Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHOU

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 558-559).
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CHOU. s. m. Brassica. s. f. Plante potagère commune dans nos jardins, & dont on connoit plusieurs espèces bonnes à manger. Aussi prétend-on que le mot Brassica vient du grec πρασικὴ (prasikê), qui signifie une herbe potagère : nom qu’on lui a donné par excellence, à cause qu’elle tenoit un des premiers rangs parmi les plantes potagères chez les Anciens. Pline nous apprend que Chrysippe, Dieuches, Pythagore & Caton, avoient composé des volumes entiers sur le chou. On peut voit encore dans Caton, De Re Rustica, Ch. 156, 157, & dans Pline lui-même, L. XIX. c. 8 & L. XX. c. 9. Diogene lavant ses choux, cria à Aristippe : Si tu savois manger des choux, tu ne ferois point ta cour aux Grands. Et toi, répondit Aristippe : Si tu savois faire ta cour aux Grands, tu ne t’amuserois point à laver tes choux. Ablanc. On croit que les choux empêchent l’ivresse : & c’est pour cela que les Anciens en mangeoient au commencement de leurs repas. Les Egyptiens faisoient servir des choux à l’entrée de tous leurs festins, afin de ne point s’enivrer. Aussi dit-on que les choux sont ennemis de la vigne.

Ce mot chou paroît s’être formé de caulis, qui signifie la même chose, en changeant le c en ch, comme en bien d’autres, canis, chien, cantus, chant, Cyprus, Chypre, camisia, chemise, &c. Ainsi de caulis, caul, chaul, choul, chou. Mais si l’on en croit que P. Pezron, Καυλος (Kaulos), caulis, vient du Celtique caul.

Chou est le nom générique d’un certain nombre de plantes qui ont leurs fleurs à quatre pétales disposés en croix, & soutenus par un calice composé de quatre feuilles verdâtres & oblongues. Le pistil de ces fleurs devient une silique longue, cylindrique, formée par deux panneaux croisés en gouttière, & appliqués sur les bords d’une cloison qui sépare la silique dans toute sa longueur en deux cellules, dans lesquelles sont renfermées des semences arrondies, assez semblables à celles de la moutarde ; mais elles sont moins âcres. Il faut encore ajouter que presque toutes les espèces de choux ont leurs feuilles grasses & charnues, frisées, & ondées assez souvent, & presque toujours teintes d’une couleur de vert cendré, qu’on nomme vert de mer. Les choux, de quelque nature qu’ils soient, ne se multiplient que de graine, qui est fort ronde, grosse comme des têtes d’épingle ordinaire, ou comme de la poudre à tirer ; elle est rougeâtre, tirant sur le minime brun. La Quint.

Chou commun, est celui qu’on cultive plus ordinairement dans les potagers. Brassica vulgaris, vel sativa. Sa racine est un toupet de fibres chevelues, d’où sort une tige haute d’un pié ordinairement, épaisse plus ou moins suivant son âge, & chargée à son sommet de quelques feuilles arrondies, amples, dentelées sur ses bords, relevées de grosses nervures, qui s’étendent sur toute sa surface postérieure, & portées par des queues épaisses & de deux pouces environ de longueur, sur tout celles des feuilles extérieures. Ses fleurs sont pâles, ou blanchâtres.

On donne à ce chou différens noms, par rapport aux changements qui lui arrivent ; tantôt on le nomme chou vert, à cause que ses feuilles sont vertes ; chou blanc, chou blond, quand elles sont devenues blanchâtres, Brassica alba, vel viridis ; & comme c’est l’espèce qui craint moins le froid, & qu’il est plus tendre après la gelée, on l’appelle vulgairement à Paris chou gelé. Sa semence est bonne pour tous les vers. Ce chou, aussi bien que les suivans, lâche le ventre.

Chou cabus, est une espèce de chou, dont la tige pousse une si grande quantité de feuilles à son sommet, que ne pouvant pas toutes s’étendre à la fois, elles demeurent entassées les unes sur les autre, & forment comme une tête dure, blanche en dedans, & fort bonne à manger ; ses fleurs sont jaunâtres. On le nomme à Paris, & en plusieurs autres endroits chou pommé, ou chou pomme, blanc. Brassica capitata alba. Il dégénere quelquefois, sur tout lorsque le terrain ne lui est pas favorable.

Chou rouge, se dit de deux sortes de choux qui sont teints de couleur de pourpre, & dont l’un est pommé, & se nomme chou pomme rouge, en latin, Brassica capitata rubra. Il ne differe de chou cabus, que par sa couleur. L’autre espèce de chou rouge n’est point pommée, ses feuilles sont grandes, frisées, & relevées de nervures d’un pourpre plus foncé que le reste de la feuille, qui est le plus souvent verdâtre. Il s’éleve plus haut que le pommé rouge ; ses fleurs sont cependant de la même couleur. On nomme ce chou, chou commun rouge, ou chou rouge, en latin, Brassica rubra. On emploie le chou rouge pour les maux de poitrine, pour la toux, & pour les crachemens de sang. On en fait un syrop pour les asthmatiques ; mais on doit le préparer à mesure qu’on en a besoin ; car lorsqu’il est gardé, il sent si mauvais, qu’on ne sauroit s’en servir.

