Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPRENDRE

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 755).

COMPRENDRE, v. a. Il se conjugue comme prendre. Contenir ou renfermer en foi. Complecti. L’univers comprend toutes les parties du monde. Le globe de la terre comprend les quatre parties du monde, l’ancien & le nouveau monde. L’Empire Romain comprenoit la plupart des Royaumes d’aujourd’hui. L’Europe comprend plusieurs grands Royaumes. La France, plusieurs provinces ; chaque Province, des Généralités ; chaque Généralité, des Elections ; chaque Election, des Paroisses, des Villes, des Bourgs & des Villages.

☞ On le dit, dans le même sens, des choses morales. La Justice en général comprend toutes les vertus. La Philosophie comprend la Logique, la Morale, la Métaphysique & la Physique. L’Histoire Naturelle comprend le Règne animal, le Règne végétal & le Règne minéral.

Comprendre signifie quelquefois exprimer, faire mention d’une chose à la suite de plusieurs autres. Un tel a été compris dans le rôle des tailles. On a compris dans ces inventaires plusieurs effets qui n’appartenoient pas au défunt. Il a compris dans son bilan toutes ses dettes actives & passives. Tel Prince n’est point compris dans le Traité. Dans ce que je vous abandonne, je ne comprens pas telle & telle chose.

Comprendre, dans le sens figuré, signifie avoir une connoissance exacte d’une chose. Comprehendere, mente, cogitatione, animo complecti. Il y a des questions métaphysiques qu’il est difficile de comprendre. Nous ne saurions comprendre les mystères de la Religion. Nous ne pourrions pas nous porter à croire ce qui est au dessus de notre raison, si la raison même ne nous avoit persuadé qu’il y a des choses que nous faisons bien de croire, quoique nous ne soions pas encore capables de les comprendra Port.-R. En disant que Dieu ne peut faire ce que nous ne pouvons, comprendre, c’est se figurer que notre imagination a autant d’étendue que sa puissance. S. Evr. La plûpart des hommes estiment ce qu’ils ne comprennent pas, & révèrent comme des mystères tout ce qui les passe. Maleb. Il y a beaucoup d’adresse à laisser comprendre certaines choses, sans les dire. Ch. de Mer.

Comprendre, c’est appercevoir la liaison des idées dans un jugement, ou la liaison des proportions dans un raisonnement. C’est se faire des idées conformes à la nature des objets présentés.

☞ Se faire des idées conformes aux objets présentés, dit M. l’Abbé Girard, c’est la signification commune des mots entendre, comprendre, concevoir : mais entendre marque une conformité qui a précisément rapport à la valeur des termes : comprendre en marque une qui répond directement à la nature des choses qu’on explique : & celle qu’exprime le mot de concevoir, regarde plus particulièrement l’ordre & le dessein de ce qu’on se propose. Comprendre paroît mieux convenir en fait de principes, de leçons, de préceptes, de connoissances spéculatives. Ces choses se comprennent. Il est difficile de comprendre ce qui est abstrait. La facilité de comprendre désigne un esprit pénétrant. Tout le monde ne comprend pas ce qui est relevé.

On dit d’un homme qui a une conduite extraordinaire & bizarre, ou qui fait des choses qui portent dans l’esprit quelque sorte d’étonnement, de surprise, qu’on ne le comprend pas. Acad. Fran.

Mais en vain à l’esprit croit-il se faire entendre,
Si, sans être savant, je ne puis le comprendre. Vill.

Comprendre, en Théologie, a une signification particulière ; il veut dire, connoître une chose autant qu’on peut la connoître : c’est en ce sens qu’il se prend lorsque les Théologiens demandent si les bienheureux qui voient Dieu clairement dans le Ciel, le comprennent. Comprehendere ; les Théologiens disent rem aliquam totam & totaliter cognoscere. En ce sens-là les bienheureux ne comprennent point Dieu, parce que la connoissance qu’ils ont de Dieu seroit infinie, ce qui est impossible. ☞ Ils connoissent de cet Etre infini tout ce qu’en peut connoître une créature finie.

COMPRIS, ISE. part. Il a les significations de son verbe, en latin comme en françois.

Y compris, non compris. Espèce de formule dont on sert, pour dire, en y comprenant, sans y comprendre. Il a dix mille livres de revenu, y compris les profits de sa charge, non compris la maison où il loge. Acad. Fr.