Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONVENANCE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 880-881).

☞ CONVENANCE. s. f. terme relatif aux choses, & qui paroît exprimer le plus ou moins de conformité, les différens rapports qu’elles ont entr’elles. Convenientia. Mais comme ces rapports se multiplient à l’infini, il est bien difficile de donner de ce terme, une notion générale qui soit bien exacte, & applicable à tous les cas.

☞ Il est quelquefois synonime à conformité. Pour bien parler des choses il faut sçavoir les convenances & les différences. Le blanc & le noir n’ont aucune convenance ensemble. Quelle convenance y eut-il, entre l’offrande & celui qui la recevoit ? Godeau.

Convenance exprime souvent des rapports plus éloignés, d’âge, d’état, de fortune, de tempérament, de caractère & d’humeurs, &c. ; comme quand on dit qu’il y a convenance entre deux partis qui se marient. Garder les convenances dans ce cas, c’est consulter ces différens rapports.

Convenance est quelquefois synonime à bienséance, commodité. C’est ainsi qu’on dit qu’un tel a fait une acquisition, un échange de telle terre par raison de convenance. Souvent aussi il exprime les égards qu’on a pour les opinions reçues ; il n’y auroit pas de convenance à en user de la sorte.

☞ On appelle, en morale, raisons de convenance, celles qui sont plausibles & probables, & qui ne sont point démonstratives.

☞ On appelle proprement raison de convenance, une raison tirée de la nécessité d’admettre une chose comme certaine pour la perfection d’un systême, d’ailleurs solide, utile & bien lié ; mais qui sans ce point là se trouveroit défectueux : quoiqu’il n’y ait aucune raison de supposer qu’il pêche par quelque défaut essentiel. Par exemple, un grand & magnifique palais se présente à notre vue : nous y remarquons une symétrie & une proportion admirable : toutes les règles de l’art qui font la solidité, la commodité & la beauté d’un édifice, y sont observées : en un mot, tout ce que nous voyons du bâtiment indique un habile Architecte. Ne supposera-t’on pas avec raison, que les fondemens que nous ne voyons point, sont également solides & proportionnés à la masse qu’ils portent ? Peut-on croire qu’un habile Architecte se soit oublié dans un point si important. Il faudroit pour cela avoir des preuves d’un tel oubli, ou avoir vu qu’en effet les fondemens manquent, pour présumer une chose si peu vrai-semblable. Qui est-ce qui sur la simple possibilité métaphysique, qu’on ait négligé de poser ces fondemens, voudroit gager que la chose est ainsi ?

☞ Le fondement général de cette manière de raisonner, c’est qu’il ne faut pas regarder seulement ce qui est possible, mais ce qui est probable ; & qu’une vérité peu connue par elle-même, acquiert de la vrai-semblance par sa liaison naturelle avec d’autres vérités plus connues. Ainsi les Physiciens ne doutent pas qu’ils n’ayent trouvé le vrai, quand une hypothèse explique heureusement tous les phéiomènes ; & un événement, quoique peu connu dans l’histoire, ne paroît plus douteux, quand en voit qu’il sert de clé & de base unique à plusieurs autres événemens très-certains.

☞ C’est en grande partie sur ce principe que roule la certitude morale, dont on fait tant d’usage dans la plûpatt des sçiences, aussi bien que dans la conduite de la vie, & dans les choses de la plus grande importance pour les particuliers, pour les familles & pour la société entière.

☞ Ces raisons de convenance sont plus ou moins fortes à proportion de la nécessité plus ou moins grande sur laquelle elles se trouvent établies. Plus les vues & le dessein de l’Auteur nous sont connus, plus nous sommes assurés de la sagesse & de ses autres qualités ; plus ces qualités sont parfaites, plus les inconvéniens qui résultent du systême opposé, sont grands ; plus ils approchent de l’absurde, & plus aussi les conséquences tirées de ces sortes de considérations, deviennent pressantes : car alors, on n’a rien à leur opposer qui les contrebalance ; & par conséquent c’est de ce côté là que la droite raison nous détermine.

☞ On appelle aussi raisons de convenance, des raisons de pure bienséance, des égards pour les opinions reçues. Souvent nous n’allons pas chercher si loin les raisons de convenance, nous les trouvons dans une certaine complaisance pour nous-mêmes, dans nos goûts, dans notre état, dans notre santé, & qui pis est, dans nos intérêts.

☞ On voir par là combien il est difficile de donner une notion exacte & précise de ce qu’on appelle convenance. Elle consiste, disent les Encyclopédistes, dans des considérations tantôt raisonnables, tantôt ridicules, sur lesquelles les hommes sont persuadés que sur ce qui leur manque & qu’ils recherchent, leur rendra plus douce ou moins onéreuse la possession de ce qu’ils ont.

Convenance s’est dit autrefois pour accord. L’action de convenir avec un autre de quelque chose. Compositio, concordia ; concurdiæ reconciliatio. On dit aussi convenance, pour promesse, pacte ; & tenir le convenant ; pour dire, faire la chose que l’on étoit convenu de faire.