Chou de Savoie, ou Chou de Milan, Brassica Sabauda, capite oblongo non penitus clauso, est une autre espèce qui approche du chou commun ; mais il est plus gros, & ses feuilles sont plus blanches, plus tendres, relevées de nervures plus grosses, ses feuilles sont aussi frisées, ondées, & serrées les unes contre les autres, comme celles de la laitue. Sa fleur est blanche. Ce chou est recherché à cause qu’il est beaucoup plus délicat que les précédens.

Chou blanc, ou Chou frisé, Brassica alba, vel crispa. Il est commun en Savoie, il differe du précédent par ses feuilles, beaucoup plus grandes, plus frisées, ordinairement plus blanchâtres, & par ses fleurs, qui sont jaunes. On le mange sur la soupe comme le chou vert ; il est plus délicat.

Chou fleur, Brassica cauliflora. C. B. Pin. C’est une espèce de chou dont les feuilles extérieures sont assez grandes ; mais celles du milieu, aussi bien que ses tiges, avortent & dégénèrent en des têtes informes toutes grainées, blanches & fermes. On mange ces têtes cuites dans l’eau, & apprêtées avec une sausse blanche, assaisonnée de poivre, de sel & d’un peu de vinaigre. On faisoit venir autrefois sa semence d’Italie ; mais on la recueille en France, depuis qu’on s’est avisé de conserver à la cave, pendant l’hiver, les piés de ces choux qu’on a vû être bons à donner des tiges : on les transplante ensuite au printemps, & ils ne manquent pas de fleurir dans la saison. Ses fleurs sont pâles. Ce chou, aussi bien que la plûpart des autres espèces, dégénère quelque fois. On disoit autrefois chou flory.

On peut ajouter à ces précédens ces deux-ci, qu’on ne voit guère en France.

Chou rave, ou Chou de Siam. Brassica caulorapa, ou Brassica gongylodes. On l’appelle ainsi, à cause que sa tige est terminée par un nœud gros comme une rave, d’où sortent les queues de ses feuilles, qui sont grandes, amples, & semblables aux précédentes. Ses fleurs sont jaunes & petites. On mange ce nœud.

Chou navet. Brassica radice napiformi. Napo Brassica, C. B. Prodr. 54. Il se distingue par sa racine, qui est un gros navet chargé de quelques fibres chevelues. De ce navet part une tige qui porte des feuilles & des fleurs comme le chou ordinaire. Les pauvres gens de bohême mangent sa racine, qu’ils coupent par tranche.

Il y a encore plusieurs autres espèces de choux, ☞ dont on trouvera les noms dans les instituts de M. de Tournefort, & dans nos Jardiniers Légumistes.

Chou Sauvage, ou colsa. Brassica silvestris, sive crambe, Brassica arvensis. C’est une espèce de choux beaucoup plus petits que les précédens, mais plus branchus. Ses feuilles sont bien plus petites, & lavées de pourpre. On tire de sa graine une huile pareille à celle du sénevé.

Les plantes suivantes sont appelées improprement chou ; elles n’en ont du tout point le caractère.

Chou Caraïbe. C’est une espèce de pié de veau d’Amérique.

Chou Marin, est le nom d’une espèce de liseron purgatif, & qui croît au bord de la mer. Brassica marina, sive soldanella. Voyez Liseron.

Chou Marin d’Angleterre. Plante dont les feuilles ressemblent à celles du chou noir, mais plus belles & plus charnues, frangées & plissées par ondes, & d’un assez bon goût. Il s’éleve d’entre ses feuilles des tiges qui soûtiennent en leurs sommités des ombelles en beaux bouquets de fleurs à quatres fleurs blanches ou pâles, disposees en croix. Il leur succède des fruits ou coques ovales, d’une matière spongieuse, renfermant une semence ordinairement oblongue. Celle qui se trouve aux lieux maritimes en Angleterre, est vulnéraire. Ses feuilles & sa semence sont propres pour faire mourir les vers, pour déterger & consolider les plaies, prises intérieurement & extérieurement.

Chou de Chien, espèce de Mercurielle qui croît dans les montagnes, & qui est vivace. Voyez Mercurielle.

On appelle chou de Palmiste, la moëlle qui vient au sommet du palmiste franc qui croît aux Îles Antilles. Cette moëlle est blanche, tendre, savoureuse & couverte de feuilles. Elle s’appelle chou de palmiste, à cause qu’on en met au potage au lieu de choux & d’autres herbes.

Chou poivre, est une espèce de chou qui croît dans les Îles de l’Amérique, & qui ressemble fort au chou Karaïbe.

Chou. Ornement de tête des femmes. Il faisoit partie de la coëffure, que l’on nommoit commode.

