Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONCORDAT

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 773-774).
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CONCORDAT. s. m. Convention qui se fait en matière bénéficiale sur quelque résignation ou permutation, & généralement sur toutes les matières Ecclésiastiques, contentieuses ou obligatoires. Pactum, pactio, conventum. ☞ Ces Conventions à l’amiable, en matière bénéficiale, sont permises, pourvu qu’elles soient gratuites.

Il y a une espèce de conduite de Concordat, ou convention, que les Abbés Commandataires, & les Moines, font entr’eux pour la partition des biens. Ces Concordats se rompent facilement, s’ils ne sont homologués en Cour de Rome, & dans les Cours supérieures du Royaume. Leurs successeurs y peuvent déroger, parce qu’un Abbé n’a pas le pouvoir de lier la volonté de son successeur ; & aujourd’hui même ces sortes de Concordats se rompent facilement, quoiqu’ils aient été homologués. Le Concile de Trente, Sess. 6, de Ref. c. 4, parlant des concordats qui ont été faits sous l’autorité & l’approbation des Papes, les appelle concordias quæ tantùm suos obligent autores, non successores. De même la Congrégation des Cardinaux, qui a expliqué ce Décret du Concile, déclare qu’un Concordat ne peut être réel, & passer aux Successeurs, si le Pape, après en avoir été pleinement informé, n’y donne son consentement, ce qui est conforme à la décision d’Alexandre III, qui dit, tit. de Transact. c. 8, que toute transaction touchant ce qui regarde l’Église, n’oblige point les successeurs, si le consentement du successeur n’y intervient. Cela est aussi confirmé par la Note de Charles du Moulin ; & on lit dans la Glose sur ce chapitre, que, quand même la transaction seroit réelle dans l’intention de ceux qui transigent, elle ne laisseroit pas d’être personnelle à leur égard. La raison est que les transactions, lorsqu’elles sont réelles & perpétuelles, sont des aliénations qui ne peuvent être valables, si elles ne sont confirmées par les Supérieurs.

Tous Concordats, transactions ou pactions, en matières bénéficiales, doivent être homologués en Cour de Rome, parce qu’il peut y avoir une espèce de simonie, n’étant point permis aux particuliers à disposer de leurs Bénéfices avec de certaines rétentions, ou promesses. Le Pape n’a aucun pouvoir en France sur le temporel des Bénéfices, mais seulement sur le spirituel, pour lequel on a recours à lui, comme au Supérieur, afin d’autoriser les Concordats ou transactions que les particuliers font entre eux. Il y a même des cas où les Abbés peuvent rompre les Concordats de leurs prédécesseurs, quoiqu’ils aient été homologués en Cour de Rome : ce qui arrive quand ils voient qu’ils ont été lésés notablement. Nous avons en France plusieurs exemples de cet usage ; il y a raison de le faire, parce que les Abbés peuvent s’accommoder secrètement avec les Moines. Alors les Abbés sont en droit de rompre les Concordats, faits par leurs prédécesseurs.

