Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CLÉMENCE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 633).
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☞ CLÉMENCE. s. f. Vertu qui porte à pardonner les offenses, & à modérer les peines. C’est proprement un Acte par lequel le Souverain relâche à propos de la rigueur du droit. Clementia. C’est, dit M. de Montesquieu, la qualité distinctive des Monarques. Dans les Monarchies où l’on est gouverné par l’honneur qui souvent exige ce que la Loi défend, elle est plus nécessaire. La disgrace y est équivalente à la peine. Dans l’Etat despotique où règne la crainte, elle est moins en usage, parce qu’il faut contenir les Grands de l’Etat par des exemples de sévérité. Dans la République où l’on a la vertu pour principe, elle est moins nécessaire. Il y a des Princes en qui la clémence est une bonté fausse & mal entendue, ou quelquefois une ignorance de l’utilité & de la nécessité de la Justice. M. Esp.

La clémence des Princes n’est souvent qu’une politique pour gagner l’affection des peuples. Rochef. Les Souverains ne doivent user de clémence, que quand elle ne peut plus passer pour un effet d’impuissance & de crainte. Bizot. Le Card. de Richelieu établit la sûreté de sa fortune par la rigueur, & n’osa hasarder la clémence. De Langlage. Combien de pécheurs, se représentant Dieu plein de bonté & de miséricorde, persistent dans leurs désordres, & par un affreux abus s’imaginent qu’il sera toujours tems d’avoir recours à sa clémence. Il y a des occasions où la clémence des Rois n’est qu’une ostentation de leur puissance souveraine. M. Esp.

Par tout du nouveau Prince on vantoit la clémence.

Racine.

Bien plus que la valeur, la pitié, la clémence
Des fameux Conquérans assûrent la puissance.
Un vainqueur, dans la gloire encor maître de soi,
À l’Univers entier peut imposer la loi. Danchet.

Clémence, en Mythologie. Les anciens avoient fait une divinité de la Clémence, & Plutarque dit qu’il fut résolu de bâtir un temple à la Clémence de César. Stace, dans le douzième Livre de sa Thébaide, v. 495, & son Scholiaste, disent qu’on ne faisoit point de tableaux ni de statue de cette divinité, & la raison qu’en apporte Stace au même endroit, & Claudien dans le Panégyrique de Stilicon, Liv. II, v. 12, c’est que cette Déesse ne veut habiter que dans les cœurs. Voyez le caractère qu’en fait Claudien à l’endroit cité, & Barthius sur cet endroit, aussi-bien que Demptster, Antiq. Liv. II, c. 2.

Clémence est aussi un nom propre de femme. Clementia. Clémence de Bourges, femme savante en Poësie & en Musique, mourut de douleur, quand elle eut appris que son mari avoit été tué. clémence Isaure, Demoiselle de Toulouse, fonda les Jeux Floraux.

L’Abbaye de Bourbourg en Flandres, fut fondée par le Comte Robert dit le Jérosolymitain, & la Comtesse Clémence sa femme l’an 1102. Clémence de la Sainte Trinité, Religieuse de l’Ordre de Notre Dame de la Merci, est tirée du Monastère de l’Assomption de Séville pour aller à Lore fonder le premier Monastère des Religieuses déchaussées du même Ordre. P. Helyot. La première Abbesse de Remiremont, qui ait eu le titre de Princesse de l’Empire, est Clémence de Wiseler, à laquelle l’an 1307, à la prière de Thibault, Duc de Lorraine, l’Empereur Albert I. en envoya les Lettres d’investiture de ses Droits régaliers. P. Helyot, T. VI, C. 51.