On appelle un lapin domestique nourri dans le grenier, ou dans la bassecour, un mangeur de choux. On appelle pomme de chou, la plus méchante des pommes qui se mangent, & qui sent le goût de chou.

Un Italien s’est fait du chou, qu’il portoit dans ses armes, & de ce mot, ubique vigeo, une devise heureuse ; car comme dit Ruellius, en parlant du chou, nullam terram aversatur. Il vient par tout.

On dit proverbialement d’une personne reléguée à la campagne, ou qui est obligée d’y demeurer, qu’on l’a envoyée planter des choux. On dit aussi, ce n’est pas le tout que des choux, il faut encore de la graisse ; pour dire, qu’on n’a qu’une partie des choses nécessaires pour venir à bout de quelque entreprise. On dit aussi, qu’un homme fait ses choux gras de quelque chose, lorsqu’il fait bien ses affaires, qu’il fait de grands profits en quelque chose.

Mais moi défunt, je suis à vous sans faute ;
Prenez mes vers, faites-en vos choux gras ;
Force sera de souffrir ce martyre,
Parce qu’alors ne pourrai plus vous dire, &c.

P. Du Cerc.

On dit, qu’un homme veut sauver la chèvre & les choux ; pour dire, qu’il veut remédier à tous les inconvéniens qui se trouvent dans une affaire. On dit aussi de celui qui dispose du bien d’autrui comme s’il étoit à lui, qu’il en fait comme des choux de son jardin. On dit à celui à qui on donne la libre disposition de quelque chose, qu’il en fasse des choux, des raves, des pâtés. On dit aussi, qu’Aubervillers vaut bien Paris chou pour chou ; pour dire, qu’il croît plus de choux à Aubervillers qu’à Paris. Chou pour chou ; pour dire, l’un vaut l’autre. On dit encore, lorsqu’on veut marquer une grande différence de prix entre deux choses, qu’il y a chou & chou. On dit aussi d’une personne qui prise plus qu’il ne faut ses bonnes qualités, qu’elle fait bien valoir ses choux. On dit, que la gelée n’est bonne que pour les choux. On dit encore d’une chose qu’on veut mépriser beaucoup, qu’elle ne vaut pas un tronc de chou, un trognon de chou ; d’autres disent un trou de chou. On dit aussi, qu’un homme va tout à travers les choux ; pour dire, qu’il agit en étourdi & imprudemment dans les affaires qu’il entreprend. On dit d’un envieux, qu’il est comme le chien du Jardinier, qui ne mange point de choux, & qui ne veut pas qu’un autre en mange ; d’un homme dont la naissance est inconnue, qu’il a été trouvé sous un chou ; d’une personne qui n’est pas propre à quelque chose. Il est propre à cela, comme à ramer des choux ; il s’y entend comme à ramer des choux ; parce qu’on ne rame point les choux, mais les pois. Tout cela est bas.

Vienne qui plante, sont des choux ; pour dire, que tout ce qui peut arriver d’une affaire, est indifferent. On le dit aussi lorsqu’on risque quelque chose au hazard.

Chou est aussi une espèce de pâtisserie fort légere & fort enflée, faite avec des œufs, du beurre & de l’eau rose. Placentæ genus leve ac tumidum. Elle est semée par dessus de nompareille de dragées. On les appelle aussi, par antiphrase, des casse-museaux. On se sert de petits choux aux Rois, au lieu de gâteaux. Aux étrennes on envoie de gros choux de pâtisserie.

Chou est aussi le nom d’un coquillage de mer. Brassica marina. Un chou bien tacheté de pourpre. Gersaint. Un grand chou très-frisé. Id. Un chou des plus coloriés. Id.

Chou, chou-là. Terme de Chasseur, pour exciter son chien à quêter. Chou-pille, autre terme pour exciter le chien à se jeter sur le gibier. Chou-pille est aussi le nom du chien qui n’est bon que pour quêter sous le fusil.

CHOUX. (Val des) Nom d’un lieu situé dans le Diocèse de Langres, à deux lieues de Louvigny. Vallis Caulium.

L’Ordre du Val des Choux, est un Ordre Religieux établi en l’an 1193, par un frere convers Chartreux, nommé Viard, de la Chartreuse de Louvigny, qui se sentant appelé à une vie plus austère & plus éloignées des soins temporels que ne permettoit son état de convers, se retira, avec la permission de ses Supérieurs, dans un bois à deux lieues de Louvigny. Le Duc de Bourgogne, en memoire d’une victoire qu’il remporta, lui bâtit un Monastère, qui prit le nom de ce lieu, qu’on nommoit le Val des Choux. Il eut des disciples, auxquels il donna des constitutions semblables à celles des Chartreux, qui furent approuvées depuis par Honorius III. Ils prirent l’habit, mais non pas l’Institut de Cîteaux, comme l’écrit le Cardinal Jacques de Vitry. Chopin, dans son traité des droits des Religieux, dit qu’il y avoit 30 Prieurés qui dépendoient de celui du Val des Choux. P. Hélyot. Tom. VI, c. 22.