin qu’on prend des affaires d’un Etat, d’une maison, en vertu d’une commission particulière. Ce Ministre prend sur lui toute la charge, tout le faix des affaires du Royaume. Cet Intendant, ce Solliciteur, a la charge des affaires & procès de cette famille.

Charges du mariage, sont l’entretien du ménage, la nourriture & l’éducation des enfans qui en proviennent ; pour raison de quoi la dot est donnée au mari, afin qu’il puisse subvenir aux nécessités de sa famille, dont il est le chef.

Charge, en termes de Maréchallerie, est un cataplasme, un appareil ou onguent fait de miel, de graisse, de térebentine, & quelquefois de lie de vin, & autres drogues, qui sert à guérir les foulures, les enflures, ou autres maladies des chevaux, procédentes de quelque travail ou effort violent, lorsqu’on l’applique sur les parties offensées, ou qu’on les en frotte. Cataplasma.

Charge, en termes de Peinture, est une représentation exagérée de quelque personne, que le Peintre fait pour se réjouir, & à laquelle il conserve de la ressemblance en ridicule. Il n’est pas nécessaire que le Peintre ait toujours intention de se divertir pour qu’on puisse dire qu’une chose est chargée. Res aliqua per picturam exaggerata. Ceux qui ont une véritable idée de la correction, de la simplicité régulière, & de l’élégance de la nature, traiteront de superflu ces charges qui altèrent toujours la verité. De Piles. Peu de Peintres ont le génie de bien faire des charges. Ces sortes de charges se font en outrant ce qu’il y a de vrai dans la personne que l’on peint, soit dans l’excès, soit dans le défaut. Ainsi, quand d’un nez un peu plus long que la nature ne le donne au commun des hommes, on en fait un nez excessivement long ; ou que d’un nez un peu plus court qu’il ne devroit être, on en fait un nez tout-à-fait camus, cela s’appelle la charge de celui qu’on a voulu représenter. Il en est de même de toutes les autres parties du corps, dont les excès & les défauts sont outrés par le Peintre.

☞ La prose & la poësie ont leurs charges comme la peinture. Ces charges dans lesquelles la vérité & la ressemblance exactes ne sont altérées que par l’excès du ridicule, ne doivent jamais rendre l’objet méconnoissable. C’est une règle qui ne paroît pas assez scrupuleusement observée dans la plûpart des pièces de Théâtre, où les caractères, dans le comique, sont presque toujours trop chargés.

Charge, en termes de Jardinage, est une bourse ou œil de fleur, oculus, d’où vient qu’on dit que les arbres chargent beaucoup, quand ils ont beaucoup de ces charges, & qu’ils apportent beaucoup de fruit.

Charge à cueillette ou au tonneau. C’est un terme usité sur l’Océan. On dit qu’un vaisseau est chargé à cueillette, lorsque sa charge a été faite de l’amas de diverses marchandises que le maître a reçues de divers particuliers, pour faire le chargement de son vaisseau.

Charge à quintal, c’est un terme de Méditerranée, qui signifie la même chose que charge à cueillette.

Charge à la côte. Vaisseau chargé à la côte. C’est quand il a été forcé par le gros vent à se tenir près de la terre, dont il ne peut s’éloigner quelqu’effort qu’il fassse.

Charges, en termes de Magie noire & de Sortilège, signifie le charme & le sort que les Sorciers mettent en quelque lieu pour y faire leurs prétendus maléfices. Incantamentum, fascinatio. C’est un pot de terre neuf, vernissé, non acheté, ni marchandé, dans lequel ils mettent du sang de mouton, de sa laine, & du poil de plusieurs bêtes, avec quantité d’herbes & de poisons qu’ils brouillent avec plusieurs grimaces & cérémonies superstitieuses & sacrilèges, en proférant plusieurs paroles & invocations des Démons. Ils mettent ce pot dans un lieu secret de la bergerie, ou autre endroit où ils veulent faire quelques maléfices ; & alors ils l’arrosent avec un peu de vinaigre, selon l’effet qu’ils veulent qu’il produise. Ce sort dure certain temps, & ne sauroit être levé que par celui qui l’a mis, ou par quelque supérieur qui causera la mort du premier. L’histoire de cette espèce de sortilége est amplement décrite dans les procès d’un nommé Bras de fer, fameux Sorcier, qui étoit au mois de Mars 1688, dans les prisons du Parlement appelant d’une sentence, par laquelle lui & ses complices furent condamnés à être pendus & brûlés. Dans ce procès il y a des choses si extraordinaires, qu’elles feroient presque croire aux sortiléges.

Charge, (à la) adv. A condition. Eâ lege, eâ conditione. A la charge de reprise. A la charge d’autant, c’est-à-dire, à la charge de faire le réciproque, ou de rendre la pareille.

Charge, se dit proverbialement en ces phrases, il faut prendre le bénéfice avec ses charges ; onera ; pour dire, qu’il faut souffrir les incommodités d’une chose, dont on tire d’ailleurs des avantages. Quem sequentur commoda, debent sequi & incommoda. On dit aussi, qu’une charge est le chausse-pied du mariage ; pour dire, qu’un homme en France trouve plutôt à se marier quand il est revêtu d’une charge.