Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONNÉTABLE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 812-813).
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CONNÉTABLE. s. m. Officier de la Couronne, qui étoit au-dessus des Maréchaux de France, & le premier Officier des armées : il ne subsiste plus ni en France ni en Angleterre. Comes stabuli, rei bellicæ summus in Gallia Præfectus, Connestabilis, Constabularius, Comestabulus. Avant Hugues Capet, lorsqu’il y avoit en France un Maire du Palais, le Connétable étoit ce qu’est aujourd’hui le Grand Ecuyer ; mais après que la charge de Maire du Palais fut abolie, le Connétable devint le chef principal de toutes les armées sous l’autorité du Roi. Ce mot est féminin, lorsqu’on parle de la femme d’un Connétable. Madame la Connétable. Comitis stabuli conjux. On a appelé quelquefois Connétables, des Chefs, Capitaines & Gouverneurs d’une ville, d’une frontière, ou d’une place forte, comme le Connétable de S. Malo. Alain Chartier fait mention d’un Connétable de la ville de Bourdeaux sous Charles VII.

L’origine de ce mot vient de Comes stabuli, parce qu’autrefois cette charge a été exercée par le grand Ecuyer de France qui n’avoit que l’intendance des Ecuyers du Roi. On l’établit ensuite Chef de toute la Gendarmerie : & c’est une dignité qui est venue des Gots. Le premier Connétable qu’on trouve avoir commandé les armées, est un Comte de Vermandois, sous Louis le Gros. Mais depuis cette charge s’accrut beaucoup en autorité, & en pouvoir. A la vérité le Connétable a toujours été l’un des cinq grands Officiers de la Couronne, & l’on remarque même qu’il signoit toutes les Lettres patentes qui s’expédioient ; mais il n’étoit pas le premier. Le grand Chambellan & le grand Echanson étoient d’ordinaire avant lui. Cette grandeur commença sous le règne du père de Saint Louis, en la personne de Matthieu de Montmorency, qui fut fait Connétable en 1218. Il porta fort haut les droits & les prérogatives de cette dignité. Elle n’étoit pourtant encore que dans le quatrième rang : & ce ne fut que sous Philippe de Valois que le Connétable devint le premier Officier militaire de la Couronne. L’épée est la marque de cette première charge du Royaume. Le Connétable la recevoit nue de la main du Roi à qui il en faisoit ensuite hommage. Il avoit le droit de commander les armées par préférence à tout autre, sans exception, après le Roi. On crut la dignité de Connétable ensevelie avec le Connétable de Saint Paul, qui fut exécuté à mort en 1475. François I, la fit revivre en faveur de Charles de Bourbon. Elle a été supprimée en 1627, après la mort du Connétable de Lesdiguieres. Tant qu’il y a eu en France un grand Sénéchal, (il y en a eu depuis Pépin juqu’à Philippe Auguste,) le Connétable n’a été que le premier Ecuyer du Roi. Le Gendre.

☞ Depuis la suppression de cette charge, il ne laisse pas d’y avoir au sacre des Rois, un Connétable, c’est-à-dire, un Seigneur qui représente cet Officier de la Couronne.

La juridiction de Connétable subsiste encore, & le siège en est établi à la table de marbre du Palais à Paris sous le nom de Connétablie & Maréchaussée, parce que, quand il y avoit un Connétable, cet Officier & les Maréchaux de France ne faisoient qu’un Corps, dont le Connétable étoit le chef, & rendoit avec eux la Justice.

Du Moulin le dérive de cuneus stabilis ; d’autres de Comes stabilis, mais avec moins de fondement & d’apparence. Gollut, dans ses Mémoires des Bourguignons, L. II, c. 41, tire Connétable de Connincs ou Konincs, qui en celtique signifie Roi & de Staphel, qui veut dire sûreté, garde ; de sorte que de Connincs Staphel se seroit fait Connétable, & qu’il signifie, Garde, ou Assurance du Roi ; mais il n’y a nulle apparence à cette étymologie.

Voyez sur le Connétable ce qu’a recueilli du Tillet, I. P. page 389 & suiv. & Lymnæus, Notita Regni Franc. L. II, 26. Le Gendre, Mœurs des François, p. 208 & suiv. Boutillier en sa Somme rurale, du droit de Connétable & de son Office. Hotoman, De Comestabulo, 6, 14. Franco-Galliæ, &c.

Connétable est aussi le nom qu’on a donné aux chefs des Connétablies, qui étoient des compagnies de gens de guerre, ou à ceux qui commandoient dans une contrée, dans une ville.

M. de Tillemont, Histoire des Emper. T. IV, p. 494, dit ce mot Connétable, d’un Officier des Empereurs Romains, qu’on appeloit en latin Tribunus stabuli, c’est-à-dire, Tribun de l’écurie, & qu’il appelle plus proprement encore grand Ecuyer. Agilon, dit-il, Connétable ou grand Ecuyer de l’Empereur Constance. Anne Comnène, dans l’Histoire de son pere Alexis Comnène, L, XIII, parle de Connétables, qu’elle appelle Κονοσταύλες ; mais ce n’étoit point une charge unique, comme elle étoit en France, comme elle l’est encore dans les endroits où elle subsiste, mais comme nos Maréchaux de France, qui sont plusieurs. La même chose se trouve dans Pachymère.

Connétable, dans l’Artillerie, est un certain Officier qui distribue dans les batteries la poudre, & les boulets aux Canoniers, & tout ce qui est nécessaire pour le service du canon.

☞ En Angleterre, on donne le nom de Connétable à certains Officiers de police, établis pour la conservation de la paix & la révision des armes, & aux Châtelains & Gouverneurs des châteaux. Les premiers ont un bâton de commandement, & dès qu’ils en touchent quelqu’un, il est constitué prisonnier.

Connétable est aussi un titre de dignité qui se donne en d’autres Royaumes à quelques personnes de qualité, dans la maison de qui elle est héréditaire. Ainsi en Espagne il y a un Connétable de Castille, un Connétable de Navarre, &c.