Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHEMISE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 503-504).
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CHEMISE. s. f. La première pièce d’un habillement, vêtement de linge qu’on met immédiatement sur la peau, & qui prend depuis le cou jusqu’aux genoux. La chemise a un corps & des manches. Indusium, subucula. Celui qui donne la chemise au Roi, est la personne de la plus grande qualité qui se trouve à son lever. On fait des chemises de toile d’Hollande, de coton, de chanvre. Etre en chemise, c’est, n’avoir rien sur soi que sa chemise. Sultan Mourat ayant pris Bagdat par une intelligence secrète avec le Gouverneur, & sa femme s’étant empoisonnée pour ne point survivre à cette trahison, le Sultan, par rareté, fit apporter à Constantinople dans son trésor deux chemises de cette généreuse Dame, qu’il choisit parmi le butin, parce qu’elles étoient tellement enrichies de pierreries, qu’on les prisoit cinquante mille sequins. Du Loir, p. 254. On fait faire amende honorable aux criminels nus en chemise, pour marque d’une plus grande infamie. Si ma chemise savoit mon secret, je la brûlerois, disoit Métellus. Bouh.

Ah ! que j’ai de dépit que la loi n’autorise
A changer de mari comme on fait de chemise !

Mol.
.

Ce mot vient de camisia, que les Latins ont employé en cette signification, & qui se trouve dans la Loi Salique, & dans Victor d’Utique, Liv. I, de la persécution d’Afrique, c’est-à-dire, dès le Ve siècle ; & camisia a &té fait de cama, mot étranger qui signifie un lit, comme il signifie encore en Espagne, parce qu’on se servoit de chemises, quand on se mettoit au lit. Ménage. Camisias vocamus, quòd in his dormiamus in camis, id est, in stratis nostris. Isidore. Καμίσιον est défini de même dans les Gloses des Basiliques. Isidore la décrit ainsi, Orig. L. XIX, ch. 21, une tunique de lin, qui est appliquée au corps, & qui descend jusqu’aux piés. On trouve aussi camisa, dans l’assemblée d’Aix-la-Chapelle, ch. 22, comme les Bollandistes l’ont remarqué, Act. Sanctorum Feb. T. II, p. 618. F.

On a aussi appelé chemises, les aubes des Ecclésiastiques, dont le premier usage étoit pour les Lecteurs servant au Chœur. On trouve le mot de camisia dans S. Jérôme, dans une Epître ad Fabiolam ; & camisium dans Papias, & dans Codin.

Chemises à feu, ou Chemises soufrées, sont des morceaux de toile trempés dans une composition d’huile de pétrole, de canfre, & autres matières combustibles. Lintea sulfurata. On s’en sert sur mer pour mettre le feu à un vaisseau ennemi.

☞ On appelle aussi chemise ardente ou chemise de souffre, une sorte de chemise frottée de souffre qu’on fait vêtir aux criminels condamnés à être brûlés vifs.

On appelle aussi une chemise de maille, un corps de chemise fait de plusieurs mailles ou anneaux de fer, qu’on met sous le pourpoint comme une arme défensive. Lorica hamis confita.

Chemise blanche. Terme de jeu d’ombre. On dit prendre une chemise blanche, lorsqu’on écarte toutes les neuf cartes & qu’on en prend neuf autres. Nova lusoria folia primis depositis assumere ; ou, omnia lusori folia totidem aliis commutare.

On appelle chemise de Chartres, une petite médaille qu’on rapporte de Notre-Dame de Chartres, qui a deux petits aîlerons faits comme les manches d’une chemise.

On dit, qu’un homme n’a pas une chemise à mettre à son dos ; pour dire, qu’il est bien pauvre. On dit, qu’on l’a mis en chemise ; pour dire, qu’on l’a entièrement ruiné.

On dit aussi, qu’on mangera jusqu’à sa chemise à la poursuite d’une affaire ; pour dire, qu’on y dépensera jusqu’au dernier sol de son bien.

On dit, qu’on cacheroit, qu’on voudroit cacher un homme entre sa chair, entre sa peau & sa chemise, pour dire, qu’on emploieroit tous ses soins pour le mettre en sûreté.

On dit proverbialement, la chemise est plus proche que le pourpoint ; ce qui a été pris de Plaute mot pour mot. Tunica proprior pallio est.

On dit aussi, ma peau m’est plus proche que ma chemise, pour dire, qu’on doit préférer ses intérêts à ceux des autres, quelque liaison qu’on ait avec eux. Ac. Fr.

Chemise. Le peuple appela dans les commencemens les Chanoines Réguliers de Latran, les Freres de la Chemise. Frati della Camisia, à cause qu’ils portoient toujours des rochets sur leurs robes. P. Hélyot, T. II, p. 25.

Chemise, en termes de Fauconnerie, se dit du duvet de l’oiseau. Le duvet est la chemise de l’oiseau.

Chemise, se dit d’une feuille de papier blanc dans laquelle on met plusieurs papier qui concernent une même affaire, un même département, ou une même élection. On met ordinairement au dessus de la feuille de papier qui doit servir de chemise, un titre qui marque & qui explique la nature des pièces qu’elle renferme, & qui sert de renseignement pour les trouver lorsqu’on en a besoin.

☞ On appelle aussi, chemise, dans le commerce ; un morceau de toile qui enveloppe immédiatement quelques marchandises. Entre la chemise & la toile d’emballage on met de la paille, du papier, ou autres choses, pour garantir les marchandises.

Chemise, en termes d’Architecture militaire, c’est ce qui soutient le terre-plein d’un rempart, de crainte qu’il ne s’éboule. Il y a des chemises de pierre, ce sont les murailles dont un rempart est revêtu. Propugnaculum muro defensum, munitum. Il y a des chemises de gazon ou de fascines dans les lieux où la pierre est rare. La Fontaine, Devoirs des Offic. d’Artill. ch. X, enseigne la manière de les faire. Elever le rempart & sa chemise. Id. On dit mieux, un ouvrage revêtu.

☞ En Maçonnerie, on appelle encore chemise, certains ouvrages qui couvrent d’autres.