Concordat se dit absolument en France, du Traité qui a été fait en 1516 à Bologne, entre le Pape Léon X & le Roi François I, qui sert de règlement pour les nominations aux Bénéfices, & qui est observé maintenant en sa plus grand e partie. Pacta inter Summum Pontificem & Galliarum Reges transacta. Concordata, orum. Il tient lieu de la Pragmatique Sanction. Le Concordat abolit la liberté des élections qui appartenoit au Clergé, sans la participation du Pape, ni du Roi ; il porte, entr’autres choses, que le Roi nommera dans les six mois à tous les Evêchés ou Archevêchés vacans, à toutes les Abbayes, & à tous les Prieurés conventuels, une personne âgée de vingt-sept ans, pour en être pourvue indispensablement par le Pape. Ainsi, dans ce partage entre le Pape & le Roi, la nomination appartient au Roi, & la provision au Pape, qui s’est réservé le droit d’expédier les Bulles. Le Parlement de Paris ne consentit à vérifier le Concordat, qu’après les ordres réïtérés du Roi : persévérant cependant dans la résolution de juger conformément à la Pragmatique Sanction. C’est pourquoi François I attribua la connoissance des Bénéfices Consistoriaux au Grand Conseil, par une Déclaration de 1517. Rebuffe a fait de grands Commentaires sur le Concordat. Génébrard & M. Dupuys en ont fait un Traité. Divers Auteurs ont écrit fortement contre le Concordat, & contre le Chancelier Duprat, qui l’avoit conclu, comme ayant ruiné la discipline Apostolique, & soumis l’Eglise de France, à une déplorable servitude, parce qu’il avoit aboli les élections Canoniques. On a même long temps fait des prières publiques pour demander à Dieu l’abolition du Concordat, & le rétablissement des élections. L’Assemblée du Clergé en fit de graves remontrances en 1519 à Henri IV, qui répondit simplement, qu’il n’étoit pas l’Auteur de cet abus. Port. R. D’autres ont soûtenu que le Concordat qui donne la nomination au Roi, apporte moins d’inconvéniens que la brigue des élections Voyez Brantôme là-dessus, Tom. I.

Comme le Concordat fut fait pour abolir la Pragmatique Sanction, & pour en prendre la place, le Roi ne nomme point en vertu du Concordat, aux Evêchés qui sont dans les pays qui n’étoient pas soumis à la domination françoise, lorsque la Pragmatique Sanction fut faite, comme les Evêchés de Provence & de Bretagne, ceux des nouvelles conquêtes, comme Perpignan, Bellay, Besançon, Strasbourg, Metz, Toul, Verdun, Arras, Cambrai, Saint-Omer, Tournai, Ypres ; ceux qui sont érigés depuis la Pragmatique Sanction, dans les pays où elle n’étoit point en usage, comme Québec : le Roi nomme à tous ces Evêchés, en vertu de quelques Indults généraux ou particuliers obtenus par lui ou par ses prédécesseurs.

Il y a aussi le Concordat Germanique, fait entre le Pape Nicolas V, & l’Empereur Frédéric III, & les Princes d’Allemagne, le 16 Mars 1448 qui regarde aussi les matières bénéficiales. Par ce Concordat, 1o le Pape se réserve la collation des bénéfices séculiers & réguliers, vacans en Cour de Rome, ou dans l’étendue de deux journées de la ville de Rome sans excepter les Bénéfices, où l’on étoit accoutumé de pourvoir par élection. 2o. Le Pape se réserve la confirmation à l’égard des Eglises Métropolitaines & Cathédrales, qui ont droit d’élection. 3o. A l’égard des Bénéfices collatifs, le Pape en retient la collation, alternativement avec les Collateurs ordinaires pendant six mois de l’année ; c’est-à-dire, qu’il confère les Bénéfices vacans pendant le mois de Janvier, & le Collateur ordinaire pendant le mois de Février, &c. 4o. Le Pape règle les annates par les Bulles. Maximilien I ordonna en 1618 que le Concordat Germanique fût reçû à Liége. On appelle aussi Concordats tous les Traités qui ont été faits avec les Papes, & non pas ceux qui se sont faits entre des Princes séculiers.

☞ Il y a encore d’autres concordats, qui sont tous un accord fait avec le Pape & un Souverain, pour la nomination des principaux Bénéfices de ses États.

☞ On donne aussi le nom de Concordat, dans les Troupes Françoises, à certains arrangemens clandestins entre un Officier qui veut quitter le Service, & celui qui doit le remplacer, moyennant une certaine somme qui lui est payée, partie par celui qui doit prendre sa place, partie par les Officiers qui montent par sa retraite. Le Roi a proscrit ces sortes de concordats, sous la même peine que la vénalité des emplois.