Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIVIL

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 616-617).
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CIVIL, ILE. adj. ce qui regarde la police, le bien public, le repos des Citoyens. Civilis. Il faut punir séverement tous les crimes qui blessent la société civile. Les guerres civiles sont les plus cruelles, & les plus dangereuses de toutes. Il n’est pas nécessaire de se détacher de la vie civile, ni de rompre tout commerce avec les hommes, pour s’unir à Dieu. S. Evr. Un mineur est incapable des moindres actes de la vie civile. C. B.

Civile se dit aussi, en parlant des états produits par le fait des hommes ; état civil, société civile, gouvernement civil. De tous les états produits par le fait des hommes, il n’y en a point de plus considérable que l’état civil ou celui de la société civile & du gouvernement. Le caractère essentiel de cette société, qui la distingue de la simple société de nature ; (Voyez Société.) c’est la subordination à une autorité souveraine qui prend la place de l’égalité & de l’indépendance.

☞ Originairement le genre humain n’étoit distingué qu’en famille & non en peuples. Ces familles vivoient sous le gouvernement paternel de celui qui en étoit le chef, comme le pere ou l’ayeul. Mais ensuite étant venues à s’accroître, & à s’unir pour leur défense commune, elles composèrent un corps de nation, gouverné par la volonté de celui, ou de ceux à qui l’on remettoit l’autorité. De-là vient ce qu’on appelle le gouvernement civil, & la distinction de Souverain & de sujets. Voyez cet mots, & Loi naturelle.

☞ Ainsi pour se faire une juste idée de la société civile, il faut dire que c’est la société naturelle elle-même, modifiée de telle sorte, qu’il y a un Souverain qui y commande, & de la volonté duquel tout ce qui peut intéresser le bonheur de la société dépend en dernier ressort, afin que sous sa protection & par ses soins, les hommes puissent se procurer d’une manière plus sûre le bonheur auquel ils aspirent naturellement. Voyez Souverain, fondemens de la Souveraineté.

☞ L’Etat civil & la propriété des biens ont donné lieu à plusieurs autres établissemens qui font la beauté & l’ornement de la société, & d’où résultent tout autant d’états accessoires : comme sont les différentes charges de ceux qui ont quelque part au gouvernement, des Magistrats, des Juges, des Officiers des Princes, des Ministres de la religion, des Docteurs, &c. à quoi l’on doit ajouter tous les arts, les métiers, l’agriculture, la navigation, le commerce avec toutes leurs dépendances : ce qui forme tout autant d’états particuliers, par où la vie humaine est si avantageusement diversifiée.

Le mot de civil s’applique particulièrement aux Loix Romaines qu’on a reçues en plusieurs endroits de l’Europe ; & est opposé au Droit Canon, & au Droit municipal & coutumier. Jus civile. Tribonien a fait une Compilation du Droit Civil par l’ordre de Justinien, composé du Digeste, du Code & des Institutes : & c’est ce qu’on appelle le Corps du Droit Civil. La Gascogne, le Languedoc, le Lyonnois, se régissent par le Droit Civil, qu’on nomme autrement le Droit écrit. A Paris on ne reçoit pas le Droit Civil comme une décision, mais comme une raison. On y a rétabli depuis peu les Ecoles du Droit Civil & du Droit Canon. Docteur, Licencié en Droit Civil & Canon. Cujas a été un célèbre Professeur du Droit Civil.

Civil, en termes de Palais, est la procédure ordinaire qu’on fait dans les procès pour le commerce & pour l’intérêt pécuniaire, & est opposé à criminel. Dans ce sens on dit, Lieutenant Civil, Ordinaria cognitionis judex ; & Lieutenant Criminel, Capitalium rerum Prætor ; un Juge Civil, Judex ordinarius ; & Criminel, Judex rerum criminalium, capitalium. La Chambre Civile du Châtelet. Un Greffe Civil. Ordinariæ causæ tribunal, tabularium. Une partie civile, est celle qui poursuit un procès criminel pour son intérêt particulier. Adversarius civile jus persequens. Des conclusions civiles sont des écritures qu’on fait pour demander des intérêts civils, des dédommagemens pour la partie offensée.

On appelle Interêts civils, le dédommagement dû à quelqu’un sur le bien d’un criminel, à cause du tort qu’il a souffert par le crime commis. Acad. Fr.

Requête civile, est une voie de Droit, par laquelle on se pourvoit contre les Arrêts des Cours Souveraines, ou contre les Sentences rendues par les Présidiaux au premier chef de l’Edit. Libellus supplex ad impetrandam judicatæ litis novam disceptationem. Elle diffère de la proposition d’erreur, en ce que par la requête civile on se plaint seulement du fait de la partie civile, & des suppositions ou des surprises faites aux Juges : au lieu que par la proposition d’erreur on accuse le fait des Juges, qui se sont trompés eux-mêmes. C’est pourquoi celle-ci n’est plus en usage. La requête civile s’obtient par Lettres de Chancellerie sur une consultation de deux anciens Avocats. Les ampliations de requête civile, ou les ouvertures de requête civile, sont le dol personnel, contrariété de jugemens, procédures mal observées, pièces fausses qui ont servi de fondement à l’arrêt, pièces nouvellement recouvrées, retenues par le dol de la partie, & autres cas mentionnés en l’article 34 du titre 35 de l’Ordonnance de 1667. On ne reçoit plus les requêtes civiles, s’il n’y a ouverture en la forme, quand il y auroit de l’erreur au fond, & sans consigner une amende de 450 livres.

On appelle mort civile, ce qui emporte un retranchement de la société civile, comme une condamnation aux galères perpétuelles, à un bannissement perpétuel, ou une condamnation à mort par contumace, qui font qu’on ne regarde plus un homme comme citoyen. Mors civilis. On le dit aussi de ceux qui n’ont plus la faculté d’agir en des affaires temporelles, comme ceux qui ont renoncé au monde, qui ont fait des vœux dans les Monastères ; ce qui est sujet à exception.

Guerre civile. On appelle ainsi la guerre que se font entr’eux les peuples d’un même Etat, ou les Citoyens d’une même ville. Bellum civile. Les guerre civiles sont toujours plus cruelles que les guerres étrangères.

Civil, se dit aussi de la manière d’agir & de converser avec les autres hommes dans la société, & se dit de celui qui par des manières honnêtes fait rendre des honneurs convenables à ceux qu’il rencontre. Nous sommes honnêtes, dit M. l’Abbé Girard par l’observation des bienséances & des usages reçus dans la société. Nous sommes civils par les honneurs que nous rendons à ceux qui se trouvent à notre rencontre. Nous sommes polis par les façons flatteuses que nous avons dans la conversation & dans la conduite pour les personnes avec qui nous vivons. Nous sommes gracieux par des airs prevenans pour ceux qui s’adressent à nous ; les manières civiles sont un témoignage de respect. souvent dans l’usage on étend la signification de ce mot. Voyez Civilité M. de S. Evr. a employé ce mot substantivement. Un civil par excès est plus fâcheux qu’un incivil. S. Evr.