Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPTER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 759-760).
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COMPTER, v. a. Faire le dénombrement de plusieurs choses, ou quantités séparées de même nature. Numerare, dinumerare, annumerare. Les voix se pèsent & ne se comptent pas. Une grande ame ne doit point compter ses bienfaits. Ch. de Mer.

Ah ! souffrez qu’un Couvent, dans les austérités,
Use les tristes jours que le Ciel m’a comptés. Mol.

Nicod dérive ce mot de computare.

Compter signifie aussi, calculer, supputer par les règles d’Arithmétique, exécuter les différentes opérations d’Arithmétique. Computare, rationem supputare, putare. On compte tous les temps des mouvemens des astres, des éclipses de Soleil & de Lune.

Compter se dit aussi relativement aux arrêtés de payement ou de compte que font entr’eux ceux qui ont eu des affaires ensemble, des sociétés, des charges, des commissions & des manimens. Les Marchands doivent compter tous les six mois, tous les ans, avec leurs chalands, pour empêcher les fins de non-recevoir : les Receveurs sont amendables, quand ils ne comptent point à la Chambre dans les délais de l’Ordonnance. Dans cette acception il s’emploie absolument. On dit en ce sens, quand on compte sans son hôte, on compte deux fois ; pour dire, que quand on fait un compte à son avantage, & en l’absence de la partie intéressée, on est sujet de se tromper.

On dit compter par un bref-état, quand on compte sur des mémoires, bordereaux, ou états du Roi sommairement. Compter en forme, lorsqu’on présente un compte libellé, & qu’on l’examine avec un légitime contradicteur. Compter de Clerc à Maître, se dit dans les traités & recouvremens qu’on ne peut pas faire à fort fait, où le Receveur n’est responsable que de ce qu’il a reçu. On dit aussi, on lui a compté cela, on lui en a tenu compte, on lui a alloué cet article.

Compter signifie quelquefois, payer. Numerare. On a renvoyé un tel Officier supprimé au Trésor Royal où on lui comptera le prix de la charge. On dit aussi en ce sens d’un méchant payeur, c’est un homme qui ne veut ni compter, ni payer.

Compter signifie aussi la manière de faire un compte. Computare, numerare, supputare. Dans les affaires de succession on compte tantôt par souches, tantôt par têtes. ☞ Dans les hôtelleries & dans les lieux où l’on donne à manger, on dit compter par tête, compter par pièce ; pour dire, compter la dépense selon le nombre des personnes qui ont mangé, ou selon le nombre des pièces qui ont été servies.

Compter, construit avec pour, signifie quelquefois, estimer, réputer. C’est un homme qu’il faut compter pour mort, compter pour rien, qui n’est capable de faire ni bien ni mal. Pour combien comptez-vous les travaux qu’il a soufferts en ce voyage ? On doit compter pour rien tout ce qui ne contribue pas à rendre la vie agréable. Ch. de Mer. Vous devriez compter pour quelque chose la violence que je me fais. Pasc. Ceux qui se donnent la mort, ne la comptent pas pour si peu de chose. Rochef.

Quoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie,
Pour quelque chose, Esther, comptez-vous votre vie ? Racine.

Je jouis d’une paix profonde ;
Et pour m’assurer le seul bien
Que l’on doit estimer au monde,
Tout ce que je n’ai pas, je le compte pour rien.

L’Ab. Regn. des Mar.

Je les compte pour chose vaine ;
Et compte enfin pour un malheur
Tout ce qu’on acquiert avec peine,
Qu’on possède en tremblant, qu’on perd avec douleur. Ibid.

Compter, se proposer ; je compte partir demain.

Compter, construit avec sur, signifie s’assurer ; faire fond sur quelqu’un, ou sur quelque chose. Alicui confidere, in aliquo multum ponere. Vous pouvez compter sur moi ; pour dire, vous assurer que je vous servirai en toutes occasions. Je comptois là dessus ; pour dire, je m’attendois à cela. On ne peut compter sur l’amitié des Tyrans. Ils comptoient beaucoup, & faisoient un grand fond sur le courage & la fidélité de Théodore. Jouissez du temps présent, sans compter sur l’avenir. Un jeune Avocat qui veut briller, compte plus sur un passage de Sénèque, que sur une bonne raison. P. Rap.

On dit, compter les morceaux à quelqu’un ; pour dire, lui reprocher la nourriture qu’on lui donne. Impensum alicui victum exprobare, impensum victum commemorare.

Compter se dit aussi des distances des temps & des lieux, & des différentes manières de les distinguer. Dinumerare, recensere, numerare. On compte 1800 lieues d’ici à Surate. On compte en France par lieues, en Italie par milles, en Grèce par stades, en Orient par journées, aux Indes par cos. En Chronologie on compte par Olympiades, Lustres, Indictions. On compte tant de Dynasties & tant de Rois en une telle Monarchie. On dit aussi qu’un homme compte toutes les heures, tous les momens ; pour dire, qu’il s’ennuie fort, qu’il a grande impatience que quelque chose arrive : qu’il compte ses pas ; pour dire, qu’il marche fort lentement ; & au figuré, qu’il fait les choses avec beaucoup de circonspection. On dit, tout compté, tout rabatu ; pour dire, après avoir compensé les avantages & les inconvéniens de quelque chose. Omnibus expensis.

Compter se trouve, sur-tout en Poësie, pour répéter. Repetere, numerare.

Compter se dit figurément de la conduite qu’on tient les uns à l’égard des autres, & à l’égard de Dieu. Gerere se erga aliquem. Je ne compte point avec Dieu, avec mes amis. Non ita me gero erga Deum. Non ita cum Deo discepto. Des ames dévouées à Dieu doivent-elles donc compter si exactement avec Dieu ? Bourdal. Exh. T. I, p. 212.

COMPTÉ, ÉE. part. Numeratus. Le chapitre de reprise des comptes est composé des deniers comptés, & non reçus. L’Evangile dit que nos cheveux sont comptés, qu’il n’en tombe pas un que par l’ordre de la Providence. On dit, brebis comptées, le loup les mange. Peine de vilain n’est de rien comptée. On dit aussi, tout compté, tout rabatu ; pour dire, toute déduction faite.